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municipal, et de remplir les engagemens qu'il a pris pour le maintien de l'ordre public; après avoir entendu le premier substitut-adjoint du procureur de la commune, arrête : 1o que les lois et le discours, dont il a, par son précédent arrêté, ordonné l'impression et l'affiche, seront envoyés, dans le jour de demain, aux comités des 48 sections; 2° que le secrétaire-greffier de la municipalité fera disposer, le plus promptement possible, 96 registres égaux, divisés en autant de colonnes qu'il sera ci-après indiqué ; que deux de ces registres seront envoyés à chaque comité pour recevoir les inscriptions et mentions prescrites par la loi ; qu'un de ces registres restera déposé au comité, où chacun des membres pourra en prendre communication, et que le double registre sera apporté au secrétariat-greffe de la municipalité; 3° qu'en attendant que ces registres puissent être faits et envoyés aux comités des sections, les inscriptions seront faites sur des feuilles qui seront adressées aux comités et reportées ensuite sur les registres ; 4° que les commissaires de sections sont invités à réunir leur zèle à celui des commissaires de police, et à se diviser leurs arrondissemens pour accélérer la confection et assurer l'exactitude du recensement général ordonné par la loi; 5o enfin, que le présent arrêté, ainsi que le décret de ce jour, les trois premiers articles du 5 juillet, et le discours de M. le président de l'assemblée nationale, seront, dans la journée de demain, proclamés par quatre officiers municipaux et huit notables, imprimés, affichés et envoyés aux comités des 48 sections.

› Signé, BAILLY, maire; DEJOLY, secrétaire-greffier.› Ainsi, du côté du gouvernement, tout était prévu, tout était en ordre et en ligne. On attendait sous les armes.

Les clubs, divisés pendant la journée, n'avaient pu aboutir à des conclusions communes. Les constitutionnels d'ailleurs avaient reconnu que leur système d'opposition était mis à néant par l'habile manœuvre de Desmeuniers. A cause de celá surtout, et ensuite pour la mutilation qu'on y avait faite au Champ-de-Mars, la pétition fut retirée; et comme le journal de Bonneville, dans lequel elle était imprimée, allait la répandre, comme il en cir

culait sans doute des copies manuscrites, la société voulant dé cliner à cet égard toute responsabilité, prit le 17 l'arrêté suivant: La société des Amis de la constitution délibérant sur les cira constances présentes :

. Considérant que les ennemis du bien public ont profité de cette occasion pour redoubler leurs calomniès contre des cis toyens uniquement et constamment dévoués au salut de la chose publique ;

› Considérant qu'on a particulièrement répandu avec profu sion, comme productions de la société, plusieurs imprimés ou entièrement faux ou insidieusement falsifiés ;

Déclare qu'elle dément formellement et ces faux bruits et ces faux imprimés;

› Déclare de plus que les membres qui composent ladite société, fidèles à l'engagement que leur impose le titre d'Amis de la constitution, jurent de nouveau de la maintenir de tout lear pouvoir, et d'être, ainsi qu'ils l'ont toujours été, soumis aux dé crets rendus par l'assemblée nationale:

> En conséquence, la société a arrêté à l'unanimité d'envoyer la présente déclaration à toutes les sociétés affiliées, et de lui donner la plus grande publicité, tant par la voie des journaux que par tout autre moyen autorisé par la loi. ›

Tel fut le dernier mot des Jacobins. Les Cordeliers ne prirent point le 16 de parti personnel. Ils s'attendaient à signer le lendemain la pétition à peu près convenue. Cette opinion de leur part, et la fuite de leurs principaux chefs dans la matinée du 17, leur ôtèrent en ce jour toute apparence de direction. Destitué de l'initiative des clubs, le peuple accourut cependant au rendezvous qu'il s'était donné à lui-même le 13, le 14, le 15 et le 16, et qu'il avait remis au 17, pour les motifs qui sont expliqués plus haut. Nous ne passerons pas au récit de la grande journée, avant d'éclaircir nne assertion de Desmoulins, dernière et importante circonstance historique du 16. Desmoulins assure qu'après la discussion au Champ-de-Mars; après qu'il fut arrêté qu'on signerait la pétition; afin de se prémunir contre la police munici

pale, les patriotes le députèrent lui douzième, à l'hôtel-de-ville; qué là, il exposa l'objet de sa mission, et que le procureursyndic Desmousseaux répondit : Vous êtes dans le chemin de la constitution; la loi vous couvre de son inviolabilité. » Bonneville raconte le même fait en d'autres termes, mentionnés par nous, tome X. Nous avons dépouillé à la loupe, pour ainsi dire, les procès-verbaux manuscrits, du conseil-général de la commune, du corps municipal et du bureau de ville, non point les extraits, mais les minutes elles-mêmes, et nous n'y avons rien trouvé de semblable. Pas une trace, pas un mot, qui se rapporte à une députation du genre de celle dont parlent Desmoulins et Bonneville. Il est bon de remarquer que la Bouche de fer publia ce fait plusieurs jours avant que Desmoulins se l'attribuât. Nous ne préjugeons rien; mais il est bien extraordinaire que le 16 une députation ait été reçue à l'Hôtel-de-ville, et elle ne pouvait l'être que par le corps municipal, ou par le conseil-général de la commune, ou par le bureau de ville, sans que les procès-verbaux de ces trois divisions de la municipalité renferment un trait de plume relatif à un objet si grave.

