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faut en faire une plus précise. Je demande le renvoi au comité de législation.

M. Girardin. J'appuie lá proposition du renvoi au comité, mais j'y propose un amendement infiniment pressant ; il consiste à ce que les traitemens des ecclésiastiques qui se marieront, leur soient provisoirement conservés.

M. Taillefer. Les raisons déduites par les préopinans sont absolument les mêmes que j'avais à présenter. Je ne crois pas que la loi doive être faite dans ce moment; mais comme ces citoyens jouissent du bienfait de la constitution et ne contreviennent à aucune loi, îl serait injuste de les priver provisoirement de leur traitement.

M. Goupilleau. Comme les administrateurs sont dans l'incertitude, il est essentiel de décréter que les ecclésiastiques qui se marieront, recevront provisoirement leur traitement.

N..... Il n'est point question de faire une loi, il est seulement question de déclarer qu'il n'y a pas de loi contraire.

M. Lecoz, évêque du département de l'Ille-et-Vilaine. Ceux qui ont dit que le célibat était contraire à la nature, ont avancé une grande erreur. (On murmure.) D'ailleurs vous vous occupez en ce moment d'éteindre ce feu qui consume l'empire, et par l'impolitique motion qui a été faite, vous l'alimenteriez de plus fort. (Quelques membres applaudissent.)

N..... Il n'existe point de loi qui empêche les ecclésiastiques pensionnaires qui se marieront, de toucher leurs pensions, donc les administrateurs n'auront pas le droit de les en priver, donc il est inutile que l'assemblée nationale s'occupe par provision de eet objet. Je demande en conséquence que l'assemblée passe à l'ordre du jour sur l'amendement de M. Girardin.

N..... Ceux qui insistent pour que la question soit ou décidée à l'instant ou préjugée, ne sentent pas la difference énorme qu'il y a entre un principe et son application. Je demande qu'attendu qu'il n'existe point de loi contraire à la pétition qui a été faite, il soit passé à l'ordre du jour.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.]

Le 1er novembre, Goupilleau fit une motion en faveur de quarante-et-un soldats de Château-Vieux, condamnés aux galères. Cette démarche avait été précédée d'une séance aux Jacobins : nous allons la transcrire..

CLUB DES JACOBINS (31 OCTOBRE).

M. Collot-d'Herbois. J'ai annoncé, Messieurs, que je vous rendrais compte de l'état où se trouve l'affaire des soldats de Château-Vieux. Je suis resté pendant quelque temps en suspens, parce que M. de Montmorin me paraissant bien disposé, j'ai cru ne devoir pas risquer de changer ses bonnes dispositions; parce que, pendant un autre instant, j'ai craint d'exposer au ressentiment de ce ministre les malheureux soldats de Château-Vieux, en dévoilant les intrigues et la conduite fausse de M. de Montmorin à l'égard de ces infortunés.

› Les soldats du régiment de Château-Vieux, après avoir passé au conseil de guerre après l'affaire de Nanci, ont vu pendre vingt-sept de leurs camarades; quarante-et-un ont été envoyés aux galères, où ils sont encore. Je ne vous retracerai pas leurs maux. Vous savez que toujours M. de Bouillé a été leur persécuteur, et néanmoins M. de Bouillé a été déclaré innocent et pourrait rentrer en France sans danger, tandis que les soldats de Château-Vieux sont aux galères.

› M. l'abbé d'Expilly avait épousé, dans l'assemblée constituante, la cause de ces infortunés, et vous allez juger, par le trait suivant, de l'hypocrisie et de la fausseté du ministre Montmorin. M. d'Expilly se rend plusieurs fois chez lui, et en est amusé comme il amusait tout le monde. Cependant, pour avoir un air de franchise, il lui dit qu'il croyait la circonstance favorable pour arranger cette affaire, vu que la diète des Suisses, du jugement de laquelle elle dépendait, était pour lors assemblée. Il lui offrit de négocier à cet effet, et d'écrire au ministre de France, près la diète. Craignant la lenteur du ministre, M. d'Expilly offrit d'envoyer sur-le-champ un courrier à ses frais, porter les dépêches ministérielles. Un citoyen de Brest,

membre de la députation de cette ville, que vous avez souvent vu assister à vos séances, M. Rabit enfin était présent à cette conversation. Il offre aussitôt de servir de courrier, et de porter lui-même les dépêches.

Le croiriez-vous, Messieurs, le ministre ne pouvant plus reculer, confie le paquet à M. Rabit, qui part dans la pleine assurance qu'il est sous la sauvegarde de la loi en portant ces dépêches adressées à M. Baker. Eh bien! ce paquet était un passeport pour aller se faire pendre. Ce M. Baker n'était pas ministre de France, il n'avait pas de lettre de créance, et fut aussi étonné qu'effrayé de recevoir de M. de Montmorin un paquet qui l'exposait, ainsi que le porteur, à être pendu, dans un pays où le patriotisme français n'est rien moins que bien accueilli. Il est donc important que M. Montmorin, quittant le ministère (1), soit responsable de la conduite qu'il a tenue envers M. Rabit, et que MM. les députés à l'assemblée nationale.....

