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système contraire, il y aurait l'inconvénient très-grave d'avoir dans les assemblées électorales des hommes qui, n'ayant pas assez de propriétés ou de richesses industrielles pour rester plusieurs jours sans travailler, demanderaient à être payés ou le seraient par le plus offrant. C'est ainsi que vous avez vu à Paris l'assemblée électorale réduite à deux cents membres; c'est ainsi que dans le département de la Seine-Inférieure, le plus riche du royaume, 160 électeurs sur 700 ont procédé aux élections, et que les élections ayant duré trois jours, il ne s'est trouvé, le troisième jour, que 60 électeurs. Voyez si vos élections ne sont pas, en ce moment, livrées à un petit nombre d'intrigans. Pourquoi ne veut-on pas accueillir le système d'élection que nous vous proposons? c'est parce que l'on craint que cette constitution, si excellente dans ses bases, étant perfectionnée par vous-mêmes dans ses détails, on n'ait pas besoin d'appeler bientôt une nouvelle convention nationale, objet des désirs des intrigans, qui voudraient renverser le gouvernement. (Quelques membres applaudissent.)

Le comité veut évidemment faire le bien de la majorité de la nation, puisque nous ouvrons tous les postes publics à 4 millions de citoyens actifs, tandis que l'avis contraire ne tend qu'à conserver la qualité d'électeurs à soixante ou quatre-vingt mille citoyens.

On demande que la discussion soit fermée. Vernier fait ajourner l'article.

M. Thouret fait lecture du premier article de la troisième section, relative à la nomination des représentans. Goupilleau demande qu'ils soient choisis parmi les éligibles de chaque département. Roederer, Salles, Garat aîné, Malès et Barrère, appuient cette proposition, qui est adoptée malgré les réclamations de Thouret.

Les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.

M. Thouret. Il est question maintenant des deux premiers articles de la section troisième. Ces deux articles sont décrétés.

SÉANCE DU 13 AOUT.

[M. Thouret, rapporteur. Les fatigues des deux séances précédentes, à la suite d'un travail très-long et très-pénible, ne me permettent guère de finir la carrière du jour. Je supplie l'assemblée de permettre que lorsque mon impuissance sera constatée, je me fasse remplacer par un de mes collègues.

D'après l'ajournement décrété hier, nous ne pouvons rien statuer sur l'article III ainsi conçu :

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Art. III. Tous les citoyens actifs, quel que soit leur état, profession ou contribution, pourront être choisis pour représentans de la nation. »]

-Les articles IV, V, VI et VII sont lus et adoptés. On passe à l'article VIII par lequel l'époque de la réélection est fixée à deux années écoulées depuis le dernier mandat. Saint-Martin demande qu'il y soit ajouté le décret qui exclut du ministère et de toute place à la nomination du pouvoir exécutif, les membres des législatures et du tribunal de cassation, pendant les quatre années qui suivront leur sortie de fonctions. Prieur, Lanjuinais, Guillaume et Roederer appuient cette proposition. Elle est combattue par Thouret, Tracy et Duport. Goupil demande, par amendement, que les membres du corps-législatif ne puissent accepter du gouvernement, pendant la durée de la législature, aucun don, place ou emploi, même en donnant leur démission. Custine et Chabroud votent pour l'exclusion des seuls membres du corps constituant, et présentent des modifications pour les législatures. Sur la proposition de Buzot, décret portant que les membres de l'assemblée actuelle, et ceux des prochaines législatures, ne pourront être élus à aucune des places données par le pouvoir exécutif que deux ans après la fin de leur session.

[M. Guillaume. L'agitation qui a régné dans cette assemblée depuis que la discussion est ouverte sur l'acte constitutionnel, vient de plusieurs omissions graves que les vrais amis de la liberté ont cru apercevoir.... (On applaudit dans l'extrémité gauche de la partie gauche, et dans quelques parties des tribunes.) Une très-vive agitation se manifeste dans tout le côté gauche.

T. XI.

19

MM. Barnave et Thouret paraissent à la tribune et sollicitent la parole...

M. Beaumetz, placé dans l'extrémité de la partie gauche, la sollicite aussi. MM. Anthoine, Montpassan, le curé Dillon, et quelques autres membres étouffent sa voix par leurs cris et leurs applaudissemens.

M. Alexandre Lameth, en montrant M. Guillaume. Je demande qu'il soit rappelé à l'ordre.

MM. Duport et Charles Lameth appuient du geste cette propósition.

La partie droite, calme, observe en silence la partie gauche. M. Guillaume monte à la tribune placée dans l'extrémité de la partie gauche.

M. Barnave. Je demande la parole pour une motion d'ordre.... M. Guillaume. La liberté de la nation dépend de la liberté des opinions....

M. le président. Sur un mot échappé à M. Guillaume, tendant à inculper un grand nombre.... (Plusieurs voix de l'extrémité gauche de la partie gauche: Non, non.)

M. Guillaume. Je ne désire pas que mon opinion passe par votre organe, parce qu'elle se corrompt..... (Deux membres voisins de M. Guillaume applaudissent.)

