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secrétaire effacerait du procès-verbal tout ce qui était relatif au

velo.

→→ Mais ce succès ne remplissait pas les vues de la coalition, et elle s'en promettait un plus complet sur le procès-verbal d'hier.

› M. Grangeneuve en a fait lecture. Il était rédigé avec tant de réserve, que la chicane attentive, et la mauvaise foi déterminée à critiquer à quelque prix que ce fût, ont été obligées de se rabattre sur une observation dont nous avons même vu rougir plus d'un front ministériel. Le secrétaire disait qu'un grand nombre de citoyens des sections de Paris avaient réclamé contre la pétition du directoire. Le puriste M. Chéron a observé, avec une sagacité infinie, que l'expression n'était pas exacte; que le terme grand nombre était relatif; que cent personnes étaient un grand nombre dans un village, et que deux mille personnes étaient un petit nombre à Paris. Il a judicieusement demandé que le secrétaire notât le nombre précis des pétitionnaires.

> En applaudissant à ces importantes réflexions, M. Ramond a encore enchéri sur la proposition de son collègue, et il voulait que les noms des pétitionnaires fussent inscrits au procès-verbal.

› Ces deux motions, et surtout la dernière, ont excité un violent tumulte ; on a sagement réclamé l'ordre du jour. Mais ce n'était pas là le compte des ministériels ; ils ont lutté avec une telle obstination, que trois épreuves n'ont pas donné de résultat, et n'ont servi qu'à augmenter l'agitation.

› Elle était à son comble. Convaincu qu'il était impossible de discuter et de délibérer au milieu du tumulte, M. Lasource demandait qu'on ajournât la motion de M. Chéron.

Le désordre qui régnait dans l'assemblée avait gagné les galeries. Plusieurs des spectateurs étaient indignés de voir l'assemblée livrée à la mauvaise foi, à l'astuce et aux yaines elameurs; ils en rougissaient pour elle. Allons nous-en, s'écrièrent plu‹ sieurs d'entre eux, n'écoutons pas ces stériles débats. ›

› Cependant M. Lacroix profité d'un instant de calme pour appuyer la motion de M. Lasource; il demande que le 'procès

verbal soit discuté le soir. Mais ce n'était pas au procès-verbal qu'en voulait réellement la coalition, et elle crut qu'il était temps de lever le masque.

Un membre avoue bonnement qu'il s'agit de révoquer les mentions honorables accordées hier, et de rapporter le décret qui ordonnait l'envoi du procès-verbal aux départemens. Il demande un comité général pour discuter la question..

› Cette proposition a indigné les patriotes qui ont senti qu'on ne cherchait qu'un prétexte pour introduire l'usage des comités généraux. Pour parer le coup, M. Vergniaud demandait le renvoi de la question à un comité; mais les patriotes qui n'ont pas assez senti son but, et qui ne voulaient pas transiger sur les décrets d'hier, ont réclamé.

» Le tumulte a recommencé..... Enfin M. Cambon, persuadé qu'il fallait céder quelque chose pour ne pas tout perdre, a proposé qu'on se contentât de rapporter le décret d'envoi, et que d'ailleurs on adoptât le procès-verbal. - Cette motion conciliatrice a été adoptée, et a terminé des débats aussi indécens qu'infructueux pour la chose publique. (Le Patriote français du 13 décembre.)

Parmi les nombreux articles de la presse révolutionnaire, que suscita le refus de sanction au décret contre les prêtres, nous choisissons celui du journal de Prudhomme, n° 128, p. 532.

Encore un veto. C'est le second depuis deux mois; ce serait probablement le troisième, si le décret contre le titre de majesté royale n'avait pas été retiré le lendemain de son adoption.

> On a été long-temps sans vouloir user de cette prérogative empruntée d'une île voisine qui se vante d'être libre; on avait d'autres projets : mais à présent qu'il faut en finir, on se jette à corps perdu dans la constitution; on prévoit que le veto est un pis-aller capable de dédommager de toutes les pertes qu'on a faites, et il paraît que ce pis-aller servira de pierre angulaire, sur laquelle la cour va réédifier son système de despotisme, d'autant plus imposant, qu'il aura l'air d'être légal; en sorte que la révolution, qui d'abord avait paru un monstre altéré du sang royal,

s'est tellement radoucie, qu'elle n'ose plus avancer d'un pas sans la permission de la cour.

> Si c'est là en effet le train des affaires publiques, et toutes les apparences nous en menacent, citoyens! avisez vous-mêmes à ce qui vous reste à faire; nous n'avons plus de conseils à vous donner. Le veto est un boulet que l'assemblée nationale s'est condamnée à traîner avec elle. Tout élan généreux lui est interdit désormais, et bientôt la lassitude lui ôtera le courage.

› Et vous, véritables représentans du peuple, législateurs patriotes, venus de tous les coins de l'empire pour mettre en commun vos lumières et vos bonnes intentions, en vain étudiez-vous les besoins de vos commettans; en vain interrogez-vous la sagesse de tous les lieux et de tous les âges, pour en appliquer les résultats à la régénération de votre pays. A quoi aboutiront vos travaux assidus et pénibles? Votre bon génie vous inspire vainement des décrets accommodés aux circonstances; à côté de vous est le génie du mal qui veille pour détruire le bien à mesure que vous l'opérez.

