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Si l'on ne croit plus au christianisme dans le monde, de deux choses l'une, ou les peuples qui étaient fonction de son but, les peuples qui ont eu foi en Jésus-Christ, ont renoncé à leur fonction, ou ils ont accompli le christianisme.

S'ils ont renoncé à leur fonction, nécessairement le principe antérieur, le principe de la race les a tous conquis, et leur a donné une fonction et un nom selon son but.

S'ils l'ont accomplie, l'unité humaine est, l'humanité est prête : elle peut agir comme un seul homme; elle attend son initiateur pour la quatrième et dernière fonction, pour son but absolu, pour réaliser dans la création son acte final, et conquérir ainsi sa mémoire éternelle. Où est l'humanité ? pouvons-nous, comme le poète, saluer la France reine du monde ?

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Mais nous voulons bien admettre une absurdité, admettre que le christianisme soit fini avant d'être fini, que la fonction soit remplie avant que le but soit atteint. Il faut que celui qui dit cela sache un mot qui ne découle point comme conséquence de l'un des trois principes enseignés à l'humanité ; il faut qu'il soit révélateur. Si, par hypothèse, le progrès continu est ce mot, le révélateur de ce mot n'aura même pas besoin de faire l'œuvre logique ; à l'instant ses élèves la feront, et parleront en vertu de la parole générale qu'il leur aura enseignée, la quatrième et dernière fonction de l'humanité. - A l'œuvre!

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La doctrine du progrès continu pense qu'elle aboutira à une religion, par les mêmes raisons que Platon, Aristote et les Alexandrins ont engendré Jésus-Christ. Notre réponse est plus haut.

Afin que nos lecteurs sachent d'une manière nette la différence qui nous sépare de cette doctrine, nous devons une fois les mettre en regard. L'une affirme que le progrès est continu, c'est-à-dire qu'il n'a point un principe ni une fin assignable, c'est-à-dire qu'il n'est ni un rapport ni une loi, mais une substance une, l'être absolu.

Nous, nous affirmons que le progrès est le Verbe, le rapport général d'activité absolue à passivité absolue. Elle affirme que Dieu a créé progressivement le monde, et que les révélateurs créent l'humanité selon la loi de création, parce que l'humanité consent librement à être créée, parce qu'elle réalise par ses créations progressives, le plan, la raison qui lui a été donnée par chaque révélateur. On remarquera qu'un tel progrès est continu aussi, seulement il a une cause toujours assignable et une fin toujours assignable; seulement il n'est pas un être, mais un rapport,

Appliquant leur théorie à l'histoire, les philosophes du soi-disant progrès continu pensent que la certitude historique c'est la tradition immédiate manifestée par le consentement immédiat. Cela suppose que la tradition est unitaire, qu'elle est un signe, qu'elle a un nom. Si en effet la tradition immédiate était une pluralité, elle aurait autant de signes qu'elle renfermerait de différences, et si ces différences étaient des contradic→ tions, jamais elles ne pourraient recevoir un signe un; il faudrait donc choisir pour consentir. Ainsi, par hypothèse, si la tradition immédiate, celle du dix-huitième siècle, est la tradition à laquelle consent le progrès continu, il faut qu'il choisisse, car la philosophie du dix-huitième siècle se présente à elle sous forme de deux signes contradictoires, le fédé

ralisme et l'unité, Voltaire et Rousseau. S'il choisit l'unité, il accuse directement la paternité de Jésus-Christ, et il a la certitude; s'il choisit le fédéralisme, il suppose que les êtres actifs relatifs ont mu la passivité absolue par leur volonté générale; s'il choisit le fédéralisme et l'unité, il choisit le néant. C'est cependant là le problème social que s'est dernièrement proposé de résoudre un écrivain d'un talent incontestable; il l'a posé ainsi: Liberté et association.

Toutes les doctrines qui font venir le devoir du droit posent ce problème d'une manière identique; toutes se font cette question trouver la loi selon laquelle les égoïsmes puissent librement agir, puissent librement se toucher sans que leur contact soient jamais douloureux. Il ne devrait donc y avoir qu'une solution si la logique intervenait. Or, il y a la force révolutionnaire, le droit absolu d'insurrection, qui résout le problème en l'affirmant purement et simplement; il y a la solution qui définit l'homme, une unité ayant en elle deux aptitudes organiques, l'égoïsme et le dévoûment, d'où il suit qu'une organisation une peut être le résultat de deux organes aussi essentiellement contradictoires que l'égoïsme et le dévoûment. Il y a, enfin, la doctrine de l'industrie attrayante, dont l'auteur a découvert en effet le moyen de concilier l'égoïsme et le dévoûment, le droit et le devoir; il a affirmé que le travail était un plaisir. Aussi l'un des écrivains dont nous parlions tout-à-l'heure l'a-t-il appelé le géant Fourrier.

Toutes ces doctrines sont fédéralistes. Ainsi, l'une d'entre elles a beau dire droit social. Ou ce droit vient du droit absolu et il est une obéissance de la part de la société, il naît d'un devoir; ou il vient du droit relatif, et il procede de l'homme.

Toutes ces doctrines sont tellement fédéralistes, elles affirment à tel point ce que nous venons d'affirmer qu'elles disent que la société part des individus et qu'elle aboutit aux individus; qu'elle a pour principe la volonté de ses membres et pour but le bonheur de ses membres.-Si la société des êtres actifs relatifs à un tel but,comme la passivité absolue est le seul obstacle qui se manifeste fatalement contre ses membres par la maladie et par la mort, le premier but relatif d'une telle société étant le moyen de son but, elle doit trouver la médecine absolue avant de parler de bonheur.

