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fait aussitôt une première décharge en l'air, et beaucoup des attroupés se sont dissipés. Mais bientôt, sé réunissant sur la partie du glacis située du coté du Gros-Caillou, ils ont recommencé leurs cris et lancé des pierres. Alors la garde nationale a usé du droit qui lui est attribué par l'article VII de votre décret, atteudu que les violences exercées ont rendu impossibles les sommations des officièrs municipaux (1).

>On a évalué le nombre des morts à onze ou douze, et celui des blessés à dix ou douze. Plusieurs officiers et soldats de la garde nationale ont été frappés de coups de pierre. Un d'eux a été renversé de dessus son cheval, et quelques-uns ont été victimes des séditieux; deux chasseurs volontaires ont été assassinés; l'un revenant seul, et l'autre étant à son poste; un canonnier a été massacré à coups de couteau, Quelques séditieux ont été arrêtés et conduits à la Force. A dix heures du soir, le corps municipal était de retour à la maison commune, et il est allé sur-le-champ rendre compte au département.›

M. le président. L'assemblée nationale a appris avec douleur

qu'ils le pouvaient impunément. On doit se rappeler la pétition des maîtres perruquiers de Paris à l'assemblée nationale. Eh bien! un contemporain digne de toute confiance nous a affirmé avoir vu, le 17 juillet au soir, une troupe nombreuse de maîtres perruquiers courant au Champ-de-Mars, armés en guerre par-dessus leur costume du métier, si remarquable alors. » (Note des auteurs.)

(1) La minute du procès-verbal ne renferme, pas plus que l'analyse du Moniteur, des détails sur l'attaque de l'autel. Or, Prudhomme expose ainsi ce qui suivit l'échauffourée des glacis ; « On connaît le champ de la fédération; on sait que c'est une plaine iminense, que l'autel de la patrie est au milieu, que les glacis qui entourent la plaine sont coupés de distance en distance, pour faciliter des passages. Une partie de la troupe entre par l'extrémité du côté de l'École-Militaire, une autre par le passage qui se trouve un peu plus bas, un troisième par celui qui répond à la grande rue de Chaillot : c'est là qu'était le drapeau rouge. A peine ceux qui étaient à l'autel, et il y en avait encore plus de 15 mille, l'eurent-ils aperçu, que l'on entend une décharge: Ne bougeons pas, on tire en blanc ; il faut qu'on vienne ici publier la loi, Les troupes s'avancent; elles font feu pour la deuxième fois la contenance de ceux qui entouraient l'autel est la même. Hélas !ils y ont payé cher leur courage et leur aveugle coufiance en la loi. Des hommes, des femmes, un enfant, y ont été massacrés, massacrés sur l'autel de la patrie! Ah! si désormais nous avons encore des fédérations, il faudra choisir un autre lieu ; celui-ci est profané. » {Révolutions de Paris, no CVI, p. 65.) (Note des auteurs.)

que les ennemis du bonheur et de la liberté de la France avaient forcé les dépositaires de la force publique à substituer aux mesures de douceur la sévérité. L'assemblée nationale approuve votre conduite; elle voit avec une grande satisfaction que les gardes nationales, soldats de la liberté, soutiens de la loi, ont continué à justifier la haute estime que leur avait déjà méritée leur zèle infatigable. L'assemblée ne vous invite point à assister à sa séance; elle sait combien il est nécessaire que vous retourniéz à vos fonctions.

M. Barnave. Comme je pense que la réponse de M. le président a été l'expression du vou de l'assemblée, je demande qu'elle reçoive la plus grande publicité. Le courage, la fidélité de la garde nationale, sont d'autant plus estimables, que depuis les troubles on tente de la séduire. Elle doit obtenir de l'assemblée l'approbation la plus éclatante. Il est temps enfin que la loi exerce un pouvoir absolu; il est temps que l'on sache que le caractère de l'homme libre est dans le culte de la religion de la loi. Le moment est venu où des hommes, après avoir été longtemps le tourment de leur patrie, doivent enfin être voués au mépris universel; le moment est venu où ceux qui, dans les circonstances, n'auraient cherché que des vengeances individuelles, doivent devenir les victimes de la loi, qui mettra à découvert leurs infâmes menées. Je demande donc que la réponse de M. le président soit imprimée et affichée dans toutes les rues ; que les tribunaux poursuivent les auteurs des mouvemens et les chefs des émeutes. Dans des momens plus calmes, lorsque les événemens seront mieux connus, nous nous occuperons du sort des familles de ceux qui sont morts à leur poste avec l'habit de la loi. Nous leur dirons que la nation adopte leurs enfans, et que leurs veuves lui appartiennent par la reconnaissance.

L'assemblée ordonne à l'unanimité l'impression et l'affiche du discours de son président.

Le corps municipal se retire.

M. Legrand. M'est-il permis de reprocher en ce moment, au commandant de la garde nationale, son action généreuse? Sa

a

valeur lui à fait oublier ses devoirs. Un délit a été commis contre sa personne: ce n'est point à lui qu'il appartenait d'absoudre. Je demande que l'assemblée décrète que le coupable sera poursuivi.

M. Treilhard. Nous admirons tous l'action du commandant de la garde nationale; et si la loi pouvait avoir des égards, ce serait un motif de plus pour poursuivre le coupable.

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. La mesure que l'on propose à l'assemblée est hors de sa compétence: c'est aux tribunaux à poursuivre les délits.

