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L'assemblée interrompant M. Chabot, adopte unanimement la motion faite par M. Cérutti, et décide que son discours sera joint au procès-verbal, imprimé et envoyé aux 85 départemens.

N.... Pour ajouter au décret qui vient d'être rendu, un nouvel hommage de notre reconnaissance, je demande qu'il soit réservé ici une place aux anciens membres du corps constituant, afin qu'ils soient témoins des progrès de l'esprit public. (On murmure.) La motion n'est point appuyée.

N.... Pour que la marche de l'assemblée soit plus rapide, je demande qu'il soit nommé une commission chargée d'examiner si les réglemens du régime intérieur de l'ancienne assemblée sont applicables à celle-ci.

La motion n'est point appuyée.

Un de MM. les membres composant la députation qui avait accompagné l'acte constitutionnel. La constitution vient d'être remise aux archives, et ce précieux dépôt que nous portons tous dans nos cœurs, a été placé avec toutes les précautions convenables.

M. Chaudron. M. Palloy a déposé dans cette salle une pierre sur laquelle sont gravées les effigies du roi et du maire de Paris, je demande que l'assemblée décide que ce monument restera dans cette enceinte.

La motion n'est pas appuyée.

N.... Il est inutile de dire que personne ici n'a le droit de voter sans avoir prêté le serment individuel.

Un de MM. les secrétaires fait lecture de la liste des membres de la députation qui doit se rendre chez le roi.

N.... Vous venez de décréter l'envoi aux 83 départemens de la proposition faite par M. Cérutti; je propose d'y joindre le procès-verbal entier de cette séance, afin que l'on connaisse et l'unanimité et l'enthousiasme avec lesquels nous avons tous prêté le serment de fidélité à la constitution.

Cette proposition est rejetée par la question préalable.

M. le président. On est allé chez le roi pour lui demander l'heure à laquelle il recevra votre députation ; je prie messieurs

les membres qui la composent, de vouloir bien se rendre ici à six heures, et je leur ferai part de la réponse du roi.

La séance est levée à quatre heures.].

L'espèce de pompe religieuse déployée dans la séance du serment, eut un médiocre succès. Les journaux royalistes-constitutionnels les plus prononcés ne furent pas dupes de cette unanimité apparente. Le Babillard disait déjà que deux partis divisaient l'assemblée législative, et qu'ils ne la rendraient ni moins tumultueuse, ni moins exposée aux scandales que le corps constituant. Dans son numéro du 7 octobre, il fait parler ainsi, au milieu d'un groupe, vis-à-vis du café de Foy, une personne avancée en âge On nous prépare des scènes nouvelles et peut-être une seconde révolution. Une dissimulation profonde a dicté le serment de plusieurs députés. Les Fauchet, les Brissot, les Condoreet, ont juré de maintenir une constitution évidemment contraire aux principes qu'ils ont prêchés. » L'organe des constitutionnels modérés, le journal de Paris, arrive par une suite d'habiletés oratoires au blâme de la cérémonie. On peut craindre (n° du 5 octobre) qu'en jurant sur l'acte constitutionnel, on ne s'accoutume à le considérer comme quelque chose de divin, où il ne sera plus permis à l'homme de rien changer. Si de pareilles idées s'y associaient jamais, ce serment deviendrait un blasphème contre la raison, et c'est la raison seule qui est sacrée partout où la divinité ne parle point par des miracles. Plusieurs législateurs de l'antiquité, qui n'avaient pas assez de génie pour se dispenser d'être des charlatans, ont fait croire qu'ils avaient écrit leurs lois sous la dictée des dieux. Un tel artifice ne serait pas seulement criminel, il serait inutile aujourd'hui que les peuples sont en état de sentir la divinité de la raison. ›

L'Ami du roi (jeudi 6 octobre) fait des réflexions sur la valeur du serment: il décrit ensuite la séance du 4 octobre, de son point de vue particulier.

• Comment nos législateurs ne sont-ils pas encore dégoûtés des

T. XII.

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sermens, après la funeste expérience qu'ils en ont faite? à qui pensent-ils en imposer encore par ce vain appareil et par ces inutiles formules plus souvent employées pour faire triompher l'imposture que pour consacrer la vérité? C'est dans les conspirations contre l'autorité légitime et contre la tranquillité publique, que les scélérats ont coutume de se lier par d'horribles juremens; mais des législateurs assemblés pour rétablir l'ordre et l'union dans le royaume, n'ont pas besoin d'épouvanter les airs par leurs sermens ; ils ne doivent pas se présenter à la nation sous l'aspect d'une troupe de conjurés. Toute la pompe, tout le spectacle dont il leur a plu d'accompagner cette frivole cérémonie, ne sert qu'à travestir le sanctuaire des lois en théâtre, et les députés en histrions. Un des plus superstitieux adorateurs de cette grande absurdité, qu'on appelle la constitution, a demandé que ce saint évangile fùt tiré respectueusement des archives, apporté dévotement dans l'assemblée, et que chaque député, en prêtant son serment, eût la main étendue sur ce livre sacré...