Nous l'avons déjà dit, la philosophie de ces philosophies, la théorie générale de ces fédéralistes, est le panthéisme saint-simonien, qui s'appelle aujourd'hui le progrès continu. Il affecte certaines réminiscences Enfantinistes (4), telle que la tradition vivante, la vie, le vivant, mots dont nous savons le sens.

Elle a prétention de s'appuyer sur un système de formation animale présenté déjà plusieurs fois, et qui a été dernièrement exposé à l'acadé

(1) Les Saint-Simoniens, obligés de soutenir par suite de leurs idées sur la vie que le vivant ne mourait pas, avaient affirmé à priori qu'il avait toujours sur le globe un égal nombre de vivans. Ils ont même, Botre connaissance, essayé des statistiques pour le démontrer à posteriori. Ils expliquaient cela en disant le vivant saisit le mort, réciproque de cette proposition fameuse au Palais : le mort saisit le vif. Le père Enfantin prétendait avoir saisi trois morts, Moïse, Mahomet et Jésus-Christ. La théorie du progrès continu vient de là.

car

mie des sciences sous un nouvel aspect. Nous ne partageons pas cette opinion scientifique, mais nous n'avons pas à nous en occuper ici, elle ne prouve nullement le panthéisme que nous combattons; elle le nie. Les deux théories n'ont de commun que le son matériel de la lettre progrés continu. Le savant admet deux forces, deux êtres différens l'un de l'autre, dont la forme de l'un est le milieu, et la forme de l'autre l'animal, et il dit que ces deux êtres agissent l'un sur l'autre, et que de leur action réciproque résulte leur transformation réciproque.-Le panthéiste n'admet qu'un être, la loi vivante. Il ne doit pas intervenir dans les sciences naturelles à moins qu'il n'en fasse directement lui-même, ou à moins qu'il n'interroge le savant dans la langue dont nous avons tracé plus haut la syntaxe.

Dieu, dévoûment, fraternité, égalité d'origine, libre arbitre, unité hu maine, progrès, tous les mots enfin de la langue morale, de la langue des obligations, nous sont communs', de la même manière, avec le progrès continu.

Il y a long-temps que Bayle l'a dit : Pour l'homme il n'y a de vrai que la révélation. S'il n'y croit pas il ne peut croire à rien.

Nous croyons à celui qui inventa la parole; à celui qui inventa le signe de l'unité matérielle, le système des castes; à celui qui lui a succédé et qui a inventé le signe de l'unité spirituelle, la fraternité par le dévouement. Telle est notre foi.

Notre foi ne promet à personne le bonheur; elle impose le sacrifice jusqu'au martyr. Nous sommes sûrs que la lutte des chrétiens de notre âge sera l'analogue de celle qui vainquit l'Arianisme. Viennent donc un Saint-Athanase et un Arius généraliser cette lutte. Dans une prochaine préface nous reprendrons cette même question du point de vue politique; nous traiterons du signe social, ou de la candidature.

FIN DE LA PRÉFACE.

HISTOIRE PARLEMENTAIRE

DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE.

JUILLET 1791. — (SUITE.)

Nous nous sommes arrêtés, dans le volume précédent, à la discussion que l'assemblée nationale allait ouvrir sur les résultats constitutionnels que devait entraîner la fuite à Varennes. Notre coup-d'œil préliminaire sur le mois dont nous reprenons ici la continuation, nous dispense de particulariser de nouveau l'état des esprits à l'égard de la question toute nationale qu'il s'agissait de résoudre. Nous avons donné les manifestes des partis, leurs conclusions respectives; nous avons constaté les agitations de la presse, des clubs, de la place publique. Il nous faut maintenant aborder les luttes régulières. La société des Jacobins traita de l'inviolabilité du roi, pendant la première quinzaine. Le discours le plus remarqué alors parmi ceux qui y furent prononcés, est

T. II.

1.

celui de Brissot. Nous le transcrirons immédiatement. Viendront ensuite les opinions émises au sein de la constituante. La journée du 17 juillet terminera cette première moitié du mois, selon la division que nous avons indiquée.

DISCUSSION SUR LA QUESTION DU ROI.

Opinion de Brissot. (Club des Jacobins.)

M. Brissot. La question importante, que vous agitez maintenant, offre cinq branches, qui, toutes présentent un égal intérêt.

Le roi sera-t-il jugé?

› Par qui sera-t-il jugé?

› Dans quelle forme sera-t-il jugé?

› Comment sera-t-il provisoirement remplacé?

› Comment le sera-t-il définitivement, s'il est destitué? Toutes ces questions doivent être traitées séparément, avec cette lenteur, cette réflexion que commande l'importance de ce procès national, avec cette solennité qui doit entourer une nation, qui accuse du plus grand des crimes un de ses représentans, avec cette liberté, cette franchise d'opinion, qui caractérisent des amis de la liberté.

› M. Pétion a, dans la dernière séance, sagement circonscrit la discussion actuelle à la première de ces questions: Le roi serat-il, peut-il ê re jugé? Respectant la limite qu'il a posée, et que vous avez paru approuver, je m'y renfermerai. Je ne traiterai donc, quant à présent, aucune des questions subséquentes, quoique nos adversaires cherchent à les cumuler, à les confondre, afin d'égarer les esprits, afin de leur inspirer des préventions contre le parti sévère que commandent l'intérêt, la justice et la majesté nationale. Ce n'est pas, Messieurs, que nous redoutions le combat qui nous est offert par nos adversaires. Oui, quand il en sera temps, nous leur prouverons que, soit que le roi conserve sa couronne, soit qu'on le remplace; le salut du peuple, le salut de la constitution exigent que le trône soit entouré d'un

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