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HISTOIRE PARLEMENTAIRE

DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE,

ου

JOURNAL DES ASSEMBLÉES NATIONALES,

DEPUIS 1789 JUSQU'EN 1815,

CONTENANT

>

La Narration des événemens; les Débats des Assemblées; les Discussions des
principales Sociétés populaires, et particulièrement de la Société des Jaco-
bins; les procès-verbaux de la commune de Paris; les Séances du Tribunal
révolutionnaire: le Compte-rendu des principaux procès politiques; le
Détail des budgets annuels; le Tableau du mouvement moral extrait des
journaux de chaque époque, etc.; précédée, d'une Introduction sur l'his-
toire de France jusqu'à la convocation des États-généraux,

PAR P.-J.-B BUCHEZ ET P.-C. ROUX.

TOME ONZIÈME.

PARIS.

PAULIN, LIBRAIRE,
RUE DE SEINE, No 6, HÔTEL MIRABEAU.

M DCCC XXXIV.

PRÉFACE.

Nous traiterons ici de l'humanité. En cela nous nous proposons de compléter notre préface antérieure, d'apprécier la généralité des discussions importantes renfermées dans nos volumes actuels, de répondre aux objections adressées, soit à nos travaux historiques, soit à notre doctrine par les systèmes adverses de ce temps.

Ceux qui veulent séparer la lumière des ténèbres, discerner et suivre la bonne route à travers le chaos dans lequel nous vivons, doivent ne jamais oublier ceci : Les erreurs dont leur esprit est blessé, les maux dont leur sympathie est atteinte, viennent d'une source commune. Si tant d'œuvres faciles, scandaleuses ou vaines, sont largement rétribuées, si tant d'œuvres pénibles et utiles, laissent périr de misère les hommes qui les accomplissent, c'est que le but social, seul juge de la valeur des travaux, seul distributeur des salaires équitables, est absent du milieu de nous.

N'imputez pas à une autre cause le défaut de logique qui caractérise la plupart des écrivains de notre génération. Aujourd'hui surtout que le but social est décidément en question, et que le premier venu s'ingère de donner ses conclusions par écrit, il en résulte une logomachie particulière à cet état intellectuel de la France. Entamez la presse contemporaine par un feuilleton ou par un livre, et vous verrez le pour et le contre, le vrai et le faux, le bien et le mal, entrer ensemble par le premier mot, et sortir paisiblement par le dernier, sans s'être heurtés une fois. Aussi, chercher dans les phrases des lettres autre chose que leur personne, serait s'exposer à de continuelles méprises. L'apologie des mauvaises passions est ici en drame, en légende ou en roman, parce que l'auteur se peint et se glorifie lui-même. Là, tel polémiste est mordant et plein de verve, parce que c'est une vanité en colère qui se bat en duel.

Ailleurs, tel philosophe déclame une doctrine et la soutient avec opiniâtreté, pour se faire et se conserver un chevet de conscience.

Nous ignorons quelles luttes nous attendent encore sur le chemin ouvert par nous seuls depuis quatre ans, à la philosophie du devoir; quant à nos adversaires présens et passés, voici ce que nous affirmons : Aucun n'a résumé nos idees de manière à prouver seulement qu'il nous avait lus: aucun n'a porté la main sur notre formule générale, pour y étouffer dans une puissante objection le germe synthétique. Leur controverse la plus directe renferme d'excellentes réfutations de ce qu'ils savent eux-mêmes touchant le christianisme, mais rien de simplement contradictoire à la science que nous avons produite là-dessus. Du reste, ils parlent presque toujours notre langue; Dieu et dévoûment sont aussi le mot d'ordre dans le camp opposé. S'ils se contentaient de nier notre principe en acceptant nos conséquences, s'ils n'affirmaient pas quelque chose de personnel, nous ne savons pas, en vérité, comment nous échapperions au piège d'ennemis s'introduisant chez nous marqués de notre signe, et puis nous égorgeant. Heureusement ils se distinguent par une formule à eux, et ils nous offrent ainsi un point de départ assuré pour aboutir à la séparation des langues.

Ce sera sur le sens du mot humanité, que nous mettrons en regard leurs définitions et les nôtres. L'opposition sera nette, diametrale, absolue. Nous commencerons par exprimer nos idées, et par les démontrer avec clarté et rigueur. Ensuite nous passerons à celles de nos adversaires, et rien ne manquera, nous l'espérons, à l'évidence de notre réfutation.

Dégageons d'abord le problème de tout mélange et de toute complexité. Il n'y a que deux manières de le poser; il n'y aurait non plus que deux manières de le résoudre, pour peu que les esprits qui l'entreprennent fussent conséquens. Ce n'est donc pas par le nombre des solutions qu'il faut compter les doctrines, car les solutions se multiplient comme les caprices, l'égoisme, les faiblesses de chair ou d'intelligence des individus qui raisonnent en ces matières. A cette heure, que l'art des mots met une plume entre les mains de chacun, qui n'a pas écrit son nom ou tracé quelque bizarre figure sur la pierre angulaire du monde ? Faut-il s'en occuper? Autant vaudrait composer l'histoire architecturale des ruines célèbres, en relevant les signatures et les inscriptions des visi teurs.

Les deux points de vue entre lesquels est forcé de prendre un parti quiconque veut arriver à un conclusum philosophique, sont le devoir et le droit. Nous sommes placés au point de vue du devoir, et nous allons y amener nos lecteurs par une ligne droite et inflexible.

Qu'est-ce que l'humanité? Une définition exacte de l'homme va nous conduire inductivement à la définition de l'humanité.

L'homme est-il un être complet et absolu, indépendant du milieu qui l'environne, n'ayant ni origine, ni besoins, ni fin, étant, parce qu'il est; ou bien l'homme est-il incomplet, relatif, dependant du milieu qui l'environne, ayant une origine, des besoins, une fin, étant parce qu'il a été engendré?

L'homme est incomplet et relatif, car à le prendre sur la limite ellemême de sa loi d'existence, il ne peut vivre un instant sans l'air qu'il

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