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quinze, et de deux contracts de vente de ladite terre, dont le dernier de mil six cens six est judiciaire, que les deux moulins, quy y sont situés, dépendent de ladite maison, et que, de temps immémorial, la communauté de Nantes a payé à leurs prédécesseurs, et leur paye actuellement, pour chacun an, sur leurs deniers patrimoniaux, la somme de trante six livres, pour le droict de tirer de la pierre despuis l'Hermitage jusqu'à l'estier de Chésine, au long de la rivière de Loire, par anciennes tranzactions dont ils sont inféodés vers le Roy, que les actes de don ci devant mentionnez, faicts audits Pères Capucins, les excluent de prétandre aucune choze au dehors de leur enclos, qu'ainsy ils devraient se contenter de ce que les ayeulz de ladite dame du Perray leur ont donné, et cesser la persécution qu'ils font à leurs héritiers et petis fils, par des voyes indignes. Et au regard de l'arrest du Parlement de cette province citté par lesdits Pères Capucins, il ne leur oste pas la pocession ny de leurs moullins, ny de la rente de la ville, ny de la coupe de leurs bois subjects à émondes, il ordonne seullement que la rabine plantée par leurs dits ayeulz, qu'ils se sont conservée, et de tous les arbres et affinientz plantés au dehors de l'hermitage, par ledit second acte de don de l'an mil six cens trante six demeurera en l'estat qu'elle est, que par soumission audit arretz, sans préjudice néanmoings de ce pourvoir contre, lesdits sieur et dame du Perray, bien esloignés d'y avoir touché, ils ont empesché à leur pouvoir qu'elle ne fust endomagée, que les arbres qu'ils font émonder et transporter en leur dite maison, quy sont au joignant de leur parc, sans allignement, sur lesdits cousteaux de Miséry, l'ont toujours esté, tant par eux que par leurs prédécesseurs. Par conséquent, l'opposition desdits Pères Capucins est pleine de viollance, insoutenable et sans aucun fondement d'intéretz, estant contraire aux deux actes de don leur faictz et aux droictz desdits sieur et dame du Perray, establis par tant d'actes et une si longue pocession, protestant au surplus de soutenir, partout où il appartiendra, les droictz de ladite terre, contre la vexation desdits Pères Capucins, et les faire condemner à restituer lesdits vingt quatre fais de bois qu'ils auraient emportés, contre le gré desdits sieur et dame du Perray, à leurs serviteurs, ledit jour 26esme du présent mois. >

<< Et nous ont, lesdits sieur et dame du Perray, requis leur rapporter acte de ce que lesdits chesnes émondables, quy sont au nombre de quinze, qu'ilz ont faict émonder, tant ledit jour, 26esme du présent mois que ce jour, en nos présences, sont confus et prosches leur dit parc,

La ville de Nantes.

et non continus à ladite rabine, ainsy que le suppoze lesdits Pères Capucins.

<< De tout quoy, nous avons rapporté le présent acte, pour valloir et servir ce que de raison, et ont signé lesdits jour et an.

« Signé au registre J. DE NORT, Agnès Prudence RAGAUD, GARREAU, notaire royal, et DE LA LANDE, notaire royal registrateur. »

En apparence, le sujet de la contestation était futile, mais, en réalité, la chose était très-importante. C'était la propriété du coteau de Miséry tout entier qui était en question.

On le voit, le sieur du Perray prétendait respecter l'arrêt du 27 octobre 1659, puisqu'il ne touchait point à la rabine, ni aux chemins. Laissant de côté, à dessein, cette partie de l'arrêt qui ordonnait le mesurage des terres, il revendiquait le coteau tout entier, jusqu'à la Chésine, comme étant sa propriété. Les preuves qu'il donnait à l'appui de sa revendication étaient la rente que la ville leur payait pour tirer de la pierre, depuis l'Ermitage jusqu'à la Chésine, quatre aveux enregistrés aux archives de la Chambre, et le contrat de 1606.

