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concluë de telle maniere, la Grande-Bretatagne put être en fûreté, & se maintenir dans un état tranquille & floriflant, à moins qu'Elle ne demeurât avec les Etats Généraux & avec les autres Alliez, dans une union quiles mît tous emfemble à couvert des entreprifes de la France. Toutes leurs Forces unies ont à peine fuffi pour s'en garantir, d'où l'on peut juger de ce qui arriveroit, fi cette Cou ronne venoit à bout de les divifer, & de ce qu'elle feroit capable d'éxécuter, après avoir refpiré pendant quelques années, & après s'être renforcée par l'Espagne & par les ri-, cheffes des Indes. On ne doute donc pas que S. M. Britannique ne se propose d'agir dans toutes les affaires conjointement & de concert avec fes Alliez, conformément aux affurances qu'Elle leur a données. Mais pour bannir toute défiance, il feroit bon qu'il n'y eut aucune Négociation fecrete quí pût donner lieu de foupçonner, que l'un ou l'autre des Alliez pourroit faire fon Traité Léparément.

Tous les Alliez concoureront avec plaisir à conclure la Paix, pourvû qu'elle leur procure leur fûreté, n'y en ayant point qui ne foit las des dépenfes & des incommoditez de la Guerre, & qui veuille la continuer lorsqu'elle ceffera d'être néceffaire. De plus, il H 5

n'y

n'y en a point parmi eux, qui ne fe faffe un plaifir de contribuer de tout fon pouvoir, à obtenir à la Grande-Bretagne les Conditions & les avantages qu'elle peut prétendre de la France. Son Altefle Electorale fe fera en particulier un devoir d'y aporter tous les foins qu'on pourra defirer d'Elle; rien au monde n'étant plus jufte, après tant de grandes chofes, que Sa Majefté Britannique a faites avec fa belliqueufe Nation pour la Cause Commune, depuis le commencement de-fon glorieux Regne. Et cette voye paroît plus fûre à Son Alteffe Electorale pour parvenir à ce but, & pour fe conferver fes avantages, que fi la Grande-Bretagne y travalloit fans la concurrence de fes Alliez par une Négociation féparée. Rien ne feroit auffi plus avan tageux à la France, que fi par fon habileté elle pouvoit éblouir l'une des deux Puissances Maritimes, jufqu'au point de lui faire accepter quelque avantage, qui fût tellement au préjudice de l'autre, que la jaloufie qui en naîtroit, devint un obitacle à leur union pour l'avenir, laquelle faifant leur fûreté reciproque, paroît à la France le plus grand obftacle à fes vaftes deffeins.

Son Alteffe Electorale peut répondre que la Cour Imperiale n'a jamais formé le deffein qu'on lui impute, de vouloir entamer

ayec

avec la France une Négociation fecrete, au
préjudice des intérêts de la Grande-Breta-
gne; mais
mais pour
ôter à cet égard tout fujet
d'ombrage tant de la part de l'Empereur,
que de la part des Etats Généraux des Pro-
vinces-Unies, on pourra prendre avec ces
deux Puiffances de nouveaux engagements.
Et on peut s'affurer, qu'Elles ne feront au-
cune difficulté de promettre à la Reine, de
la maniere la plus forte & la plus folem-
nelle, de n'entrer jamais avec l'Ennemi com-
mun dans aucune Négociation, & de ne re-
cevoir jamais aucune ouverture ni propofi-
tion de fa part, fans la participation de Sa
Majefté, & fans prendre de concert avec
Elle des mesures communes. On allegue
que la Cour Imperiale renoncera fans peine
à l'Espagne & aux Indes, pourvû qu'on lui
donne les Etats d'Italie & les Païs-Bas. Mais
c'eft furquoi il eft jufte d'entendre le nouvel
Empereur, qu'on fait avoir fort à cœur les
affaires d'Espagne.

Il eft aifé de connoître les fuites pernicieuses qu'on auroit fujet d'appréhender, fi on laiffoit l'Espagne & les Indes au Duc d'Anjou. Sa Majesté Elle-même s'en eft expliquée ouvertement dans fa Harangue à l'entrée de la derniere feffion de fon Parlement, recommandant la Guerre d'Efpagne comme H 6

celle

1

tre.

celle qui intereffoit le plus la Nation Britan nique, qui ne fera aucunement dédommagée par le Commerce dans la Mer du Sud, dont on la flate, lequel, fi on lui en, donnoit même la réalité, dont on peut juftement douter encore, ne feroit au plus que précaire, & ne dureroit qu'autant que la France & l'Espagne voudroient bien le permetCes deux Couronnes ne pourront être confiderées au fufdit cas, que comme une même Puiffance. Tout le monde fair que c'est la France qui gouverne les Espagnols. dans leur Confeil, dans leurs Finances, & dans leuis Affaires militaires, & qui même fait leur Commerce aux Indes par fes Vaiffeaux. Elle s'eft déja renduë tellement la maîtreffe de tout cela, que quand les Efpagnols voudroient s'en affranchir, foit après la Paix, foit après la mort du Roi de France, cela n'eft plus dans leur pouvoir, & aucun Traité ne fera affez fort pour obtenir de la France de quitter effectivement de f grands avantages. Hy a outre cela à confiderer que fi la Lignée du Duc d'Anjou, ou la Lignée mâle du Dauphin fon Frere, veroit tôt ou tard à manquer, ces deux Cou Jonnes feroient entiérement combinées fous une même Tête, & que nul Traité, nulle Rénonciation ne feroit allez forte pour em

pêcher

pêcher cette combinaison en pareil cas; dont la Rénonciation faite à la Paix des Pyrenées, & le Traité de Partage fourniffent entr'autres des exemples d'une affez grande évidence. 11 eft très-certain auffi, que le Roi de France, qui nonobftant la Paix de Ryswick, & fes engagemens avec le Roi Guillaume III. de glorieufe Memoire, a reconnu de fon vivant un autre pour Roi d'Angleterre, auffi-tôt qu'il s'eft crû Maître de l'Efpagne par fon Petit-Fils, ne verra pas fi-tôt celui-ci affermi fur le Trône, qu'il travaillera à mettre sa Créature fur celui de la Grande-Bretagne, & qu'il en viendra à bout, ayant augmenté fa Puiflance par celle de l'Espagne, & fes richeffes par celles des Indes. Il eft aisé de prévoir le danger cù feroit en ce cas la Perfonne de la Reine, & ce que deviendroit alors la Liberté de la Grande-Bretagne fous un Roi élevé dans les principes de la France, & dans la haine contre les meilleurs Anglois qui l'ont abjuré felon la Loi; & que ce fe Eoit fait enfuite de la Liberté de toute l'Europe & de la Religion Proteftante, par la liaifon d'obligation, de néceffité, & de reconnoiffance de trois Rois de la Religion oppofée, & d'une telle Puillance par Mer & par Terre, fous la direction du Roi de France. Ce font des conféquences où fon AlH2 telle

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