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Cette proposition est adoptée.

M. le président. Le résultat du scrutin pour la nomination de mon successeur a donné, sur 253 votans, 126 voix à M. Defermont et 102 à M. Broglie, 25 voix perdues; ainsi personne n'a obtenu la majorité absolue.

Les nouveaux secrétaires sont MM. Châteauneuf-Randon, Ramel et Lavigne.

M. le président. M. le maire de Paris et les officiers municipaux demandent à être admis à la barre pour rendre compte des événemens qui ont eu lieu dans la journée d'hier.

Les officiers municipaux sont introduits.

M. le maire obtient la parole. Le corps municipal se présente devant vous, profondément affligé des événemens qui viennent de se passer. Des crimes ont été commis et la justice de la loi a été exercée. Nous osons vous assurer qu'elle était nécessaire. L'ordre public était détruit des ligues et des conjurations avaient été formées; nous avons publié la loi vengeresse; les séditieux ont provoqué la force; ils ont fait feu sur les magistrats et sur la garde nationale; mais le châtiment du crime est retombé sur leurs têtes coupables.

:

Si l'assemblée le juge nécessaire, nous lui donnerons les détails de ce qui s'est passé.

L'assemblée demande qu'il lui soit rendu compte des détails. M. le maire fait lecture du procès-verbal, dont voici l'extrait (1):

>Le corps municipal étant assemblé pour pourvoir aux moyens d'assurer la tranquillité publique, il a été constaté qu'aujourd'hui

(1) Le procès-verbal commence ainsi : «17 juillet, huit heures du matin. A l'ouverture de la séance, le corps municipal a été informé par M. le maire de la suite des détails qui lui avaient été donnés hier. Il a appris qu'en exécution des ordres de la municipalité, les patrouilles s'étaient multiplices hier soir, cette nuit, ce matin; que la garde nationale avait donné des preuves continuelles de son zèle et de son attachement pour la constitution; que des ordres ultérieurs avaient été donnés; qu'il paraissait constant qu'il devait se former aujourd'hui de grands rassemblemens sur le terrain de la Bastille pour se porter ensuite au Champ de la fédération. » Viennent ensuite les considérans et l'arrêté. (Note des auteurs.)

17 juillet, il devait se faire un rassemblement considérable sur le terrain de la Bastille, d'où l'on devait se rendre au champ de la fédération. La garde nationale a reçu ordre de s'y rendre, et d'après les mesures prises, il y avait lieu de croire que la tranquillité pull que ne serait point troublée. Le corps municipal a pris et fait afficher sur-le-champ l'arrêté suivant :

>Le corps municipal, informé que des factieux, que des étrangers payés pour semer le désordre (1), pour prêcher la rébellion, se proposent de former de grands rassemblemens dans le coupable espoir d'égarer le peuple, et de le porter à des excès réprehensibles; ouï le second substitut adjoint du procureur de la commune, déclare que ιούι attroupement, avec ou sans armes, sur les places publiques, dans les rues et carrefours, sont contraires à la loi : défend à toutes personnes de se réunir, de se former en groupes dans aucun lieu public: ordonne à tous ceux qui sont ainsi formés de se séparer à l'instant ; enjoint aux commissaires de police de se rendre sans délai dans tous les lieux de leur arrondissement, où la tranquillité publique pourrait être menacée, et d'employer, pour maintenir le calme, tous les moyens qui leur sont donnés par la loi : mande au commandant-général de la garde nationale, de donner à l'instant des ordres les plus précis, pour que tous les attroupemens soient divisés. Le corps municipal se réservant de prendre des mesures nécessaires si le cas y échoit (2)..

(1) Dans la nuit dų 17 au 18, on arrêta (Moniteur du 19) neuf personnes, toules étrangères. Les trois dont les noms sont connus, furent, le juif Ephraim, conseiller-privé du roi de Prusse, se disant chargé d'une com. mission spéciale de la part de Frederic-Guillaume: il fut relâché trois jours après : la baronne OEta, Palm d'Aelder, membre du Cercle social, et connue à ce titre dans notre histoire: elle fut mise en liberté presque immédiatement; Rotondo enfin, dont l'arrestation est circonstanciée plus haut. Celui-ci disparaît de l'histoire officielle jusqu'à l'année 1793, où il est de nouveau arrêté à Genève. Voilà toute la faction étrangère. Les journalistes patriotes remarquent que les agens autrichiens, les seuls à eraindre, et les seuls bien reconnus pour tels, n'ont pas été même surveillés.

