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breuses, par des gardes nationales familiarisées avec les fatigues; nous, à qui le ciel a réservé, pour faciliter le passage du despotisme à la liberté, un fonds immense et riche, recouvré sur la superstition par le bon sens : nous craindrions, avec tant d'avantages réunis, des puissances que, sous le règne avilissant du despotisme, nous avons si souvent battues! Quoi! sous ce despousme, la France seule a pu résister à sept puissances combinées; et l'amour de la liberté ne pourrait reproduire un miracle enfanté par un ridicule honneur!

> Je le sais si les étrangers se liguent, nous attaquent, ils pourront vaincre d'abord. Mais Rome, attaquée par Annibal, essuya quatre défaites, ne désespéra pas, et triompha; mais les Américains ne sont arrivés à l'indépendance que par des défaites nombreuses........ Oǹ prendra des villes, je le veux. Eh bien! nos frères les habitans de ces villes trouveront des asiles partout. Nous partagerons avec eux et nos maisons et nos tables. Les enfans des martyrs de la liberté deviendront les nôtres. Nous essuierons les larmes de leurs veuves. Ah! c'est cette douce communion des esprits et des cœurs, qui rend le soldat de la liberté invincible, qui lui fait recevoir la mort avec joie ; il lègue sa famille à ses frères, et non pas à des tyrans qui repoussent les enfans après avoir bu le sang du père.

› Oui, Messieurs, les hommes qui cherchent à nous décourager, à nous empêcher d'être justes, d'être libres, par la crainte des puissances étrangères, ne connaissent ni la force de la France, ni les effets prodigieux de la liberté sur le caractère de l'homme, ni l'état des puissances étrangères, ni les changemens que la révolution d'Amérique, que celle de France, que les développemens prodigieux de la raison universelle ont faits et feront dans les cabinets politiques et dans les armées européennes.

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› Les monarques pouvaient autrefois se liguer les uns contre les autres, et chercher à se déchirer, pour partager les terres et les hommes du vaincu; mais les hommes ne sont plus des meubles dont on puisse si facilement disposer malgré eux. Ces rois d'autrefois pouvaient perpétuer leurs guerres : il est aujourd'hui au

dessus des forces de toutes les puissances de faire une longue guerre. L'argent en est le nerf; et ce nerf manque bientôt. Les nations libres peuvent seules et pour leur liberté soutenir de longues guerres. Le grand intérêt de la liberté, cet intérêt qui se nourrit de lui-même, remplace chez elles l'intérêt de l'argent qui s'épuise aisément. Ainsi, des puissances qui se liguent contre une nation libre, ont une chance prodigieuse contre elles; elles ont la presque certitude d'ensevelir vainement leurs troupes et leurs trésors dans le pays de la liberté. La guerre de 50 ans, avec laquelle la Hollande acheta sa liberté, est une leçon éternelle pour les tyrans qui voudraient attaquer la nôtre. La puissance la plus formidable d'alors échoua dans ce pays ouvert, et que rien ne défendait, hors la valeur de ses habitans. Les trésors des deux mondes s'y engloutirent. Les tyrans connaissent ces exemples instructifs; ils ne les répéteront pas. Ils savent trop bien aujourd'hui que si leur cause est celle de tous les tyrans, la nôtre est celle de toutes les nations, et que nous pouvons compter parmi leurs sujets et leurs soldats, presqu'autant de frères et de défen

seurs.

Quel doit donc être maintenant leur calcul et leur but? D'empêcher la propagation de cette déclaration des droits qui menace tous les trônes; de conserver le plus long-temps possible le prestige qui les entoure? Or, est-ce en s'armant contre nous, en inondant la France de leurs troupes, que les rois étrangers préviendront la contagion de la liberte? Peuvent-ils croire que leurs soldats n'entendrout pas ses saints cantiques; qu'ils ne seront pas ravis d'une constitution où toutes les places sont ouvertes à tous; où l'homme est l'égal de l'homme? Ne doivent-ils pas craindre que leurs soldats, secouant leurs chaînes, n'imitent la conduite des Allemands en Amérique, ne s'enrôlent sous les drapeaux de la liberté, ne se mêlent dans nos familles, ne viennent cultiver nos champs, qui deviendront les leurs?

› Ce ne sont pas seulement ceux qui resteront avec nous qu'ils auront à redouter, mais ceux qui, lassés d'une guerre impie et infructueuse, retourneront chez eux. Ceux-là feront naturelle

ment des comparaisons de leur sort avec le sort des Français, de la perpétuité de leur esclavage avec l'égalité des autres. Ils trouveront leurs seigneurs plus insolens, leurs ministres plus oppresseurs, les impôts plus pesans, et ils se révolteront. La révolution américaine a enfanté la révolution française: celle-ci sera le foyer sacré d'où partira l'étincelle qui embrasera les nations dont les maîtres oseront l'approcher..... Ah! si les rois de l'Europe entendent bien leurs intérêts, s'ils s'instruisent par les événemens, ils chercheront plutôt à s'isoler de la France qu'à se mettre en communication avec elle, en l'attaquant. Ils chercheront à faire oublier à leurs peuples la constitution française, en les traitant doucement, en allégeant le poids des impôts, en leur donnant plus de liberté.

