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propres principes, et qui eussent été surprises à votre sagesse par les circonstances, ce sont celles-là que vous effacerez de votre code. Vous remettrez entre les mains de vos successeurs, que vous êtes résolus à appeler bientôt, une constitution pure, conforme aux droits imprescriptibles de l'homme que vous avez solennellement reconnus; et vous rentrerez dans le sein de vos concitoyens, dignes de vous mêmes, et dignes du peuple français. Pour nous, nous terminerons cette adresse par une profession de foi, dont la vérité, prouvée par notre conduite constante, et justifiée par l'opinion de la France entière, nous donne le droit de compter sur votre estime, sur votre confiance, sur votre ap◄ pui, et de défier tous ceux dont le système est de peindre la raison, la liberté et la vertu, des couleurs du vice, de la licence et de l'anarchie. Respect pour l'assemblée des représentans de la nation, fidélité à la constitution, dévoùment sans bornes à la patrie et à la liberté, voilà la devise sacrée qui doit rallier à nous tous les bons citoyens, et qui nous autorise à croire que nous ne pouvons désormais compter nos ennemis que parmi les ennemis de la patrie.

› La société a arrêté que la présente adresse sera imprimée en très-grand nombre, et le plus promptement possible, envoyée à l'assemblée nationale, à tous ses membres individuellement, à toutes les sociétés affiliées, aux quarante-huit sections et aux bataillons de la capitale.›

Signé, L.-P. DUFOURNY, président; F.-E. GUIRAUT,
REGNIER neveu, secrétaires.

Ce 18 juillet 1791.›

On reprit la motion de Feydel. Pétion, Moreton et Chépy fils la combattirent; elle n'eut pas de résultat (1).

A la séance du 20, l'abbé Royer proposa qu'il fût nommé, de

(1) Laclos fit insérer dans le Journal de Paris du 21 juillet une longue déclaration dans laquelle il exposait sa conduite depuis le 15, il terminait en disant que sa motion du 18 ayant été rejetée, il se retirait «de cette société, dont il ne cesserait cependant de respecter les intentions patriotiques.» (Note des auteurs.)

part et d'autre, des commissaires, comme le seul moyen de faire disparaître le schisme. Mendouze adopta cet avis et le formula ainsi Que les membres composant la société séante aux Feuillans soient rappelés aux Jacobins, et qu'il soit nommé trente commissaires, dont quatorze appartenant à l'assemblée nationale, pour procéder à la réforme du régime intérieur du club. Cette motion fut adoptée. Mendouze et Kersaint, envoyés immédiatement aux Feuillans, y furent accueillis dans un profond silence. Goupil présidait; il dit aux commissaires jacobins que leur communication serait discutée dans la prochaine séance, et qu'on ferait parvenir la réponse.

A la séance du 22, on émit le vou d'adresser une seconde députation. Santerre et plusieurs autres membres représentèrent cette mesure comme indigne de la société.

A la séance du 24, on reçut un message des Feuillans. Robespierre fit déclarer, préalablement à toute lecture, que la société séante aux Jacobins avait été et serait toujours celle des Amis de la constitution. Cette motion fut adoptée à l'unanimité. On lut ensuite la lettre de Goupil-Préfeln, président des Feuillans; elle portait en substance, que les propositions des Jacobins n'étaient pas admises, et que la réunion dépendait de l'acquiescement pur et simple à certains articles arrêtés la veille par les scissionnaires. Parmi ces articles, on trouve celui-ci que les seuls citoyens actifs seront reçus par les Feuillans. On discuta long-temps sans conclure.

Le 25, Pétion, élu président au scrutin, demanda qu'avant tout, pour constater l'existence de la société et en reconnaître les membres, des registres fussent ouverts, où viendraient s'inscrire ceux qui avaient l'intention ferme de tenir à la société séante aux Jacobins; qu'ensuite les membres inscrits subissent l'épreuve qu'indiquerait la société. Ces propositions adoptées, le mode épuratoire fut mis à la discussion, et l'on arrêta: ‹ 1o de nommer au scrutin six membres de la société (1), lesquels, con

(1) Les six commissaires nommés le 27, furent MM. Mendouze, Chépy file

jointement avec les six députés de l'assemblée nationale qui restaient, composeraient provisoirement le comité de présentation; 2o que ce comité choisirait dans la liste du trimestre courant soixante membres pour former le noyau de la société ; 3° que le comité continuerait son choix sur la liste du trimestre; 4° que les membres rejetés par le scrutin épuratoire pourraient faire des réclamations, sur la légitimité desquelles la société délibérerait; 5° que les membres adoptés qui n'accepteraient pas seraient rayés du tableau, et ne pourraient dans aucun cas être représentés; 6° qu'il serait fait deux tableaux : le premier, de tous les membres qui composaient la nouvelle société; le second, de tous ceux qui seraient rejetés, auxquels on ajouterait les signataires de la protestation des dissidens, lesquels ne pourraient jamais devenir membres de la société. >

Cette opération préliminaire dura jusqu'au 3 août, jour où le noyau procédant de l'épuration tint sa première séance, présidée par Pétion.

