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à ceux du cabinet de Versailles. Mais si la politique hollandaise, à cette époque trop célèbre, était susceptible de justification par le caractère de Louis et de son ministre Louvois, par l'état encore modeste des îles Britanniques, aucun raisonnement humain ne peut faire comprendre pourquoi la république ne changea pas de système, quand les circonstances, changeant elles-mêmes, lui en firent une loi impérieuse.

qu'elle aurait obtenues en réunissant ses intérêts | fallait recréer les marines des deux empires, elle leur porta un coup mortel. Il paraît que les projets du cardinal Alberoni, et ses intrigues pour exciter Philippe contre le régent, furent connues de ce prince, et le portèrent à faire des démarches pour renverser le ministre. Ces petits moyens, indignes de la politique de deux grandes nations, furent déjoués; mais ils suscitèrent entre les deux gouvernements une haine implacable. Cette animosité eut des suites incalculables, car elle détruisit non-seulement les espérances qu'on avait conçues, avec quelque raison, d'une alliance naturelle, fortifiée encore de tous les prestiges des liens de famille; mais elle fit encore de ces liens mêmes, la cause d'actes hostiles, aussi révoltants en eux-mêmes que les résultats en étaient déplorables pour les nations qui en devinrent les victimes.

Lorsque Louis eut emporté au tombeau les projets ambitieux qu'on lui attribuait; lorsque la marine espagnole eut essuyé, au cap Passaro, un désastre équivalent à celui de la Hogue; enfin, quand le règne dégoûtant du régent eut fait place à l'administration trop faible sans doute, mais modérée et juste du cardinal Fleury, comment les Hollandais purent-ils continuer à être les agents directs de l'accroissement de la puissance anglaise; comment un peuple calculateur put-il prodiguer son or, grossir sa dette, verser son sang pour des intérêts diamétralement opposés aux siens? En vain chercherait-on, dans toutes les combinaisons commerciales et politiques, rien qui puisse expliquer le système adopté par le cabinet de la Haye. Si les passions l'avaient jeté dans une fausse route, elles n'auraient pas dû survivre au prince qui les excita. La marche politique de l'Espagne pendant cette même période, ne dut pas paraître moins surprenante, Le cabinet de Madrid, après la sanglante guerre de la succession, n'avait pas d'abord répondu aux espérances que la France pouvait avoir fondées sur l'alliance de famille. L'étrange conduite du régent, celle non moins extraordinaire de Philippe V et du ministre Alberoni, causèrent une rivalité funeste aux deux nations, dont l'alliance éternelle semblait devoir être cimentée par les grands sacrifices qu'elles venaient de faire l'une et l'autre pour la même cause.

Je ne sais trop à qui la faute de cette rivalité doit être attribuée, mais il est certain qu'elle fut d'autant plus funeste que, dans le moment où il

(1) L'opinion générale accusa le cardinal d'avoir été vendu aux Anglais; on a cru le justifier en disant qu'un premier ministre disposant des trésors de la France, n'avait pas besoin de pensions étrangères, et ce raisonnement semble plausible. Sa liaison étroite avec les Anglais était

Le régent, redoutant les prétentions que Philippe pourrait former au trône de France, se jeta dans les bras de l'Angleterre peut-être s'en serait-il tenu à cette faute, si Alberoni n'avait pas voulu se venger des démarches faites pour le chasser du ministère, et s'il n'avait pas cherché à attenter à l'autorité et même aux jours du duc d'Orléans. Mais la conspiration de Cellamare renversa toutes les combinaisons; dès lors le régent ne garda plus de mesures, toutes les convenances furent foulées aux pieds; la France ne laissa pas seulement l'Espagne aux prises avec l'Angleterre, et ne se borna pas à rester spectatrice impassible du désastre de la marine espagnole au cap Passaro : le régent fit plus; entraîné par ses passions et par Dubois qui s'était vendu à l'Angleterre (1), il ne rougit pas de faire la guerre à Philippe V. Des troupes françaises pénétrant même en Biscaye, détruisirent les chantiers espagnols, brûlèrent des vaisseaux, de concert avec les Anglais. Quels résultats de la sanglante guerre de la succession! Quelle leçon pour les peuples et pour ceux qui sont appelés à les régir!

Le renvoi d'Alberoni put seul éteindre cette guerre, allumée par l'imprudence et par des sen

toutefois assez extraordinaire pour l'imputer aux guinées, car dans le mauvais état où se trouvaient les finances de France, il eût été peut-être difficile de cacher de grosses dilapidations.

timents de haines personnelles, indignes de grands princes.