Paris, le 17 juillet. Nous avons lu presque tous les récits que nous possédons sur les événemens du dimanche 17 juillet 1791. Les feuilles quotidiennes recueillirent les détails à la hâte, et toutes commirent plus ou moins d'erreurs. Prudhomme, dont le journal ne parut que le 23, profita des rectifications, des renseignemens controversés dans les clubs, et devenus certains par une véritable critique historique. Aussi, nous le répétons, sa narration est de beaucoup la plus exacte; elle a été évidemment composée sur les pièces que nous allons produire. L'histoire de Toulongeon ne renferme là-dessus qu'une ébauche grossière, pleine de fausses ou inexactes allégations. Nous en dirons autant de celle de M. Thiers, qui a suivi presque littéralement la première.

Nos préliminaires ont prouvé, 1° que la fuite du roi avait eu pour résultat de lui ôter la confiance du peuple; 2° que cette fuíte, regardée comme un crime, ou tout au moins comme un

motif suffisant de déchéance, était ainsi présentée à l'opinion publique avec une animosité croissante par ses instituteurs les plus accrédités; 3o que le peuple voulait exprimer son vœu à cet égard; 4° que les clubs ne s'entendirent pas sur la forme; 5o que l'assemblée nationale, résolue d'opposer la force à une démarche quelconque de ce genre, tenait la main levée pour frapper les factieux; 6° enfin, que le peuple ne sachant et ne pouvant bien savoir qu'une chose, le droit qu'il avait d'aller signer, paisiblement et sans armes, un écrit où se trouverait déposé son sentiment, serait fidèle au rendez-vous du 17.

Jusqu'à ce jour aucune tache sanglante n'avait souillé les attroupemens. La fermeture des théâtres s'était faite de gré à gré le 15 au soir; la garde nationale n'avait eu à réprimer aucun désordre; et si la police municipale, comme on le lui reprochait le 16 à la constituante, était restée spectatrice, c'est que pas un délit contre la tranquillité publique n'avait été commis..

Le 17, de grand matin, la journée commença par deux meurtres deux hommes furent trouvés au Champ-de-Mars sous l'autel de la patrie; ils furent saisis, et quelque temps après pendus. La manière dont on les découvrit, ignorée de Brissot, et même de Prudhomme, a fait dire à l'un, « qu'une femme qui vendait des comestibles aperçut la pointe d'un villebrequin sortir de dessous les marches de l'autel, et qu'elle en avertit la sentinelle; à l'autre : une femme sent l'instrument sous son pied, fait un cri; on accourt, etc. Prudhomme arrive à cette fausse donnée par une interprétation affirmative qui en découlait certainement. Malgré, dit-il, que les patriotes ne se fussent assignés que pour midi au plus tôt, huit heures n'étaient pas sonnées que déjà l'autel de la patrie était couvert d'une foule d'inconnus. Or, à l'heure où ces hommes furent découverts, il n'y avait personne au Champ-de-Mars, sauf celui qui les découvrit. Voici le fait exposé par Santerre aux Jacobins dans la séance du 18.

Santerre. Messieurs, les événemens se sont succédé hier avec une telle rapidité, qu'il m'a été impossible de vous présenter le jeune homme ici près de moi, qui a découvert les hom

mes cachés au Champ-de-Mars sous l'autel de la patrie, et qui ont péri le matin. Ce jeune homme, plein d'intelligence et de courage, n'a pas également le talent de la parole. Je vais à sa place vous faire le récit des faits auxquels il a eu part, et dont il m'a instruit sur-le-champ hier, étant son voisin.

› Ce jeune homme, très-intelligent, comme je viens de vous le dire, obtient de son père la permission d'aller de grand matin au Champ-de-Mars pour copier les inscriptions qui l'ont frappé autour de l'autel de la patrie. Arrivé sur l'autel, il s'occupe de son objet; un instant après, il entend sous ses pieds un bruit semblable à celui d'ouvriers; it prête l'oreille avec plus d'attention, et il entend distinctement celui que fait une vrille dont il ne tarde pas à découvrir la mèche à l'endroit où il avait entendu le bruit. A cette vue, le jeune homme va au corps-de-garde du Gros-Caillou, instruire de ce qu'il vient d'entendre. Ce corpsde-garde, composé de huit hommes, ne se trouve pas assez fort pour se dégarnir, et envoie l'enfant à l'hôtel-de-ville, à la réserve. Sans perdre de temps, il y court, fait sa déclaration, et revient au Champ-de-Mars avec cent hommes et des outils pour lever les planches. Arrivé à l'autel de la patrie avec cette escorte, il travaille lui-même à faire l'ouverture nécessaire pour s'introduire dans la cavité où il avait entendu le bruit; il y descend seul avec courage, et y trouve deux hommes dormant ou faisant semblant de dormir, dont l'un ayant une jambe de bois. Il les éveille, et on se saisit d'eux pour les mener à la section. Ces hommes étaient munis de vivres pour plus de vingt-quatre heures. On dit que l'on a trouvé dans cette cavité un baril de poudre; mais le jeune homme ne l'a pas vu. › (Desmoulins seul a suivi la version de Santerre.)

Pendant que ces individus étaient conduits à la section, le groupe qui les accompagnait interprétait diversement les motifs de leur action. C'est ainsi du moins que nous prenons les prétendus aveux que les journaux placent dans la bouche des délinquans eux-mêmes; rien ne prouve qu'ils les aient tenus. On disait: C'était pour voir les jambes des femmes ; ils l'ont avoué.

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