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mesure qu'elle a prise, et de son opportunité, au moment où la terre demande de toutes parts des bras, où la patrie complète sous les drapeaux les troupes de ligne. Vient ensuite l'énumé ration des ressources, consistant en un million consacré à des travaux utiles, tels que: une gare à Charenton, un canal à Passy, la démolition de la barrière de la Rapée, celle de la porte SaintBernard et de la geôle y attenant. Les étrangers sont invités à retourner dans le pays de leur naissance, avec le passeport, à trois sous par lieue. Les autres moyens offerts aux ouvriers de Paris, sont : les réparations des quais qui doivent être continuées, et qui donneront de l'occupation à 400 d'entre eux ; le nouveau pont et les quais qui en dépendent; l'achèvement de l'édifice consacré aux grands hommes, et le déblaiement de la place. De plus, 600 hommes sont attendus à Saint-Florentin, et 400 à Saint-Valery; un plus grand nombre peut être expédié en Bourgogne; enfin, le balayage procure encore à 400 vieillards ou infirmes un travail peu fatigant. Ici le manifeste que nous analysons parle de l'ouvrage que les particuliers peuvent distribuer, soit en raison de la grande quantité des biens nationaux vendus, soit parce que, sous l'influence de la constitution, le commerce et les manufactures reprennent une nouvelle activité. Il termine par l'annonce du don des 96 mille livres, et par ce paragraphe significatif: < Mais quand la municipalité étend ainsi sa sollicitude sur l'existence de ses concitoyens, son devoir lui prescrit aussi de veiller exactement à la tranquillité publique; et elle déclare qu'autant elle est sensible en faveur des indigens, autant elle apportera de fermeté contre ceux qui profiteraient des circonstances pour mettre le trouble. (Séance du 4 juillet au soir. P. V. M.)

Les affaires relatives aux ouvriers ont encore une trace dans la séance du 6. Huit particuliers, députés par un nombre d'ou`vriers qui demandent à être employés au canal de Passy, ont été introduits: ils ont demandé du travail. M. le maire les a rappelés aux principes, à la loi ; il leur a représenté tout ce que la municipalité faisait pour eux, les a exhortés à la tranquillité, et

les a assurés que le corps municipal exprimerait à l'adjudicataire du canal de Passy son vœu pour qu'il les emploie à la construction du canal. Les ouvriers se sont retirés. On va voir que le directoire se montrait plus sévère. Au moment où les ouvriers quittaient la salle des séances, Champion, administrateur des travaux publics, arrivait du département, porteur d'un arrêté sur le même objet. Le corps municipal fit donner à l'instant l'ordre de l'exécuter. Voici cet arrêté : « Sur la communication donnée par M. Champion d'un arrêté du bureau municipal, qui le charge de se retirer auprès du directoire pour l'instruire des obstacles que les ouvriers apportent à l'exécution de l'adjudication des travaux du canal de Passy, faite au sieur Reyne, le directoire autorise la municipalité de Paris de faire transporter sur les lieux des forces suffisantes pour maintenir la sûreté et la tranquillité de l'adjudicataire desdits ouvrages, et arrête en outre qu'en cas de besoin, des officiers municipaux s'y transporteraient comme commissaires du département, à l'effet de requérir l'action de la force publique, s'il est nécessaire. Signé, GERMAINGARNIER, faisant les fonctions de président; BLONDEL, secrétaire.

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Les procès-verbaux suivans renferment des délibérations sur les enrôlemens pour la frontière, et définissent les titres et qualités qui donnent droit à la solde avant et après la guerre. Celui du 12 nous fournit un détail relatif à Tallien: M. le maire ayant donné communication d'une lettre de M. Tallien, se disant président de la société fraternelle séante aux Minimes, et d'une délibération de la société fraternelle séante aux Jacobins, la première sans date, et la seconde du 10 de ce mois, l'une et l'autre relatives au projet formé par la société fraternelle séante aux Minimes, de se rendre le 14 juillet sur les ruines de la Bastille, pour y renouveler le serment de vivre libre ou mourir:

› Le corps municipal a arrêté que M. le maire répondrait à M. Tallien qui a signé la première lettre, que le terrain de la Bastille était destiné pour le rendez-vous des corps administratifs, qui doivent partir de là pour se rendre au Champ-de-Mars, et

que c'était dans ce même champ que les amis de la liberté devaient se réunir. >

Maintenant le combat va s'engager sur la question du roi. La municipalité est avertie, elle est prête, et nous allons la voir sur pied au premier signal.

