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peuples. Les jacobins ont accusé Louis d'avoir réclamé secrètement ces secours tout en protestant du contraire; et ils ont fait, de cette duplicité, le prétexte de sa condamnation: la postérité seule jugera si ces reproches étaient fondés, et si le roi n'y fut pas forcé par des attaques postérieures.

réclamé; l'autre, relatif aux intérêts des princes allemands, possesseurs de fiefs en Alsace, dont l'Empereur soutenait les prétentions. L'assemblée nationale en décrétant, en 1790, l'abolition des droits féodaux, n'avait pas fait attention qu'elle attaquait les propriétés que les traités de cession de l'Alsace avaient conservés à plusieurs petits L'Empereur répondit tard et d'une manière princes souverains, dont les États situés en Alle- vague aux dépêches qui lui notifiaient l'acceptamagne étaient soumis aux lois et aux droits ger- tion de la constitution; il adressa néanmoins aux maniques. On proposa, il est vrai, des indemnités cours alliées une note qui semblait vouloir revenir que plusieurs acceptèrent; mais cette affaire ayant sur les stipulations de Pilnitz, et laissait des chances été traitée un peu légèrement, sans demander au ouvertes à un arrangement: la marche rapide des préalable l'assentiment de l'Empereur, celui-ci événements sous l'assemblée législative renversa protesta contre une atteinte portée aux propriétés bientôt cet espoir. En attendant, Léopold reconnut de vassaux qui relevaient de sa couronne, et ré- de nouveau l'ambassadeur de Noailles, qui n'avait clama ces propriétés comme fiefs de l'Empire. pas paru à la cour depuis l'événement de Varennes ; La notification aux cours étrangères de la sanc-il promit même d'interposer son autorité pour tion donnée par le roi au nouveau pacte constitu- empêcher les rassemblements armés, et le roi de tionnel vint compliquer un moment les affaires. Prusse imita son exemple. La cour d'Espagne inElle ne produisit néanmoins qu'un effet bien pas- fluencée par les conseils des princes émigrés se sager. Cette démarche que l'on dût croire sincère, prononça plus ouvertement; le comte de Florida peut être considérée comme un véritable monu- Blanca déclara que Louis XVI n'étant point en liment de la magnanimité de l'infortuné Louis; elle berté, n'avait pu, de son plein gré, accepter une fut suivie d'un appel aux princes français et aux telle constitution. Le rapport, que M. de Montémigrés, pour les déterminer à rentrer dans leur morin fit à l'assemblée, le 31 octobre, jette un patrie, et à cesser désormais contre elle des pro- grand jour sur la nature des relations de la France vocations qui devenaient répréhensibles, dès lors à cette époque; et j'ai cru ne pouvoir mieux inque les destinées de la monarchie et les rapports struire mes lecteurs qu'en les renvoyant à cette du roi avec son peuple, semblaient irrévocable- pièce intéressante, annexée à la fin du livre I" ment fixés. Toutefois ce pacte même, auquel le roi (no 6). On peut croire que si l'assemblée conprescrivait l'obéissance, loin de calmer les passions, stituante eût encore existé, et que ses intérêts ne faisait que les exciter; l'abolition de la noblesse, de politique extérieure eussent été confiés à Mirafroissait les plus grands intérêts et irritait l'orgueil. beau, la guerre n'aurait point eu lieu. Une désobéissance formelle était aussi facile à prévoir qu'impossible à empêcher.

Les émigrés protestèrent en assurant que le roi n'était point libre; ils le firent même soupçonner d'être secrètement d'accord avec eux, en publiant qu'ils recevaient chaque jour des preuves de sa bienveillance et l'invitation de prolonger leur résistance.

Les relations des cours étrangères avec le roi, devinrent néanmoins plus délicates à la suite de ces changements; on s'était allié pour la conservation des principes monarchiques, on ne pouvait les fouler aux pieds en venant au secours d'un prince qui ne réclamait aucune assistance, et qui s'avouait heureux du bonheur imaginaire de ses

Ce rapport de M. Montmorin fut le dernier acte d'un ministre honnête, mais faible, et peut-être imprudent; il donna sa démission, et cette démarche ne put le soustraire au glaive destructeur qui, peu de temps après, couvrit la France de deuil : il remit le portefeuille à M. de Lessart.

Le ministre de la guerre Duportail, fit également place à M. de Narbonne; cependant l'administration, en changeant de main, n'en devint pas plus capable de sauver la France.

