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avec Brissot, de la pétition du Champ-de-Mars, et vous échappâtes à la fureur de la Fayette qui fit massacrer deux mille patriotes. Brissot erra depuis paisiblement dans Paris, et toi tu fus couler d'heureux jours à Arcis-sur-Aube, si toutefois celui qui conspirait contre sa patrie pouvait être heureux.Le calme de ta retraite à Arcis-sur-Aube se conçoit-il, toi, l'un des auteurs de la pétition, tandis que ceux qui l'avaient signée avaient été les uns chargés de fer, les autres massacrés? Brissot et toi vous étiez done des objets de reconnaissance pour la tyrannie, puisque vous n'étiez point pour elle des objets de haine et de terreur.»

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Cette accusation pèche sur quatre points : 1° Depuis la nomination de Danton au directoire du département jusqu'au 17 juil lei, il n'y a pas de lacune dans sa vie révolutionnaire, Le 18 avril, dernière émeute générale antérieure au 20 juin, il est l'un des plus ardens à s'opposer au départ du roi pour Saint-Cloud. Nous avons vu une note écrite et signée de sa main, dans laquelle il accuse Bailly et la Fayette d'avoir plusieurs fois repété l'ordre de protéger par la force armée ce voyage de Louis XVI. 2o La motion de Laclos aux Jacobins, le 15 juillet, n'avait pas pour objet une pétition que l'on dût signer en place publique. Il proposait une adresse que chaque société signerait, non comme société, mais comme rassemblement de tous les bous citoyens. Il avait calculé le mode qu'il indiquait, de manière à éluder complétement la loi sur les pétitions. Ce fut cette motion que Danton appuya. On la discuta long-temps, et on allait la mettre aux voix lorsque les quatre mille personnes venues du Palais-Royal, la firent changer en celle d'une pétition qu'on porterait le 16 au Champde-Mars à la signature du peuple. 3° pétition, préparée par les commissaires Danton, Brissot, etc., et rédigée par ce dernier, ne fut pas celle que le peuple signa le 17, au Champ-deMars. 4° Enfin, deux mille patriotes në furent point massacrés, s'il faut entendre par ce mot qu'ils y perdirent la vie. Le rapport officiel de la municipalité évaluerait à douze le nombre des morts, et au même chiffre celui des blessés. Prudhomme dit là-dessus : Nous croyons avec tous ceux qui étaieut sur le champ du mas

sacre, que le nombre des morts est à peu près de cinquante; et qui sait ce que la cavalerie en-a sabré dans la campagne? (Révolutions de Paris, no CVI.) — Dans ce paragraphe du rapport de Saint-Just, un seul chef d'accusation, au prix duquel, d'ail. leurs, les circonstances historiques que nous avons redressées ne sont rien, reste dans toute sa force. La fuite de Danton est inexcusable. Ses amis ont eu beau alléguer plus tard qu'il avait été averti de bonne heure des projets de vigueur concertés entre les autorités, des mauvaises intentions qu'on avait contre lui personnellement, et contre quelques-uns de ses affidés. Devait-il céder au sentiment de sa propre sécurité dès la matinée du 17, et aller diner à la campagne, avec Desmoulins, Legendre, Fréron, etc.? Si ces hommes, convaincus qu'il y avait danger pour eux, à aller signer une pétition provoquée par toute leur conduite depuis le 20 juin, eussent rempli leurs moindres obligations en cette journée fatale, ils auraient accouru au milieu du peuple réuni au Champ-de-Mars; là ils auraient clairement énoncé les bonnes raisons qui leur avaient commandé à euxmêmes le parti de la prudence, et l'alarme jetée par des meneurs revêtus de la confiance populaire eût épargné bien des malheurs.

Ce que nous affirmons ici ressortira pleinement de l'histoire du 17 juillet, telle que de nombreuses et difficiles recherches nous ont mis en possession de la produire. L'usage que les contemporains ont fait de certaines pièces, l'incomplet des détails dans toutes les narrations, soit officielles, soit individuelles, exigeaient un travail d'ensemble qui coordonnât, en les suivant de leur principe à leur terme, des actes qui se confondirent, pour les témoins de l'époque, dans le bruit de la même explosion.

