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devant la loi civile et devant la loi politique; vous avez repris, vous avez rendu à l'État tout ce qui lui avait été enlevé : de là résulte cette grande vérité, que si la révolution fait un pas de plus, elle ne peut le faire sans danger; c'est que dans la ligne de la liberté, le premier acte qui pourrait suivre serait l'anéantissement de la royauté; c'est que dans la ligne de l'égalité, le premier acte qui pourrait suivre serait l'attentat à la propriété. (Applaus dissemens.)

Je demande à ceux qui m'entendent, à ceux qui conçoivent avec moi que si les mouvemens recommencent, que si la nation a encore de grandes secousses à éprouver, que si de grands événemens peuvent suivre ou seulement se font redouter, que si tout ce qui agite le peuple, continue à lui imprimer son mouvement, que si son influence continue à pouvoir agir sur les événemens politiques; à tous ceux, dis-je, qui savent que si les choses se passent ainsi, la révolution n'est pas finie; je leur demande : existe-t-il encore à détruire une autre aristocratie que celle de la propriété? Messieurs, les hommes qui veulent faire des révolutions ne les font pas avec des maximes métaphysiques; on séduit, on entraîne quelques penseurs de cabinet, quelques hommes savans en géométrie, incapables en politique; on les nourrit sans doute avec des abstractions; mais la multitude dont on a besoin de se servir, la multitude, sans laquelle on ne fait pas de révolutions, on ne l'entraîne que par des réalités, on ne la touche que par des avantages palpables!

Vous le savez tous, la nuit du 4 août a donné plus de bras à la révolution que tous les décrets constitutionnels! mais, pour ceux qui voudraient aller plus loin, quelle nuit du 4 août restet-il à faire, si ce n'est des lois contre les propriétés ! Et si les lois ne sont pas faites, qui nous garantira, qu'à défaut d'énergie dans le gouvernement, que, quand nous n'aurons pas terminé la révolution et réprimé le mouvement qui la perpétue, son action progressive ne fera pas d'elle-même ce que la loi n'aura pas osé pronon→ cer? Il est donc vrai qu'il est temps de terminer la révolution; il est donc vrai qu'elle doit recevoir aujourd'huison grand caractère;il est

donc vrai que la révolution paraîtra aux yeux de l'Europe et de la postérité avoir été faite pour la nation française ou pour quelques individus; que si elle est faite pour la nation, elle doit s'arrêter au moment où la nation est libre, où tous les Français sont égaux ; que si elle continue dans les troubles, dès-lors eile n'est plus que l'avantage de quelques hommes; dès-lors elle est déshonorée; dèslors nous le sommes nous-mêmes!

Aujourd'hui, Messieurs, tout le monde doit sentir que l'intérêt commun est que la révolution s'arrête : ceux qui ont perdu, doivent s'apercevoir qu'il est impossible de la faire rétrograder, et qu'il ne s'agit plus que de la fixer; ceux qui l'ont faite et qui l'ont voulue, doivent apercevoir qu'elle est à son dernier terme, que le bonheur de leur patrie, comme leur gloire, exigent qu'elle ne se continue pas plus long-temps; tous ont un même intérêt: les rois eux-mêmes, si quelquefois de profondes vérités peuvent pénétrer jusque dans les conseils des rois, sí quelquefois les préjugés qui les environnent, peuvent laisser passer jusqu'à eux les vues saines d'une politique grande et philosophique; les rois eux-mêmes doivent apercevoir qu'il y a loin pour eux entre l'exemple d'une grande réforme dans le gouvernement, et l'exemple de l'abolition de la royauté ; que si nous nous arrêtons ici, ils sont encore rois; que même l'épreuve que vient de subir parmi nous cette institution, la résistance qu'elle à offerte à un peuple éclairé et fortement irrité, le triomphe qu'elle a obtenu par les discussions les plus approfondies; que toutes les circonstances, dis-je, çonsacrent pour les grands états la doctrine de la royauté; que de nouveaux événemens en pourraient faire juger autrement, et que, s'ils ne veulent pas sacrifier à de vaines espérances la réalité de leurs intérêts, la terminaison de la révolution française est aussi ce qui leur convient le mieux.

Quelle que soit leur conduite, Messieurs, que la nôtre au moins soit sage, que la faute vienne d'eux; s'ils doivent en souffrir un jour, que personne dans l'univers, en examinant notre conduite, n'ait un reproche juste à nous faire! Régénérateurs de l'empire, représentans de la nation française, suivez aujourd'hui

invariablement votre ligne: vous avez montré que vous aviez le courage de détruire les abus de la puissance: vous avez montré que vous aviez tout ce qu'il faut pour mettre à la place de sages et d'heureuses institutions: prouvez aujourd'hui que vous avez la force, que vous avez la sagesse de les protéger et de les maintenir. La nation vient de donner une grande preuve de force et de courage; elle a solennellement mis au jour, et par un mouvement spontané, tout ce qu'elle pouvait opposer aux événemens dont on la menaçait: continuons les mêmes précautions; que nos limites, nos frontières soient puissamment défendues. Mais au moment où nous manifestons notre puissance, prouvons aussi notre modération; présentons la paix au monde inquiet des événemens qui se passent au milieu de nous; présentons une occasion de triomphe, une vive satisfaction à tous ceux qui, dans les pays étrangers, ont pris intérêt aux événemens de notre patrie, et qui nous disent de toutes parts: vous avez été courageux; vous êtes puissans; soyez aujourd'hui sages et modérés ; c'est là que sera le terme de votre gloire! C'est ainsi que vous aurez prouvé dans des circonstances diverses, vous saviez employer et des talens, et des moyens, et des vertus diverses!