Ce fut vers ce temps, s'il faut en croire le ministre Servan, que Louis écrivit au roi de Prusse, pour réclamer de nouveau la médiation armée de toute l'Europe, et accréditer le ministre Breteuil,

comme le seul qui possédât sa confiance. Cette démarche, faite trois mois après l'acceptation de la constitution, serait en effet blåmable si ses ennemis eussent religieusement observé ce pacte défectueux. Mais le roi, qui l'adopta sans doute de bonne foi pour sauver la France et sa famille, fut assez fondé quelques mois après à désespérer de leur salut, lorsqu'il vit le mal empirer d'une manière effrayante par la composition de la nouvelle assemblée et la nature de ses premières entreprises. Ce n'est pas en 1791, qu'il faut confondre les époques; et à celle du mois de décembre, où la lettre dut être écrite, ce prince pouvait, avec les intentions les plus pures, croire sa perte certaine, et recourir à tous les moyens de sauver sa couronne et sa vie, sans qu'on fût en droit de l'accuser d'avoir voulu ressaisir l'autorité absolue.

Cependant les négociations traînèrent encore quelque temps; les préparatifs continuaient avec une lenteur qui donnait encore quelque espoir aux amis de la paix, lorsque les sorties de Brissot et du comité diplomatique vinrent attiser le feu qui couvait depuis si longtemps et ouvrir le volcan qui devait bouleverser un si grand nombre d'États et engloutir tant de victimes.

Le premier motif de cette explosion fut la réclamation de l'Empereur relative aux princes possessionnés en Alsace, et le conclusum de la diète qu'elle accompagnait.

De si minces intérêts n'étaient évidemment qu'un prétexte dont les deux partis couvraient des prétentions d'un autre genre; car, dans toute autre circonstance, on serait bientôt tombé d'accord sur des objets de cette nature.

L'assemblée et son comité s'obstinaient à considérer ces fiefs comme soumis aux lois de l'État dans l'intérieur duquel ils étaient situés; la lettre de l'Empereur aussi bien que le conclusum de la diète parurent des actes attentatoires à la souveraineté nationale. Les rassemblements d'émigrés armés étaient des griefs plus justes, et excitaient plus de réclamations encore. La note du prince de Kaunitz, du 21 décembre, au lieu de donner satisfaction sur ce point ne fit qu'exciter la méfiance en parais sant vouloir soutenir l'électeur de Trèves, et parlant ouvertement d'une ligue de rois armés pour le soutien des prérogatives du trône.

L'assemblée législative, jugeant que dans de semblables circonstances, il fallait prendre une attitude imposante, avait décrété la formation de trois armées, fortes ensemble de 150,000 hommes, dont Lafayette, Rochambeau et Luckner prirent le commandement. Le conseil du roi de son côté, cherchant les moyens d'éviter la rupture dont il était menacé avec toutes les cours, se décida à envoyer MM. de Ségur à Berlin, Marbois à Vienne, et Sainte-Croix à Trèves. Cette mesure ne remplit point l'attente, et si la lettre qui accréditait secrètement M. de Breteuil est authentique, il ne faut pas s'en étonner; d'ailleurs les esprits étaient trop aigris de part et d'autre, pour espérer un rapprochement.

Les girondins, exaltés sans cesse par les rapports qu'ils établissaient entre le peuple français et le peuple romain, ne respiraient que la guerre ; ils étaient encouragés par l'aspect imposant qu'offrait la nation entière, transformée en un vaste camp, où deux millions de gardes nationales armées et équipées semblaient en état de braver les efforts de toutes les armées régulières de l'Europe. Les hommes qui voulaient sincèrement la république, croyaient que des victoires en faciliteraient l'établissement, et que des revers mêmes, imputés aux machinations des royalistes, précipiteraient la chute du trône: tous s'accordaient donc à penser que la guerre serait honorable.

Cependant la situation intérieure de la France, l'état de son armée qui était de 60,000 hommes au-dessous du temps le plus fâcheux du règne de Louis XV; enfin l'embarras des finances, n'étaient pas des motifs propres à leur inspirer tant d'assurance et de présomption, et à leur faire accepter une lutte si disproportionnée contre les forces de l'Europe entière.