Le récit de Prudhomme (no CVI) est certainement le plus exact de tous ceux que les journalistes donnèrent. Celui de Desmoulins, que nous citerons en entier parce qu'il est explicatif et systématique, parce qu'il renferme sa démission de journaliste (1),

(1) M. Deschiens, dans sa bibliographie, dit que les Révolutions de France et de Brabant ont eu 104 numéros, 8 volumes. Il y a là une erreur de 18 numéros qui n'ont jamais existé. Ce journal se compose de 86 numéros.

et que le n° 86 où il le déposa, fut effectivement le dernier des Révolutions de France et de Brabant, est copié presque littérale

Le quatre-vingt-sixième et dernier est suivi d'une circulaire de Desmoulins à ses abonnés, dont voici le texte :

Camille Desmoulins à son abonné, salut. « Cher et féal souscripteur, j'ai exposé dans mon n° 86 la raison suffisante qui m'obligeait à vous dire un adieu qui, j'espère, ne sera pas éternel. Aux raisons générales, j'aurais pu en joindre de personnelles qui n'étaient pas moins pertinentes. Il faut que le journaliste vive du journal; du moins n'est-il pas obligé de s'y ruiner. Les infidélités de la poste, mon inexpérience et mon peu de loisir pour diriger un journal avaient rendu l'expédition du septième trimestre si onéreuse pour moi, que je voyais mon ci-devant pécule, lequel je puis bien appeler castrense, s'engloutir ès mains de l'imprimeur, graveur, brocheuses; et malgré les florins de la Prusse, et les guinées de l'Angleterre, et les ducats de la Hollande, que j'avais touchés pour médire du cheval blanc, je courais aussi rapidement que Louis XVI à l'insolvabilité et à l'inégibilité. A ces causes, peut-être est-ce trop présumer de la bienveillance de mes souscripteurs! moi, j'ai cru pouvoir déléguer à Prudhomme mon obligation envers eux de leur fournir les cinq numéros qu'il me restait à faire jusqu'au 91, pour compléter le septième trimestre. En conséquence, j'ai pris des arrangemens avec lui, en lui remettant la note des abonnés, et il remplira mes engagemens. Prudhomme est l'homme qui leur convient. Il vient de faire le serment emphyteotique de ne cesser son journal que lorsque la France sera libre. En faisant mon affaire, je fais encore plus celle de mes abonnés, qui recevront un journal beaucoup plus volumineux.....

Comme j'ai cessé ma narration à la journée du 17 juillet, c'est le n° CVIII de Prudhomme qui fait suite à mon n° LXXXVI. La lecture de ce n° CVIII suffira pour procurer à ceux de mes abonnés, à qui je ferai faire connaissance avec M. Prudhomme, qu'ils seront amplement dédommagés. J'offre de tenir compte de cinq numéros que je redois à ceux qui sont déjà ses abonnés, pour leur éviter un double emploi............

» Honneur aux Jacobins, mépris aux Feuillans!

CAMILLE DEsmoulins.

»Ce 4 août 1791. »

» C'est avec plaisir que je me suis chargé de satisfaire aux engagemens que M. C. Desmoulins a pris avec ses abonnés. Quoique le prix de mon journal excède de 30 sous par trimestre le prix du sien, j'espère que cette différence ne me privera pas de la continuation de ses souscripteurs.

› Paris, le 4 août. — PRUDHOMME, rue des Marais, faub. S.-G., no 20. » Pour achever la démonstration de l'erreur commise par M. Deschiens, nous n'avons qu'à citer le second journal fait par Desmoulins, intitulé : La tribune des patriotes, ou Journal de la majorité, pour servir de suite au noLXXXVI des Révolutions de France et de Brabant, par C. Desmoulins et Fréron. · Ce 30 avril 1792. Ainsi, il est bien constaté en bibliographie révolutionnaire que le premier journal de Desmoulins n'a eu que 7 vol. et 86 numéros.

On profita, il est vrai, de l'absence de Desmoulins, pour essayer d'exploiter la publicité des Révolutions de France; on en répandit quelques faux numéros. Aussi, dans le n° CIX de Prudhomme, Desmoulins réclame contre un LXXXVII et un LXXXVIII qu'on venait d'imprimer sous son nom, et dont il déclare n'être pas l'auteur.

