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départemens, vos comités ont pensé que l'adresse pouvait vous paraître alors une mesure inutile.

M. Legrand. Nous n'avons pas demandé de mettre en argumens, en réponses, en syllogismes, les opinions paradoxales combattues dans les discours d'hier; mais nous avons voulu que les principes imperturbables de la justice, que l'inébranlable fermeté de l'assemblée nationale fussent connus du peuple. La résistance qu'on nous oppose en ce moment, atteste peut-être l'impuissance des commissaires pour rédiger cette adresse.

M. Dandré. J'ai proposé ce matin la rédaction de cette adresse: j'ai donné pour raison la nécessité de faire connaître les motifs de notre décision, et j'avoue de bonne foi que j'avais peu réfléchi à ma proposition. Vous ne pouviez avoir que deux objets : faire connaître la loi, instruire le peuple de ses motifs. La loi est dans le décret les motifs sont dans le rapport et dans les trois opinions dont vous avez ordonné l'impression, et qui développent complétement les faits et les principes. L'intention de l'assemblée sera donc remplie par l'envoi de ces discours dont l'impression va être terminée.

M. Darnaudat. Les mauvaises raisons que M. Dandré donne ce soir, ne détruisent pas les bonnes raisons qu'il a données ce matin: il faut que l'instruction parte avec le décret; il faut respecter la décision du matin; il est étrange que les commissaires ne s'y soient pas conformés.

M. Lucas. Un membre de l'assemblée, M. Barrère, a rédigé une adresse; je demande que l'assemblée en entende la lecture. M. Regnaud insiste sur cette proposition.

M.Blin. Il est très-naturel qu'une mesure, qui d'abord semblait avantageuse, devienne ensuite inutile, ou du moins le paraisse. Ce n'est pas quand l'assemblée s'est décidée conformément au vœu des bons citoyens, qu'il est nécessaire de chercher à assurer l'obéissance à un décret qui maintient la constitution. Nous ne devons pas douter del'obéissance du peuple. D'ailleurs l'assemblée, qui par tant d'adresses a reçu des témoignages énergiques de la

confiance de la nation, doit toujours compter sur cette confiance. M. Dedelay. Les longs discours ne seront lus que par la classe instruite, il faut une instruction qui puisse être lue par tout le monde : il faut instruire le peuple pour qu'il ne soit pas égaré. Je demande que cette adresse soit simple, courte, qu'elle expose clairement les motifs qui vous ont déterminés, et qu'on y établisse ce qui l'a été d'une manière évidente dans cette assemblée, comment un parti différent du décret que vous avez rendu serait destructible des bases fondamentales de la constitution.

M. Desmeuniers. Les commissaires, malgré la réflexion qui les avait frappés, se sont occupés de l'objet de leur mission. Plusieurs membres de l'assemblée ont aussi fait des projets d'instruction. Je demande qu'ils se réunissent tous pour nous présenter, séance tenante, le résultat de leur travail.

M. Salles. Je suis chargé de vous lire, au nom des commissaires, la rédaction des trois articles que l'assemblée a adoptés pour être placés en tête de son décret d'hier.

M. Salles lit ces articles, dont la rédaction est décrétée. (1) M. Desmeuniers. Avant-hier au milieu de la discussion j'ai expliqué que l'intention des comités n'avait jamais été de lever le décret portant suspension des fonctions royales et du pouvoir exécutif dans les mains du roi. On n'a pas décrété une disposition conforme à l'intention des comités, parce qu'on craignait alors de préjnger ainsi la question principale. Je demande que cette explication devienne à l'instant la matière d'un décret. (On applaudit.) Il est utile de ne pas laisser l'opinion publique s'égarer sur ce point: on se sert de l'incertitude qui reste encore à cet égard pour la tromper. Voici l'article, ainsi que j'en conçois la rédaction.

«L'effet du décret du 25 juin qui suspend l'exécution des fonctions royales et du pouvoir exécutif dans les mains du roi, subsistera jusqu'à ce que l'acte constitutionnel soit présenté au roi et accepté par lui.» (On applaudit et on demande à aller aux voix.)

(1) Nous avons cité ces articles en même temps que le décret.

T. NI.

(Note des auteurs.)
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M. Murinais. Il n'est pas dans les principes de l'assemblée de délibérer le soir sur des objets de cette nature. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je demande la question préalable sur ce décret qui est contraire aux principes de la monarchie.

L'assemblée consultée décide, à une très-grande majorité, qu'il y a lieu à délibérer sur l'article.

L'assemblée décrète, à une très-grande majorité, l'article proposé par M. Desmeuniers.

M. Salles fait lecture d'un projet d'adresse aux Français. On propose de renvoyer ce projet aux commissaires rédacteurs. On demande la lecture de l'adresse rédigée par M. Barère. M.Biauzat. Avant de renvoyer le projet d'adresse de M. Salles, aux commissaires, il faut examiner si le décret de ce matin sera rapporté. Celui que vous venez de rendre fera plus d'effet que votre adresse. Il faut vous le dire, ce petit moyen ne pourrait montrer que de la faiblesse.

