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« sement des deux nations; la nation fran<«< çaise et la nation bretonne: on sait le parti qu'a pris la nation française; elle est restée, « elle restera fidelle à son roi...... et la << nation bretonne, c'est-à-dire, la chambre « des vacations de Rennes, quel parti pren<«<dra-t-elle ? On ose parler du grand << nombre des opposans dans plusieurs des <«< villes de la province!.... Ah! tremblez << que le peuple ne vérifie vos calculs, et « ne fasse un redoutable dénombrement ! Êtes-vous justes? comptez les voix; n'êtes

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<< vous que prudens? comptez les hommes
<< comptez les bras, et ne venez plus parler
« des deux tiers de la province devant une
<< assemblée qui a décrété une représentation
nationale, la plus équitable qui existe en-
«< core sur la terre! Ne parlez plus de ces
«< cahiers qui fixent immuablement nos pou-

voirs; immuablement! oh! comme ce mot « dévoile le fond de leurs pensées! comme << ils voudraient que les abus fussent immua«bles sur la terre, que le mal y fût éternel ! « Que manque-t-il en effet à leur félicité, << si ce n'est la perpétuité du fléau féodal, qui par malheur n'a duré que six siècles?.... « Vous êtes justifiés, dites-vous, par votre <conscience! mais votre conscience, comme

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« celle de tous les hommes, est le résultat de vos «iles, de vos sentimens, de vos habitudes. « Vos habitudes, vos sentimens, vos idées, tout « vous dit,tout vous persuade que les commu«< nes bretonnes doivent être à jamais esclaves « des nobles, en vertu du mariage d'Anne « de Bretagne. Quelle est cette conscience « qui veut annuller par un pareil titre, la « déclaration des droits de l'homme et la «< constitution française? Voilà, messieurs, « les idées augustes et imposantes qu'apporte parmi vous le chef d'une députation qui compte sur l'hommage, c'est trop << peu, sur l'attendrissement de la postérité. « Elle apprendra, dit-il, que des magistrats « ont eu le courage Singulière pré«<tention de passer à la postérité par un << excès de fanatisme et d'orgueil ! Mais loin « de desirer qué la postérité se souvienne de « leur révolte, que ne font-ils des vœux pour «< que la génération présente l'oublie. »

.....

Après de longs débats, l'assemblée adoptant une proposition de Barère, manda une seconde fois à sa barre les magistrats du parlement de Rennes, improuva leur conduite, et les déclara inhabiles à remplir aucune fonction de citoyen actif, jusqu'à ce que, sur leur requête présentée au corps

1790.

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législatif, ils eussent été admis à prêter serment de fidélité à la constitution nouvelle, sanctionnée par le roi.

En paralysant, en détruisant tous les res◄ sorts du pouvoir monarchique, l'assemblée conservait néanmoins pour la personne du monarque, tous les dehors de l'amour et du respect; elle l'ensevelissait tous les jours sous des ruines nouvelles, et semblait cependant vouloir l'en tirer pour le faire régner encore sur les débris de sa propre existence. Ainsi le chêne antique, brisé par les vents, déraciné par les tempêtes, reste debout sur sa base ruinée, et inspire encore une sorte de respect au passant qui jadis se reposa sous son feuillage. Jamais elle ne manquait d'adresser à sa majesté des hommages publics, toutes les fois que les circonstances lui en fournissaient l'occasion. Le renouvellement de l'année ne fut pas oublié : le roi et la reine furent complimentés avec le plus grand appareil, soit par elle, elle, soit par les représentans de la commune, qui, loin de dominer alors la représentation nationale, marchaient sur ses traces avec la plus exacte ponctualité. Quelqu'un avait proposé de fixer à vingt millions la liste civile du roi ; M. Chapelier observa qu'il était du devoir de l'assemblée

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de demander à sa majesté de vouloir bien
statuer elle-même sur cet objet (1).

Le monarque répondit qu'il était sensi-
blement touché de la déférence
que lui té-
moignaient les représentans de la nation, et
qu'il n'abuserait pas de leur confiance.

A cette époque, les adversaires de la révo-
lution s'aperçurent que tous les moyens de
résistance sur lesquels ils avaient compté,
étaient détruits avec la plus grande facilité.
La division du royaume s'était effectuée;
un nouvel ordre judiciaire allait s'établir,
malgré l'autorité des parlemens : les peuples
qu'ils avaient soulevés peu de temps aupa-
ravant, avec tant de facilité, étaient main-
tenant soulevés contre eux, et avec bien plus
de violence encore. La municipalité de Rennes
n'eut pas plutôt appris de quelle manière
la chambre des vacations s'était exprimée
à l'assemblée nationale, qu'elle établit des
gardes chez tous les parlementaires, avec
ordre de les surveiller dans leurs plus in-
différentes démarches. Voilà comment ces
magistrats furent récompensés pour avoir
osé défendre les anciens droits de la Bre-

(1) Elle fut ensuite portée, sur sa demande, à 25 millions, et accordée par acclamation.

1790.

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tagne.

On peut croire

que ce traitement fut une conséquence des instructions données aux municipaux de Rennes, par leurs députés à l'assemblée nationale, comme on le voyait pratiquer ailleurs, pour la plupart des opérations de même espèce; mais cela met toujours en évidence les dispositions du peuple, et prouve combien elles étaient révolutionnaires même, dans les provinces où les hommes avaient, dans tous les temps, montré le plus de caractère et de fermeté. Quant à la ville de Paris, qui était le mobile de tout, le plus grand nombre des personnages de haut rang n'y étaient plus; le reste avait embrassé le parti de la révolution avec une sorte de délire. La bourgeoisie qui y formait autrefois une classe si paisible, n'était plus reconnaissable. Marchands, rentiers, robins, commis de toutes les classes et de toutes les couleurs, ne formaient plus que des compagnies de grenadiers, de fusiliers et de chasseurs qui, au bruit des tambours et des fanfares militaires, encombraient sans cesse les rues et les places publiques; les comptoirs, les cabinets d'étude étaient abandonnés ; les belles même étaient universellement délais. sées : le traitant, le banquier, le procureur, et jusqu'au philosophe, tout le monde était

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