Le cardinal Fleury prit les rênes du gouvernement en 1726: il fit d'abord des fautes de finances qu'il répara ensuite, il en fit une plus grave et plus irréparable en négligeant la marine. D'ailleurs l'administration de ce premier ministre est assez connue : elle fut sage, modérée, mais l'âge avancé du cardinal lui imprima une pusillanimité constante (il avait alors 73 ans). Sa politique 'porta l'empreinte de sa faiblesse, il sacrifiait tout au désir de ne pas faire la guerre. Le traité de Vienne amena des hostilités entre l'Angleterre et l'Espagne, alliée de l'Autriche : le premier soin du cardinal fut de réconcilier la France avec Philippe V, et d'intervenir comme médiateur; il fit signer un arrangement à Paris, et la compagnie d'Ostende fut suspendue pour sept ans, à la sollicitation de la France. L'habile Walpole obtint ainsi, de la faiblesse et de la vanité du cardinal, ce qu'il avait obtenu, par ses guinées, da Dubois et de la marquise de Prie.

La paix dura jusqu'en 1733, année où la mort du roi de Pologne, Auguste III, alluma une guerre aussi singulière que tout ce qui se passait dans cette période remarquable.

La mort du régent et l'avènement de Louis XV au trône, qui auraient dû sceller la réconciliation des deux cours, ne furent cependant qu'une occasion de plus de renverser tous les beaux calculs que Louis XIV avait faits en mettant un prince de son sang sur le trône d'Espagne. Le duc de Bourbon, avec le titre de premier ministre, venait d'hériter de toute la puissance du régent, et la marquise de Prie la partagea bientôt avec lui. Un des premiers actes de ce prince fut le renvoi de l'infante à sa famille. Le roi, agé de quinze ans, était fiancé à cette princesse, qui n'en avait que six. Le désir d'assurer de bonne heure un héritier au trône fit naître l'idée de donner à Louis XV une épouse plus avancée en âge, et le renvoi de l'infante fut en effet suivi du mariage du jeune roi avec la fille de Stanislas Leczinsky, roi de Pologne, détrôné par Pierre le Grand. Cette malheureuse démarche, faite sans ménagement, était offensante pour l'orgueil castillan et celui de Philippe; elle causa dans la cour de Madrid une indignation générale on se borna cette fois à un sourd ressentiment; mais c'était déjà beaucoup que de détruire tout espoir d'une alliance intime réclamée par les intérêts nationaux. L'Angleterre, dirigée par Walpole, soudoyait les ministres en France, et, en feignant un système de modération, elle associait la politique du cabinet de Versailles à la sienne. L'Espagne se rattacha à l'Autriche, et conclut avec elle le traité de Vienne (1725), par lequel la maison impériale reconnaissait les droits de la maison d'Espagne sur la Toscane, Parme et Plaisance. L'Espagne reconnut la pragmatique (1), et protégea la compagnie d'Ostende, établie par l'empereur Charles VI, pour faire de l'Autriche une puissance commerçante et coloniale. L'Angleterre sonna l'alarme en France, et les guinées distribuées à la marquise de Prie, Les puissances maritimes s'acharnaient à des parvinrent à prouver au ministère français qu'il guerres continentales, et les Anglais étaient trop était de son intérêt de ne souffrir ni l'agrandisse-sages pour ne pas les y encourager; ils eurent même ment des Bourbons en Italie, ni l'établissement commercial de l'Autriche !

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(1) La pragmatique sanction était un acte de la maison, impériale, qui réglait l'ordre de succession de l'empereur Charles VI, pour assurer, à sa mort, la couronne à ses

Le ministère de Versailles soutint faiblement Stanislas Leczinsky, beau-père du roi, appelé au trône de Pologne par ses droits, et, ce qui vaut mieux encore, par les vœux de toute la nation. L'Autriche soutint un roi donné par la Russie, et contribua ainsi à consolider l'empire de cette puissance en Pologne : elle paya cette faute par la perte de l'Italie et par des revers sur le Rhin. La France, qui n'envoya que quinze cents hommes avec Stanislas, fit entrer ses armées en Lombardie pour soutenir ces mêmes droits de la maison de Bourbon, que l'Autriche avait reconnus huit ans auparavant, et, ce qu'il y eut d'extraordinaire, c'est que les Espagnols furent débarqués en Toscane par une flotte anglaise.

le talent de se faire payer, par des concessions coloniales, un service apparent qui devait détourner

filles, à leurs descendants, et non à celles de l'empereur Joseph Ier, son frère aîné (1713).

