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secours des patriotes depuis les certificats du mouchard Étienne, dont les contre-poisons lui ont fait perdre ses écoliers!

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>Enfin, l'assemblée nationale se retire en club aux Feuillans, et fait scission avec les Jacobins, afin de leur enlever leur correspondance. Mais Pétion et Robespierre, et le petit nombre de représentans qui sont demeurés fidèles à le nation, restent aux Jacobins, et l'assemblée nationale est toute où sont Pétion et Robespierre. Le reste n'est qu'un ramas de prêtres, de nobles, d'intrigans, de ministériels, de contre-révolutionnaires ou d'imbécilles : c'est l'assemblée anti-nationale. Je ne sais pas comment Robespierre, Buzot, Pétion, Roederer, Prieur, Grégoire, Royer et une demi-douzaine d'autres, ne donnent pas leur démission, et ne se retirent pas du milieu, non de ce sénat, mais de ce sabbat de conjurés contre le peuple, où le bien est impossible à faire. Mais peut-être que les autres, craignant les suites de la retraite de ce petit nombre de justes, chercheront à les retenir au milieu d'eux, et à plâtrer par quelques bons décrets leurs desseins ambitieux et nationicides. Quant à moi, je ne me laisserai point prendre à ces apparences, et je n'attendrai plus à l'autel de la patrie la troisième proclamation de la loi martiale et la première décharge à poudre. Pour racheter le droit de crier dans le désert, de défendre la déclaration des droits et de montrer les sept rayons primitifs à un peuple de Quinze-Vingts, il me faudrait m'avilir jusqu'à louer la Fayette et ses compagnons de tyrannie; il faudrait pallier la vérité. Mentiri nescio. Je ne saurais descendre à cette lache dissimulation à laquelle les écrivains patriotes sont aujourd'hui contraints devant les sapeurs à gros ventre, et les nains de six pieds à gros bonnets.

>On l'a dit, les Parisiens ressemblent à ces Athéniens à qui Demosthènes disait : Serez-vous toujours comme ces athlètes qui, frappés dans un endroit, y portent la main, frappés dans un autre l'y portent encore, et toujours occupés des coups qu'ils viennent de recevoir, ne savent ni sauver ni prévenir. Ils commencent à se douter que Louis XVI pourrait bien être un parjure, quand il est à Varennes; c'est quand Bouille est à Luxembourg

qu'ils soupçonnent que les soldats de Château-Vieux pourraient bien être innocens, et avoir été fusillés, pendus ou roués pour leur patriotisme. Il me semble les regarder de même, grands yeux ouverts, bouche béante, quand ils verront tout-à-fait la Fayette ouvrir au despotisme et à l'aristocratie les portes de la capitale qu'il leur tient déjà plus qu'à demi ouvertes ; quand ils verront et les millions de la liste civile et les milliards des biens du clergé, dissipés à entretenir les armées à tête de mort d'outreRhin, et ici à élever à grands frais une digue de mouchards contre le torrent de l'opinion; quand ils retrouveront le déficit aussi profond qu'en 89; quand ils verront maints départemens indignés que leurs biens nationaux ne servent qu'à alimenter la prodigalité liberticide de Bailly, de la Fayette, plus déprédateurs que Calonne, indignés que la liberté de la presse soit anéantie, et que la révolution ne soit que trente tyrans à la place d'un seul; quand ils verront, dis-je, maints départemens, les uns demander une constitution moins contradictoire avec la déclaration des droits; les autres s'ériger en États-Unis, tous se détacher de la métropole, abandonner Paris à sa corruption, à son égoïsme et à l'esprit mercantile de ses boutiquiers qui, aunant la liberté et ne reconnaissant pour gouvernement que celui qui entoure le comptoir d'un plus grand nombre d'acheteurs, ne soupirent qu'après le retour des aristocrates, et s'efforcent de les rappeler en bannissant les patriotes qui, plus tard, auraient élevé la splendeur de Paris au-dessus de celle de Rome et d'Athènes, et ses richesses proportionnelles au-dessus de celles de Londres et d'Amsterdam; mais ce n'est pas ce que voit le sot détailleur, toujours pressé de vendre avant la fin du mois, attendu les lettres de change, et qui, en nous fusillant sur l'autel de la patrie, croyait déjà voir les émigrans de retour, remplir ses magasins. Puissé-je me tromper dans mes conjectures! car je me suis éloigné de cette ville comme Camille mon patron s'exila d'une ingrate patrie, en lui souhaitant toutes sortes de prospérités. Je n'ai pas besoin d'avoir été empereur, comme Dioclétien, pour savoir que les belles laitues de Salone, qui valent mieux que l'empire d'Orient,

valent bien l'écharpe dont se pare un municipal, et les inquiétudes avec lesquelles un journalistejacobin rentre le soir chez lui, craignant toujours de tomber dans une embuscade d'ennemis de la liberté de la presse et de coupe-jarrets du général. Il m'en coûte pourtant de quitter la plume! mais si tous les écrivains patriotes se taisaient...... Pour moi, ce n'est point pour substituer ni des décemvirs à la royauté, ni des comités aux ministres, ni un M. Dandré, ni un M. Barnave aux premiers ministres, ni les proscriptions des co-dictateurs la Fayette et Lameth aux lettres de cachet. Ce n'est point pour établir deux chambres que j'avais pris le premier la cocarde nationale; ce n'était point la peine de nous délivrer des bourrades des triste-à-pattes, pour nous percer de la baïonnette de nos concitoyens ; et on n'a point renversé la Bastille, on n'a point affranchi de la prison ceux qui regimbaient contre l'ancien régime, pour fusiller et éventrer ceux qui, soumis au nouveau et en vertu des décrets, signent une pétition. › (Révolutions de France et de tous les royaumes, etc., n° LXXXVI et dernier.)