Il est vrai d'un autre côté, que la France possédait alors une population nombreuse et guerrière, quelques millions de jeunes gens exaltés par le fanatisme politique, des armes en abondance, des places dans le meilleur état et hors de toute proportion avec les moyens d'attaque. Mais on n'avait pas encore donné à cette masse l'organisation convenable pour la rendre utile, et ces gardes nationales n'étaient propres qu'à enfler l'orgueil de magistrats qui ne savaient pas les apprécier,

Peut-être aussi que ces enthousiastes calculè- | vaient pas manquer d'assurer le triomphe de leur cause et l'accomplissement de tous leur vœux.

rent déjà sur le capital des fortunes particulières et sur la masse de la population, plus que sur un Le rapport du ministre de Lessart et les notes revenu régulier : décidés à jouer leur existence, ils officielles furent renvoyés à l'examen du comité dipensèrent que celle de la nation devait être expo- plomatique. Gensonné vint peu de jours après, au sée aux mêmes chances. Déjà la planche des assi- non de ce comité, sanctionner en quelque sorte les gnats était entre leurs mains une mine féconde en provocations de ses collègues. Les députés Isnard ressources, car la somme légalement émise s'éle- et Fauchet, dans un accès de frénésie difficile à convait, dès le 1er novembre 1791, à 1400 millions, et cevoir, insultèrent à toutes les cours, excitèrent tout portait à croire qu'elle ne s'arrêterait pas là. l'insurrection des peuples, et déclarèrent ainsi une Un autre moyen de succès sur lequel les jaco-guerre éternelle à tous les États jaloux de conserver leurs institutions sociales.

bins fondèrent de grandes espérances, était le système de propagande qui, promettant aux peuples les bienfaits de la liberté, opérerait sur eux un effet magique, et laisserait en un clin d'œil les rois sans appui, sans armée et sans sujets; on aurait de la peine à interpréter d'une manière différente l'arrogance de ces provocateurs.

Ce qui se passait alors en France n'était pourtant pas encourageant pour les peuples voisins, et le spectacle de l'anarchie qui la déchirait, devait bien rassurer les cabinets européens en leur montrant dans les jacobins les auxiliaires les plus sûrs.

Leurs séances (1) commençaient à devenir orageuses et importantes. Déjà le bonnet rouge, fatal emblème du sang qui allait être versé à grands flots, était le signe de ferveur démocratique ou plutôt un symbole de férocité exigé des membres de cette assemblée; et peu de semaines après, les ministres du roi eux-mêmes, se glorifiant d'être membres de la société, parurent à sa tribune, décorés de ce costume burlesque, achevant ainsi de détruire l'ombre de considération qui restait à l'administration publique.

L'assemblée fut violemment agitée par la lecture des dépêches de l'Empereur et de Kaunitz. Brissot et Vergniaud prononcèrent des discours véhéments. Ces étonnantes philippiques menaçant tous les trônes, étaient autant de déclarations de guerre, de provocations imprudentes qui allaient mettre la France aux prises avec tout le continent; et qui malgré les caresses prodiguées aux Anglais, ne de

(1) Anacharsis Clootz, prussien d'origine, fut l'orateur le plus véhément de cette secte, et il ne perdait aucune occasion de provoquer la république universelle. Ses imprécations contre tous les gouvernements, et ses relations

On ne saurait exprimer qu'imparfaitement les attentats dont ces hommes exaltés se rendirent coupables envers leur patrie; il faut léguer leurs harangues à la postérité, comme des exemples effrayants de ce que peuvent l'esprit de parti et l'enthousiasme mal dirigés (2).

Les connaissances de Brissot, les vues qu'il déploya dans son discours même, sont tellement en contradiction avec les sophismes politiques dont il est entaché, qu'on serait tenté de croire qu'il fut l'instrument du cabinet anglais : ce soupçon tournerait en certitude, si ses erreurs et son faux enthousiasme n'avaient été partagés à cette époque, par les hommes d'État les plus distingués du royaume. Il fallait être néanmoins bien ignorant en politique, ou bien égaré par l'esprit de parti pour supposer que la nation la plus ambitieuse et la plus rivale restât inactive, tandis que la France s'engageait dans une lutte à outrance contre tous les intérêts européens. Un orateur enthousiaste jusqu'à la folie, était seul capable d'attirer sur son pays, privé d'alliances et déchiré au dedans, l'anathème de toutes | les puissances, les passions et la haine de leurs chefs.

Le ministère anglais secondant avec adresse les fausses combinaisons de ses rivaux, feignait de grandes alarmes sur la correspondance établie entre les clubs français et ceux des whigs, si connus par leurs sentiments d'opposition au pouvoir monarchique. Mais en réfléchissant au patriotisme sincère

avec les Anglais l'ont fait soupçonner d'être un des agents les plus actifs du cabinet de Londres.

