Page images
PDF
EPUB

fe relever de la grande décadence où il étoit tombé depuis la Paix de Vervins, fous fes 3. derniers Rois: Et les efforts de ces deux Couronnes, pour l'affermissement de leur Union dans la Maiton de Bourbon, ont été plus fréquens & plus confidérables que dans les précedentes Guerres. L'Elpagne a plus fourni de troupes qu'elle n'avoit fait aupa ravant pendant so années; & par le moyen des grandes levées que la France par toutes fortes de voies, même par les ordres qu'elle a donnez pour faire enrôler des gens dans toutes les Généralitez & Paroiffes du Roiau me, & par la contrainte dont elle a ufé pour les forcer à prendre parti, elle a eu des Armées plus nombreuses qu'elle n'en avoit ja mais eu auparavant, & elle a trouvé de quoi les entretenir, en introduifant une infinité de Charges & d'Impofitions, fous tant de divers noms & tîtres, qu'à peine feroit-il poffible de les exprimer tous: Avec tout cela encore, fur la fin de l'Année précédente, elle a établi un Tribut du Dixiéme Denier du Revenu de toutes les Maifons, Domai nes, Rentes & autres émolumens & profits, fous des prétextes plaufibles & spécieux, mais en même temps très illufoires; aparemment à l'exemple de Jean, Roi de France, qui le voyant réduit à l'extrémité, par les

Ar.

Armes d'Edouard III., Roi d'Angleterre, & du Prince fon Fils, nommé en ce temps-là le Prince Noir; fut contraint de s'adreffer aux Etats du Royaume, avec le confentement defquels il lui fallut imposer une pareille Taxe.fur tous les Revenus, tant des Biens immeubles, que des Offices & des Bénéfices, même fur les Salaires & Gages des Officiers & Domeftiques.

Lorfqu'on fera attention fur toutes les choLes qui viennent d'être fommairement reprefentées, on ne trouvera pas qu'il foit étran ge ni extraordinaire, que cette Guerre ait duré jufqu'à prefent; les grandes Guerres n'étant nulle part conduites à une heureuse fin, fans des peines & des longueurs infinies, à moins qu'il ne foit furvenu quelque évenement miraculeux, que les ait terminées plus prontement. Mais dans la fituation préfente des affaires, telle qu'on va la déclarer ci-après, il y a lieu d'efpérer que la Guerre dont il s'agit maintenant, fera bientôt terminée à la fatisfaction des Alliez, & en moins de temps qu'autrefois les autres Etats, & mêmeles Républiques,qui dans leur forme de Gouvernement ont le plus aproché de la nôtre, n'ont été obligez d'employer les Armes, pour l'établitlement & le maintien de leur Liberté; fans faire même

ici mention, que dans le Siècle paffé, la fa meufe Guerre d'Allemagne n'a pû prendre fin par la Paix de Weftphalie, qu'au bout de 30 Ans; & que la Liberté dont cet Etat joüit, n'a pû être pleinement affurée, qu'après 70 Ans de Combats.

Mais, HAUTS ET PUISSANS SEIGNEURS, les Evenemens de cette Guerre font extrémement mémorables, foit qu'on faffe reflexion fur les fanglantes Batailles & les glorieux Combats qui ont été livrez; peutêtre plus qu'il n'y en a jamais eu en aucune autre Guerre, dans le même efpace de temps que celle-ci a duré: Particuliérement fur les Batailles de Schellenberg, de Bleinheim, de Ra melies; de Turin. d'Audenarde; de Malplacquet s ď Almenar, de Sarragoffe, outre plufieurs autres qui n'ont pas été fi confidérables, ni d'une fi grande conféquence que celle-ci, mais qui n'ont pourtant pas laiffé d'aquerir & d'affermir d'une maniére distinguée, une grande gloire aux Armes de V. H. Puiffances & de leurs Alliez : Ou foit qu'on faffe reflexion fur les fréquents & pénibles Siéges, & fur les Conquêtes de quantité de Villes & de Fortereffes, entr'autres de celles de Keyfersweert, Barcelône, Lille, Tournai, Mons, Douay Bethune, Aire, & en dernier lieu de Bouchain, toutes prises à

la

la vûe des Armées Ennemies, nonobftant les tentatives & les efforts qu'elles ont faits pour s'y oposer: Soit qu'on envisage les difficultez & périls des paffages des Rivieres, temoin ceux de l'Adige, du Mincio & de l'Oglio en Italie; & au Pais-Bas, de l'Escaut plus d'une fois, de la Scarpe, & depuis peu du Sanfet; Ou bien tant de Retrachemens & de Lignes forcées, comme à Schellenberg, a Lauterbourg, au Brabant Vallon, à Commines à Trouille & à Mal-Placquet; Ou enfin tant de diverfes entreprifes fi bien concertées, fi fignalées, fi éclatantes, & telles qu'on les doit regarder comme tout ce que l'Art Militaire pouvoit jamais inventer de plus grand & de plus ingénieux, & même comme capables de fervir d'inftruction à la posterité. Il est donc néceffaire que tous ces grands Evenemens (dont le détail a été fait plus au long ci-devant, & que par cette raison on ne fait que toucher ici en paffant, ceux de la derniére Campagne étant encore presens aux yeux de tout le monde;) il eft, dis-je, néceffaire que tous ces grands Evenemens foient fouvent rapellez dans le fouvenir, qu'on y penfe & repenfe fouvent, parceque dans leurs circonftances ils font d'un trop grand poids, pour les laiffer en proie à l'oubli, par foibleffe de mémoire,& par d'autres diftinctions;

G

&

1

& parceque ce qui s'eft paffé dans cette Guer re, peut donner de grandes lumieres pour l'avenir, & fervir de régle pour ne fe laiffer pas abufer dans ce qui refte encore à faire; mais principalement parcequ'ils font de fortes preuves de la bénediction de Dieu, fur les Armes de Vos Hautes Puiffances & de leurs Alliez, & qui doivent infpirer une fer me confiance, qu'en ne négligeant pas cette bénediction, & qu'en profitant comme il faut des Succès des Victoires qu'on a obtenuës, elles feront un Soleil levant, ou déja monté fur l'Horifon, qui amenera le plein jour d'une Paix fouhaitée & mémorable.

Cependant, il faut avouer que le cours de ces grands & avantageux Evenemens n'a pas toûjours été également rapide; & que toutes les Années de cette Guerre n'ont pas été également heureufes Que quelques fois on a perdu des Batailles, comme celles de Spierbach, de Calcinato, de Caftiglione & d'Almanza; car pour celle de Villa-Viciofa, on peut bien affurer & démontrer par de bonnes raifons, qu'elle a tourné plus à la gloire & à l'avantage des Armes des Alliez, qu'à leur perte: Qu'il y en eu quelques Villes, qui ayant été attaquées ou affiégées par les Ennemis, fe font vûes contraintes de céder à la force, quoique néantmoins la plupart aient

été

« PreviousContinue »