▾ Comme au château des Tuileries on doit sourire avec dédain, en jetant les yeux sur la salle du manége! Là-dedans laissons-les tout à leur aise motionner, discuter, délibérer; en dernière analyse, il n'en sera toujours que ce que je voudrai, se dit la cour. La nation veut absolument avoir une volonté à elle, et n'obéir désormais qu'aux lois qu'elle se sera faites. Nation inconséquente et frivole, il n'y a pas beaucoup de gloire à te tromper! Tu relis avec orgueil la déclaration des droits de l'homme et ta constitution; tu en multiplies les pages comme les grains de sable de la mer, afin que le reste des nations de l'Europe apprenne de toi à être libre; tu contemples avec complaisance l'ensemble de tes décrets fondamentaux, qui sont tous des chefs-d'oeuvre à tes yeux! Exceptes-en un du moins, et vois comme il a été aisé de renverser l'échafaudage de ton système représentatif! Une seule loi surprise au jugement sain dont tu dis avoir fait preuve, a suffi pour infirmer toutes les autres. Il est beau de n'obéir qu'à des lois ré sultat du concours de toutes les volontés; mais y a-t-il de quoi te

vanter de ta législation nouvelle, qui confère à un pouvoir constitué, et placé par toi hors de toi, une volonté individuelle et négative, plus forte que toutes les autres volontés positives ensemble, puisqu'elle a la faculté d'en suspendre l'exercice! La loi permet tout ce qu'elle ne défend pas; mais le roi est plus puissant qu'elle, puisqu'il a le droit de défendre non-seulement ce qu'elle permet, mais même ce qu'elle ordonne.

› Nation imprudente, continue la cour en s'applaudissant et en insultant à nos réflexions tardives, tu as donné dans le premier piége que je t'ai tendu, et il ne m'en a fallu qu'un. Va! le seul veto me venge assez de tous les dégoûts dont tu m'abreuves depuis deux années. Ne vantes plus ton courage et tes sentimens romains, la perspicacité de ta vue et la finesse de ton tact, peuple imbécille qui n'aimes que le bruit et le mouvement; parce que tu t'agites, tu te crois libre: sois détrompé, et vois toute l'étendue de l'abîme où j'ai su t'entraîner au milieu de tes chants d'allégresse et de tes menaces. Va! saches que tu es fait pour être esclave, et que tu le seras tant que j'aurai le veto; et c'est la constitution que tu idolâtres qui me l'a donné. Tu m'as forcé à l'accepter ce pacte solennel; j'ai le droit à mon tour de t'obliger à en exécuter toutes les clauses. Peuple né seulement pour porter mon bagage, marche devant moi, et ne t'avises pas de regimber la verge du veto, continuellement levée sur ta tête, te fera rentrer dans le devoir; obéis et sers. Dans tes loisirs, rêve à l'indépendance si cela t'amuse, j'y consens, et paie des représentans pour te faire des décrets; mais ceux-là seuls qui me plairont auront force de Joi : je suis toujours ton législateur suprême comme auparavant, et je puis encore te dire : Car tel est mon bon plaisir; j'ordonnais sic volo, je défends veto; la chose est restée, il n'y a que le mot qui n'est plus le même. J'étais jadis roi de France, c'est-à-dire seigneur suzerain d'un fief de vingt-cinq mille lieues carrées, aujourd'hui je suis roi des Français, c'est-à-dire maître de leurs volontés. La constitution m'a fait plus grand que je n'étais. Monarques de l'Europe, hâtezvous, imitez-moi : permettez à vos Etats de s'assembler, et n'ap

préhendez rien. Si vous obtenez le veto, vous serez encore toutpuissans.

› Si ce n'est pas là ce qu'on dit tout haut au comité des Tuileries, c'est bien là ce qu'on y pense, Mais toute médaille a son revers, et le triomphe de la cour pourrait bien ressembler à ceux des Romains: derrière le char triomphal, des citoyens se fesaient plaisir de jeter quelques feuilles d'absinthe dans la coupe des louanges où s'enivrait le vainqueur; quelques vérités dures s'échappaient du milieu de la foule, et perçaient jusqu'à son oreille superbe à travers le nuage d'encens qui exaltait son

cerveau.

Ne serait-il pas possible de rétablir cet ancien usage? ne se trouvera-t-il pas quelque franc patriote assez courageux pour hanter la cour, dans l'espoir de saisir la première occasion de faire parvenir au roi lui-même quelques vérités utiles et salutaires de l'espèce de celle-ci :

> Louis! tout succède à nos vœux, et même au-delà; la révolution, qui semblait devoir saper la base d'un trône souillé par quatorze cents ans de crimes, n'a fait que vous le rendre plus commode et mieux assuré que jamais. Vous venez de frapper de nullité une loi qui suspendait le glaive de la justice sur la tête des ennemis de la patrie, seule guerre qu'il était de notre dignité de déclarer aux émigrans et à leurs alliés. Votre second veto est encore une grâce accordée à d'autres traîtres, forts de la faiblesse des esprits, ennemis domestiques plus dangereux peut-être que ceux du dehors.

Ces deux premiers essais de l'exercice du droit le plus redoutable qu'on ait imaginé de confier individuellement à un homme, ont été trop heureux pour ne pas vous enhardir; et désormais, sans doute, le veto sera comme le van du laboureur, qui retient le bon grain, et ne laisse aller que la balle stérile. Vous manifestez clairement l'intention de ne sanctionner que les décrets insignifians ou qui vous seront agréables, et de refuser le caractère de loi à ceux dictés par l'opinion, attendus par le peuple, mais hors du sens de votre comité.

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