(2) Voyez pièces justificatives du livre Ier, no 7, 8 et 9.

et à la haine prononcée de la nation anglaise pour | nobles travaux (1). Si lord Stanhope est le père de

les étrangers, on est presque tenté de chercher dans cette correspondance même, les premières sources de l'influence que le cabinet de Saint-James exerça sur tous les partis qui déchirèrent la France, en les excitant à cette exagération qui devait désorganiser le royaume et le précipiter dans une guerre générale. Cette idée acquiert de nouvelles forces, en songeant que Marat, Anacharsis Clootz, Miranda, Payne, Pache, Clavière, n'étaient point français, et qu'il suffisait au cabinet britannique d'avoir dans ses intérêts quelques chefs des whigs et quelques meneurs du parti républicain, pour profiter du délire qui s'était emparé de toutes les têtes et en diriger les effets à son gré.

Le chancelier Bacon dit quelque part que le cabinet anglais devait faire les plus puissants efforts pour étouffer chez ses voisins jusqu'au désir d'être libre. Pitt appliquant une maxime inverse jugea peut-être que la liberté est voisine de la licence, principalement dans les États nouvellement institués, et que tout ce qui tend à diviser les forces d'un rival est également dans l'intérêt national; sous ce rapport, il fut plus habile que Bacon. On est du moins autorisé à lui prêter ce système, car il avoua, dès 1790, en plein parlement, qu'il avait à se féliciter de la révolution française, puisqu'elle promettait le triomphe des principes professés en Angleterre, ou d'immenses avantages à son pays. Si le cabinet anglais fut fidèle aux préceptes du chancelier, en soutenant la maison d'Orange contre les patriotes; s'il devint ensuite l'appui de l'oligarchie, comme il le fut en Espagne de l'inquisition, on ne peut se dissimuler qu'il a du moins mauvaise grâce à se proclamer le libérateur des

nations.

Enfin, les plus gravés soupçons planent avec raison sur ces complots du machiavélisme, lorsqu'on se rappelle les adresses de plusieurs clubs anglais à l'assemblée nationale, et entre autres celle qui fut signée par lord Stanhope au nom de la société des amis de la liberté, témoignant la joie qu'on éprouvait à Londres de la révolution française, et encourageant les législateurs dans leurs

(1) Séance du 21 juillet 1790.

celui qui vient de prononcer une diatribe si virulente contre la nation française, on peut juger de la nature des ressorts que la politique anglaise fait mouvoir à son gré.

En attendant, Pitt convaincu que le meilleur moyen d'agiter la France plus longtemps serait de ne pas la combattre trop tôt, ou craignant d'éveiller les soupçons des puissances continentales, modéra les ressentiments du roi Georges, et l'engagea à ne prendre part à la guerre qui allait éclater, que quand elle serait entièrement engagée. Trop habile néanmoins pour ne pas profiter des embarras de la seule puissance qui fût à même de lui contester l'empire de l'Inde, il prenait toutes ses mesures pour le subjuguer, et tandis que la France s'amusait à des controverses sur les droits de l'homme, que la Prusse et l'Autriche s'apprêtaient à les combattre, l'imperturbable Albion portait ses efforts dans le Bengale et s'assurait, par la soumission du sultan de Mysore, un empire absolu dans la riche presqu'île du Gange.

Cependant l'abandon de tous ses intérêts d'outre-mer ne rendait pas la France plus sage sur le continent européen. L'assemblée nationale, d'après le rapport de son comité diplomatique, avait rendu un décret pour inviter le roi à demander des explications à l'empereur d'Autriche. Le prince de Kaunitz répondit, le 17 février 1792, aux dépêches de M. de Lessart à M. de Noailles, ambassadeur à Vienne. La note du ministre autrichien était d'un style modéré; elle donnait des éloges à la constitution et au peuple français, mais elle attaquait fortement le parti des jacobins et les maximes révolutionnaires qu'il propageait, et c'était justement le moyen le plus sûr de provoquer la guerre dans le fait, cette note ne donnait que des satisfactions illusoires (2), car la coalition existait, les armements se continuaient, la Prusse et l'Autriche venaient de se lier plus étroitement par une alliance offensive et défensive, signée à Berlin, le 7 février 1792. On paraissait n'attendre que l'occasion pour une rupture qui depuis longtemps était inévitable.

(2) Voyez pièces justificatives du livre Ior, no 11.

