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contribuent dans la même proportion que » les autres fonds.

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» Enfin, il veut que la répartition en soit faite » dans la même forme que celle des autres char»ges locales et territoriales.

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1o. » Je ne répéterai pas ici ce que j'ai dit » dans mes observations sur le Préambule du Projet relativement aux inconvéniens que l'on » peut trouver en général dans l'établissement >> d'une impôsition territoriale substituée à la cor»vée de bras et de chevaux. Mais j'obser» verai qu'il peut être dangereux de détruire » absolument tous ces priviléges. Je ne parle » pas de ceux qui sont attachés à certains offices » que je ne regarde volontiers que comme des >> abus acquis à prix d'argent, plustôt que comme » de véritables priviléges ; mais je ne puis me re» fuser à dire qu'en France le privilége de la » Noblesse doit être respecté, et qu'il est, je >> crois, de l'intérêt du Roi de le maintenir. »>

Réponse de M. Turgot.

M. le Garde des Sceaux semble ici adopter le principe que par la constitution de l'Etat, la Noblesse doit être exempte de toute impôsition. Il semble même croire que c'est un préjugé universel, dangereux à choquer. Si ce préjugé

est universel, il faut que je me sois étrangement trompé sur la facon de penser de tout ce que j'ai vu d'hommes instruits dans tout le cours de ma vie; car je ne me rappelle aucune société où cette idée eût êté regardée autrement que comme une prétention surannée et abandonnée par tous gens éclairés, même dans l'Ordre de la Noblesse.

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Cette idée paroîtra au contraire un paradoxe à la plus grande partie de la Nation dont elle blesse vivement les intérêts. Les Roturiers sont certainement le plus grand nombre, et nous ne sommes plus au tems où leurs voix n'êtoient pas comptées.

Au surplus, il faut discuter la proposition en elle-même.

Si on l'envisage du côté du droit naturel et des principes généraux de la constitution des sociétés, elle présente l'injustice la plus marquée.

Qu'est-ce que l'impôt? Est-ce une charge impôsée par la force à la foiblesse ? Cette idée seroit analogue à celle d'un Gouvernement fondé uniquement sur le droit de conquête. Alors le Prince seroit regardé comme l'ennemi commun de la société; les plus forts s'en défendroient comme ils pourroient, les plus foibles se laisseroient écraser. Alors il seroit tout simple que

les riches et les puissans fissent retomber toute la charge sur les foibles et les pauvres, et fussent très-jaloux de ce privilége.

Ce n'est pas là l'idée qu'on se fait d'un Gouvernement paternel fondé sur une constitution nationale où le Monarque est élevé au-dessus de tous pour assurer le bonheur de tous; où il est dépositaire de la puissance publique pour maintenir les propriétés de chacun dans l'intérieur par la justice, et les défendre contre les attaques extérieures par la force militaire. Les dépenses du Gouvernement ayant pour objet l'intérêt de tous, tous doivent y contribuer ; et plus on jouit des avantages de la société, plus on doit se tenir honoré d'en partager les charges. Il est difficile que sous ce point de vue le privilége pécuniaire de la Noblesse paroisse juste.

Si l'on considère la question du côté de l'humanité, il est bien difficile de s'applaudir d'être exempt d'impôsitions, comme Gentilhomme quand on voit exécuter la marmite d'un paysan.

Si l'on examine la question du côté de l'avantage politique et de la force d'une Nation, l'on voit d'abord que si les privilégiés sont en trèsgrand nombre et possèdent une grande partie des richesses, comme les dépenses de l'Etat exigent une somme très-forte, il peut arriver

le

que cette somme surpasse les facultés de ceux qui restent sujets à l'impôt. Alors il faut, ou que Gouvernement soit privé des moyens de défense dont il a besoin, ou que le peuple non privilégié soit chargé au-dessus de ses forces : ce qui certainement appauvrit bientôt et affaiblit l'Etat. Un grand nombre de privilégiés riches est donc une diminution réelle de force pour le Royaume.

Les privilégiés en matière d'impôsitions ont encore un inconvénient très-préjudiciable aux Nations par la nécessité où il les mettent d'adopter de mauvaises formes d'impôsitions pour éluder ces priviléges et faire payer les privilégiés sans qu'ils s'en appercoivent. C'est parce qu'on ne pouvoit faire payer les Nobles ni les Ecclésiastiques, qu'on a fait payer leurs Fermiers et leurs misérables Métayers. De là tous les vices de la répartition de la taille et de la forme de son recouvrement qui se perpétuent, quoique tout le monde en connoisse les tristes effets. C'est pour éluder les priviléges qu'on a multiplié les droits sur les consommations et sur les marchandises qu'on a êtabli les monopoles du sel et du tabac, si funestes par l'énormité de la somme qu'ils coûtent au Peuple pour ne procurer au Roi qu'un revenu incomparablement plus foible; plus funeste encore par l'existence d'une nou

velle

per

velle armée de contrebandiers et de commis dus pour tous les travaux utiles, occupés à s'entredétruire, par les meurtres et par les supplices qu'occasionnent d'un côté l'attrait de la fraude, et de l'autre la nécessité de la réprimer.

Les priviléges ont produit ces maux. Le respect pour les privilégiés empêcheroit à jamais qu'on ne pût y toucher: car comment supprimer la Gabelle, comment supprimer le Tabac, si le Clergé, si la Noblesse qui paient l'impôt sur ces deux cousommations ne peuvent pas être assujettis à celui qu'on êtabliroit en remplacement. Tout ce que je viens de dire est d'une évidente vérité, et n'est, j'ôse le croire, contesté par personne qui ait réfléchi sur cette matière sans avoir l'esprit occupé d'un intérêt personnel.

S'ensuit-il de là qu'il faille détruire tous les priviléges? Non je sais aussi bien que tout autre qu'il ne faut pas toujours faire le mieux qu'il est possible; et que si l'on ne doit pas renoncer à corriger peu à peu les défauts d'une constitution ancienne, il ne faut y travailler que lentement, à mesure que l'opinion publique et le cours des événemens rendent les changemens possibles.

Il seroit absurde de vouloir faire payer la taille à la Noblesse et au Clergé, parce que les préTome VIII.

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