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Le procès-verbal ajoute,:

« Le citoyen Marchèze ayant fait le triage des livres de la bibliothèque, nous avons, par les nommés: François et Hubon portefaix, demeurant, le premier, rue du Moulin, le deuxième, rue du Port-Maillard, Pierre Bezier, Pierre Cormerais et Ollivier Guillon, charretiers à bœufs, demeurant chez le citoyen Frézinne, rue des Carmes, fait transporter, savoir : En la ci devant maison des Carmélites, en trois tombereaux, les livres que le citoyen Marchèze nous a dit pouvoir être vendus, et en la ci devant église Notre Dame, aussi en trois tombereaux, ceux qu'il nous a désignés devoir être réservés, et qu'il a fait mettre dans la chapelle la plus haute vers le nord, sauf à lui à en faire l'inventaire, ainsi qu'il y est obligé. Nous avons remis au citoyen Ramard, et ce avant midi, les susdits livres qui doivent être vendus, avec invitation de les vendre ce jour, deux heures après midi, lui déclarant que la vente en a été publiée ce matin par la trompette, aux rues et carrefours de cette ville. Ce qu'il a promis de faire, en rapportant procès verbal de la vente. Et il a signé avec nous, ainsi que les citoyens Marchèze, Godin et Hardouin. Les portefaix et charretiers ont déclaré ne le savoir faire, et nous leur avons payé, savoir: aux deux portefaix, 12 livres 10 sols, et aux trois charretiers, pour chacun deux tours avec bœufs et tombereaux, 30 livres. Desquelles sommes nous réservons de nous faire payer sur le produit de la vente des livres.

« Signé RAMARD, MARCHÈZE, adjudicataire des bibliothèques, GODIN l'aîné, HARDOUN, Pierre CLAVIER.

Ainsi les quinze cent soixante-quatre volumes, dont était composée la bibliothèque du couvent de l'Ermitage, se trouvèrent divisés en deux parts à peu près égales. Trois tombereaux de livres furent transportés dans l'église Notre-Dame, pour être réservés, et trois autres tombereaux furent conduits à la maison des Carmélites, où ces livres devaient être vendus. Ils le furent, en effet, ce même jour, 17 août 1793, et la vente produisit 272 livres 10 sols, défalcation faite des 42 livres 10 sols de frais.

Dans les premiers jours de ce même mois d'août 1793, le citoyen Charteau, à qui la garde du couvent de l'Ermitage était confiée depuis le 14 décembre 1791, demanda un traitement. Après

avis de la municipalité donné le 17 août, le Directoire de District prit la délibération suivante, le 19 brumaire an II (9 novembre 1793):

< Le Directoire, le Procureur syndic entendu, considérant que, d'après le procès verbal et récolement d'inventaire, du 14 décembre 1791, le citoyen Charteau a déclaré qu'il consentait à être gardien de la ci devant maison des Petits Capucins, sans émolument, moyennant un logement qui lui serait accordé dans cette communauté ;

Considérant en outre que, le 19 juillet 1793, les prêtres non assermentés ont été transférés dans cette maison, et que ledit citoyen Charteau est par continuation resté en qualité de concierge, qu'en conséquence, il doit être payé, à compter de cette époque, en qualité de concierge de ces prêtres;

<< D'après ces considérations, le Directoire déclare qu'il n'y a lieu à délibérer sur la demande du citoyen Charteau, en paiement de gardiennage, à compter du 14 décembre 1791 jusqu'au 19 juillet 1793 inclusivement, mais qu'à compter de cette dernière époque, jusqu'à ce jour qu'il fait les fonctions de concierge des prêtres renfermés aux Petits Capucins, est d'avis qu'il soit payé par le citoyen Vallin, receveur du District, qui en aura allocation dans ses comptes, de la somme de 150 livres, pour trois mois de ses gages, à commencer du 19 juillet dernier, jusqu'au 19 octobre suivant, à raison de 600 livres par an. »

Dans la même requête, le citoyen Charteau demandait à être remboursé des frais de chandelle faits par lui, pour éclairer les sentinelles posées dans la maison de l'Ermitage. Comme il ne présentait aucun mémoire, le Directoire de District le renvoya vers qui de droit, pour obtenir ce remboursement.