L'assemblée charge les tribunaux de faire arrêter et de poursuivre celui qui a voulu attenter aux jours de M. la Fayette. L'assemblée décide que le comité des rapports est identifié avec celui des recherches.

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. Vous avez ordonné à vos comités de constitution et de jurisprudence d'examiner le projet de décret que je vous ai soumis dans la séance d'hier contre ceux qui provoquent les attentats et la résistance à la loi. Voici les articles qu'ils m'ont chargé de vous présenter:

L'assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de constitution et de jurisprudence criminelle, décrète :

Art. Ier. Toutes personnes qui auront provoqué le meurtre, l'incendie, le pillage, ou la désobéissance à la loi, soit par des placards, des affiches, soit par des écrits publics et colportés, soit par des discours tenus dans les lieux ou assemblées publics, seront regardées comme séditieux et perturbateurs; et en conséquence, les officiers de police sont tenus de les faire arrêter sur-le-champ, et de les remettre aux tribunaux pour être punis suivant la loi.

II. Tout homme qui, dans un áttroupement ou émeute, aura fait entendre un cri de provocation au meurtre, sera puni de trois ans de la chaîne si le meurtre ne s'est pas commis, et comme complice du crime s'il a eu lieu. Tout citoyen présent est tenu de s'employer ou de prêter main-forte pour l'arrêter.

III. Tout cri contre la garde nationale ou la force publique en

fonctions, tendant à lui faire baisser ou déposer les armes, sera regardé comme séditieux, et sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra excéder deux années.

M. Pétion paraît à la tribune. (L'assemblée est vivement agitée.)

M. Pétion. Je désirerais seulement entendre une seconde lecture du projet, afin de connaître positivement ce qu'il contient. Voilà le seul motif qui m'a fait monter à cette tribune.

M. Regnaud fait une seconde lecture du projet.

M. Pétion demande la parole.

On demande à grands cris, dans toutes les parties de la salle, à aller aux voix.

M. Pétion. Le moment dans lequel je parle est peu favorable à l'opinion que je veux défendre; mais je la défendrai cependant avec l'intime conviction qu'une partie du premier article du projet qui vous est présenté est funeste à la liberté de la presse. (On entend dans la partie gauche de la salle ces mots répétés par divers membres: Oui, funeste à Marat, Brissot, Laclos, Danton!) L'article contient des expressions à l'aide desquelles on pourrait rendre des jugemens très-arbitraires. (On entend des applaudissemens dans la partie gauche, et dans la galerie placée en face de M. le président.) On n'a pas cru que je m'éleverais contre la totalité de l'article; du moins on n'a pas dû le croire. L'article porte: Toutes personnes qui auront provoqué la désobéissance à la loi. Personne plus que moi ne respecte la loi. (Les murmures sont étouffés par les applaudissemens.) Les murmures ne m'empêcheront pas de continuer; car je défie qu'on me reproche une seule action dont un honnête homme puisse rougir. (De plus nombreux applaudissemens recommencent.) Je respecte la loi et j'engage à la respecter. (Quelques murmures, quelques applaudissemens.) Il est bon d'observer que l'article pourrait donner lieu à une multitude de persécutions. Lorsqu'une loi est rendue, certainement il faut y obéir; mais il est permis à tout citoyen de l'examiner, d'établir qu'elle n'est pas conforme aux principes de la raison et de la justice.

(Quelques murmures.) J'ai écrit avec liberté sur une loi; on me dira que j'ai affaibli le respect qui lui était dû »; on me dira: Si vous n'aviez pas écrit, l'on n'aurait pas désobéi. C'est donc vous qui avez provoqué la désobéissance. Voilà comme on parvient tuer la liberté de la presse. (Une voix s'élève : C'est pour Brissot que vous parlez là.) Je m'élève de toutes mes forces contre ceux qui provoquent au meurtre. Celui qui dit : Désobéissez à la loi, est coupable; mais....

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. Je propose de mettre après ces mots: Toutes personnes qui auront provoqué le meurtre, l'incendie, le pillage, ceux-ci: ou conseillé formellement la désobéissance. »

Cette proposition est adoptée.

Les articles proposés par M. Regnau sont décrétés.

M. Garat l'aîné. Les lois de toutes les nations qui ont voulu pourvoir à la sûreté publique, ont eu soin de prévoir les mesures indirectes par lesquelles on pourrait y porter atteinte. C'est contre ces provocations indirectes qu'il faut se prémunir. (On demande l'ordre du jour.) Sans dire: désobéissez à la loi, on peut, en parlant avec trop de liberté, avec licence.... (Les cris redoublent l'ordre du jour!)

M. Barnave. Le moment où l'assemblée indique aux citoyens le respect qu'ils doivent avoir pour la loi, est aussi celui où elle marquera son profond respect pour la liberté, et sa haine pour toute mesure qui pourrait amener l'arbitraire.

L'assemblée, interrompant M. Barnave, passe à l'ordre du jour.]

Voici maintenant la narration de Desmoulins, que nous avons annoncée.

Camille Desmoulins envoyant à la Fayette sa démission de

journaliste.

Nous avions tort, la chose est par trop claire;

Et vos fusils ont prouvé cette affaire.

Libérateur des Deux-Mondes, fleur des janissaires-agas,

phénix des alguazils-majors, don Quichotte des Capets et des

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