Page images
PDF
EPUB

ne se séparer jamais, jusqu'à ce qu'ils eussent effectué les réformes nécessaires.

Le peu de commodité du local les ayant engagés à se transporter à l'église de St.-Louis, ils y furent joints par la minorité des deux autres ordres, événement qui fit prendre, à l'assemblée des communes, le nom d'assemblée nationale.

Le 25 juin, jour fixé pour la séance royale, arriva enfin; et l'accueil que reçurent les députés du peuple, leur annonça les intentions les plus hostiles. Le roi leur déclara très-séchement qu'il pouvoit faire, sans leur secours, ce qu'il y avoit à faire; et le reste de la cérémonie prouva que la représentation du peuple ne pouvoit compter que sur la grandeur de ses vues, et la justice de sa cause.

Les députés étant restés assemblés après que le roi se fut retiré, le grand-maître des cérémonies de la cour leur intima, au nom du roi, l'ordre de sortir de la salle. « La nation assemblée, lui répondit Bailli, n'a point d'ordres à recevoir.» Un nouvel ordre de se

retirer suivit bientôt le premier, et une réponse encore plus piquante, de la part de Mirabeau, confirma le refus de Bailli.

La nouvelle de cette scène occasionna une émeute à Versailles, mais elle fut appaisée par M. Necker.

L'assemblée nationale se renforçoit, tous les jours, des transfuges des deux autres ordres; mais la cour n'étoit pas plus oisive que le peuple. Les habitans de Paris et de Versailles s'aperçurent qu'on rassembloit des troupes, dans leur voisinage, pour les environner de tous côtés. Et aussitôt qu'il y en eut un nombre suffisant, le comte d'Artois commença les hostilités qu'il avoit provoquées avec tant d'empressement, en insultant M. Necker, et engageant le roi à l'exiler de nouveau.

Les Parisiens, menacés par ces préparatifs militaires, et voyant toute la capitale se remplir de troupes étrangères, prêtes à exécuter les ordres qu'elles avoient reçus, coururent

aux armes.

1

Ce fut, dans ce moment critique, que le roi, effrayé par l'idée des désastres auxquels il alloit livrer son royaume, ordonna aux troupes de sortir de Paris,

Cette lettre, au comte d'Artois, nous fait connoître les acteurs principaux de cette entreprise périlleuse ; et les expressions, dont le roi se sert, nous donnent lieu de soupçonner qu'il en sentoit tout le danger, puisqu'il s'occupe moins de l'attaque, que du mal qui résulteroit de la résistance.

Le peuple n'avoit pas, il est vrai, des troupes aguerries et disciplineés pour le soutenir; mais il sentoit qu'il avoit ce qui valoit mieux que toutes les orgueilleuses combinaisons du pouvoir militaire. Que pouvoit, en effet, un coup d'autorité, ou ce grand acte de pouvoir que le comte d'Artois recommandoit si fortement, contre toute une nation armée par l'enthousiasme, l'indignation et l'espérance? Le roi avoit mieux raisonné, et mieux calculé les résultats. Cette fois, au moins, au milieu de ses irrésolutions et de son inconstance, il avoit heureusement eu la force de persévérer;

et s'il ne voulut pas faire un grand acte de pouvoir, parce que l'attaque ou la résistance l'auroient perdu, ainsi que la monarchie; il montra un certain courage, en ne cédant pas aux sollicitations, et à l'impétuosité des personnes qui, en le portant à un coup d'autorité, l'auroient perdu, et auroient perdu l'Etat sans remède.

LETTRE X X.

A M. l'archevêque d'Arles.

Će 26 Août, 1789.

Je suis content de cette démarche noble, grande et généreuse des deux premiers ordres de l'Etat. Ils ont fait de grands sacrifices pour la réconciliation générale, pour leur patrie, pour leur Roi. Je porte dans mon cœur tout ce qui a été fait dans cette séance, où tous les priviléges ont été sacrifiés. Le sacrifice est beau; mais je ne puis que l'admirer je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse; à priver l'un des droits acquis à l'église gallicane par une antique possession, par le vœu des fidèles, par les dons des rois mes aïeux; à souffrir que l'autre soit dépouillée de tout ce qui faisoit sa gloire, du prix de ses services; de ces titres, de ccs récompenses dues aux vertas civiques et guerrières de la noblesse française. De belles actions leur

« PreviousContinue »