L'assemblée nationale, d'où devait enfin tomber la décision objet de tant de vœux contradictoires, y arriva par des actes déjà consignés par nous. Rappelons-les brièvement. Elle repoussa, sans la lire, la première pétition des Cordeliers (Nous étions esclaves en 1789, etc. Voir le t. X). Elle affecta un froid mépris pour l'affiche républicaine placardée à sa porte, et que Malouet dénonça. Elle fut énergiquement secondée au dehors par les journaux royalistes constitutionnels, tels que le Postillon par Calais, rédigé par Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, le Journal de Paris, etc., et, dans le club des Jacobins, par un grand nombre de députés. Les écrits et les discours émanés de cette source mirent à l'ordre du jour une expression qui semblait abandonnée au parti royaliste.Le mot de factieux, appliqué aux partisans de la déchéance, revient à chaque instant sous la plume ou sur les lèvres des royalistes constitutionnels. Pendant que l'assemblée donnait ainsi le mouvement à l'opinion par celle qu'elle montrait elle-même, et par les apologies de ses organes extra-parlementaires; pendant que ses comités se concertaient avec le département et le corps municipal, pour désintéresser dans la collision imminente, la masse des indigens et les sympathies que leur cause excitait, elle fabriquait promptement les armes qui manquaient encore au système répressif. Deux lois, l'une sur la police correctionnelle, l'autre sur la police municipale, furent décrétées coup sur coup. Alors elle posa la question du roi. Le rapport de Muguet, le 13 juillet, et les conclusions qui le suivirent, furent à peine connus dans Paris, que toute la ville s'émut, que les différens avis se groupèrent et se mirent immédiatement à agir. Les opposans qui vinrent sur la place publique, ceux qui commencèrent et finirent le conflit, ne se présentèrent point avec la régularité et l'ensemble qu'eût entraîné soit une

ligue des clubs, soit la participation et la direction d'une seule de ces sociétés. La foule réunie dans les carrefours, sur les places publiques, autour de l'assemblée nationale, n'avait de commun que l'alternative proposée aux législateurs par les journaux, les affiches, les pétitions, etc., etc., à savoir, de décréter la déchéance, ou d'attendre que les 83 départemens eussent prononcé. Cette foule, à peu près permanente depuis le 13 au soir jusqu'au 17 après le massacre, n'eut ni meneurs, ni harangueurs appartenant aux notabilités révolutionnaires déjà faites; elle savait ce qu'elle voulait. Seulement, dans les actes qu'elle a laissés, on trouve deux noms de Cordeliers fameux, Peyre et Robert, et ceux de quelques célébrités naissantes, Chaumette, Hanriot, Ilébert, Courtois. Mais ces hommes ne se distinguèrent de la foule par aucun titre, par aucune démarche personnelle.

L'ajournement demandé par Robespierre, et rejeté par l'assemblée, l'entrée subite en discussion, et l'intention si claire d'emporter au plutôt le décret proposé par les comités, hâtèrent les actes du peuple.

Le premier fut la pétition signée en effet le Peuple, et portée à la constituante le 14 au soir. Nous avons cité cette pièce. Au moment même où cette manifestation avait lieu, la municipalité gagnait à la hâte l'Hôtel-de-Ville.

Séance du 14 juillet, à sept heures et demie du soir,-Le corps municipal réuni sur le bruit qui s'est répandu qu'il y avait eu un mouvement extraordinaire dans les environs des Tuileries et sur la place de Grève, présidé par M. Petra, doyen d'âge, et composé de MM. Champion, Borie, Viguier, Carny, Regnault;

› MM. Cahier et Desmousseaux, premier et second substituts, adjoints du procureur de la commune, présens; M. le viceprésident a dit que les bruits qui s'étaient répandus dans la capitale, avaient réuni à l'Hôtel-de-Ville ceux de MM. les officiers municipaux qui composent l'assemblée, qu'il y avait également appelé plusieurs citoyens armés, et notamment une grande partie du bataillon de Saint-Eustache, qui s'était rangé sur la place. Pour avoir des renseignemens exacts, le corps municipal

a fait appeler le commandant du poste; il a expédié une ordonnance aux Tuileries, à l'assemblée nationale. On a répondu que tout était tranquille, que le peuple était paisible, que les mouvemens qui s'étaient manifestés avaient été occasionnés par la discussion à laquelle se livrait en ce moment l'assemblée nationale sur l'inviolabilité du roi, mais que le commandant-général avait déjà donné les ordres nécessaires, et qu'il n'y avait plus rien d'inquiétant.

› Conformément à la décision du corps municipal, le capitaine commandant le bataillon de Saint-Eustache et le capitaine des canonniers de ce bataillon ont été appelés et remerciés du zèle, etc. Ensuite il a été arrêté que le commandant du poste de l'Hôtelde-Ville qui a assuré qu'il n'y avait rien à craindre, et qu'il avait d'ailleurs des forces suffisantes, était autorisé à faire retirer, lorsqu'il le jugerait à propos, le renfort arrivé de Saint-Eustache. De nouveaux renseignemens ayant entièrement rassuré le corps municipal, M. le vice-président a levé la séance.

Les hommes députés par le peuple ne furent pas reçus dans l'assemblée, le 14. On prit leur pétition, et on la lut le 15 au matin; un ordre du jour pur et simple y répondit.

Ce même jour, la foule ainsi éconduite par l'assemblée, se porta au Champ-de-Mars. Là, fut écrite et signée sur l'autel de la patrie, la pétition suivante, évidemment rédigée par les auteurs de la première, pétition qui n'est mentionnée par aucun journal du temps, qui resta manuscrite, et qu'un bonheur inespéré nous a fait découvrir en même temps qu'un autre monument de ce genre, le plus curieux sans doute de tous ceux qui ont survécu à ces âges où tant d'intérêts tour à tour maitres des archives, ont opéré tant de lacunes. Nous décrirons ce monument à la place qui lui convient dans ce chapitre. Voici la pétition dont nous parlions tout à l'heure, et qui en est la première page :

Représentans d'un peuple libre,

Les citoyens de Paris, réunis hier en grand nombre, voulurent vous porter leurs alarmes; ils furent étrangement étonnés

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