(Note des auteurs.)

(2) Ici se trouve dans le procès-verbal :«Après ces premières dispositions, le corps municipal a arrêté que deux de ses membres, MM. Cousin et Charon, se transporteraient dans les environs de la Bastille, pour s'assurer par eux

Vers les onze heures, le corps municipal a été informé que deux personnes venaient d'être assassinées au Gros-Caillou. Trois membres du corps municipal ont été députés pour rétablir l'ordre, et proclamer au besoin la loi martiale. De nombreux détachemens de garde nationale ont accompagné les officiers municipaux. Vers les deux heures, le corps municipal a été infor mé que la garde nationale avait été insultée, que M. le comman dant-général avait fait arrêter quatre particuliers pour avoir lancé des pierres sur la garde; que l'un d'eux avait été trouvé muni d'un pistolet chargé, et qu'il avait avoué avoir jeté une motte de terre sur le commandant de la garde à cheval. Le corps municipal, considérant alors que la force armée ne pouvait effrayer les bons citoyens, a arrêté que la loi martiale serait publiée. Aussitôt trois officiers municipaux sont descendus de la maison commune pour la proclamer; le drapeau rouge a été exposé à une des principales fenêtres (1). A cinq heures et demie du soir, au moment où la municipalité allait se mettre en marche pour se rendre au champ de la fédération, où était l'attroupement, les commissaires envoyés au Gros-Caillou sont arrivés et ont annoncé que l'un des meurtriers avait été arrêté; mais qu'il s'était aussitôt échappé des mains de la garde; qu'on avait tiré sur M. le commandant-général; que le particulier, auteur de ce délit, avait été arrêté et conduit dans une section, mais que M. le commandant l'avait fait sur-le-champ mettre en liberté. (Un pro⚫ fond silence succède à un mouvement manifesté dans toutes les parties de la salle.)

mêmes s'il se forme dans le quartier un rassemblement d'hommes, et d'en référer sans aucun délai au corps municipal, qui en statuera ainsi qu'il appartiendra. » (Note des auteurs.)

(1) Ceci donnerait à croire que le drapeau rouge a été exposé avant cinq heures. Voici la lettre du procès-verbal : « Les ordres ont été donnés pour que le drapeau rouge fût, immédiatement après la proclamation, exposé à Pune des principales fenêtres de l'Hôtel-de-Ville; ce qui a été exécuté à cinq heures et demie. » Dans l'intervalle avait eu lieu 1o la lettre de Charles Lameth au maire, mentionnée à la septième page du procès-verbal manuscrit; 2' des nouvelles très-rassurantes de la part des commnissaires envoyés à la Bastille; 3' de nombreux échanges de courriers. (Note des auteurs.)

>Ils ont rapporté que les deux meurtres commis avaient été accompagnés de circonstances atroces, qu'on avait mutilé ces malheureux, qu'on leur avait tranché la tête, et qu'on se disposait à les porter au bout d'une pique dans Paris, et spécialement au Palais-Royal, lorsque la garde nationale est arrivée : que la garde avait été insultée, et qu'un de ses principaux officiers avait couru du danger. Que l'autel de la patrie était couvert de personnes de l'un et l'autre sexe, attroupées pour présenter, à ce qu'elles ont dit, une pétition contre le décret du 15 juillet. Qu'eux, commissaires, ont fait diverses représentations, mais comme elles insistaient, il a été convenu qu'une députation de douze personnes les accompagnerait à la maison commune. Cet incident a donné lieu à une nouvelle délibération, et le corps municipal considé rant que tous les différens rapprochemens annonçaient une conjuration contre la patrie, que des étrangers récemment arrivés dans la capitale y fomentaient des mouvemens; que les officiers municipaux, étant responsables, ne pouvaient pas différer la proclamation de la loi martiale, dont le but était d'arrêter les soulèvemens, et d'assurer la liberté des délibérations de l'assemblée nationale a arrêté que sa précédente délibération serait exécutée.