L'infant don Carlos descendit dans le royaume de Naples, dont il fit la conquête; le duc de Mortemar la consolida par la victoire de Bitonto; Parme et la Lombardie furent envahies, les armes de France et d'Espagne victorieuses à Parme, à Guastalla, auraient eu le plus grand succès, si la politique du roi de Sardaigue, leur allié, ne les eût arrêtées.

sur l'Autriche les moyens et les efforts de la puis- | dans son origine que dans sa conduite et dans son sance espagnole : ils obtinrent le droit de trafiquer issue, ne fut pas beaucoup plus dans les intérêts à Porto-Bello, pour avoir mis Philippe V aux pri- des nations française et batave, que ne l'avaient ses avec les Autrichiens. été les querelles de Guillaume et de Louis. On sait comment le pusillanime Fleury, âgé alors de 88 ans, fut entraîné à cette guerre, en 1741, par le maréchal de Belle-Isle, auquel on eut trop de confiance, ou auquel on n'en accorda pas assez (1). Les opérations furent mal dirigées dans le principe, parce qu'on se borna à des demi-mesures, c'est-à-dire, au rôle d'auxiliaire de la Prusse et de la Bavière. Frédéric le Grand débuta dans sa brillante carrière par des victoires et par un abandon perfide de ses alliés. Les revers de Ségur et de Belle-Isle furent une punition cruelle d'une entreprise lointaine exécutée avec des moyens insuffisants, et calculée sur des secours étrangers. Le cardinal mourut au milieu de ces désastres, expiant ainsi l'imprudence d'avoir conservé un rôle pénible et dangereux au delà des bornes imposées par la nature; il avait gardé toute sa présence d'esprit jusqu'au dernier moment, mais il est douteux qu'il en ait conservé toute la force.

Stanislas, chassé par les armées russes, s'était sauvé en Prusse; les troupes françaises compromises à Dantzig venaient de capituler; le but apparent de la guerre était manqué, mais le but réel se trouvait atteint. L'Angleterre qui, jusqu'alors, était restée neutre, allait peut-être profiter des embarras de la France et de l'Espagne, pour leur faire une guerre maritime. Le cardinal Fleury se hâta de faire la paix.

La Hollande n'avait pris part aux premières années de cette guerre, que par les subsides qu'elle payait aux ennemis de la France, par des contingents qu'elle donnait comme auxiliaire, affectant d'ailleurs de garder une neutralité illusoire et ridicule. Elle fut bientôt enveloppé dans le tourbil

La couronne de Pologne fut assurée à Auguste III de Saxe; Stanislas eut la Lorraine en dédommagement de son royanme: cette province, démembrée de la France depuis dix siècles, revint, à la mort de ce roi, à son gendre Louis XV. Le duc de Lorraine, en échange, eut la succession du dernier Médicis, duc de Toscane. Naples et la Sicile furent assurés à don Carlos; Parme et Plaisance furent donnés à l'Empereur, qui céda Novarre et le Tor-lon des événements. tonais au Piémont. La France avait fait ainsi une guerre heureuse et une assez bonne paix pour la maison de Bourbon; car elle ne songeait pas à donner un roi à la Pologne, en opposition à l'Autriche et à la Russie réunies.

Cette seconde paix de Vienne (1735), procura à l'Europe un repos de cinq ans, que la mort de l'empereur Charles VI vint troubler. Frédéric le Grand était monté sur le trône de Prusse, et cet événement seul était en lui-même une révolution dans la situation relative des puissances.

La guerre de la pragmatique, aussi singulière

(1) On a beaucoup loué et beaucoup blâme les BelleIsle et leurs projets. Dans ce dernier cas, on a été souvent injuste à leur égard, car on ne peut leur refuser da mérite: il ne faut jamais juger des projets d'un homme lorsqu'on

Après la mort de son premier ministre, Louis XV annonça le projet de régner par lui même. Madame de Chateauroux et le marquis d'Argenson ne tardèrent pas à partager ce fardeau avec lui. Les finances furent mises dans un état prospère par les soins du contrôleur Orry. L'armée fut portée sur un pied respectable par d'Argenson. La marine et les relations extérieures restèrent en souffrance; mais une impulsion vigoureuse fut donnée, avec assez de promptitude, à une monarchie qui semblait décrépite comme le ministre qu'elle venait de perdre.

ne lui laisse pas toute latitude pour les exécuter lui-même. Donner un beau plan à des ministres faibles, ou à des généraux médiocres, c'est s'exposer à des revers inévitables.

Les Français s'emparèrent aux Indes orientales de l'importante place de Madras: l'habile Dupleix porta pendant longtemps les armes victorieuses de la compagnie sur tous les rivages de l'Inde : mais il ne fut pas soutenu, et ses efforts glorieux finirent par une catastrophe.