Il ne paraît pas que la première de ces preuves ait attiré beaucoup l'attention, car nous ne voyons pas qu'il en ait été question dans la suite du procès. Quant à la seconde preuve, le Procureur général du Roi, prenant en main la cause des Capucins, répondait: Que les aveux, invoqués par le sieur du Perray, étaient de date assez récente et qu'ils ne pouvaient corriger ceux de 1535, 1539 et 1554. Si les quatre derniers aveux attribuent au sieur du Perray tout le coteau de Miséry jusqu'à la Chésine, les aveux antérieurs ne lui reconnaissent que trente journaux de terre '.

Il en est de même des contrats d'acquisition de la Hautière, que le sieur du Perray possède. Si le contrat de 1606 parle de tout le coteau jusqu'à la Chésine, celui de 1536 ne parle que de trente journaux de terre, ou environ. Comme le coteau de Miséry tout entier jusqu'à la Chésine, renferme environ soixante journaux de

1 Le journal est une ancienne mesure de terre encore en usage chez les gens de la campagne; c'est l'espace de terrain qu'un homme peut labourer dans une journée.

terre, il est évident que le sieur du Perray veut s'approprier indûment un terrain qui appartient au Roy, au public et à ses voisins, et sur lequel il n'a qu'un droit d'usage, comme les autres voisins. « Le mesurage est l'unique moyen pour découvrir la vérité des choses; mais jusque-là les demandeurs ne peuvent, sans un attentat manifeste, abattre, ou dégrader par pieds ou par branches, les arbres plantés hors leur parc et clôture, sur des lieux que l'on prétend être communs et indépendants des trente journaux qui composent la seigneurie de la Hautière. »

L'affaire fut portée au Parlement de Vannes, et la Cour, faisant droit aux conclusions du Procureur général, rendit le 13 mai 1679, un premier arrêt, ainsi conçu :

«La Cour, en conséquence de l'arrest d'icelle, du 27esme octobre 1659, a fait et fait très expresses inhibitions et deffenses, au dit de Nort et tous autres, d'abattre ou faire abattre, par pieds ou branches, les arbres plantés au lieu contentieux dont est question, à peine de 20 livres d'amende et de tous dépens, dommages et intérêts.

« Fait en Parlement, à Vannes, le 13 may 1679.

« Pour M. le Procureur général, LECLÈRE.

Cet arrêt fut signifié, le 27 mai suivant, au sieur du Perray de Nort, en son domicile, à Nantes, rue de Verdun, par Gilles Courtois, général d'armes héréditaire, demeurant à la Fosse de Nantes, paroisse Saint-Nicolas.

Obstiné comme tout plaideur riche, débouté de sa demande, Julien de Nort, sieur du Perray, introduisit, le 5 juin, une requête demandant que l'arrêt du 13 mai fût rapporté. Il fallut de nouveau plaider devant le Parlement de Vannes. Le Procureur général prit encore en main la cause des Capucins. L'affaire fut appelée le 17 juin, le 28 juin, le 10 juillet. Un sieur Busson plaida pour Julien de Nort, et M. Dubodan, avocat à Vannes, pour les Capucins. Enfin, le 14 juillet 1679, la Cour débouta le sieur du Perray de sa demande, et compléta son arrêt du 13 mai par le suivant :

« La Cour a ordonné et ordonne que l'arrêt du 27 octobre 1659 sera exécuté par M. René Lefebvre de la Ferronnière. A cette fin, et pour le

procès-verbal et exécution dudit arrest, veu et communiqué audit Procureur général du Roy, estre ordonné qu'il appartiendra.

« En Parlement, à Rennes, le 14 juillet 1679.

< Signé: CELLERT.

« Le 8 août 1679, signifié copie audit Procureur général du Roy, parlant à son secrétaire, en son hostel, en présence de François Piquet, procureur des religieux Capucins, et parlant à sa personne étant à Rennes.

