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l'anarchie, voilà nos ennemis communs. Je les combattrai de tout mon pouvoir : il importe que vous et vos successeurs me secondiez avec énergie; que, sans vouloir dominer la pensée, la loi protège également tous ceux qui lui soumettent leurs actions. Que ceux que la crainte des persécutions et des troubles auraient éloignés de leur patrie, soient certains de trouver, en y rentrant, la sûreté et la tranquillité. Et pour éteindre les haines, pour adoucir les maux qu'une grande révolution entraîne toujours à sa suite, pour que la loi puisse d'aujourd'hui commencer à recevoir une pleine exécution, consentons à l'oubli du passé. (La partie gauche et les tribunes retentissent d'applaudissemens.) Que les accusations et les poursuites qui n'ont pour principes que les événemens de la révolution, soient éteintes dans une réconciliation générale.

› Je ne parle pas de ceux qui n'ont été déterminés que par leur attachement pour moi: pourriez-vous y voir des coupables? Quant à ceux qui, par des excès où je pourrais apercevoir des injures personnelles, ont attiré sur eux la poursuite des lois, j'éprouve à leur égard que je suis le roi de tous les Français. • Signé Louis. ›

13 septembre 1791.

(Les applaudissemens recommencent.)

P. S. J'ai pensé, Messieurs, que c'était dans le lieu même où la constitution a été formée, que je devais en prononcer l'acceptation solennelle. Je me rendrai en conséquence demain, à midi, à l'assemblée nationale. ›

M. La Fayette. Je croirais, Messieurs, faire tort aux sentimens qui viennent d'associer l'assemblée au vœu que le roi nous a témoigné, si je ne me bornais, pour la régularité de la délibération, à proposer le décret suivant :

. L'assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du message du roi, qui accepte l'acte constitutionnel, s'associant aux sentimens que le roi a témoignés sur la cessation de toutes poursuites relatives aux événemens de la révolution, décrète ce qui suit : 1° Toutes personnes constituées en état d'arrestation ou d'ac

cusation, relativement au départ du roi, seront sur-le-champ remises en liberté, et toute poursuite cessera à leur égard.

2o Les comités de constitution et de jurisprudence criminelle présenteront demain, à l'ouverture de la séance, un projet de décret qui abolisse immédiatement toute procédure relative aux événemens de la révolution.

3° Il sera également présenté demain un projet de décret qui abolisse l'usage des passeports, et anéantisse les gênes momentanées apportées à la liberté que la constitution assure à tous les citoyens français d'aller et de venir, tant au dedans qu'au dehors du royaume. >

Toute la partie gauche, une partie du côté droit et les tribunes retentissent d'applaudissemens.

L'assemblée adopte par acclamation le projet de décret présenté par M. La Fayette.

M. Goupil. Je demande qu'une députation de soixante membres se rende sur-le-champ chez le roi pour lui présenter le décret qui vient d'étré rendu (Quelques voix s'élèvent dans la partie gauche: L'assemblée en corps.)

L'assemblée adopte la proposition de M. Goupil.

SÉANCE ROYALE DU MERCREDI 14 septembre.

M. Dandré. Je rappelle à l'assemblée que, lorsque le roi est présent, il ne doit être pris aucune délibération, et je demande que le président soit investi de toute l'autorité nécessaire pour empêcher aucun membre de prendre la parole, le roi présent. L'assemblée décide qu'aucune motion ne sera faite en présence du roi.

M. le Chapelier. Je prie l'assemblée de m'accorder un moment d'attention pour que je lui rende compte de la députation envoyée hier chez le roi. Nous avons rempli auprès du roi la mission que vous nous aviez donnée, de remettre à sa majesté le décret que vous veniez de rendre. En lui remettant ce décret, nous avons exprimé au roi la sensation qu'avait (excitée dans l'assemblée son message, nous lui avons dit :

Sire, l'assemblée nationale, en entendant la lecture du message de votre majesté, a souvent interrompu cette lecture par des applaudissemens, qui expriment l'affection des Français pour leur roi; elle a éprouvé le plus doux des sentimens en voyant votre majesté exprimer son vœu pour une amnistie générale qui puisse terminer toutes les discordes et les dissensions: elle s'est empressée de rendre un décret qui fixe le terme de la révolution.

