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Le juif Ephraïm et la baronne d'Aelder, emprisonnés il y a trois jours, ont été mis en liberté.

Paris est tranquille. Le drapeau rouge est encore suspendu à la maison commune.

On a arrêté l'auteur d'un ouvrage intitulé: le Père Duchêne (1). Il ne faut pas confondre cette feuille avec celle portant le même titre, et qui se publie par lettres rédigées dans des sentimens de paix et de patriotisme qui font honneur au cœur de l'auteur, excellent citoyen, et jouissant de l'estime de tous les vrais patriotes.

MM. Damas, Dandrouin, Floriac, Remi, Vellecourt, Marassin, Talon, Lacour et d'Offelise, détenus à Verdun comme complices de l'évasion du roi, et sur lesquels l'assemblée nationale s'est réservé de statuer, en ordonnant qu'ils resteraient en état d'arrestation jusqu'après les informations, sont arrivés hier à Paris, et ont été conduits dans la maison de la Merci, rue du Chaume, où ils sont gardés par un nombreux détachement de la garde nationale.

M. Riston, avocat au ci-devant parlement de Nancy, convaincu d'avoir fait usage de faux arrêts du conseil, a été condamné, le 20 de ce mois, par le second tribunal criminel, établi par la loi du 6 mars, à faire amende honorable et à être conduit aux galères à perpétuité. Ses deux mémoires seront brûlés comme contenant des faits faux et calomnieux. M. Riston s'est, dit-on, pourvu en cassation contre ce jugement.

Un grand nombre d'ouvriers se sont rassemblés hier dans les cours du Palais-Cardinal, où sont les bureaux des ateliers publics. Cette réunion a donné quelques inquiétudes; mais elle n'a pas eu de suite: elle était relative à des demandes de certificats pour se présenter aux entrepreneurs afin d'obtenir de l'ouvrage. Plusieurs patrouilles de la cavalerie de la garde nationale ont été insultées l'avant-dernière nuit. Dans la rue de la Tacherie, on les a assaillies de pierres. La nuit précédente, sur le quai de

(1) Hébert commençait à publier sa feuille du Père Duchesne ; c'est lui qu'on avait arrêté. (Note des auteurs.)

la Mégisserie, un garde national avait été blessé d'un coup de pistolet.

En vertu d'un ordre des comités des recherches et des rapports, la garde nationale est allée pour se saisir de M. l'abbé Royou; mais on ne l'a pas trouvé chez lui. On a mis le scellé sur une partie de ses papiers, et on s'est emparé de l'autre.

L'Ami du roi, le Journal de la cour et de la ville, etc., et la Gazette de Paris, n'ont pas paru aujourd'hui.]

Un journal-affiche, intitulé: te Chant du coq, dénonçait chaque matin les factieux. Ce pamphlet couvrait les murs de la capitale. Ou y lisait surtout des détails infamans sur la vie privée des révolutionnaires. Ceci n'était qu'une préface du grand combat biographique qui allait se livrer lors des élections pour la légis lative. Elles déchaîneront bientôt une fureur de personnalité inouïe jusqu'à cette heure dans les fastes révolutionnaires. Brissot sera accusé d'être un escroc, un fripon, un banqueroutier frau duleux, etc. Nous recueillerons de l'attaque et de la défense ce qui nous paraîtra le plus clair et le mieux prouvé. Aujourd'hui le Chant du coq commence la querelle si rudement, que Brissot, ordinairement insensible à ces sortes d'attaques, publia la lettre suivante, insérée par tous les journaux.

Réponse au second Chant du coq.

De Paris, 25 juillet. J'ai méprisé jusqu'à présent toutes les calomnies que mes principes m'ont attirées, et qui ne prenaient leur source que dans mes opinions; je n'en ai traduit les auteurs qu'au tribunal du public, parce que lui seul est un juge compétent des opinions. Il n'en est pas de même des calomnies qui attaquent la vie privée d'un citoyen; les tribunaux peuvent seuls en être juges à cette classe appartient la plus horrible diffama. tion affichée aujourd'hui contre moi, sous le nom de cinq individus qui se disent citoyens actifs. Je ne les connais point; ils taisent leur domicile; mais l'imprimeur n'a pas caché le sien, et c'est contre lui que demain je vais rendre plainte en diffamation. J'en remercie le ciel; la lumière va donc enfin éclairer une

accusation qui n'ayant été fabriquée, et jusqu'à présent colportée que par des scélérats qui, frappant dans les ténèbres, ou se dé robaient à la justice, ou ne méritaient que le mépris d'un écrivain irréprochable. Je puis done saisir corps à corps un citoyen qui m'offre une garantie, et qui n'échappera pas à ma poursuite. En le poursuivant, je prends l'engagement solennel de démontrer au public que tous les délits qu'on me reproche sont autant d'atroces calomnies; je dévoilerai la persécution odieuse dont on m'environne depuis quelque temps; j'en dévoilerai la source, l'objet, les manoeuvres.....

Patriotes! il se trame une conspiration affreuse contre tous ceux qui ont développé quelque énergie dans la défense du peuple, qui ont démasqué les traîtres et les ennemis de la constitution; on veut les rendre suspects à ce peuple même, leur ôter son estime; en un mot, leur perte est jurée: l'or coule à grands flots pour payer les infâmes libellistes qui sont chargés de les discréditer dans l'opinion publique............. Je n'abandonnerai point cependant la cause que j'ai défendue; et en la suivant avec la même ardeur, je veux confondre en même temps mes adversaires ou périr.....