› Les douze vieillards de l'Apocalypse sont partis pour leur sainte expédition, et ils n'ont pas tardé à revenir. Dès que l'huissier a annoncé l'arrivée de l'acte constitutionnel, tous les députés se sont levés en sursaut et d'un commun élan. Les vieillards sont entrés escortés d'une nombreuse troupe de gardes nationales et de gendarmes nationaux; au milieu paraissait le vénérable Camus, tenant en main l'acte constitutionnel : quelques dévots ont trouvé mauvais que cette arche de la nouvelle alliance fût entre les mains profanes de l'archiviste, et non pas dans celles des vieillards. En approchant de la tribune, l'un de ces vieux lévites s'est écrié : « Français ! citoyens! voici l'acte constitutionnel que nous vous apportons; voici le gage de la paix! Nous allons jurer de mourir libres ( dites donc de vivre). Oui, de vivre libres ou de mourir, et de défendre la constitution au prix de...› Les applaudissemens ont étouffé la voix cassée de cet antique orateur. M. Camus a paru à la tribune, et on a crié à l'ordre, M. l'archiviste. Une voix a demandé que tous les hommes armés eussent à se retirer: que l'acte constitutionnel au sein de l'as

semblée ne courait aucun risque, et n'avait pas besoin de défenseurs. Les hommes armés se sont retirés, mais l'intrépide Camus n'a point désemparé; et, toujours ferme à la tribune, il n'a point abandonné le livre de la loi. Alors a commencé la cérémonie du serment. M. le président a monté le premier à la tribune, et là, étendant la main sur le nouvel évangile, toujours gardé par M. Camus, il a prononcé la formule. Ensuite un secrétaire a fait l'appel de tous les membres, qui, à mesure qu'on les nommait, montaient successivement à la tribune, et ne disaient pas simplement et en abrégé : je le jure ; mais, pour plus grande sûreté et pour éviter la perfidie des restrictions mentales, récitaient tout au long la formule avec la même pantomime et le même jeu de théâtre dont M. le président leur avait donné l'exemple. Malgré le recueillement et la dévotion des spectateurs, le costume étrange de deux députés bretons leur a causé quelques distractions, ainsi qu'un vaste cordon rouge dont un des jureurs a paru affublé. Mais parmi les orateurs de ce pieux opéra, celui qui a fait le plus de sensation est le sieur Brissot, lequel a été régalé d'applaudissemens outrés, et même ironiques: on supposait qu'il devait en coûtér beaucoup à ce fameux républicain, de jurer fidélité au roi ; cependant il faut convenir que le sieur Brissot s'en est tiré d'assez bonne grâce : le plaisir de se voir, en dépit de l'envie, assis sur un des trônes nationaux, lui a fait avaler, sans grimace, la pillule du serment. »

Les journaux patriotes ou gardèrent le silence, ou s'exprimèrent avec aussi peu de ménagemens que Royou. Le peuple de Paris accueillit de la même manière cet hommage rendu à des législateurs dont il ne parlait plus qu'avec un sentiment de lassitude. Que pouvait signifier en effet une telle idolâtrie envers les constituans, aux yeux de ceux qui, la veille, les traitaient ainsi que Toulongeon le rapporte, t. 1. p. 211: Les choses étaient au point que les libelles les plus injurieux s'imprimaient et se débitaient publiquement à la porte même du lieu de nos séances, On mettait entre les mains des députés qui allaient prendre leur

place, un livret intitulé : Rendez-nous nos dix-huit francs, et allez vous faire f...

A la séance du serment, en succéda une si brusquement contradictoire, si révolutionnaire dans la forme, qu'il en résulta plutôt un étonnement général que de l'espérance pour les patriotes, et de la crainte pour les royalistes-constitutionnels. La question sur laquelle l'assemblée porta un décret de premier mouvement, n'était à l'ordre du jour ni dans les journaux, ni dans les sociétés populaires; personne n'y songeait. Cet acte imprévu répondait à une provocation imprévue elle-même.

La députation chargée de prévenir Louis XVI que l'assemblée était constituée, se présenta le 4, à six heures du soir, au château des Tuileries. Le roi lui fit dire par le ministre de la justice qu'il la recevrait le lendemain à une heure. La députation insista, et la réception ne fut retardée que de trois heures. La forme selon laquelle l'audience avait été négociée, et la manière dont elle se passa, donnèrent lieu aux déterminations sui

vantes :

SÉANCE DU 5 OCTOBRE.

M. le président. M. Ducastel va rendre compte à l'assemblée de la députation qui s'est rendue hier chez le roi.

M. Ducastel. La députation que vous avez chargée d'aller chez le roi, s'est rendue hier à six heures dans cette salle, et m'a déféré l'honneur de la présider. Nous nous sommes occupés de déterminer dans quels termes je parlerais au roi; alors j'ai proposé de remplir purement et simplement l'objet de notre mission, et de lui adresser les paroles suivantes : « Sire, l'assemblée nationale législative est définitivement constituée: elle nous a députés pour en instruire votre majesté. › Quelques membres ont prétendu qu'il y avait dans ce peu de paroles trop de sécheresse et pas assez de dignité; d'autres ont dit qu'en ajoutant autre chose, il serait possible de blesser, soit la dignité nationale, soit la dignité royale: en conséquence, les termes que je viens de vous rapporter ont été adoptés. M. le ministre de la justice est venu nous annoncer que le roi ne pourrait nous recevoir qu'au

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