Comme nous l'avons indiqué plus haut, les prêtres ne restèrent pas longtemps sous la garde du citoyen Charteau. Ils furent tirés du couvent de l'Ermitage et transportés sur le navire la Gloire ancré en Loire, devant cette maison, le 7 brumaire (28 octobre 1793), et noyés le 26 brumaire (16 novembre 1793). Après le départ des prêtres, le couvent des Capucins de l'Ermitage devint une prison comme les autres, où l'on plaçait les gens au fur et à mesure des arrestations 1.

'M. Lallié, Les Noyades de Nantes, pag. 149 et 150.

La vente de ce couvent était décidée en principe depuis longtemps; cependant elle ne fut effectuée que le 1er frimaire an II (21 novembre 1793), vers onze heures du matin, en séance publique du Directoire de District de Nantes. Cette séance était tenue par Pellerin, président, assisté de Bureau, Ramard, Caussiran et Chesné, administrateurs formant Directoire. L'état de prison, dans lequel se trouvait transformée la maison de l'Ermitage, n'était pas un obstacle à la vente. Nous lisons en effet, dans les clauses de l'adjudication : >>

« ART. 9. Lorsque les domaines se trouveront occupés par le service de la République, le loyer en sera payé aux adjudicataires, à compter du jour de l'adjudication. >

C'était bien là le cas, car les prisons étaient alors un des plus grands services de la République.

La mise à prix fut de 11,301 livres 17 sols 6 deniers, mais les enchères s'élevèrent à 52, 000 livres. Le couvent de l'Ermitage fut adjugé à ce prix au citoyen Jean Grégoire, entrepreneur de bâti

ments.

Le 18 pluviôse an II (6 février 1794), Jean Grégoire n'occupait pas encore le couvent de l'Ermitage, dont il était acquéreur depuis le 21 novembre 1793. Il avait, il est vrai, fait acte de propriétaire en enlevant les cloches de l'église, la lampe du sanctuaire et douze chandeliers en bois, mais le couvent était toujours gardé par le citoyen Charteau; preuve qu'il servait encore de prison à cette époque. Ce jour, 18 pluviôse, Thomas Caperan, commissaire nommé à cet effet par l'Administration du District de Nantes, à la date du 13 nivôse (2 janvier), se transporta à l'Ermitage pour saisir, séquestrer et inventorier les ornements et l'argenterie de l'église du couvent. Il était accompagné du citoyen Peylet, officier municipal de la commune de Nantes. Il ne restait plus grand'chose dans la pauvre église. Qu'on en juge par ce passage du procès-verbal qui est signé : Caperan, commissaire, Peylet, officier municipal:

Ayant interpellé, le nommé Charles Charteau, gardiataire des effets, nous a introduits en la sacristie, où nous avons trouvé l'argenterie et les ornements de l'église, ci dessous désignés, savoir: Un calice avec sa patène, un soleil 1, un ciboire et une croix, tous d'argent. De tout quoi nous nous sommes emparés, à l'effet de le déposer à l'hôtel de la Monnaie, sur un récépissé du citoyen Thomas, Directeur...

« Avons trouvé en outre deux chaudeliers en cuivre et deux navettes, même matière, plus une chappe, moire or, quatre chasubles communes, un rochet et une aube, un dais en soie.

« Ce sont tous les effets qu'on nous a déclaré être de la chapelle des Petits Capucins, et que nous avons laissé à la garde du citoyen Charteau, avec injonction de les représenter lorsqu'il en sera requis...

« Déclarons en outre que, quant aux cloches de la ci devant église, l'acquéreur s'en est emparé, comme à lui appartenant, ainsi que de la lampe de cuivre 2 et douze chandeliers en bois.

