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de Versailles, en face de la grande avenue, en attendant la garde nationale de Paris, qui marchoit sur Versailles, sous le commandement de M. de la Fayette.

Les événemens des premiers jours du mois d'octobre de cette année, sont une époque importante de la révolution. Ils ont été le sujet de plusieurs belles harangues, d'un grand nombre d'ouvrages, ainsi que des délibérations de l'assemblée nationale, et de la perplexité des tribunaux auxquels ils furent soumis. Malgré tout le mystère dont on a cherché à les envelopper, il n'y a presque plus de doute qu'ils ne fussent le résultat d'une double conspiration: d'un côté, de la cour qui vouloit se ressaisir du pouvoir qui lui étoit échappé ; et de l'autre, d'un parti qui cachoit ses vues secrètes, sous le masque du patriotisme, poussoit les mécontens à des mesures. violentes, et s'en faisoit ainsi des instrumens pour parvenir à ses fins criminelles. Le feu duc d'Orléans a été plus que soupçonné d'être le chef de ce parti; et quiconque voudra prendre la peine de parcourir les détails qui nous sont restés de ces événemens, VOL. I.

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trouvera assez de raisons pour attribuer, à ce honteux démagogue, les vils motifs qui concoururent à produire celui-ci.

Il semble que le roi redoutoit peu cette conspiration, contre son autorité déjà affoiblie par les changemens que la révolution avoit opérés ; et même contre sa vie. « Quelle que soit l'audace de mes ennemis, ils ne réussiront pas, dit-il. Le Français est incapable d'un régicide. C'est en vain qu'on verse l'or à pleines mains; que le crime et l'ambition s'agitent. >> Avec cette persuasion, il est étonnant qu'il n'ait pas évité, avec plus de soin, de fournir des prétextes de mettre à exécution des desseins aussi criminels. Certainement rien ne pouvoit mieux servir à justifier, du moins en apparence, cette nouvelle insurrection, que les scènes qui se passoient alors dans le palais de Versailles, où l'on cachoit si peu la haine qu'on avoit pour le nouvel ordre de choses, qu'on toléroit publiquement les actes les plus hostiles et les plus insultans pour la nation; et que ceux qui avoient le plus grand intérêt à réprimer ces mouvemens imprudens, faisoient beaucoup plus que de leur donner leur approbation.

Le délai du roi à accorder sa sanction aux décrets de l'assemblée nationale, qui formoient la base de la nouvelle constitution; et la disette, réelle ou prétendue, dans la capitale, furent les prétextes de cette attaque contre la prérogative royale; mais le commandant de Paris, M. de la Fayette, ayant été forcé, par l'autorité civile, de se mettre à la tête de la garde parisienne, qui alloit à Versailles, déjoua, par sa prudence, toutes les vues perfides, et tous les sinistres complots de ceux qui l'avoient projetée. Les deux partis manquèrent leur coup en cette occasion. La cour sentit, de nouveau, toute l'impuissance de ses efforts pour amener une contre-révolution; et ces ennemis, dont le roi parle, s'aperçurent aussi, que les instrumens qu'ils avoient achetés et fait mouvoir, n'étoient pas tout-à-fait disposés à commettre le crime, pour lequel on avoit probablement cherché à les faire insurger.

Quelle qu'ait été la cause de cette insurrection; soit qu'on doive l'attribuer à la conspiration de la cour contre la révolution, ou à la conspiration d'une faction contre la cour, on ne peut que donner les plus grands éloges aux

dispositions et à la conduite du roi, dans des circonstances aussi difficiles. Quoique nous blamions souvent sa foiblesse, il est assez probable que nous le blâmerions moins, s'il étoit possible de connoître les conseils désastreux qu'on lui donnoit. Le comte d'Estaing, à ce qu'il paroît par la réponse du roi, l'av it pressé fortement d'avoir recours à la force, ou de s'éloigner de Versailles. Au procès de la reine, lorsque le Comte fut amené pour déposer contre elle, il fut prouvé qu'il s'étoit fait donner, le 5 octobre, par la municipalité de Versailles, qui étoit alors dans le parti de la cour, un ordre positif d'employer d'abord, avec les Parisiens, tous les moyens de conciliation; et, en cas qu'ils ne réussissent pas, de repousser la force par la force. Le dernier article de ces instructions, donné par écrit, lui ordonnoit de ne rien négliger pour ramener le roi à Versailles, le plutôt possible.

On avoit aussi pressé la reine de se garantir, par la fuite, de la fureur populaire, qui étoit particulièrement portée à son comble, contre elle. La déposition du comte, dans ce fameux procès, devant le tribunal révolution

naire, mérite d'être rappelée. « J'entendis dit le comte, les conseillers de la cour dire à la prisonnière ( c'étoit la reine) que le peuple de Paris venoit pour la massacrer, et qu'il falloit qu'elle s'éloignât sur-le-champ; et elle leur répondit aussitôt, avec beaucoup de dignité»: «Si les Parisiens viennent pour m'assassiner, c'est aux pieds de mon époux qu'ils me trouveront; mais je ne le quitterai jamais. »

Il est vraisemblable que le comte avoit pris ees arrangemens avec la municipalité de Versailles, sans la participation du roi, puisque lorsque le soir du 5 octobre, il les lui présenta, il en reçut le refus formel contenu dans cette lettre. La sagesse du roi forme ici un beau contraste avec la folie de ses conseillers, qui auroient dû s'être ressouvenus de ce qui s'étoit passé, il n'y avoit encore que trois mois; et avoir senti l'inutilité de la résistance de quelques compagnies de soldats, contre une nation armée: et combien peu on devoit compter sur la fidélité de ces troupes, que le roi accusoit d'avoir violé leur serment, et qui avoient encore les mêmes dispositions. Le roi connoissoit trop bien le danger de sa

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