Feuillantisme.

Nous passerons maintenant à la seconde moitié de juillet: elle comprend la scission de la société des Amis de la constitution en Jacobins et en Feuillans, les suites de la journée du 17, et l'analyse des travaux de l'assemblée du 19 au 31 juillet.

La première question sur laquelle ne s'entendirent pas les députés de l'assemblée nationale, membres du club des Jacobins, fut celle de la rééligibilité. Plusieurs d'entre eux s'étaient déjà plaint ouvertement que la direction du club échappait à ses fondateurs; que les réceptions étaient trop faciles; que des hommes nouveaux, de simples citoyens, y obtenaient chaque jour, à leur préjudice, une influence proportionnée à l'audace révolutionnaire que ces hommes déployaient. Cependant ils s'étaient contentés de demander un scrutin épuratoire ; et comme deux formes politiques différentes, le républicanisme et le système représentatif avec un roi héréditaire, séparaient les Jacobins en deux opinions, ils espéraient que cette dissidence régle

rait l'épuration, et que la minorité républicaine une fois exclue, le patronage qu'ils ambitionnaient ne leur serait plus contesté par personne. Sur ces entrefaites arriva la motion de Robespierre sur la non-rééligibilité. Voici, là-dessus, une note curieuse du n° LXXXVI de C. Desmoulins: elle est de l'éditeur anonyme dont nous avons déjà parlé.

La cour connaissait bien les Lameth, et autres premiers figurans de la société des Jacobins, et elle imagine un moyen très-adroit pour les détacher du parti populaire. Tous ces cour tisans, disait-elle, sont des gens qui ne veulent qu'être portés par les flots de la multitude aux grandes places d'où le vent dè la cour les éloignait; ils ne veulent que des commandemens, des ministères, surtout beaucoup d'argent; la faveur de la cour qui leur manquait, est comme les voiles de l'ambition; à défaut de ces voiles, ils ont voulu se servir des rames de la popularité. Les vrais patriotes, au contraire, sont désintéressés; c'est le bien public seul qu'ils cherchent: ce serait donc un moyen infailliblé d'opérer une grande division parmi les Jacobins et de les affaiblir, en en détachant tous les faux patriotes, si l'assemblée nationale pouvait rendre des décrets bien patriotiques qui reculassent bien loin les espérances des ambitieux. Montrons aux Lameth, aux Duport, aux Barnave, aux Broglie, etc., qu'ils ne seront point réélus, qu'ils ne pourront arriver à aucun poste important avant quatre ans. Robespierre, Buzot et Pétion et tous les vrais patriotes, veulent la non-rééligibilité aux places de la législature, et la non-rééligibilité aux places du ministère avant quatre ans. Que tout le côté droit les seconde: par pudeur, le côté gauche n'osera paraître moins patriote. Les Lameth, Barnave, Duport, seront furieux, et ils se retourneront vers nous. Lê comité autrichien avait calculé supérieurement. Robespierre fit les deux motions, et ce sont, je crois, les deux seules de ce citoyen éloquent et incorruptible qui aient jamais été accueillies. Les deux décrets furent emportés d'emblée: tout le côté droit se leva pour Robespierre, comme le plus fidèle défenseur du peuple, et force fut à 89 et aux faux Jacobins de céder. A peine

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Duport et quelques-uns de ses pareils osèrent-ils exhaler leur bile dans un coin. Si le lecteur ne veut regarder cela que comme mon opinion ou des conjectures, il en est bien le maître; mais voici des faits que je lui certifie. J'avais vu Alexandre et Théodore Lameth, la veille ou l'avant-veille du décret sur la nonrééligibilité; ils m'avaient demandé mon avis: je ne leur avais pas dissimulé que je pensais comme Robespierre. Ils étaient encore patriotes. J'y retournai le lendemain ou deux jours après ; ce n'étaient plus les mêmes hommes. Je ne pus tirer une seule parole d'Alexandre, plus fin apparemment ; mais je n'oublierai jamais que Théodore me dit: Il est impossible qu'on y tienne; Duport disait hier au soir qu'il fallait sortir de France. Comment! ceux qui auraient fait la constitution auraient le dépit, à la prochaine législature, de voir peut-être détruire leur ouvrage. Il nous faudra entendre, dans les galeries de l'assemblée nationale, un sot à la tribune faire le procès à vos meilleurs établissemens sans que vous puissiez les défendre ! Oui, ajouta-t-il, encore un pareil décret, et nous abandonnons la France. Théodore était dans son lit, et je fus presque tenté de croire qu'il rêvait une boutade. Sa colère me parut si ridicule, que je n'y fis pas même beaucoup d'attention. Cependant je me sentis détacher de gens qui se détachaient si aisément de la chose publique, parce qu'ils De pouvaient être réélus, et je cessai de les voir. Les derniers événemens m'ont rappelé bien douloureusement cet entretien. Plùt au ciel qu'ils fussent sortis de France! Mais ils ont trouvé plus court de se réconcilier avec la Fayette, co-intéressé à éloigner la seconde législature. N'y a-t-il pas de quoi mépriser bien profondément, et l'assemblée nationale, et le peuple de Paris, et notre prétendue révolution, et l'espèce humaine, quand on vient à réfléchir que la clé de tous les événemens liberticides, depuis le 21 juin inclusivement, jusqu'au 17 juillet, c'est que le pouvoir allait échapper aux Lameth et à la Fayette, c'est que Duport n'a pu être réélu? ›

Les graves questions soulevées par la fuite du roi, aigrirent ces premiers élémens de discordes. Déjà dans la séance du 29

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