M. Bécourt. Il n'y en a pas ici. ›

Plusieurs voix. Pardonnez-moi, Monsieur, en voilà de tous côtés. ›'

N.... Je demande que M. Bécourt soit rappelé à l'ordre pour avoir interrompu l'orateur. >

Un député. M. Bécourt ne doit pas être rappelé à l'ordre; car si nous pouvons compter ici quelques-uns de nos membres, ils sont en petit nombre, et nous devrions y être tous. › (On applaudit.)

M. Collot-d'Herbois. Votre étonnement augmentera encore, Messieurs, lorsque vous apprendrez qu'à cette époque la diète des Suisses n'était plus rassemblée. Je supplie donc les membres de l'assemblée nationale qui m'entendent, de mettre à cette affaire tout le zèle qu'elle mérite, et de ne pas perdre de vue les vives réclamations faites par le département du Finistère. Le successeur de M. Montmorin croira sans doute avoir des choses

(1) Depuis la clôture de la Constituante, le bruit de la démission prochaine de Montmorin s'était répandu. Le 21 novembre, Delessart le remplaça par interim. (Note des auteurs.) 18

T. XII.

bien plus importantes à faire que de délivrer de leurs fers quarante-deux misérables soldats; car il est impossible de se figurer l'insouciance des ministres sur les supplices et les tourmens des citoyens. Je demande donc en grâce à messieurs les députés de l'assemblée nationale qu'ils veuillent bien ne pas laisser aller M. Montmorin sans le faire expliquer d'une manière bien expresse. >

Ce discours fut suivi de la lecture d'une lettre par laquelle la société de Brest annonçait une souscription ouverte par elle en faveur des victimes de Bouillé, et sollicitait d'y concourir la société mère. Cette invitation fut acceptée sur-le-champ; Collotd'Herbois souscrivit le premier pour une somme de 300 livres, moitié du prix qui avait été décerné à son Almanach du père Gérard; d'autres en grand nombre imitèrent son exemple.

MOTION DE GOUPILLEAU (Séance du 1er novembre.)

[M. Goupilleau. Je viens réclamer votre humanité et votre justice en faveur de plusieurs infortunés. Quarante-un Suisses soldats au régiment de Château-Vieux sont maintenant aux galères. Aux termes des traités, les Suisses ont toujours conservé la police sur leurs corps militaires au service de France; aussi l'assemblée nationale constituante n'a-t-elle pas compris positivement les Suisses de Château-Vieux dans l'amnistie; mais elle a rendu, le 15 septembre 1791, un décret conçu en ces termes :

L'assemblée nationale décrète que le roi sera prié d'interposer ses bons offices, afin que ceux qui ont été condamnés pour des faits relatifs à la révolution française par les lois suisses, participent au bienfait de l'amnistie accordée à tous les citoyens français. ›

Cette loi est demeurée sans exécution, et M. de Montmorin en est seul la cause. J'ai entre les mains plusieurs pièces qui m'ont été remises par les députés de la municipalité de Brest : je les déposerai sur le bureau, et j'en demanderai le renvoi au comité diplomatique. Il est prouvé par ces pièces que M. Montmorin a leurré F'espoir de ces malheureux; que, sous prétexte

de condescendre à la volonté des citoyens de Brest, qui ont offert d'aller volontairement faire le voyage de Soleure, il les a exposés à périr, ou du moins à perdre leur liberté. Les cantons helvétiques n'ont dans ce moment aucun représentant de la nation française. Il est prouvé par ces pièces que M. de Vérac, cidevant ambassadeur dans ces cantons, a envoyé depuis plus de quatre mois sa démission en France, et que cette démission n'a pas été notifiée aux cantons helvétiques; il est prouvé encore que M. Blache, qui, sur la démission de M. de Vérac, devait être chargé des affaires de France, n'a point eu de caractère pour se présenter de façon que non-seulement nos affaires périclitent dans ce pays-là, mais que les Suisses du régiment de ChâteauVieux n'ont pu trouver de protection pour faire écouter leur demande. Je demande donc que le comité diplomatique, dans le plus bref délai possible, nous fasse un rapport qui fixe l'état de ces malheureux, dont le patriotisme est le seul crime.

L'assemblée ordonne le renvoi au comité diplomatique.] Le 5 novembre, Montmorin se justifia par une lettre écrite au président de l'assemblée législative. Voici cette lettre :

[ M. le président, le 1er de ce mois une dénonciation a été faite contre moi, relative à l'inexécution du décret de l'assemblée précédente, par lequel le roi était prié de négocier avec les cantons helvétiques pour que les soldats suisses détenus en conséquence des faits relatifs à la révolution profitassent de l'amnistie. Je vous prie de mettre cette lettre sous les yeux de l'assemblée; elle contient les différentes lettres écrites dans cette négociation. M. de Vérac, envoyé de France, me répondit, le 21 juin, en ces

termes :

L'instant ne m'ayant pas paru favorable pour entamer l'affaire du régiment de Château-Vieux, je me suis borné à sonder les dispositions du directoire. Ce n'est pas au moment où les cantons sont occupés à rétablir la subordination, que l'on peut croire qu'ils voudront laisser impunis des crimes qui n'ont pu être réprimés qu'au prix du sang de plusieurs officiers qu'ils regrettent encore. Je me suis aperçu que toute démarche non

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