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Mais j'en viens aux objections. On vous dit, Messieurs, que cette inviolabilité ne doit s'entendre que des actes d'administration que fait la royauté, que des actes dans lesquels la nation a un ministre responsable, dans lesquels l'acte du roi est garanti par la signature d'un ministre responsable; la justice l'exige, et la justice est la politique d'une grande nation.

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Je sais, Messieurs, tout le respect qui est dû à la justice; mais il est bien plus facile d'en prononcer le mot que d'en saisir la nature. Eh bien! qu'est-ce donc que la justice?.... Je dis à ceux qui me font une objection semblable, et sans attendre leur réponse, je leur dis, moi la justice est cette harmonie entre les hommes, par laquelle leur intérêt particulier et les intérêts généraux se trouvent subordonnés les uns aux autres, et les mêmes qu'exigent l'intérêt général du genre humain et l'ordre établi dans chaque corps social. Or, il est démontré que l'inviolabilité est juste, parfaitement juste et conforme aux droits du genre humain et des nations. Comment entendrez-vous actuellement les déclamations qui viendront vous assiéger?

Je vous démontrerai par nos fastes que la royauté, lorsque l'aristocratie ne l'a point tyrannisée, lorsqu'elle a été livrée à elle-même, libre dans son action, défendait la liberté du faible: c'est lorsqu'elle a été entraînée, subjuguée par des entreprises d'aristocratie militaire, d'aristocratie sacerdotale, d'aristocratie sénatoriale; c'est alors que les ennemis de la liberté ont avili cette dignité pour la relever d'une manière ridicule, pour asservir, pour opprimer."

Notre constitution à déjà déterminé un genre de déchéance, savoir: celui où le roi étant sorti du royaume sans le consentement du corps législatif, et interpellé par une proclamation de rentrer, ne le ferait pas. Ainsi, Messieurs, ce principe, déjà décidé par votre constitution, répond au grand échafaudage d'objections fondées sur le crime personnel dont la personne royale pourrait se rendre coupable. Vous avez résolu hier, quoique vous ne l'ayez pas encore décrété, qu'en complétant

T. XI

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votre constitution yous détermineriez avec soin le cas où les déchéancès pourraient avoir lieu.

On vous parle de nos ennemis; mais parmi ces ennemis, il en est qui, séduits par d'aveugles prétentions, murmurent, et ne sont pas capables de méditer des forfaits, Il est aussi des machiavélistes d'une perversité consommée, qui voudraient détruire cette constitution, qu'ils tenteraient en vain d'attaquer de vive force; cette constitution, qu'ils abhorrent parce qu'elle est équitable, ils ont résolu de la faire périr dans les convulsions de l'anarchie: ces intentions sont abominables!

Les clubs établis dans cette capitale, ces clubs qui ont signalé bien des fois leur zèle pour la liberté, ne sont plus aujourd'hui qu'une machine dont on se sert, et avec laquelle on a entrepris de précipiter la nation française dans le gouffre des horreurs de l'anarchie et des troubles.

La direction de ces dangereuses et perfides machinations a été donnée par des hommes que l'on peut appeler clubocrates, factieux, intrigans, versés dans l'art de séduire la multitude irréfléchie, et de la diriger à leur gré. On connaît les manœuvres de ces hommes, distribués en différens clubs: il faut, Messieurs, vous en rendre compte. Les uns ont ameuté le peuple dans les lieux publics; d'autres se retranchent dans un coin des salles destinées aux assemblées des sociétés dont je viens de vous parler; ils ont préparé le tumulte, les applaudissemens; on parle, on dit les choses les plus extravagantes..... La royauté ne peut plus être confiée à Louis XVI.... Il a perdu la confiance.... Il faut une régence.... Non, pas de régent; un conseil exécutif, un conseil de surveillance.... Point de conseil, point de régence; une convention nationale.... Une commission nommée par les quatre-vingt-trois départemens.... Plus de monarchie.... Et par le moyen d'une vingtaine de gens, ils obtiennent des applaudissemens. (Applaudissemens.)

Voilà la manœuvre qu'on ne cesse de faire depuis la malheureuse époque du 21 juin; et je ne puis m'empêcher de mettre sous vos yeux un trait frappant dont j'ai été témoin. Le 8 de ce

mois, dans un de ces clubs (aux Jacobins), qui, lorsqu'il n'a pas été influencé par des hommes pervers, a montré des sentimens vraiment patriotiques, dans ce club on donne lecture d'un projet d'adresse à l'assemblée nationale. (Et je vous fais observer que cette adresse n'était point destinée pour l'assemblée nationale.) Vous y étiez censurés injurieusement...... De quoi? vous ne vous en douteriez pas! D'avoir envoyé vers le roi des commissaires, et de n'avoir pas mandé le monarque à la barre de l'assemblée nationale! Au trait d'une aussi odieuse et aussi abominable dé mence, je frémissais, et tout retentissait d'applaudissemens. Il y a plus, Messieurs, on a eu l'indécence, l'inconséquence, je ne sais quel terme employer, d'arrêter que cette adresse serait imprimée et envoyée dans les provinces !...

M. Legrand. M. Goupil a été président de cette assemblée. M. Goupil. Si j'avais alors été président, je ne l'aurais pas souffert, et j'ai fait preuve que j'en suis incapable.

