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1789.

« dans les explications que Monsieur veut « bien donner à l'assemblée. Le prince va « au-devant de l'opinion publique, le ci<< toyen met le prix à l'opinion de ses concitoyens, et j'offre à Monsieur, au nom de « l'assemblée, le tribut de respect et de re<«< connaissance qu'elle doit à ses sentimens, « à l'honneur de sa présence, et sur-tout au prix qu'il attache à l'estime des hommes « libres. >>

«

Des applaudissemens inouis, un enthousiasme universel, prouvèrent la sagesse actuelle de la démarche de Monsieur, et formèrent dans le public, sur ce prince, une opinion qui, par la suite des événemens, est devenue la base de bien des réflexions que le lecteur doit se retracer, en lisant ce trait de nos annales révolutionnaires.

Après le départ de Monsieur, l'assemblée des représentans de la commune enjoignit au procureur-syndic de poursuivre en son nom, les distributeurs du libelle qui avait compromis le prince. Le comité de police promit cinq cents louis à qui en ferait connaître l'auteur.

Monsieur ne crut pas que sa démarche auprès des représentans de la commune fût suffisante pour dissiper tous les doutes qu'on

pouvait avoir conçus sur les liaisons qu'on
lui supposait avec le marquis de Favras. 1789.
Pour assurer complètement sa tranquillité,
il voulut aussi rendre compte de ses senti-
mens à l'assemblée nationale, et adressa la
lettre suivante à son président :

« MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

« La détention de M. de Favras ayant été « l'occasion de calomnies où l'on aurait voulu

<< m'impliquer, et le comité de police de
<«< la ville se trouvant, en ce moment, saisi
« de cette affaire, j'ai cru qu'il me conve-
«< nait de porter à la commune de Paris, une
« déclaration qui ne laissât aux honnêtes
« gens aucun des doutes qu'on avait cher-
<«<ché à leur inspirer. Je crois maintenant
« devoir informer l'assemblée nationale de
<< cette démarche, parce que le frère du roi
« doit se préserver même d'un soupçon, et que
« l'affaire de M. de Favras, telle qu'on l'an-
<«< nonce, est trop grave pour que l'assem-
« blée ne s'en occupe pas tôt ou tard, et pour
« que je ne me permette pas de lui manifes-
«ter le desir que tous les détails en soient
<< connus et publiés. Je vous serai très obligé
« de lire de ma part cette lettre à l'assem-
« blée, ainsi que le discours
que je prononçai

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hier, comme l'expression fidelle de mes sen1789. « timens les plus vrais et les plus profonds. » La lettre de Monsieur excita à l'assemblée nationale les mêmes applaudissemens que sa démarche à la commnne; elle décréta qu'elle serait insérée au procès-verbal, avec mention des témoignages de satisfaction que lui avaient fait éprouver les sentimens patriotiques du prince.

On accusait M. de Favras d'avoir formé un plan qui avait la contre-révolution pour objet. Pour y parvenir, il devait introduire pendant la nuit, des gens armés dans la capitale, qui auraient égorgé les trois principaux chefs de l'administration, attaqué lạ garde du roi, enlevé le sceau de l'état, et entraîné le roi et sa famille vers Péronne.

Le procès du marquis de Favras fut in1790 truit publiquement par le châtelet. Plusieurs témoins déposèrent contre lui des faits effectivement très-graves, mais dont il eût été possible d'atténuer la véracité, peut-être même de trouver faux, si le peuple cût été plus tranquille, et les juges plus disposés à braver sa fureur; mais au lieu d'auditeurs, cherchant à reconnaître l'innocence, on n'entendait que des énergumènes crier dans toutes les rues: Favras à la lanterne! Le mal

heureux fut condamné à mort, et la subit avec beaucoup de courage, en ne cessant de 1790 dire qu'il périssait innocent. Il fut pendu à un gibet d'une extrême hauteur, afin que le peuple pût voir, de tous les points qui avoisinent la place de Grève, qu'il était bien réellement exécuté. Malgré cette attention pour contenter une curiosité barbare, on répandit depuis que M. de Favras était vivant; que l'exécuteur l'avait suspendu par les aisselles, et avait feint de l'étrangler. Ce jugement n'a point honoré ceux qui l'ont rendu, et sur-tout celui d'entr'eux qui ne craignit pas de dire à celui qu'il condamnait, que sa vie était un sacrifice nécessaire à la tranquillité publique (1). Des jugemens où l'on pouvait faire entrer de telles considérations, en préparaient d'atroces qui devaient retomber sur la tête des magistrats pusillanimes qui avaient pu prendre pour règle de leurs devoirs, une autre autorité que le seul cri de leur conscience.

On ne parla point de ce jugement à l'assemblée. Elle termina l'année 1789 par un décret portant suspension de toutes les pensions sur l'état, jusqu'au premier juillet

(1) M. Quatremère, guillotiné sous le règne de la

terreur.

1790.

suivant, à l'exception de celles de 3000 liv. et au-dessous. On motiva cette mesure sur la nécessité de faire disparaître les désordres inouis qui s'étaient introduits dans la distribution des revenus publics, et en attendant la réforme, de ne pas les prolonger davantage. Ce décret qui frappait une grande masse de personnes très-puissantes, fut attaqué avec violence, Les débats dont il fut précédé, occasionnèrent un tumulte effroyable, et l'on peut dire qu'il fut plutôt conquis que rendu. On continua, au commencement de l'année 1790, la discussion déja long-temps prolongée sur la division du royaume. Beaucoup de discours très – éloquens furent prononcés sur cette matière par M. Thouret, qui fit le rapport au nom du comité de constitution, et Mirabeau qui s'efforça, mais en vain, de faire prévaloir un autre système. Un changement qui froissait tant d'intérêts, devait nécessairement éprouver bien des résistances, Mais ces obstaclés nés du sein des anciennes habitudes et des droits. acquis par une longue prescription, ne furent pas les seuls que l'assemblée eut à vaincre ; les prétentions innombrables aux nouveaux établissemens reproduits sans cesse et sous. toutes les formes, par des envoyés extraordi

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