› Nous sommes arrivés au temps où partout l'opinion publique, l'opinion des nations, est comptée secrètement pour quelque chose dans la balance des tyrans. Ainsi, quand des hommes superficiels ont avancé que le gouvernement anglais pouvait commander des guerres à sa fantaisie, ils ont avancé une erreur. Sans doute la nation anglaise n'a plus de liberté politique; mais elle sait encore faire respecter son opinion politique; et l'avortement de la guerre contre la Russie en est la preuve. Si la flotte ne sort pas, c'est que la nation ne le veut pas; elle est encore le véritable souverain, quoique George, en jouant la comédie de la revue, ait l'air de l'être seul.

› Quand donc on veut prévoir ou la possibilité d'une guerre, ou les conséquences qui doivent en résulter, il faut consulter l'opinion publique chez ceux auxquels on y destine un rôle. L'opinion publique, dans tous les pays dont on voudrait employer les forces contre nous, est généralement en faveur de la constitution française, quoique certains articles puissent y déplaire. Nos papiers ont fait et feront à cet égard la conquête du monde entier, et la presse a enchaîné les bras des rois de l'Europe.

Voulez-vous vous convaincre davantage combien peu redoutables ils doivent vous paraitre? Examinez la situation de leurs divers États.

Est-ce l'Angleterre que redoutent nos pusillanimes politiques? Surchargée du poids énorme d'une dette qu'accroissent tous les jours et la vaine parade des armemens contre la Russie, et la guerre désastreuse de l'Inde, elle a tout à craindre pour elle: impossibilité d'acquitter sa dette, perte de ses possessions dans les Indes orientales, scission avec l'Irlande, émigration constante de l'Écosse. Étendez ses victoires, multipliez ses vaisseaux, sa dette n'en diminue pas; donnez-lui dans l'Inde pour alliés le versatile Nizam, le parjure Mahrate, l'empereur Mogol, l'empire anglais n'en est pas plus affermi; il n'est que dans l'imagination. Or, il est impossible que ce rêve de l'imagination dure encore long-temps, que 6 mille Anglais tiennent long-temps aux fers 20 millions d'hommes, et en effraient 100 autres millions.

› Voilà, sans doute, ce que le ministère anglais voit; et il ne voudra pas précipiter sa perte, en déclarant une guerre que sa nation généreuse aurait en exécration. Il ne voudra pas la perte de cette nation, en commençant une guerre qui épuiserait les ressources dont il a besoin pour soutenir un empire qui ne tient plus qu'à un fil.

› Est-ce la Hollande qu'on redoute? Une femme impérieuse et détestée, un prince imbécille et méprisé, des États-généraux esclaves, une aristocratie magistrale odieuse, deux factions aristocratiques prêtes à se déchirer, une canaille séditieuse aux ordres du prince, point d'argent, point de crédit, point de vaisseaux, point de troupes, deux compagnies banqueroutières, et une banque ébranlée : voilà le gouvernement hollandais et ses moyens. Il a donc tout à craindre, et ne peut être craint.

> Est-ce la Prusse? Lorsque l'inquisition s'assied sur un trône, elle l'ébranle et l'affaiblit; et le roi de Prusse n'est plus qu'un grand-inquisiteur. Lorsqu'un prince est tour à tour voluptueux et illuminé, hardi et faible, l'arbitre de l'Europe et le jouet de ses ennemis; ce prince a donné sa mesure; elle n'est celle ni d'un conquérant, ni d'un prince habile; elle est celle d'un homme vain et d'un égoïste: la liberté ne craint pas de pareils adver

saires. Ajoutez ici : divisions dans le ministère, épuisement du trésor, disposition dans les soldats à la désertion, crainte de l'agrandissement de la maison d'Autriche, que notre ruine ou notre retour à l'état ancien favoriserait également ; et vous aurez de grands motifs de vous rassurer sur la Prusse.

> Est-ce l'Autriche? Un roi prudent met la paix dans ses États avant d'entreprendre une guerre étrangère ; et Léopold est prudent, pacifique, et il est loin d'avoir la paix dans les parties éparses de son empire, Le Brabant frémit de ses chaînes; les vrais vonckistes sont las d'être joués; les États ne sont point dupes des caresses perfides de la cour; le peuple commence à voir clair; tous n'attendent que le premier moment pour éclater. Léopold enverra-t-il en France des troupes, lorsqu'elles sont à peine suffisantes pour contenir le Brabant, et ce malheureux pays de Liége, qui rugit des atrocités de son sultan mitré. S'attirera-t-il une guerre avec 25 millions d'hommes libres, lorsque tout à la fois il rompt avec le Turc, il veut contenir le Hongrois dont l'exemple de la Pologne stimule le caractère indomptable; lorsque ses États même d'Italie recèlent un foyer de sédition ; lorsqu'enfin ses trésors, à peine suffisans pour ses dépenses ordinaires, seront bientôt épuisés par une guerre contre la liberté d'une grande nation? Léopold cède partout, caresse tout, et jusqu'au fanatisme qu'il abhorre; il sent sa faiblesse; et que craindre d'un prince faible et timide?

› Parlerai-je de cette ligue germanique, qui n'est qu'un vain fantôme; de ces petits États qui osent recéler chez eux nos fugitifs? Si notre ministère avait eu quelqu'idée de la dignité de notre révolution, un mot de sa bouche eût fait rentrer dans le néant ces tyrans obscurs, dont le premier coup de canon mettra les peuples en liberté.

› Parlerai-je des foudres de Rome? Elles ne peuvent effrayer que des superstitieux; et c'est le peuple lui-même qui a brisé l'idole de la superstition. Rome n'est plus à craindre quand le peuple est philosophe.

M'arrêterai-je aux fanfaronades du Don Quichotte du Nord?

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