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Ce Thomas Caperan était un Père Récollet, ancien curé constitutionnel du Pont-Saint-Martin et de la Chapelle-Basse-Mer, qui avait abdiqué ses fonctions et remis ses lettres de prêtrise, le 7 brumaire an II (17 novembre 1793). Pour cette opération sacrilège, l'Administration du District de Nantes avait bien choisi son homme.

Nous ne savons ce que devinrent les objets laissés à la garde de Charteau. L'argenterie emportée par Caperan fut remise au Directeur de la Monnaie. Le tout, mis ensemble, se trouva peser 15 marcs 8 onces.

Enfin, le couvent de l'Ermitage cessa de servir de prison, et Jean Grégoire alla y demeurer. Un bruit, comme il s'en répand toujours aux époques de persécution religieuse, circula bientôt dans la ville. On disait qu'à l'Ermitage, dans un cachot du couvent, on avait trouvé les ossements et la chaîne d'un religieux. Les Administrateurs du District de Nantes s'en émurent. Ils en écrivirent

1 Un ostensoir.

2 Cette pièce est une pièce originale, tout entière de la main de Thomas Caperan. Il avait écrit d'abord ia lampe du sanctuaire, mais il barra ces deux derniers mots pour mettre de cuivre.

le 23 fructidor an III (9 septembre 1795), au Maire et aux officiers municipaux de la commune de Nantes. Le Conseil Général chargea de suite deux de ses membres d'aller sur-le-champ vérifier le fait. Les deux officiers municipaux désignés furent Jean Gareau et Pierre Haudaudine. Ils partirent aussitôt et arrivèrent au couvent de l'Ermitage, vers midi. Leur procès-verbal détruisit complètement cette calomnie. C'est la dernière pièce que nous citerons; la voici: « Le vingt trois fructidor, an troisième de la République française, une et indivisible, environ midi.

Nous Jean Gareau et Pierre Haudaudine, officiers municipaux de la commune de Nantes, ayant avec nous François Teffo, commis greffier assermenté, en exécution de la lettre adressée à la municipalité, par les Administrateurs du District de cette ville, le matin de ce jour, portant que des ouvriers travaillant à la ci devant communauté des Petits Capucins, sise à l'Hermitage, ont découvert un cachot muré, où ils ont trouvé le squelette d'un moine mort une chaîne au cou, et le débris de plusieurs victimes des fureurs monacales, nous sommes transportés en la susdite maison, pour rapporter état et procès verbal de la situation du cachot en question, et des objets qui peuvent y exister. Où étant et parlant au citoyen Grégoire, propriétaire de ladite maison, nous lui avons annoncé le sujet de notre transport, fait donner lecture, par notre commis greffier, de la lettre sus datée, et l'ayant sommé de nous déclarer s'il existe dans l'intérieur de cette maison des souterrains ou cachots, renfermant des squelettes et ossements, il nous a dit, qu'à sa connaissance, il n'existe aucun cachot ni souterrain dans l'intérieur de sa maison; que faisant déblayer, ces jours derniers, une cave établie sous la sol de la ci devant église, qui a son entrée sur le jardin, vers l'est, il s'est trouvé un caveau régnant le long d'un rocher, ayant sa porte de communication sur la cave, mais qu'il ne s'y est trouvé ni squelette ni ossements; qu'il est bien vraie que, fouillant le long d'un des piliers, on a trouvé une tête de mort et quelques ossements à environ trois pieds sous terre, ce qui n'offre rien de surprenant, puisque la pierre qui couvrait la surface annonçait une sépulture. De suite, nous ayant conduit en la ci-devant église, là, il nous a fait voir la cave et caveau en question. Y étant descendu, après les avoir examinés ils nous ont paru de tout temps destinés pour tels, et avons vu qu'il n'y existe ni squelette, ni ossements, ni chaîne, ni anneau, ni aucun signe de cachot 1.

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Nous lisons dans Verger: Notes sur la Commune, 744: 1795. Suivant procès-verbal rédigé par Gareau et Haudaudine, il est constaté que des ouvriers, tra

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