(Note des auteurs.)

ment de celui de Prudhomme, dans sa partie historique. La po sition de l'auteur, absent le 17 du Champ-de-Mars, et puis de la capitale, nous explique ces emprunts. En outre, il y avait un fait au moins problématique, et que son importance nous a fait minutieusement compulser.

Ce que nous avons dit en commençant le mois de juillet, sur l'état des partis, sur les sentimens divers qui les animaient, nous dispense de caractériser de nouveau les principes opposés entre lesquels la lutte était ouverte. En conséquence, nous allons dresser sommairement la série des actes par lesquels chacun d'eux manifesta sa volonté.

Le corps municipal, dévoué aux royalistes constitutionnels, sachant d'avance les conclusions que préparait la majorité de l'assemblée nationale, dans l'affaire du roi, et voyant se développer une opposition formidable, déblaya de bonne heure le terrain où devait sévir la répression. Dès le 4 juillet, il pourvut définitivement de concert avec les comités de la constituante et toutes les autorités du département, au sort des nombreux ouvriers que la fermeture des ateliers de charité avait mis sur le pavé de la capitale. -M. le maire a annoncé que les inquié tudes occasionnées par les rassemblemens et les réclamations réitérées des ouvriers des ateliers supprimés, l'avaient déterminé à convoquer extraordinairement le conseil, afin de prendre les mesures que la prudence pourrait lui suggérer. M. le maire a ajouté que les comités des rapports, des recherches et de mendicité de l'assemblée nationale s'étaient réunis hier (le 3), à cet effet; que les administrateurs du département, le commandant-général, MM. Champion et Jolly avaient été appelés à cette conférence; que M. le maire y avait assisté, et que le résultat a été de provoquer l'assemblée du directoire, et une du corps municipal, M. le maire a ajouté que le directoire était réuni et priait l'assemblée de délibérer sur le parti qu'elle croirait convenable de prendre. Après en avoir délibéré, le corps municipal a pris l'arrêté suivant :

Le corps municipal empressé de venir au secours des ouvriers

des ateliers de charité supprimés, domiciliés à Paris qui pour-* raient avoir des besoins jusqu'au moment où ils auront pu être occupés, soit dans les travaux actuellement ouverts, soit dans leurs professions, arrête, qu'il sera distribué une somme de quatre-vingt-seize mille livres entre les différentes sections proportionnellement au nombre d'ouvriers des ateliers, domiciliés dans leurs arrondissemens; charge MM. Champion et Jolly de se retirer à l'instant devers le directoire du département, et en faire ce soir le rapport au conseil.

Le corps municipal déclarant à l'égard des ouvriers étrangers qu'il leur sera délivré, conformément à la loi, au département des travaux publics, au palais cardinal, Vieille-Rue-duTemple, des certificats avec les trois sous par lieue, pour se rendre dans leurs départemens respectifs,

Le corps municipal a de plus arrêté que M. Champion lui présenterait ce soir un projet d'avis aux ouvriers, et un projet de lettre pour les comités de section sur le mode d'exécution du précédent arrêté. › (Séance du 4 juillet, 9 heures du matin, procès-verbaux manuscrits,)

Mu par les comités de l'assemblée nationale, le corps municipal déploya une activité inaccoutumée. Le même jour, à six heures du soir, il tint une seconde séance, où la question des ouvriers fut achevée. Les commissaires envoyés au directoire en rapportèrent un arrêté confirmatif de celui de la municipalité. Sur-le-champ on acheva de régulariser la distribution des 96,000 livres. Après cela, fut ordonnée l'impression du projet d'avis aux citoyens, présenté par Champion. Ce manifeste commence par des protestations de sollicitude. Il justifie la suppression des ateliers, contre lesquels réclamaient depuis long-temps tous les bons citoyens. Il donne le chiffre des ouvriers, qui s'éleva d'abord à 30 mille, et qui, a force de soins et de recherches de l'administration, s'était réduit à 20 mille. Il dit quels étaient ces ouvriers, les classe, et assure que dans le nombre il y avait beaucoup d'étrangers (à la capitale, sans doute, et non pas à la séance). Suit un éloge pompeux de l'assemblée nationale, de la

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