Nous avons suivi dans l'analyse que l'on vient de lire le journal des débats du club des Jacobins, et le Journal des Clubs, de J. J. Leroux et Revol. Il nous reste à faire connaître le résultat du schisme à l'égard des sociétés affiliées des départemens. Le journal de la correspondance des Amis de la constitution, continué par les Feuillans depuis le n° XXXV jusqu'au no XLI, va nous fournir la statistique que nous allons dresser. Laclos, directeur de ce journal, avait cessé toute coopération après le n° XXXIV. Une note du n° XXXV, p. 390, nous apprend que l'ancien comité de correspondance était composé de trente membres; que vingt-sept avaient quitté les Jacobins, et que sur ce nombre vingt-cinq étaient venus aux Feuillans. Nous lisons dans le n° XXXVII, p. 491, que le journal confié à la rédaction des seuls coopérateurs de Laclos, complait au nombre de ses principaux écrivains M. Lépidor fils; une note

Sergent, Dufourny, Bourdon-Lacrosnière et Mouton. Il restait six députés de l'assemblée nationale : MM. Coroller, Grégoire, Prieur, Pétion, Robespierre, l'abbé Royer. (Note des auteurs.)

du n° XXXVIII, p. 520, annonce que G. B. Feydel a été dès l'origine, et qu'il est toujours le seul rédacteur de la correspondance. Enfin, le n° XLI, p. 70, porte: Fin de la rédaction de G. B. Feydel, avec cette apologie: Le désir d'être utile à ma patrie, en montrant aux sociétés affiliées la scission sous son véritable point de vue, m'a déterminé à continuer pendant ces dernières semaines une rédaction fatigante, qui devait m'exposer à des désagrémens, à des reproches de la part de ceux qui confondent l'esprit de coterie avec l'esprit public. Maintenant que les faits et les opinions sont connus, ma tâche est remplie ; puissé-je avoir contribué à prémunir les nouveaux députés contre le système de bouleversement qu'on se prépare à présenter à la législature! Puissent tous les vrais patriotes de l'empire sacrifier en ce moment des idées brillantes d'amélioration à la nécessité pressante de maintenir telle qu'elle est une constitution sous laquelle la liberté n'aura été pour nous qu'un vain songe (1)..

Les sociétés des provinces se partagèrent en trois avis: la réunion, l'adhésion aux Feuillans, l'union continuée avec les Jacobins seuls. Nous donnerons, jusqu'à la date du 31 juillet, le nom des sociétés `qui choisirent l'un de ces trois avis, en rapportant les notes par lesquelles le rédacteur Feydel explique la scission aux correspondans, dont il analyse les lettres. Nous commencerons par transcrire l'adresse des Jacobins et celle des Feuillans aux sociétés affiliées. Nous tirons ces deux adresses du Journal des Clubs, de Leroux et Revol, n° XXXVI, p. 525 et suivantes.

(1) M. Deschiens avertit dans sa bibliographie que les derniers numéros de XXXV à XLI sont les plus rares et les plus utiles pour l'histoire. Cela est vrai sans doute; mais il dit que le n° XXXV du 20 juillet, ce qui pourrait occasionner à des collecteurs de pièces révolutionnaires d'inutiles recherches. Sa date est doublement inexacte. D'abord le n° XXXV est daté du 26 juillet; ensuite un avis en tête du n° XXXVI annonce que c'est par erreur que le n' XXXV est daté du 26 juillet; qu'il est du 9 août. Le n° XXXIV étant du 19 juillet, et le journal paraissant tous les mardis, il en résulte que deux mardis consécutifs, le 26 juillet et le 2 août, se passèrent avant que les Feuillans fussent prêts à l'éditer pour leurs comptes. (Note des auteurs.)

Adresse de la société des Amis de la constitution (Jacobins) aux sociétés affiliées. Au moment où nous croyions avoir vaincu tous les ennemis de la constitution, voir l'assemblée nationale toucher au terme de ses grands travaux, un triste événement vient suspendre nos joies et nos espérances; un schisme se manifeste au sein même de cette société qui se glorifiait de posséder dans son sein les plus intrépides défenseurs de la révolution, et de rallier autour d'elle le veu de toutes les sociétés patriotiques de la France. En vous exposant les causes, pardonnez-nous de jeter un voile sur la plupart; il est triste pour des amis de la patrie d'accuser ceux qu'ils ont chéris comme leurs frères. Vous avez vu les combats soutenus sur la grande question de l'évasion du roi, et son inviolabilité absolue. L'opinion de la société vous est connue; elle se glorifie de la partager avec presque toutes les sociétés du royaume, Constante dans la marche loyale et franche qu'elle a toujours suivie dans ses discussions, elle avait ouvert une arène libre à toutes les opinions; le parti pour lequel penchait la société n'était pas celui qui triomphait dans les comités; la plupart de leurs membres se sont abstenus d'y paraître. Le décret a été rendu contre les principes défendus par la société. Soumise aux décrets, elle a respecté la décision de l'assemblée nationale; mais ce succès ne satisfait pas les hom mes qui, désespérés d'avoir perdu dans la société un ascendant qui n'est dù qu'à la raison, ont cherché à se venger, en essayant de briser l'autel même sur lequel ils avaient tant de fois soutenu la cause de la patrie. Se fondant sur une protestation contre le décret, protestation qui n'a jamais existé, ils ont effrayé, égaré les esprits des membres de l'assemblée nationale qui étaient restés attachés à cette société, et, dans une séance particulière tenue aux Feuillans, la scission a été résolue. Elle nous a affligés sans nous décourager. Ce schisme est le fruit de la surprise et de l'erreur, et l'erreur n'a qu'un temps. L'assemblée nationale renferme dans son sein une masse respectable de patriotes ver tueux, qui veulent sincèrement la constitution. Or, il est impossible qu'éclairés sur les manoeuvres par lesquelles ils ont été

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