On pourrait se demander pourquoi les Capucins s'opposaient aussi vivement aux prétentions du sieur du Perray. Un document de 1680, que nous avons sous les yeux, nous en donne l'explication :

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Quoique les Capucins ne prétendent rien aux monts et rochers du Miséry, hors de leur enclos, dont ils ont le simple usage, néanmoins il est de leur intérêt que l'arrest, donné le 27 octobre 1659, ait son plein effet. Parce que quand M. du Perray, par une voie de fait, aura dérogé audit arrêt pour ce qui regarde l'intérêt commun du voisiné, qui a prétendu que le reste des terres du mont et rochers du Miséry, au delà de ce qui est nécessaire pour faire les trente journaux de terre, qui composent la terre de la Hautière, selon ses adveux, est une commune, qui est la seule raison pourquoi la Cour a ordonné le mesurage; avant de faire droit aux parties sur ce point, il est à craindre que, par une voie de fait semblable, il n'entreprenne de déroger aux autres points du même arrest, qui donne la liberté des chemins contestés par feu Mr son beau-père, laisse la rabine dans son entier, et permet des sorties aux Pères Capucins, du côté de la rivière. >

Ainsi les Capucins ne poursuivaient aucun agrandissement; ils voulaient seulement sauvegarder leurs droits reconnus par l'arrêt du 27 octobre 1659. Comme on vient de le voir, la Cour leur donna encore une fois raison le 14 juillet 1679. Le mesurage des terres, prescrit vingt ans auparavant, devait avoir lieu. Une seule modification de personne était introduite dans l'arrêt. Ce n'était plus M. le conseiller Salion, mais un autre conseiller, M. Lefebvre de la Ferronnière, qui devait présider à ce mesurage.

Le sieur du Perray savait bien que le mesurage des terres ne lui serait pas favorable; il voulut agir de ruse. Au lieu de se conformer strictement à l'arrêt du 27 octobre 1659, qui prescrivait que

l'opération serait faite par devant le conseiller rapporteur, en présence du procureur général du Roy, ou de l'un de ses substituts... et que les parties conviendraient d'arpenteurs dans huictaine, ou que, sur leur défaut d'en convenir, il en serait nommé d'of fice,... » M. du Perray présenta une requête à M. de la Ferronnière. Il prétextait l'absence des arpenteurs royaux, et demandait qu'un nommé Rousseau fût désigné d'office, pour corder les terres contestées. M. de la Ferronnière laissa surprendre sa bonne foi, et le sieur Rousseau fut nommé d'office pour arpenteur, le 1er août 1680. M. de la Ferronnière ne présiderait pas cette opération, qui se ferait en présence de l'avocat du Roi, au Présidial de Nantes. Cette nomination et cette résolution furent signifiées aux Capucins, le lendemain, 2 août 1680.

Tout naturellement, les religieux réclamèrent. On ne leur avait pas donné huit jours pour convenir d'arpenteurs. M. de la Ferronnière n'en pouvait nommer d'office. D'un autre côté, disaient-ils :

« Il y a lieu de croire que M. l'Avocat du Roy, au Présidial de Nantes, 'n'est pas disposé à agir en cette affaire comme substitut de M. le Procureur général, mais plutôt de M. du Perray, puisque en même temps qu'il est dans le cloître des Capucins de la Fosse, où il fait des demandes captieuses au Père Gardien des Capucins dudit couvent, sur cette affaire, de la part, à ce qu'il dit, de M. le Commissaire, ledit du Perray está l'attendre à la porte des Capucins, etc., etc. »

Sur ces réclamations, M. de la Ferronnière se rendit à l'Ermitage, et reconnut que le sieur du Perray l'avait trompé. Il fit 'ajourner encore une fois l'arpentage des terres, et ne chercha plus qu'à terminer le différend par un accommodement. Il était dit que 'ce malheureux arpentage ne se ferait jamais.

Quelles furent les propositions d'accommodement de M. de la 'Ferronnière? Nous n'avons pu les retrouver. Nous savons seulement que les Capucins ne jugèrent pas à propos de les accepter, ainsi que l'atteste cette pièce du 22 août 1680:

« Ce que M. de la Ferronnière Lefebvre propose, en faveur de M. du Perray de Nort, n'est pas un accommodement, mais une simple cession ou

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