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avoient mérité des priviléges; le roi de France doit les leur conserver. Je ne donnerai point ma sanction à des décrets qui les dépouilleroient; c'est alors que le peuple français pourroit un jour m'accuser d'injustice ou de foiblesse. M. l'archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence; je crois n'y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s'est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon ame. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour conserver mon clergé, ma noblesse. Si la volonté du peuple se prononçoit, j'aurois fait mon devoir; si la force m'obligeoit de sanctionner, alors je céderois. Mais alors il n'y auroit plus en France ni monarchie, ni monarque; et ces deux choses ne peuvent subsister, qu'aux lieux où le clergé forme un ordre auguste et respecté, où la noblesse jouit de quelque considération, et peut se placer entre le peuple et le Roi. Les momens sont difficiles, je le sais, M. l'archevêque; et c'est ici que nous avons besoin des lumières du ciel. Daignez les solliciter, nous serons exaucés. LOUIS.

OBSERVATIONS

Sur la vingtième lettre.

Les événemens du 14 juillet, et des jours suivans, avoient plongé la cour dans la consternation, et précipité la fuite des princes et des chefs qui avoient voulu pousser le roi, à ce qu'il appelle dans la dernière lettre, des coups d'autorité, et des grands actes de pouvoir. Mais, quoique M. Necker eût été rappelé de son exil, et quoiqu'un armement général, dans tout le royaume, eût été la suite du premier mouvement d'insurrection, on n'avoit encore aucune certitude que la révolution, qui étoit commencée, auroit son plein effet. Les mots de loi et de liberté étoient dans toutes les bouches, mais le gouvernement n'avoit encore abandonné aucune de ses prérogatives; et celles des ordres privilégiés étoient encore intactes on craignoit même que l'enthousiasme qu'on avoit excité ne s'affoiblît; et que ceux qui étoient intéressés à la continuation des abus, ne se réunissent à

la cour, qui revenoit déjà de sa stupeur, pour les confirmer encore plus sûrement.

Ces craintes étoient bien fondées, en ce qui concernoit la cour. Accoutumée à ne jamais rien voir au-delà du cercle étroit, dans lequel elle étoit renfermée, il lui étoit impossible de se former une idée de ce qu'on entendoit par liberté, ou par la volonté du peuple. Elle ne pouvoit s'imaginer que ces mots ne fussent pas synonymes avec ceux de révolte et de rebellion.

Il paroît, cependant, qu'une partie consi-, dérable de la noblesse et du clergé, connoissoit bien l'humanité. Ils sentirent que l'époque des grands changemens étoit arrivée ; et peutêtre pensera-t-on, avec nous, que des motifs personnels agirent en même temps sur leurs esprits; puisqu'ils ne devoient pas douter, que si le gouvernement recouvroit son ancienne autorité, ils ne fussent les premières victimes sacrifiées à sa vengeance. Cependant ce seroit ne pas rendre justice à un grand nombre des membres de ces deux ordres

que de supposer qu'ils n'eurent pas d'autres

motifs pour se déterminer à abandonner tous leurs priviléges. L'amour de leur patrie, celui du bien, l'équité, la vertu en décidèrent beaucoup.

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Le 4 d'août, trois semaines après le jour qui sert d'époque à la révolution, le grand sacrifice fut consommé, par la suppression unanime et générale de tous les droits féodaux. Dans cette séance mémorable, le clergé et la noblesse consentirent à payer également tous les impôts; les cours seigneuriales furent abolies; on ordonna que la justice seroit rendue gratuitement dans tout le royaume; et on décréta la suppression totale du droit de chasse. Au milieu d'une foule d'autres suppressions, renonciations et abolitions, on distingue les droits de franc-fief, de main-morte, de cens, de redevances féodales de toute espèce; telles que garennes, colombiers, annates, jurandes, maîtrises, et vente de charges, ou offices quelconques. Aucun ecclésiastique ne put posséder plus d'un bénéfice. Tous les citoyens furent déclarés éligibles à tous les emplois civils et militaires; et la haute noblesse fit hommage à la nation

nation de tous ses titres, et d'une partie de ses pensions. La dernière de ces résolutions, fut celle qui décerna au roi le titre de Restaurateur de la liberté française, et qui ordonna qu'il seroit chanté un Te Deum d'actions de graces, en présence de la cour.

Il restoit encore un objet important à abolir, et qui n'obtint pas la même unanimité. Ce furent les dîmes. Quelques personnes regardoient cette abolition comme un sacrilége, le clergé s'y opposa fortement. Les voix de l'assemblée furent d'abord si divisées, qu'il fut impossible de prononcer; mais les sacri→ fices de la noblesse avoient été si grands et si brillans, que le patriotisme du clergé l'emporta enfin sur son intérêt particulier; cet impôt, sur l'industrie nationale, eut le même sort que tous les autres abus; et les archevêques de Paris et de Rouen furent les premiers à en faire l'abandon.

C'est après avoir entendu chanter le Te Deum, à la chapelle de Versailles, et après avoir exprimé sa joie et sa satisfaction, dans la réponse qu'il fit au président de l'assemblée VOL. I.

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