Mon mémoire ne tardera pas à paraitre; il convaincra mes lecteurs et le public que j'ai toujours mérité le titre de patriote sans peur et sans reproche.

Je prie les journalistes patriotes d'insérer cet avis dans leurs feuilles; les hommes de bien se doivent mutuellement cette justice et ce secours.

Signé, J. P. BRIssor,

Une autre fameuse affiche intitulée : Qui faut-il croire? et signée Paul, L. Rolland, Darmines, Moreau, Montbrun, citoyens actifs, s'exprimait ainsi : ‹ Des écrivains trop célèbres, Carra, Maral, Fréron, Brissot, Audouin et tant d'autres, leur disent que les lois sont détestables, l'assemblée corrompue, les magistrats perfides, la constitution violée, et la guerre civile im minente. >

Marat, obligé de chercher une nouvelle retraite, avait sus

pendu quelques jours son journal. Il ne tarda pas à le faire reparaître. Le numéro qui suivit l'arrestation de Verrière proteste contre toute participation de ce dernier à la rédaction de l'Ami du peuple. M. Verrière est auteur de l'Ami de la loi, dit Marat; son style n'est pas le mien : il est excellent patriote, mais il n'est pas moi. Comme je suis éloigné de Paris, je prie mes compatriotes de ne pas se fâcher, de ne pas m'en vouloir, s'ils ne reçoivent pas mes numéros tous les jours. Tantôt un homme bien costumé les vendra, tantôt un paysan; tantôt dans un endroit, tantôt dans l'autre; mais l'intervalle que je suis forcé d'y mettre pour ne pas faire découvrir mon souterrain, ne m'empêchera jamais de veiller au salut de mes compatriotes. Accablé de la maladie qui me tourmente, mes rêves ne tendaient qu'à votre bonheur.... (L'Ami du peuple, no DXXIV.) Il dit dans le numéro suivant : Votre ami est forcé de faire passer son journal par des laitières de Vincennes et de Saint-Mandé. Il va employer encore un autre moyen; mais soyez certains qu'il ne négligera rien pour tromper la vigilance criminelle des trente-six mille et un mouchards soudoyés par la municipalité. >

Le journal de Fréron fut continué par Lahenette, rédacteur du Journal du diable. Nous terminerons ce chapitre par un article de Prudhomme, qui nous a paru le meilleur résumé de la presse sur les événemens dont nous parlons. Nous avertirons seulement que le drapeau rouge resta exposé jusqu'au dimanche 7 août, jour où il fut remplacé, à huit heures du matin, par le drapeau blanc.

La journée du 17 juillet a été affreuse: il s'y est passé des scènes individuelles dont le récit brise le cœur ; mais enfin, plusieurs citoyens n'y ont perdu que la vie. Si la nation datait de cette époque la perte de sa liberté!... si l'idée de ce massacre n'avait été conçue que pour glacer d'effroi les écrivains et les lecteurs patriotes, pour autoriser les violations d'asile, pour dresser des tables de proscrits, pour enivrer la garde nationale, en lui donnant une fausse mesure de sa force, pour faire rentrer le peuple dans sa nullité politique, pour imposer silence aux

journalistes, pour dissiper les clubs, et ne pas souffrir un seul groupe dans tout Paris, redevenu ce qu'il était, la ville des aveugles et des muets!... Tout cela s'est fait et se fait encore, et les gardes nationaux applaudissent à leur métamorphose en janissaires; et le peuple lui-même, frappé de l'épidémie, rit d'un rire sardonien à la vue de tous ces coups d'autorité asiatique! Le malheureux! il insulte aux traitemens barbares qu'on fait subir à ses plus ardens défenseurs, et appelle brigands ceux-là même qui l'ont averti tant de fois de se mettre en garde contre les véritables brigands, contre les factieux lâchés au milieu de lui.

› Et il s'est trouvé des gens pour justifier les nombreux assassinats du 17 au soir, et les délations, les lettres de cachet, les prises de corps, les incarcérations, les saisies de papiers, les confiscations de press et de caractères d'imprimerie, les radiations de scrutin, et le spectacle sinistre de ce drapeau couleur de sang, appendu si long-temps aux croisées de la maison commune, comme jadis on attachait aux voûtes du temple métropolitain les drapeaux recueillis au milieu des cadavres des ennemis vaincus.

Le salut du peuple! disent ces gens, bien payés apparemment pour le dire.

> Il faut leur répondre : le salut du peuple est dans une bonne constitution, et entre les mains de mandataires fidèles aux intérêts de leurs commettans; le salut du peuple est dans nos canons pointés sur le premier de nos voisins qui touchera d'un pied sacrilege notre sol sanctifié par la liberté; le salut du peuple est dans la prudence, les lumières et l'humanité des magistrats; le salut du peuple, surtout en ce temps de calamité publique, est dans les corps électoraux procédant au remplacement de nos députés, dont les uns succombent sous la charge, et les autres, transformés en pourceaux, se prostituent à la cour d'une Circé nouvelle. Le salut du peuple ne consiste pas à faire, à toute heure du jour et de la nuit, des descentes scandaleuses chez les particuliers, et à charger d'ordres arbitraires les gardes nationaux devenus des coupe-jarrets. Si jamais les feuilles incendiaires de l'Ami du peuple ont pu allumer quelques cerveaux,

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