L'invasion de la Belgique fut résolue; on sait | l'avénement de Louis XV au trône et de Fleury au avec quel succès le maréchal de Saxe l'exécuta. ministère. Cette puissance était en guerre depuis La Hollande soumise à l'influence anglaise figurait 1739 avec les Anglais, qui portèrent la terreur toujours parmi les ennemis de la France: elle dans l'Amérique espagnole, prirent et saccagèrent commença cette guerre avec son or, et la finit avec Porto-Bello, mais échouèrent devant Carthagène. le sang précieux de ses peuples; celui des Hollan- La marine des alliés parut dans la Méditerranée dais, qui coula à grands flots à Fontenoi, à Rau- en forces inférieures; cependant elle lutta avec cour, à Laufeld, fut versé pour expier de longues assez d'honneur à Toulon contre l'amiral Maerreurs ; il scella, pour ainsi dire, la charte oppres- thews (1744). sive de Cromwell, prépara les trophées maritimes de l'Angleterre, et lui assura les avantages incalculables qu'elle recueillit dans la guerre suiyante. Les revers essuyés par les armes hollandaises et les succès menaçants du maréchal de Saxe, furent mis à profit par le ministère anglais, habile à tirer parti de toutes les circonstances. Le cabinet de Londres crut s'attacher irrévocablement la politique des Provinces-Unies en protégeant l'autorité de la maison d'Orange. Le danger de la république rappelait les services rendus par Guillaume dans des circonstances à peu près semblables. Les ÉtatsGénéraux crurent trouver le remède à tous les maux en rétablissant la dignité stadhoudérienne avec toutes ses prérogatives, et en la rendant héréditaire dans la famille d'Orange; mais une nouvelle défaite à Laufeld prouva que les hommes et les siècles ne se ressemblent pas,

La paix d'Aix-la-Chapelle mit fort heureusement fin à cette guerre, dans laquelle les États-Généraux humiliés perdirent la considération passagère et l'éclat trompeur auxquels ils avaient sacrifié le bien public et celui de leur pays en particulier. La Hollande fut redevable à la modération excessive et peut-être à la faiblesse du ministère de Louis XV, de se tirer à si bon marché d'une querelle où une fausse politique l'avait engagée. Cette leçon aurait dù déterminer les États-Généraux à un changement absolu de système, mais ils ne firent que le modifier, en lui substituant celui de neutralité qui n'était guère plus convenable, parce que les demi-mesures sont rarement bonnes en politique. La suprématie anglaise, décidée dans la guerre suivante, rejeta la république à un rang au-dessous de celui qu'elle craignait tant d'occuper sous Louis XIV.

L'Espagne, plus sage, était revenue à ses relations naturelles avec la France, aussitôt que les griefs de Philippe V eurent cessé d'exister, par

En Europe, les armées espagnoles eurent d'abord de brillants succès; toute l'Italie méridionale subit leur loi. La scène changea de face quand Frédéric eut fait sa paix séparée avec Marie-Thérèse, et que l'impératrice, débarrassée du gros de ses ennemis en Allemagne, fit porter un renfort de trente mille hommes en Lombardie, qui lui assura la supériorité. Les Espagnols furent repoussés sur Naples : la France se hâta alors d'envoyer une petite armée aux ordres de Maillebois pour les soutenir, mais des moyens insuffisants et des fautes firent perdre aux alliés la bataille de Plaisance; les Impériaux portèrent après cette bataille leur armée jusqu'en Provence et en Dauphiné, d'où le maréchal de Belle-Isle ne tarda pas à les chasser.

La paix d'Aix-la-Chapelle, dont nous avons parlé plus haut, vint arrêter une nouvelle invasion de l'Italie; l'infant don Philippe garda Parme et Plaisance, bien malheureuse indemnité des efforts que l'Espagne avait faits contre tous ses intérêts, au lieu de les porter vers sa marine et ses colonies. Cette paix fut sans exemple dans les annales de la diplomatie: la France victorieuse fut presque humiliée; après beaucoup de débats il fut permis à Louis XV de rendre ses conquêtes en Flandre et aux Indes; à peine put-il s'affranchir de l'humiliante obligation stipulée dans le traité d'Utrecht, relativement aux fortifications de Dunkerque.