Le roi, parlant d'un ton satisfait, nous a répondu en ces

termes :

Je me ferai toujours un plaisir et un devoir de suivre la volonté de la nation quand elle sera connue. Je vois avec reconnaissance que l'assemblée nationale ait accédé à mon vœeu. Je souhaite que le décret que vous me présentez mette fin aux discordes, qu'il réunisse tout le monde, et que nous ne soyons qu'un. ›

Le roi a ajouté:

Je suis instruit que l'assemblée nationale a rendu ce matin un décret relatif au cordon bleu : je me suis déterminé à quitter cette décoration, et je vous prie de faire part de ma résolution à l'assemblée. >

La reine et les enfans du roi se trouvaient à l'entrée de la chambre du conseil, où la députation a été reçue. Le roi nous a dit:

Voilà ma femmé et mes enfans qui partagent mes senti

mens. >

La reine s'est avancée, et a dit :

1 Nous accourons tous, mes enfans et moi, et nous partageons -tous les sentimens du roi. (On applaudit.)

M. Beaumetz lit les projets de décrets que les comités de constitution et de révision ont hier été chargés de présenter. Ils sont adoptés sans discussion et unanimement en ces termes :

L'assemblée nationale, considérant que l'objet de la révolution française a été de donner une constitution à l'empire, et

qu'ainsi la révolution doit prendre fin au moment où la constitution est achevée et acceptée par le roi ;

› Considérant qu'autant il serait désormais coupable de résister aux autorités constituées et aux lois, autant il est digne de la nation française d'oublier les marques d'opposition dirigées contre la volonté nationale, laquelle n'était pas encore généralement reconnue, ni solennellement proclamée; qu'enfin le temps est venu d'éteindre les dissentions dans un sentiment commun de patriotisme, de fraternité et d'affection pour le monarque qui a donné l'exemple de cet oubli généreux, décrète :

› Art. Ier. Toutes procédures instruites sur des faits relatifs à la révolution, quel qu'en puisse être l'objet, et tous jugemens intervenus sur semblables procédures, sont irrévocablement abolis.

› II. Il est défendu à tous officiers de police ou juges de commencer aucune procédure pour les faits mentionnés en l'article précédent, ni donner continuation à celles qui seraient commencées.

› III. Le roi sera prié de donner des ordres au ministre de la justice de faire dresser, par les juges de chaque tribunal, l'état visé, par le commissaire du roi, des procédures et jugemens compris dans la présente abolition le ministre certifiera le corps-législatif de la remise desdits états.

› IV. L'assemblée nationale décrète une amnistie générale en faveur de tout homme de guerre, prévenu, accusé ou convaincu de délits militaires, à compter du 1er juin 1789. En conséquence, toutes plaintes portées, poursuites exercées, ou jugemens rendus à l'occasion de semblables délits, sont regardés comme non-avenus, et les personnes qui en étaient l'objet seront mises immédiatement en liberté si elles sont détenues, sans néanmoins qu'on puisse induire du présent article que ces personnes conservent aucun droit sur les places qu'elles avaient abandonnées.

V.L'assemblée nationale décrète qu'il ne sera plus exigé au cune des permissions ou passeports dont l'usage avait été momenta

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nément établi ; le décret relatif aux émigrans est révoqué; et, conformément à la constitution, il ne sera plus apporté aucun obstacle au droit de tout citoyen français de voyager librement dans le royaume, et d'en sortir à volonté.

M. le président. Le roi est en marche pour se rendre à l'assemblée. Je n'ai pas besoin de rappeler le décret qui interdit à tous membres le droit de prendre la parole tant qu'il sera dans cette enceinte. Dans le moment où le roi prêtera son serment, l'assemblée doit être assise.

M. Malouet. Il n'y a pas un seul cas où la nation assemblée ne reconnaisse le roi pour son chef: je demande que pour le respect dû à son caractère, l'assemblée reste debout tant qu'il sera présent.

M. Dandré. Voici ce que l'on a observé à l'ouverture des états-généraux, et ce qui doit s'observer encore. Le roi est entré dans la salle, on s'est levé; le roi a parlé, les députés se sont assis et couverts.

Un huissier. Voilà le roi.

Le roi entre dans la salle accompagné de tous ses ministres, n'ayant d'autre décoration que la croix de Saint-Louis. — L'assemblée se lève. - Le roi va se placer à côté de M. le président. Le roi. Messieurs, je viens consacrer ici solennellement l'acceptation que j'ai donnée à l'acte constitutionnel.

En conséquence, je jure.... (l'assemblée s'assied) d'être fidèle à la nation et à la loi, d'employer tout le pouvoir qui m'est délégué à maintenir la constitution décrétée par l'assemblée nationale constituante, et à faire exécuter les lois. (Le roi s'assied.La salle retentit d'applaudissemens.) Puisse cette grande et mémorable époque être celle du rétablissement de la paix, de l'union, et devenir le gage du bonheur du peuple et de la prospérité de l'empire.

La salle retentit pendant plusieurs minutes d'applaudissemens et des cris de vive le roi!

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