M. Dumetz. Je croyais que le décret rendu devait être exécuté; mais je conviens que c'est un décret d'ordre, de circonstance; que la circonstance est changée par le décret subséquent, et qu'on peut, sans inconvénient, revenir sur ses pas.

M. Duport. Jamais dans une adresse courte on ne rendra compte des raisons qui ont besoin d'être développées; le décret que vous venez de rendre, donne clairement l'explication de ce que vous avez fait, et de ce que vous voulez faire. D'ailleurs, les observations, les discussions populaires, qui se sont prolongées au-delà du terme où elles devaient s'arrêter, c'est-à-dire, après le décret, ne doivent pas être prises en considération par vous. Vous manqueriez à votre dignité, à votre pouvoir même, en doutant de la loi quand elle est portée, et vous paraîtriez en douter en ouvrant une argumentation avec les citoyens que vous ne pouvez supposer vouloir ne pas obéir à la loi,

L'assemblée arrête qu'aucune adresse ne sera rédigée, et qu'on se bornera à l'envoi du rapport et des discours à tous les départemens.]

L'explication que Desmeuniers vient de faire décréter ne laissait aucune obscurité sur les intentions de l'assemblée à l'égard du roi. Les réticences étaient clairement articulées; on avait fermé le cercle de la loi, et les factieux qui s'agitaient encore au dehors étaient bien authentiquement, à cette heure, à la merci de la répression. Il nous faut assister maintenant à la séance du corps municipal, ouverte au moment où l'assemblée nationale finissait la sienne.

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Séance du 16, neuf heures et demie du soir. M. le maire a annoncé qu'il avait cru devoir convoquer extraordinairement le corps municipal, pour lui rendre compte de la fermentation qui règne dans la capitale. (Suit l'exposé de ce qu'avait fait la constituante.) M. le maire a ajouté que depuis, et dans la soirée, les mouvemens s'étaient continués, et qu'il apprenait à l'instant que les factieux se proposaient de renouveler demain, et même de donner une activité plus criminelle aux mouvemens qui s'étaient manifestés depuis plusieurs jours.

» Il a été décidé que le corps municipal serait extraordinairement convoqué pour demain dimanche, huit heures très-précises du matin, et que MM. les officiers municipaux et notables qui ont été chargés de proclamer le discours de M. le président et le décret de l'assemblée nationale, seraient à l'instant avertis par M. le maire que la tranquillité publique exigeait que la proclamation commençât demain matin, à huit heures précises.

Enfin, le corps municipal, pensant qu'il convenait, dans cette circonstance, d'éclairer les citoyens, de les instruire, de rallier autour de la force publique tous les amis de l'ordre, a pris l'arrêté suivant, dont il a ordonné l'impression, l'affiche et la proclamation à son de trompe. (Ce qui précède est extrait des procès-verbaux manuscrits de la commune. Nous empruntons l'arrêté au Moniteur du 19.)

Arrêté sur les factieux, les étrangers soudoyés, les aristocrates et autres ennemis du bien public.

Le corps municipal, responsable de la tranquillité publique,

et spécialement chargé de la maintenir, ne peut voir sans douleur et sans effroi les manoeuvres employées pour tromper les bons citoyens; dans toutes les circonstances, il a éprouvé qu'ils se mettent d'eux-mêmes en garde contre les suggestions perfides, quand ils sont éclairés. Le corps municipal annonce donc que les mouvemens actuels sont le produit des efforts de quelques factieux qui osent se lier, par des sermens, à la destruction de la patrie. Aux factieux, se joignent d'abord les étrangers payés pour exciter du trouble en France, et ensuite les aristocrates, qui profitent de cette occasion pour, sous le manteau du patriotisme, faire échouer la révolution et renverser la constitution. Le corps municipal, en conséquence, invite tous les bons citoyens à se rallier et à se réunir à la garde nationale qui depuis quelques jours maintient, avec des soins si louables, la tranquillité publique et le bon ordre.

Signé, BAILLY, maire; DEJOLY, secrétaire-greffier.

De son côté, le conseil-général de la commune s'était hâté aussi d'exécuter, en ce qui le concernait, les ordres de l'assemblée nationale.

Extrait du registre des délibérations du conseil-général de la commune de Paris, du samedi 16 juillet 1791. (Moniteur du 19.)

Arrêté concernant l'état et l'inscription des habitans de la ville de Paris.

Le conseil-général, après avoir entendu lecture, 1o des trois premier's articles du titre 1er de la loi sur la police municipale et sur la police correctionnelle, décrétés le 5 juillet 1791; 2o de la loi rendue ce matin, pour ordonner l'exécution la plus prompte de ces trois articles; 3° du discours adressé par M. le président de l'assemblée nationale au département et au corps municipal, mandés pour recevoir les ordres de l'assemblée nationale : considérant combien il importe à la tranquillité et à la sûreté de la capitale, que ces sages mesures, adoptées par la loi du 5 juillet, soient réalisées sans délai; empressé d'ailleurs de témoigner sa profonde soumission aux ordres qui ont été intimés au corps

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