Ce traité extraordinaire, dû à la précipitation de son négociateur (M. de Séverin) autant qu'à l'esprit du ministère, alors influencé par madame de Pompadour, fut le signal de tous les malheurs qui acca

blèrent la France sous le règne de cette favorite. La | électorat pourrait être une compensation de la suguerre de sept ans vint bientôt y mettre le comble. périorité qu'on laissait prendre à cette puissance Les fautes du cabinet de Versailles, à cette épo- dans les deux Indes et dans la Méditerranée. Ce que, lui furent plus funestes que les sanglantes dé- système ridicule aurait été tout au plus excusable fa tes de Louis XIV ne l'avaient été à la fin de son s'il ne se fût agi que d'échanger des colonies perdues règne : les traités d'Utrecht et d'Aix-la-Chapelle contre un électorat gagné; mais comment comen sont une preuve suffisante; ils démontrent qu'une penser les vaisseaux pris, la considération et la nation peut éprouver des revers, mais qu'une mau- confiance détruites, les matelots prisonniers, le comvaise administration intérieure et un mauvais sysmerce anéanti? tème fédératif sont plus nuisibles encore.

Grâces à la parcimonie mal dirigée du cardinal Fleury, la marine était tombée dans un état qui ne permettait pas d'entreprendre une guerre, sans le concours d'une grande alliance. L'Angleterre avait cent dix vaisseaux de ligne, la France n'en pouvait armer que soixante-dix, et tous les moyens de réparations et de remplacements étaient à la longue en faveur de la première de ces puissances. Néanmoins, le cabinet de Versailles engagea imprudemment des hostilités auxquelles il ne s'était point préparé.

Le pacte de famille, signé en 1761, décida l'Espagne à prendre part à la guerre en 1762, lorsque les pertes réitérées essuyées par la France, depuis sept ans, eurent rendu ce secours illusoire. Il ne fit qu'ajouter aux succès des Anglais, qui prirent la Havane et la Floride aux Espagnols, au moment où la paix allait se signer, et qui eurent ainsi de plus grandes concessions à prétendre.

Le ministère de Versailles commença en 1755 une guerre maritime, que les Anglais provoquèrent sans doute par leurs excès, mais qu'ils n'excitèrent que d'après la connaissance qu'ils avaient du caractère des personnages appelés à gouverner la France, et de l'état où ils avaient laissé tomber sa marine. Le mal eût été réparé, si, avant la rupture, on s'était assuré l'alliance d'une grande puissance maritime; mais, au lieu de cela, le cabinet de Versailles songea à chercher sur le continent de tristes indemnités pour ses pertes coloniales: il imagina de frapper l'Angleterre dans l'électorat de Hanovre! Pour atteindre plus sûrement son but, il conclut en 1756 et 1758, ces fameux traités d'alliance avec l'Autriche, qui durèrent jusqu'en 1792, et qui furent le sujet de tant de controverses, et de tant de déclamations à la tribune de l'assemblée nationale. Ces traités, s'ils eussent été fondés sur des avantages plus réciproques, auraient peut-être bien convenu à la France, puisqu'il devait lui être avantageux d'être appuyée par une grande puissance continentale, afin de diriger tous ses efforts et ses moyens du côté de sa marine; mais les stipulations de cet acte qui nous sont connues jusqu'à ce jour, et principalement celles du traité supplémentaire de 1758, étaient tout entières en faveur de la maison d'Au-glais Pondichéri, Manille, la Martinique, la Guatriche; la France lui payait l'entretien d'un corps considérable pour agir contre la Prusse; elle s'engagea ensuite à faire marcher cent mille hommes en Allemagne, et à couvrir la Belgique pour Marie-Thérèse. Ainsi, loin d'éviter une guerre continentale, elle eut à en soutenir une aussi longue que coûteuse, et dont elle ne pouvait espérer aucune espèce d'avantage.

Cette guerre fut d'autant plus malheureuse, que le résultat le plus brillant que l'on aurait pu en attendre, était celui d'élever la maison rivale de Hapsbourg sur les débris de la Prusse, qui se trouvait alors l'alliée la plus naturelle de la France. Ce fut pour obtenir un résultat semblable que Louis XV vit tomber successivement au pouvoir des An

deloupe, la Havane, le Cap-Breton. On leur céda, à la paix, le Canada, l'Acadie, la Floride, Tabago et Grenade Gibraltar et Minorque assurèrent la consolidation de leur empire dans la Méditerranée.

L'issue de cette guerre singulière doit faire naître une remarque bien affligeante, pour les hommes qui veulent assujettir les opérations des cabinets à des principes, et décider de leur influence sur les Le ministère de Versailles partit du faux point mouvements des nations. Ce fut à la suite de plude vue que le Hanovre était identifié avec les sieurs campagnes honorables, après des victoires intérêts de l'Angleterre, et que l'occupation de cet | nombreuses remportées en Flandre, au moment où

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