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Le député d'André, membre du parle1789 ment d'Aix, qui, avec beaucoup de jugement, avait non moins de finesse dans l'esprit, fit sentir que le comité proposé par M. Duport, inspirerait plus de confiance s'il était plus nombreux, et proposa de le former de douze personnes, ce qui fut arrêté.

Ainsi ce comité, qui ne pouvait devenir utile aux vues de certaines personnes, qu'en leur appartenant tout entier, fut à peu près nul lorsque les divers partis furent appelés à le composer.

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La formation des comités dans nos diverses assemblées, fut un des principaux secrets de la révolution. Les Français d'alors, même ceux qui prenaient plus de part aux affaires publiques, y fesaient peu d'attention; ils apprirent depuis à leurs dépens, que ces comités, qui ne paraissaient que des régulateurs de travail, étaient des maîtres que se donnaient leurs législateurs, et le plus ordinairement à l'état, des tyrans qui devaient un jour le dévorer.

Outre le comité de Rapports, l'assemblée en créa un autre qu'elle appela de Recherches, dénomination aussi ridicule qu'odieuse, empruntée de l'hôtel de ville de

Paris, qui avait établi un comité semblable, l'un et l'autre avaient pour objet de 169. prendre des informations sur les complots ou conspirations dirigées contre le nouvel ordre de choses. Moins horribles sans doute que ceux qui s'établirent dans la suite, sans porter cependant une dénomination aussi honteuse, les comités de Recherches en furent le principe, et c'est à eux qu'il faut faire remonter la série des persécutions qui ont embrassé toute la révolution et le prétendu règne de la liberté.

On vit dès-lors, sur des bruits vagues de conspirations imaginaires, sur l'annonce de tels ou tels propos répandus dans quelques lettres, les députés Robespierre, Rewbell et quelques autres, proposer la formation d'un comité pour décacheter les lettres suspectes; d'établir, en un mot, au nom de la liberté, dont ils se disaient les plus ardens apôtres, l'inquisition la plus odieuse sur les secrets des personnes et les affaires des familles; mais on doit diré en même temps, que cette idée fut repoussée avec effroi par un grand nombre de députés, même révolutionnaires, qui sous plusieurs rapports paraissaient professer les mêmes principes que les premiers. MM. Dupont, Camus et autres,

s'élevèrent

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avec force contre ce projet ; Mirabeau, surtout, combattit cette tyrannique bassesse avec la plus noble et la plus véhémente énergie.

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Qu'apprendrons-nous, disait-il, par la <«< honteuse inquisition dés lettres? de viles « et sales intrigues, des anecdotes scanda« leuses, de méprisables frivolités.

« Un procédé si coupable n'aurait pas « même une excuse, et l'on dirait de nous « dans l'Europe : en France, sous le pré« texte de la sûreté publique, on prive les << citoyens de tout droit de propriété sur les « lettres, qui sont les productions du cœur << et le trésor de la confiance; ce dernier asile « de la liberté a été impunément violé par << ceux-là même que la nation avait délégués pour assurer tous ses droits. Ils ont « décidé par le fait, que les plus secrètes com«<munications de l'ame, les conjectures les plus hasardées de l'esprit, les émotions « d'une colère souvent mal fondée, les er« reurs souvent redressées le moment d'a

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près, pouvaient être transformées en des dispositions cruelles; que le citoyen, l'ami, « le fils deviendraient ainsi juges les uns des «< autres; qu'ils pourraient périr un jour, << l'un par l'autre : car l'assemblée nationale « a déclaré qu'elle ferait servir de base à ses

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« jugemens des communications équivoques « et surprises, qu'elle n'a pu se procurer « que par un crime (1). »

Ces argumens firent ajourner ce système inquisitorial; mais il devait être reproduit quelques années après, et par les mêmes per

(1) Ces débats avaient été occasionnés par quelques lettres enlevées au baron de Castellenau, résident de France à Genève, sous prétexte qu'il était agent du comte d'Artois, avec qui il devait machiner quelque conspiration, parce qu'au moment où il fut saisi, il avait déchiré une de ces lettres écrite par ce prince. Pour donner plus de force aux soupçons que cette aventure avait fait naître, M. Adrien Duport vint parler d'un complot affreux qui avait pour objet de livrer Brest aux Anglais, et l'alarme devint universelle; mais on a tout lieu d'être persuadé que ce prétendu complot n'avait d'existence que dans l'imagination d'Adrien Duport qui n'avait jeté en avant cette annonce terrifiante que pour faire passer son comité de quatre membres dont nous avons parlé plus haut.

Le duc de Dorset, alors ambassadeur d'Angleterre en France, écrivit à M. de Montmorin, qu'il suppliait son excellence de croire sa nation et le gouvernement Anglais incapables de profiter en pleine paix, d'une manoeuvre aussi odieuse, en supposant qu'on pût l'avoir conçue. Cette lettre fut communiquée à l'assemblée nationale qui n'entendit plus parler depuis, ni du complot, ni de ses imaginaires auteurs.

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sonnes, avec un caractère de férocité bien 1789. plus effrayant encore.

L'organisation des comités, les motions violentes, les intrigues sourdes, les clubs secrets et publics, n'étaient pas les seuls moyens directeurs des opérations révolutionnaires. Il en existait un autre bien plus puissant encore par la généralité de ses effets: ce moyen, également funeste à ceux contre qui il fut employé et à ceux qui s'en servirent, consistait dans la publication libre des journaux et des pamphlets de toute espèce.

Ces journaux qui doivent occuper une grande place dans l'histoire de la révolution, en ont été, sans contredit, le véhicule le plus actif: ils étaient, si l'on peut s'exprimer ainsi, le conducteur électrique qui mettait en action les hommes du même parti: d'un bout de la France à l'autre ils développaient, formaient la pensée des révolutionnaires subalternes, et les rattachaient aux volontés de leurs chefs, leur dénonçaient leurs ennemis ou ceux que, pour les succès des projets communs, il importait de considérer comme tels; enfin un journal, quoique souvent rédigé par des personnages très-obscurs, était cependant une puissance

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