que

C'est alors que, vous retirant dans vos foyers, après avoir vigoureusement établi l'action du gouvernement, après avoir énergiquement prononcé que vous voulez que la France présente un asile paisible pour tous ceux qui voudront obéir aux lois; après avoir donné le mouvement à vos institutions (et cela est possible dans un temps prochain, car je ne suis pas disposé à éloigner l'instant de notre séparation); après avoir mis en vigueur tout ce qui fait agir le gouvernement, vous vous retirerez dans vos foyers; vous aurez obtenu par votre courage la satisfaction et l'amour des plus ardens amis de la révolution et de la liberté, et vous obtiendrez de la part de tous, par de nouveaux bienfaits, des bénédictions, ou du moins le silence de la calomnie! J'adopte les propositions de M. Salles, et je conclus à l'admission du projet des comités. (Applaudissemens.)]

La proposition des comités fut décrétée en ces termes :

< L'assemblée nationale, après avoir entendu ses comités militaire et diplomatique, de constitution, de révision, de jurisprudence criminelle, des recherches et des rapports; attendu qu'il résulte des pièces dont le rapport lui a été fait, que le sieur Bouillé, général de l'armée française sur la Meuse, la Sarre et la Moselle, a conçu le projet de renverser la constitution; qu'à cet effet, il a cherché à se faire un parti dans le royaume, sollicité et exécuté des ordres non-contresignés, attiré le roi et sa famille daus une ville de son commandement, disposé des détachemens sur son passage, fait marcher des troupes vers Montmédy, préparé un camp près cette ville, tenté de corrompre les soldats, les a engagés à la désertion pour se réunir à lui, sollicité les puissances voisines à une invasion sur le territoire français, décrète :

› 1° Qu'il y a lieu à accusation contre ledit sieur Bouillé, ses complices et adhérens, et que son procès lui sera fait et parfait devant la haute-cour nationale provisoire séant à Orléans; qu'à cet effet, les pièces qui ont été adressées à l'assemblée seront envoyées à l'officier faisant auprès de ce tribunal les fonctions d'accusateur public;

› 2° Qu'attendu qu'il résulte également des pièces dont le rapport a été fait, que les sieurs Heymann, Kinglin et Offlyse, maréchaux-de-camp employés dans la même armée; Desoteux, adjudant-général; Goglas, aide-de-camp; Bouillé fils, major d'hussards; Choiseul-Stainville, colonel du 1er régiment de dragons; le sieur Mandell, lieutenant-colonel du régiment ci-devant Royal-Allemand; le comte de Fersen, ci-devant colonel, propriétaire du régiment Royal-Suédois; les sieurs Valory, Maldan et Dumoutier, ci-devant gardes-du-corps, sont prévenus d'avoir eu connaissance du complot dudit sieur Bouillé, et d'avoir agi dans la vue de le favoriser, il y a lieu à accusation contre eux, et que leur procès leur sera fait et parfait devant ladite cour d'Orléans, devant laquelle seront renvoyées toutes les informations ordonnées et commencées pour ledit complot, soit devant le tribunal du premier arrondissement de Paris, soit par-devant tous

autres tribunaux, pour être suivies par ladite cour provisoire;

5° Que les particuliers dénommés dans les articles 1 et 2 du présent décret, contre lesquels il y a lieu à accusation, qui sont ou seront arrêtés par la suite, seront conduits sous bonne et sûre garde dans les prisons d'Orléans;

4° Que les sieurs Damas, colonel du 13 régiment de dragons; Remi et Floriac, officiers au même corps; les sieurs Andoins et Lacour, l'un capitaine, l'autre lieutenant au 1" régiment de dragons; Marassin et Thalot, l'un capitaine, l'autre lieutenant au régiment ci-devant Royal-Allemand; Vallecourt, commissaireordonnateur des guerres, et Sthondy, sous-lieutenant au régiment de Castella, suisse, et la dame Tourzel, gouvernante des enfans de France, demeureront dans le même état d'arrestation où ils se trouvent, jusqu'à ce qu'il en soit ultérieurement statué par l'assemblée;

5° Que le sieur Bridges, écuyer du roi, et les dames Brunier et Neuville, femmes de chambre de M, le dauphin et de Madame Royale, seront mis en liberté. ›

JOURNÉE DU 17 JUILLET 1794.

Nous allons réunir les pièces de plus d'un procès fameux. La journée du 17 juillet sera désormais le grief irrémissible qui conduira à la proscription la Fayette et son parti, qui motivera contre Bailly une sentence de mort. Le rôle de Danton lui-même, dans ce triste événement, figurera un jour au nombre des crimes pour lesquels il sera traduit au tribunal révolutionnaire, Le 31 mars 1794, Saint-Just l'apostrophą ainsi : « Mirabeau qui mé litait un changement de dynastie, sentit le prix de ton audace; il te saisit. Tu t'écartas dès-lors des principes sévères, et l'on n'entendit plus parler de toi jusqu'au massacre du Chiampde-Mars. Alors tu appuyas aux Jacobins la motion de Laclos, qui fut un prétexte funeste, et payé par les ennemis du peuple, pour déployer le drapeau rouge et essayer la tyrannie. Les patriotes qui n'étaient pas initiés dans ce complot avaient combattu inutilement ton opinion sanguinaire. Tu fus nommé rédacteur

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