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M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. La responsabilité doit toujours monter, et non pas descendre. Ainsi je demande que le département de Paris soit aussi mandé à la barre, comme étant chargé de surveiller la municipalité,

L'assemblée adopte à l'unanimité le décret suivant :

L'assemblée nationale décrète qu'il sera rédigé, séance tenante, une adresse aux Français, pour leur exposer les principes qui ont dicté le décret rendu hier, et les motifs qu'ont tous les amis de la constitution de se réunir autour des principes constitutionnels, et que cette adresse sera envoyée par des courriers extraordinaires;

› 2° Que le département et la municipalité de Paris seront mandés pour qu'il leur soit enjoint de donner des ordres pour veiller avec soin à la tranquillité publique ;

› 3° Que les accusateurs publics de la ville de Paris seront mandés, et qu'il leur sera enjoint, sous leur responsabilité, de faire informer sur-le-champ contre tous les infracteurs aux lois et les perturbateurs du repos public;

4° Que les ministres seront appelés pour leur ordonner de faire observer exactement, et sous peine de responsabilité, le présent décret. »

M. le président. Je nomme pour rédiger l'adresse MM. Chabroud, Fréteau, Chapelier et Dandré.

M. Boussion. Je demande que la municipalité soit aussi chargée de surveiller les étrangers.

M. Emmery, Nous savons que des étrangers suscitent le trouble dans Paris et y répandent de l'argent. Nos décrets sur la police correctionnelle pourraient arrêter ces abus; ils ne sont pas publiés: on pourrait les lui communiquer, comme renfermant les moyens de ramener la tranquillité,

M. Fréteau. Il existe aussi des sociétés dites fraternelles, mais qui, certes, ne le sont pas pour la France. C'est là que se rendent des agioteurs, des banqueroutiers, pour y provoquer des motions incendiaires, et répandre des calomnies contre ce qu'il y

a de plus pur dans la nation. Vous ne souffrirez pas que la France soit travaillée au-dedans, et vous croirez peut-être nécessaire d'exclure de toutes les délibérations les étrangers mal famés. (On applaudit.)

-On s'occupe à faire quelques lectures et à décréter la suite de lois en délibération. Bientôt le directoire du département et la municipalité de Paris se présentent à la barre.

M. le président. L'assemblée nationale a appris avec surprise que le décret rendu hier a été pour quelques séditieux un moyen de tromper, d'égarer, d'agiter le peuple. Invariablement attachée à la constitution française, déterminée à faire respecter les lois protectrices de la liberté, de la tranquillité publique et de la propriété des citoyens, l'assemblée nationale ne veut pas fermer les yeux sur les mouvemens coupables qui doivent appeler votre vigilance. Elle vous ordonne de vous servir de tous les moyens que la loi vous a confiés, pour réprimer les désordres, en décoùvrir les auteurs, et les faire poursuivre avec toute la rigueur des lois. L'assemblée ayant appris que dans les mouvemens qui ont eu lieu hier, on remarque beaucoup de personnes étrangères, a pensé que la prompte exécution des trois premiers articles du décret sur la police municipale devenait indispensable; elle vous ordonne d'exécuter ce décret sans délai. Ces articles sont ainsi conçus :

Art. Ier. Dans les villes de vingt mille âmes et au-dessus, les corps municipaux feront constater l'état des habitans, soit par des officiers municipaux, soit par des commissaires de police, s'il y en a, soit par des citoyens commis à cet effet. Chaque année, dans le courant du mois de décembre, cet état sera vérifié de nouveau, et on y fera les changemens nécessaires.

II. Le registre contiendra mention des déclarations que chacun aura faites de ses noms, âge, lieu de naissance, dernier domicile, profession, métier et autres moyens de subsistance; le déclarant qui n'aurait à indiquer aucun moyen de substitance, désignera les citoyens domiciliés dans la ville, dont il sera connu, et qui pourront rendre bon témoignage de sa conduite.

>III. Ceux qui, dans la force de l'âge, n'auront ni moyens de subsistance, ni métier, ni répondans, seront inscrits avec la note de gens sans aveu.

>Ceux qui refuseront toute déclaration seront inscrits sous leur signalement et demeure, avec la note de gens suspects.

>Ceux qui seront convaincus d'avoir fait de fausses déclarations, seront inscrits avec la note de gens mal intentionnés.»

M. Larochefoucault, président du département. Je puis assurer à l'assemblée nationale que les précautions les plus promptes et les plus sûres vont être prises pour le rétablissement de la tranquillité publique.

M. Bailly, maire. J'ai l'honneur d'assurer l'assemblée, que dans le jour, la municipalité va s'occuper de l'exécution de votre décret. (M. le maire paraît se retirer; il revient.) On vient de m'apprendre que l'assemblée est instruite d'un fait qui s'est passé hier. Des citoyens en très-grand nombre se sont présentés dans la rue du Ponceau; nous nous y sommes rendus, plusieurs officiers municipaux et moi. On nous a dit qu'il s'agissait d'une pétition à présenter à l'assemblée nationale. Nous avons observé que six députés seulement pourraient venir apporter la pétition, et nous les avons fait entrer: alors nous avons appris qu'on venait d'arrêter l'un des six députés pour un fait absolument étranger à la circonstance. Nous avons pensé qu'ayant admis ces six députés, nous ne devions pas nous exposer à paraître manquer à la foi qui leur était due. On nous engageait à le garder à vue, et à le faire arrêter quand il sortirait de l'enceinte du lieu de vos séances. Nous nous y sommes encore refusés, et sa liberté lui a été assurée pendant toute la durée de sa mission. On m'apprend à l'instant qu'il a été arrêté dans la nuit : il a dit s'appeler Virchaux, et être de Neufchâtel en Suisse (1).