Pour soutenir ces abominables manoeuvres, on accapare des journalistes, des folliculaires, des pamphletaires. Un homme (Condorcet) investi d'une réputation obtenue je ne sais comment, et décoré du titre d'académicien, a été employé dans cette occasion, comme il y a quelque temps on avait employé le nom de Raynal pour décrier notre constitution, et préparer les esprits à la contre-révolution qu'on méditait.. Qui voudrait de la malheureuse et criminelle célébrité de ces Erostrates modernes? Un autre, avec moins d'éclat que les précédens, fait comme eux un trafic de son érudition. Le sieur Brissot-Warville s'est lui-même annoncé à cette assemblée; il a fait un discours, un discours dont l'impression a été ordonnée. On a eu la hardiesse, l'impudence d'en faire la distribution au bureau de distribution de l'assemblée nationale, avant-hier. Il est encore nécessaire, Messieurs, de vous donner une idée du point où est parvenuè l'audace des écrivains de ces odieux et méprisables pamphlets.....

M. Dubois-Daiguier. S'il s'agissait de dénoncer un homme qui ait conseillé la désobéissance, ou quelque chose qui puisse avoir trait à la désobéissance, au meurtre, aux rassemblemens, soit;

mais cela n'est pas. Un homme a le droit d'énoncer son opinion; il ne doit pas pour cela être dénoncé comme coupable. (Applau dissemens, murmures, agitation.)

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M. Goupil. Oui, il est nécessaire de vous donner une juste idée de l'excès auquel les écrivains de ces méprisables pamphlets se sont portés par leur audace criminelle.... (Murmures.) Il est essentiellement vrai que toutes ces propositions d'une convocation d'un nouveau corps constituant, de renvoi à une prochaine législature pour décider ce qui concerne la personne du roi, que toutés ces propositions nous ont été faites: je les combats. Or, pour les combattre raisonnablement et avec succès, je dois faire connaître les raisons qui ne vous permettent pas de différer d'un seul instant la décision de la grande question qui vous occupe. Ces raisons, il est visiblement facile de les saisir dans les manœuvres qui s'exercent, dans la manière dont on agite les esprits, dans les mouvemens qu'on veut produire. Je vais donc mettre sous vos yeux l'excès d'audace auquel un écrivain de ces odieux et criminels pamphlets s'est porté pour la destruction de la royauté : il veut y substituer le monstre d'une république, qui ne fut jamais fait pour la France; il dit que ceux qui ne sont pas de son avis ont de bonnes raisons pour vivre sous notre gouvernement, et qu'ils sont payés par la liste civile..... Voudrait-il bien nous dire, ce lâche, cet artificieux calomniateur, quelle bonne raison il peut avoir eu pour nous produire dans son mémoire l'escobarderie la plus honteuse, inventée pour nous rendre parjures au serment qui nous lie à notre divine constitution! Brissot n'a pas craint d'écrire, il n'a pas craint de débiter:

Je fais la motion expresse que l'inviolabilité absolue soit regardée comme subversive de toute constitution, attentatoire à la souveraineté de la nation, à la liberté publique, et qu'en conséquence on déclare que le roi peut le roi peut et doit être jugé. › Quelqu'un n'a-t-il point été tenté d'applaudir à la témérité de ces horreurs? Oui, Messieurs, dans un club qui a ordonné l'impression de cette production..... A la manière dont il s'exprime, on dirait

que l'opinion publique ne réside que dans Warville et ses adhérens.....

Messieurs, voici ce qu'on ajoute à ces manœuvres : on dit avec confiance dans ces clubs que c'est la volonté générale de tout Paris; on écrit en conséquence dans les provinces; on s'adresse aux hommes dont on sait que les têtes sont ou plus faibles ou plus évaporées. De là des adhésions; puis on vous dit que c'est le vœu des quatre-vingt-trois départeniens; et cela se trouve aux portes de la salle répété par des gens qui sont payés pour le dire, et qui ne savent pas même que vos départemens sont au nombre de quatre-vingt-trois!

Quoique j'applaudisse, avec ce qu'il y a de gens sages dans la capitale et dans les départemens, aux mesures proposées par vos comités, je ne puis me dispenser de vous faire apercevoir dans leur projet de décret une légère imperfection : les principes du rapport sont excellens; mais le projet de décret est incomplet. En demandant qu'on aille aux voix sur le projet des comités, je demande par amendement que l'assemblée nationale déclare, par un article additionnel, qu'elle ne cessera de maintenir comme un des points fondamentaux de la constitution, que la personne du roi est inviolable et sacrée. (Applaudissemens de la majorité de l'assemblée; silence de la plupart des personnes qui occupent les tribunes publiques.)

Quelques voix. L'impression du discours de M. Goupil!

M. Pontrain. Je demande si l'assemblée veut déclarer avec M. Goupil que M. Condorcet est un.....

Les mêmes voix. Oui, oui.... (Murmures.)

M. Dumetz. Je demande l'ordre du jour. Il y a quelques erreurs dans ce qu'a dit M. Goupil.

M. Goupil. Je demande aussi l'ordre du jour; car j'ai parlé d'abondance de cœur, et je ne pourrais transcrire littéralement ce que je viens d'improviser.

L'ordre du jour est adopté.]

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