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complots; il prit la sage résolution d'avoir une explication ouverte et franche avec la nation, de dissiper les appréhensions et les craintes d'un parti, et d'anéantir les sinistres espérances, et les vues secrètes et perfides de l'autre. C'est dans ce dessein que le roi se rendit, le 4 février 1790, dans la salle de l'assemblée nationale, accompagné par M. Necker.

Le discours que Louis XVI prononça, en cette occasion, forme une époque remarquable dans l'histoire de la révolution ; et on l'a toujours cité comme une preuve incontestable de la sincérité de son attachement aux changemens qui avoient été opérés.

Après avoir fait quelques légères observations sur les désordres qui avoient eu lieu, et qui étoient encore sans remède, le roi ajoute: « C'étoit, je dois le dire, d'une manière plus douce et plus tranquille, que j'espérois vous conduire à ce grand but, qui se présente à vos regards, lorsque je formai le dessein de vous rassembler, et de réunir, pour la félicité publique, les lumières et les

volontés des représentans de la nation; mais mon bonheur et ma gloire ne sont pas moins liés aux succès de vos travaux.»

« Je les ai garantis, par une continuelle vigilance, de l'influence funeste que pouvoient avoir, sur eux, les circonstances malheureuses au milieu desquelles vous vous trouviez placés. » Après avoir rappelé quelques-unes de ces circonstances, le roi continue de cette manière : « Je crois le moment arrivé, où il importe à l'intérêt de l'Etat, que je n'associe, d'une manière encore plus expresse et plus manifeste, à l'exécution et à la réussite de tout ce que vous avez concerté pour l'avantage de la France. Je ne puis saisir une plus grande occasion, que celle où vous présentez, à mon acceptation, des décrets destinés à établir, dans le royaume, une organisation nouvelle, qui doit avoir une influence si importante, et si propice sur le bonheur de mes sujets, et sur la prospérité de l'Empire. »

Après avoir fait la récapitulation des différens avantages de cette nouvelle organisation, cette belle division du royaume en départe

que

mens, que M. Burke a cherché à ridiculiser, en la présentant comme une espèce d'échiquier; et d'où dépendoit, « aux yeux du roi,» qui étoit, sans doute, moins instruit à ce sujet, ainsi l'assemblée nationale, que ce fameux homme d'Etat, « le salut de la France; » le roi ajoute: « Le temps réformera ce qui pourra rester de défectueux dans la collection des lois, qui auront été l'ouvrage de cette assemblée; mais toute entreprise, qui tendroit à ébranler les principes de la constitution même; tout concert, qui auroit pour but de les renverser, ou d'en affoiblir l'heureuse influence, ne serviroient qu'à introduire, au milieu de nous, les maux effrayans de la discorde; que par-tout on sache que le monarque et les représentans de la nation sont unis d'un même intérêt, et d'un mêine vou, afin que cette opinion, cette ferme croyance répandent, dans les provinces un esprit de

paix et de bonne volonté. »

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Le roi énumère ensuite les avantages que la révolution avoit conservés à la noblesse et au clergé, et les pertes que ces deux ordres avoient faites; et après avoir dit « qu'il aime

à croire, que tous les Français, indistinctement, reconnoîtront l'avantage de l'entière suppression des différences d'ordre et d'état. >> Il ajoute ces mots remarquables : « J'aurois bien aussi des pertes à compter, si, au milieu des plus grands intérêts de l'Etat, je m'arrêtois à des calculs personnels; mais je trouve une compensation qui me suffit, une compensation pleine et entière, dans l'accroissement du bonheur de la nation; et c'est du fond de mon coeur que j'exprime ici ce sentiment. >>

«Je défendrai donc, je maintiendrai la liberté constitutionnelle, dont le voeu général, d'accord avec le mien, a consacré les principes. Je ferai davantage; et, de concert avec la reine, qui partage tous mes sentimens je préparerai, de bonne heure, l'esprit et le coeur de mon fils, au nouvel ordre de choses que les circonstances ont amené. Je l'habituerai, dès ses premiers ans, à être heureux du bonheur des Français, et à reconnoître, toujours, malgré le langage des flatteurs, qu'une sage constitution le préservera des dangers de l'inexpérience; et qu'une juste liberté ajoute

un nouveau prix aux sentimens d'amour et de fidélité, dont la nation, depuis tant de siècles, donne à ses rois des preuves si touchantes. »

C'est avec ces dispositions, si convenables au Premier Magistrat d'une nation libre et puissante, que le roi adresse la lettre, qui nous occupe, à M. de Malesherbes.

Quelques-uns de ceux qui ont écrit sur la révolution, et qui obtiennent, à ce titre, l'attention d'une certaine classe de lecteurs, moins par la fidélité de leurs récits, ou le brillant de leur éloquence, que par l'intempérance de leur zèle, pour ce qu'ils appellent la mémoire du monarque, ont cherché à prouver, que cette démarche n'étoit qu'un stratagème, de la part du roi; et qu'il étoit légitimé par la situation périlleuse dans laquelle il se trouvoit.

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On peut juger du degré d'estime que ritent ces dignes avocats de la probité du roi, dont quelques-uns prennent encore le titre d'hommes d'état, de ministres du roi, en comparant leur opinion, avec celle que le roi manifeste, non dans ces discours publics, qui font le sujet de la contestation; mais dans

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