Il était six heures, et le corps municipal se préparait à entendre les pétitionnaires, lorsqu'il a appris qu'ils s'étaient retirés, sans doute, pour apprendre aux personnes attroupées que la loi martiale venait d'être publiée (1). Le corps municipal s'est

(1) Selon Prudhomme, les commissaires ne disparurent pas sans remplir leur mission.Voici les détails qu'il dit tenir de l'un d'eux : « Nous parvenons, dit-il, à la salle d'audience à travers une forêt de baionnettes; les trois municipaux nous avertissent d'attendre; ils entrent, et nous ne les revoyons plus. Le corps municipal sort. Nous sommes compromis, dit un des membres: il faut agir sévèrement. Un d'entre nous, chevalier de Saint-Louis (1), annonce au maire que l'objet de notre mission était de réclamer plusieurs citoyens honnêtes, pour qui les trois officiers municipaux avaient promis de s'intéresser. Le maire répond qu'il n'entre pas dans ces promesses, et qu'il va marcher au champ de la fédération pour y mettre la paix. Le chevalier de Saint-Louis veut répondre que tout y est calme; il est interrompu par un

(1) Le chevalier de la Rivière, l'un des signataires de la pétition.

(Note des auteurs).

mis en marche, précédé d'un détachement de cavalerie, de trois pièces de canon, du drapeau rouge, et suivi d'un détachement nombreux de gardes nationales. Il était 7 heures et démie lorsque le corps municipal est arrivé au champ de la fédération. Son intention était de se porter d'abord à l'autel de la patrie (1); mais à peine entrait-il, que des particuliers placés autour des glacis, ont crié : A bas le drapeau rouge! à bas les baïonnelles! Cependant le corps municipal poursuivait sa marche, lorsque les attroupés ont jeté des pierres, et qu'un d'eux a tiré un coup de feu, dirigé sur les officiers municipaux (2); la garde nationale a

municipal qui lui demande d'un ton de mépris quelle était la croix qu'il portait, et de quel ordre était le ruban qui l'attachait (c'était le ruban tricolore). C'est une croix de Saint-Louis, répond le chevalier; que j'ai décorée du ruban national; je suis prêt à vous la remettre, si vous voulez la porter au pouvoir exécutif pour savoir si je l'ai bien gagnée. M. le maire dit à son collègue qu'il connaissait ce chevalier de Saint-Louis pour un honnête citoyen, et qu'il le priait, ainsi que les autres, de se retirer. Sur ces entrefaites, le capitaine de la troupe du centre du bataillon de Bonne-Nouvelle vint dire que le Champ-de-Mars n'était rempli que de brigands. Un de nous lui dit qu'il en imposait. Là-dessus la municipalité ne voulut plus nous entendre. Descendus de l'Hôtel-de-Ville, nous aperçûmes à une des fenêtres le drapeau rouge, et ce signal du massacre, qui devait inspirer un sentiment de douleur à ceux qui allaient marcher à sa suite, produisit un effet tout contraire sur l'âme des gardes nationaux qui couvraient la place. A l'aspect du drapeau, ils ont poussé des cris de joie, en élevant en l'air leurs armes qu'ils ont ensuite chargées. Nous avons vu un officier municipal en écharpe aller de rang en rang, et parler à l'oreille des officiers. Glacés d'horreur, nous sommes retournés au champ de la fédération avertir nos frères de tout ce dont nous avions été les témoins. Sans croire qu'ils en imposaient, ajoute Prudhomme, on pensa qu'ils étaient dans l'erreur sur la destination de la force de la loi, et l'on conclut qu'il n'était pas possible que Pon vint disperser des citoyens qui exerçaient paisiblement les droits qui leur sont réservés par la constitution. » (Révolutions de Paris, no CVI, p. 64.) (Note des auteurs.)

(1) Il y a de plus dans le procès-verbal : « qui était couvert de personnes des deux sexes, » (Note des auteurs.)

(2) Ce coup de feu était «un coup de pistolet dirigé contre la municipalité, et dont la balle, après avoir passé devant M. le maire, a été percer la cuisse d'un dragon de la troupe de ligne qui s'était réuni à la garde nationale. » (Procès-verbal manuscrit.) Il paraît que les jours d'émeute, des hommes de bonne volonté venaient prendre rang dans la garde nationale pour concourir à la répression. Le fait de ce dragon fut commun, le 17 juillet, à un grand nombre d'individus. Carra s'en plaint amèrement dans les Annales patriotiques du 20. « Il est important, dit-il, que dans les occasions critiques, aucun bataillon n'admette ces auxiliaires qui viennent se présenter tout à coup, sous prétexte de renforcer la garde nationale. » Plusieurs hommes, furieux contre la révolution, s'empressaient de la châtier toutes les fois

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