L'agitation redouble. Plusieurs voix s'élèvent: A l'Abbaye! à l'Abbaye!

parole.

M. Barnave insiste pour obtenir la

M. Guillaume veut continuer à parler.

M. Desmeuniers. Vous n'avez pas la parole, Monsieur.

M. le président. M. Barnave a demandé la parole pour une motion d'ordre. Je vais consulter l'assemblée pour savoir si elle veut la lui accorder.

L'assemblée est consultée. Les cris de l'extrémité gauche de la partie gauche empêchent M. le président de prononcer le résultat de la délibération.

M. Roederer. M. Guillaume n'a sans doute pas eu l'intention d'offenser personne; ainsi il faut lui laisser expliquer sa pensée.

M. le président. Je n'ai pas de volonté. Avant d'accorder la parole, je dois consulter l'assemblée....

Une voix de l'extrémité gauche de L partie gauche. M. Guillaume l'a de droit.

M. Barnave. Je cède la parole à M. Guillaume, pourvu qu'on me l'accorde après lui.

Vingt minutes se passent dans la plus vive agitation.

M. Guillaume. Je ne puis assez m'étonner du trouble qu'a occasionné dans cette assemblée une phrase que l'on ne m'a pas permis d'achever: c'est lorsque j'ai dit que les bons amis de la constitution..... (Plusieurs voix : vous avez dit les vrais, Monsieur); lorsque j'ai dit que les vrais amis de la constitution avaient remarqué dans l'acte constitutionnel des omissions importantes, je ne m'attendais pas qu'on en conclurait que ceux qui avaient commis ces omissions, n'étaient pas aussi les vrais amis de la constitution. (Les murmures sont universels.) Je n'ai jamais entendu prononcer sur les intentions de personne ; mais j'ai dû relever avec le courage, avec la fermeté d'un représentant de la nation, des omissions que je crois importantes. L'agitation qui a eu lieu dans les dernières séances avait pour cause principale ces omissions: sans doute elle va cesser, puisqu'elles sont presque toutes réparées. Vous avez décrété que les députés à la législature ne pourraient être choisis que dans leurs départemens respectifs ; vous avez également adopté comme constitutionnel le décret qui porte qu'un membre qui aura été élu à deux législa tures de suite, ne pourra être réélu qu'après un intervalle de deux années. Vous venez de rétablir aussi le décret qui exclut vous et vos successeurs des places du ministère. Je voulais vous dire qu'il ne restait plus maintenant qu'à rappeler le décret constitutionnel, qui porte que le corps législatif pourra dire au roi que ses ministres ont perdu la confiance de la nation. (On entend des applaudissemens.)

M. Barnave. Je n'aurais pas insisté sur la parole, si je n'avais eu en vue que de demander que le préopinant fût rappelé à l'ordre; car la phrase a si peu de convenance, que je ne doutais pas que de le demander fût assez pour l'obtenir. J'avais demandé la parole pour appuyer cette proposition, sur des réflexions trèscourtes, relatives à ce qui s'est passé ces derniers jours, et aux sentimens qu'ont éprouvés les comités à cet égard. Hier, comme aujourd'hui, il nous a été adressé une phrase dont nous aurions eu peut-être le droit de demander justice à l'assemblée. Un membre a dit, en s'adressant à une partie de l'assemblée, qui alors interrompait un opinant: Je vous demande silence. Nous avons conquis notre liberté; nous saurons la conquérir encore en faisant rétablir nos décrets. (On applaudit dans l'extrémité gauche de la partie gauche.) Nous aurions pu demander alors que l'opinant fût rappelé à l'ordre. Nous ne l'avons pas fait, parce qu'un premier fait de cette nature ne nous a pas paru le nécessiter impérieusement. La répétition du même fait m'a engagé à demander la permission de faire une motion d'ordre, et à mettre brièvement sous les yeux de l'assemblée, les sentimens dont déjà hier ses comités étaient pénétrés, à raison de ce qui s'était passé. Je dois vous le dire; dans notre séance d'hier au soir, la seule idée qui nous a occupés était de savoir si les dispositions où nous avions vu hier une partie de l'assemblée, et si surtout les décrets qui venaient d'être rendus, et qui paraissaient prêts à l'être, ne devaient pas nous déterminer à nous démettre. (M. Anthoine applaudit.)

M. Barnave, les yeux fixés sur l'extrémité gauche de la partie gauche. Il n'y a qu'un moyen de s'entendre: c'est de s'expliquer. Comme j'aime à croire que tout le monde ici est de bonne foi...... (Une voix de l'extrémité gauche : Párlez à l'assemblée.) L'assemblée nationale nous avait chargés de faire le rassemblement et la classification de ses décrets constitutionnels. Dans cet important ouvrage, nous n'avons eu que deux vues: c'est, 1° qu'en maintenant la constitution établie par vous, il en résultât qu'avec toutes vos bases conservées, le gouvernement eût

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