Page images
PDF
EPUB

Lorsqu'il s'agit d'exposer les faits, l'historien | dans un sphère étrangère aux parties du globe dont peut paraître tour à tour huguenot avec Henri, et il veut tracer les froissements.

ligueur avec Mayenne; mais quand il porte des

Forcé par ma position à garder plus de ména

jugements, il doit avant tout être juste, et profes-gements qu'un autre, je me hasarde toutefois dans

ser une noble indépendance.

Quoique la nature de mon plan me dispense, sous quelques rapports, de la gravité et de la sévérité que comporte le burin de l'histoire, j'ai fait tous mes efforts pour m'assurer de la justesse des points de vue, persuadé que c'est en cela que consistent les bases de l'édifice et que les charmes du style n'en sont que les ornements.

Pour que mes lecteurs puissent apprécier, du premier coup d'œil, mes raisonnements et les conséquences que j'en fais ressortir, je crois devoir leur soumettre les idées et les combinaisons prinpales qui m'ont servi de boussole.

Le but de ce chapitre est beaucoup moins de prêcher des dogmes que d'indiquer ceux qui m'ont guidé moi-même. Pour le rendre complet, il eût été peut-être convenable de placer ici le résumé des principes de l'art de la guerre rapportés au chapitre XXXV du Traité des grandes opérations militaires (1). Mais l'histoire critique que j'offre aujourd'hui n'en étant, à proprement parler, que la suite ou le complément, une telle répétition eût encouru le blâme universel, et il m'a paru plus convenable de renvoyer mes lecteurs au chapitre précité, en leur présentant simplement un aperçu des maximes générales adoptées pour base de ce nouveau travail.

Malgré les bornes étroites que j'ai dû assigner à cette analyse rapide des mouvements de la politique européenne pendant le siècle précédent, je n'ai pu me dissimuler, ni les difficultés d'une telle entreprise, ni le danger d'aborder franchement des questions qui touchent aux grands intérêts des nations. L'historien, résolu de s'imposer une tâche semblable et de discuter impartialement des événements qui, pour appartenir à une génération précédente, n'en soient pas moins étroitement liés avec les combinaisons actuelles des différents cabinets, est contraint de faire abnégation complète de ses sentiments particuliers ou de ses intérêts personnels. Il faut qu'il se place en quelque sorte

cette vaste et périlleuse arène, plein de confiance dans l'impartialité de mes juges contemporains et dans les sentiments généreux des hommes d'État qui me trouveraient en contradiction avec leurs vues. Pour rendre un compte exact des opérations politiques depuis Charles-Quint, c'est-à-dire, depuis la découverte de l'Amérique, il faut savoir adopter un point de vue juste, entre les principes stricts du droit public, la nécessité des temps, et les passions des hommes. Il ne faut pas croire que tout système d'agrandissement soit un attentat au droit des gens, mais il ne faut pas croire non plus que tout se justifie par le succès.

Chaque nation a été signalée à son tour par une politique ambitieuse; il n'est pas besoin pour cela de remonter à Charlemagne ou aux Romains.

Sous le règne de Philippe II, la monarchie espagnole déploya un esprit de domination menaçant ; on n'a pas oublié que les fameuses bandes venaient jusqu'aux portes de Paris, et régnaient en Hollande.

Depuis Charles-Quint et Ferdinand son successeur, la maison d'Autriche n'a fait qu'une guerre défensive, celle de Charles VI; toutes les autres ont été des guerres provoquées pour son agrandissement et par le désir constant d'acquérir une prépondérance décidée sur le continent.

Louis XIV ne s'est pas distingué par sa modération, et Napoléon a fait une triste expérience de ce que peut produire une ambition démesurée.

Depuis l'établissement de la monarchie prussienne, la maison de Brandebourg n'a pas manqué une occasion de s'agrandir; elle n'a pas été constamment scrupuleuse sur les moyens.

Nous nous dispenserons de rappeler ici tout ce que l'Angleterre a excité de haines et de guerres pour étendre et affermir son empire absolu sur les mers et son influence sur le continent. Les discours de Chatam, comme les vastes plans de son fils, sont encore présents à la mémoire de tout le monde; et les résultats de la politique nationale sont trop évidents pour exiger des commentaires.

(1) Voyez la 3o édition du Traité des grandes opé- Frédéric II, comparées au système moderne, 3 vol. in-8°. rations militaires, ou Histoire critique des guerres de

La Russie a fait comme les autres pour étendre | rait le devenir aussi. Une telle politique, lors

sa puissance; mais elle n'a rien fait de plus, au moins depuis qu'elle a pris rang parmi les grandes nations civilisées. On a sonné l'alarme contre sa politique, parce qu'il fallait détourner sur elle les passions que l'on craignait d'attirer sur soi-même, et, loin de blâmer cette prévoyance, on la trouvera tout aussi naturelle que le soin avec lequel l'Angleterre a semé la discorde sur le continent, en dirigeant les esprits sur les dangers que courait l'équilibre politique.

Le désir de se fortifier, et même de s'agrandir, est dans l'esprit de tous les temps, de tous les peuples, et dans la politique de tous les gouvernements. Pour rendre ces projets légitimes, il suffit de leur donner une bonne direction, de leur imposer de justes bornes, et de les mettre en harmonie avec les vrais intérêts de leurs administrés, avec leurs moyens d'exécution, c'est-à-dire, avec l'état intérieur et extérieur de la nation.

Un prince qui cherchera à étendre successivement son influence, sa prépondérance, son commerce, sa marine et la prospérité de ses peuples, pourra le faire sans être comparé à un Gengiskan, à un Tamerlan. Il y aura une grande différence entre un tel prince et un conquérant qui attaque tout, qui veut tout renverser, tout soumettre, sans s'arrêter ni aux moyens qu'il emploie, ni aux malheurs qui en peuvent résulter pour la nation que la Providence l'a appelé à gouverner.

Si la base des opérations de tous les cabinets consiste donc à étendre le rayon de leur puissance effective et relative, sans causer à l'humanité des commotions trop violentes, la science du gouvernement en politique, se bornera à trois points essentiels. 1° Éviter d'armer contre soi les passions de tous les peuples. 2° Profiter au contraire de toutes les circonstances favorables pour faire des acquisitions avantageuses, et pour intervenir dans les querelles de ses voisins. 3° