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tituante. Mais l'opposition à ces lois nouvelles, compte pour ses apologistes et ses défenseurs, les théologiens les plus éclairés, les docteurs les plus célèbres, la trèsgrande majorité, pour ne pas dire l'universalité des évêques de l'église gallicane, et tous les gens de bien attachés au culte de nos pères et à l'ancienne tradition. Si je refuse de sanctionner la constitution civile du clergé, il s'élève une cruelle persécution; j'augmente le nombre des ennemis du trône et de l'autel; je fournis un prétexte à la révolte; je double les maux de la France. Si j'accorde ma sanction, quel scandale dans l'église! je livre à nos ennemis communs l'héritage du Christ: je punis de leur zèle, de leur fidélité, de leur attachement les ministres du Seigneur qui ont respecté F'Arche sainte; j'écarte le bon pasteur, et j'introduis les loups dans la bergerie. Oh! qui daiguera me guider et m'indiquer le parti que je dois suivre! Très-Saint-Père, c'est en vous scul que j'ai mis mon espoir : Péglise gallicane réclame toute votre sollicitude, et le petit-fils de Saint-Louis, soumis

au légitime successeur de Saint-Pierre, vous demande non-seulenient des conseils, mais des ordres spirituels qu'il s'empressera de faire exécuter. Cependant, si les considé rations humaines pouvoient être de quelque poids; si l'état actuel de la France pouvoit obtenir quelque indulgence; si dans les affaires du ciel on pouvoit consulter celles de la terre, ne conviendroit-il pas que je prisse le parti de temporiser? Le peuple Français, toujours épris des nouveautés, oublie bientôt ce qui fut l'objet de son enthousiasme; l'idole qu'il élève fut souvent renversé le même jour. Le temps, l'expérience, le conseil des hommes sages, le ciel même qui punit la France de nos erreurs communes, de mes propres fautes, et qui peut se laisser fléchir, rameneront ce bon peuple, un instant égaré, au giron de l'église, à ses usages antiques, à ses vrais pasteurs. Mais le temps presse, l'esprit impura soufflé, Très-Saint-Père, soyez l'interprête du ciel. Hâtez-vous de prononcer; soyez l'ange de lumière qui dissipe les ténèbres. J'attends avec impatience votre décision, et cette

bulle que le clergé de France sollicite, quo les évêques réclament, et que vous de→ mande le fils aîné de l'église, toujours fidèle au Saint-Siége.

LOUIS.

OBSERVATIONS

Sur la trente-deuxième lettre.

On ne devoit pas s'attendre que le clergé, qui avoit eu jusqu'alors l'empire le plus absolu, et le plus incontesté sur les esprits et sur les consciences; qui s'étoit habitué, pendant des siècles, à se regarder comme une autorité établie par le ciel, pour régler les intérêts de la terre; et qui, fiers de leur céleste origine, regardoient, du haut de leur grandeur, non seulement, la tourbe du vulgaire, mais même les personnes exaltées, dont la dignité avoit une origine hnmaine, et, par conséquent, bien différente de la leur; on ne devoit donc pas s'attendre que le premier

ørdre de l'Etat, revêtu, ou plutôt dépouillé de cette dignité et de cette pompe, qu'un célèbre orateur, (*) jadis le défenseur de la vérité et de la liberté, et devenu depuis le champion du despotisme et de la superstition, appelle la majesté de l'église, pût se soumettre tranquillement aux outrages et aux spoliations, qu'une philosophie novatrice, appelée la majesté du peuple, avoit osé commettre envers des droits aussi sacrés. Le clergé, hors d'état de s'opposer à ce torrent d'hérésie, qui avoit non-seulement porté l'assemblée nationale à élever une main sacrilége sur ces antiques droits; mais à mettre même en doute la sainteté prétendue de ceux qu'elle accusoit de les avoir usurpés; et à dépouiller l'église, dont ils étoient les directeurs suprêmes, de l'honneur qu'elle avoit fait à l'Etat de s'allier à ses profanes intérêts: le clergé, naturellement ulcéré d'une conduite aussi audacieuse, et aussi profane, avoit secoué, avec indignation, la poussière de ses pieds, et désavoué, par une protestation solennelle, toute liaison avec ces apostats de la religion de leurs pères, ces

M. Burke.

fils de perdition. Mais, quoiqu'ils se fussent battus, avec courage, sur ce terrain hostile; quoiqu'ils l'eussent disputé, pied-à-pied, en valeureux champions; et qu'ils n'eussent été vaincus, comme ils le prétendent, que par le nombre de leurs ennemis, et non par la force de leurs argumens ; ils n'avoient pas négligés, en tacticiens habiles, de chercher des secours étrangers; et de s'assurer même d'une retraite, dans le cas où le sort des armes ne leur seroit pas favorable.

Ces observations n'ont en vue qu'une partie du clergé. On peut diviser, en trois classes, les individus de cet ordre, qui formoit le quart de l'assemblée nationale: les Papistes, aussi zélés pour la puissance temporelle, que pour l'autorité spirituelle de l'église de Rome; les Catholiques, ou ceux qui contestoient l'autorité temporelle, mais qui maintenoient les doctrines de l'église; et les Philosophes, qui rejetoient l'une et l'autre, et que plusieurs accusoient calomnieusement d'athéisme. Le nombre de ces derniers étoit trop petit, dans l'assemblée, pour former une secte ou un parti; et comme ils joignoient occasionnellement les deux autres, selon

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