(1) Nous trouvons dans une lettre de Pétion à ses commettans, sur les circonstances actuelles (Journal des débats des Jacobins, n° XXXV), le renseignement suivant: «Je dirai, puisque l'occasion s'en présente, qu'une seule fois dans cette affaire, un rapport s'est établi entre les citoyens réunis le 15, au Champ-de-Mars, et moi. Ces citoyens avaient dressé une pétition pour l'assemblée nationale; des commissaires en étaient porteurs; ils étaient chargés de parler à ceux qui s'étaient élevés contre le projet des comités,

M. le président annonce que les commissaires rédacteurs de l'adresse ne pourront apporter leur travail qu'à la séance de ce soir, et que les accusateurs publics et ministres qui n'ont pas encore pu se réunir, se présenteront à la même séance.

M. le président. J'ai été chargé d'avertir l'assemblée, quand elle serait complète, que beaucoup de ses membres se rendent trop tard à ses séances. Les circonstances actuelles leur font un devoir de se trouver régulièrement à l'assemblée à neuf heures du matin.

SÉANCE DU SOIR.

[On fait lecture du procès-verbal de la séance du vendredi matin.

M. Lebois-Daiguier. Je ne vois pas qu'il soit question dans le procès-verbal d'une disposition adoptée sauf rédaction, et qui est relative au cas où le roi conspirerait contre l'État.

Plusieurs personnes observent que cette disposition n'a point été décrétée.

M. Babey. Il y a un grand nombre d'autres cas de déchéance à prévoir : je demande que les comités présentent, sur ce sujet une loi complète.

La proposition de M. Babey est renvoyée aux comités.

Les ministres sont présens. - M. le président leur adresse la parole.

M. le président. L'assemblée a desiré que vous parussiez devant elle pour qu'elle vous recommandât à tous d'employer tous les moyens que la constitution vous a confiés pour l'exécution des lois et le maintien de l'ordre public. Elle m'a chargé surtout de donner lecture à M. le ministre de la justice, du décret qu'elle a rendu ce matin à ce sujet.

MM. Grégoire, Robespierre, Prieur et moi, pour être leurs organes auprès de l'assemblée, et négocier leur entrée à la barre. M. Robespierre et moi sortîmes de la salle pour écouter ces commissaires, et nous leur dîmes que cette pétition était inutile, que le décret venait d'être porté à l'instant. Ils nous demandèrent un mot pour constater qu'ils avaient rempli leur mission; nous écrivimes une lettre qui respire l'amour de l'ordre, de la paix, et qui, je le crois, a empêché bien des malheurs. Voilà la scule communication que j'aie eue avec le peuple ; et je puis dire qu'elle a été digne de lui et de moi. » (Note des auteurs.)

M. le président lit ce décret.

M. le ministre de la justice. L'assemblée peut compter sur notre zèle, et que nous emploierons tous les moyens constitutionnels pour assurer l'ordre public et la tranquillité du royaume.

M. Regnaud de Saint-Jean d'Angely. Je propose de demander à M. le ministre de la justice, pour quel motif tous les accusateurs publics mandés par l'assemblée, ne se présentent qu'au nombre de trois. Leurs fonctions sont de nature à pouvoir être exércées à chaque instant, ils ne doivent pas, surtout dans les momens d'agitation, s'éloigner de leur poste: pourquoi depuis ce matin n'a-t-on pu les réunir pour qu'ils se rendent à vos ordres?

M. le ministre de la justice. L'assemblée avait demandé les accusateurs publics pour la séance du matin. Je leur avais envoyé le décret, et cinq d'entre eux avaient été réunis. A 4 heures vous avez arrêté qu'ils seraient reçus à la séance du soir; je les ai fait avertir pour 7 heures : il est probable que trois de ces messieurs n'ont pas été rencontrés, ils se seraient empressés de se rendre aux ordres de l'assemblée.

M. le président, s'adressant aux accusatears publics. La constitution a remis en vos mains la poursuite des délits qui troublent la tranquillité publique: c'est la saper dans ses fondemens que d'opposer la volonté individuelle à la loi, expression de la volonté générale. Poursuivez ceux qui se rendraient coupables envers l'ordre public, et que la sévérité des lois, toujours prête à se déployer, soit un frein pour les mauvais citoyens, et, pour les Français fidèles, le garant du bonheur et du repos dont ils doivent jouir sous l'empire de l'autorité légitime.

M. le président lit le décret rendu le matin.

M. Chabroud. Vous avez ordonné la rédaction d'une adresse aux Français. Les commissaires rédacteurs avaient avancé ce travail, lorsqu'une réflexion les a arrêtés. Ils ont appris que le rapport de M. Muguet, et les discours de MM. Duport, Salles et Barnave, seront imprimés ce soir. L'adresse ne contiendrait que le résumé des faits et de la théorie que contiennent ces ouvrages; ecomme ils doivent, d'après vos ordres, être envoyés à tous les

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