M. de Lessart, en succédant à M. de Montmorin, avait apporté dans ses relations le même caractère de droiture avec moins de défiance pour les sentiments de l'assemblée. Il vint soumettre imprudemment, dans la séance du 3 mars, la réponse qu'il avait faite au nom du roi sur les notes des 3 et 21 décembre, et le nouveau message du prince de Kaunitz, qui en était le résultat. Dépassant ainsi les bornes que la constitution avait mises aux droits de l'assemblée dans les négociations, il provoqua, par une discussion publique, les agressions directes qui devaient mettre plus d'aigreur dans les relations des deux États.

Cette réponse rédigée du reste avec sagesse, et forte d'arguments, jettera un grand jour sur les véritables dispositions des puissances alliées à cette époque. Le parti républicain se vengea bientôt sur de Lessart des vérités que le prince de Kaunitz avait dévoilées. Le ministre fut décrété d'accusation et traduit à la haute cour nationale.

La famille royale éperdue, n'avait aucune confiance dans ses conseillers qui ne pouvaient plus rien; on recourut dans cette extrémité au moyen dangereux qui avait coûté la vie à Charles Ier, en déterminant Louis à renouveler entièrement son ministère, et à se jeter franchement entre les bras du parti des girondins. Dumourier fut appelé aux affaires étrangères, Roland à l'intérieur, Servan à la guerre; fatale résolution qui précipita la chute du monarque imprudent.

Les esprits s'aigrissaient de plus en plus; les discours dont la tribune retentissait chaque jour, portaient dans toutes les cours, des sentiments naturels de haine et de vengeance. Les armements, les préparatifs dont l'Europe était agitée, venaient à leur tour jeter en France une défiance et une haine non moins fortes.

nouveaux ministres accélérassent aussi la rupture
Au moment même où ces grands changements
avaient lieu, Gustave III était assassiné dans un
bal masqué (16 mars ), et sa mort, en renversant
toutes les espérances que les émigrés avaient pla-
cées en lui, enlevait à la coalition le chef
que l'o-
pinion générale des royalistes lui assignait.

D'après l'examen de toutes ces circonstances, on voit qu'il serait difficile d'affirmer, sur les actes connus, à quel parti on doit attribuer les premiers torts de l'agression. Les puissances du Nord et de l'Allemagne se lièrent par des traités menaçants, et parurent vouloir la guerre. Lorsque le parti républicain fut informé à son tour de l'existence d'une coalition, il craignit d'être prévenu, attaqué dans l'intérieur et livré à la vengeance de la noblesse qu'il avait outragée. Il prit alors l'initiative; et le renouvellement du ministère dont nous avons parlé, devait être le signal du commencement des hostilités.

Dumourier ayant une tête ardente, et quelques talents militaires qu'il estimait bien au-dessus de leur réalité, désirait les occasions de se signaler, sans trop s'arrêter aux conséquences qui en résulteraient. I flattait les girondins de la conquête immédiate des Pays-Bas, car l'armée autrichienne n'excédait pas quarante mille hommes, et n'avait aucune place pour baser ses opérations. En prenant l'initiative de la déclaration de guerre, on pouvait espérer des succès certains sur une armée qui ne se trouvait pas encore en mesure : en restant au contraire sur la défensive, on laissait amonceler l'orage prêt à fondre sur la France, et le succès devenait douteux. Guidé par ces considérations, Dumourier avait pressé M. de Noailles d'obtenir des réponses satisfaisantes de la cour de Vienne, et voyant qu'elles n'arrivaient point, il proposa, le 20 avril 1792, de déclarer la guerre au roi de Bohême et de Hongrie, ce qui eut lieu dans la même séance.

Le roi de Prusse, par suite de ses traités offensifs et défensifs, devait nécessairement prendre à cette guerre une part active. Ses manifestes ne tarle suc- dèrent pas à en donner l'assurance, et les mouvements de ses troupes la confirmèrent bientôt.

Dans un tel état de choses, il ne fallait qu'une étincelle pour faire éclater l'incendie, et les premiers jours du mois de mars 1792, furent signalés par plusieurs événements qui en provoquèrent l'explosion. L'Empereur termina sa carrière le 1er mars; dès cet instant les affaires prirent une tournure beaucoup plus hostile, soit que cesseur de Léopold, plus jeune que lui, fût moins prudent et plus disposé à la guerre, soit que la situation relative de la France et le caractère des TOME 1.

Le roi de Sardaigne lié également avec le cabinet de Vienne auquel son ministre était vendu, non 9

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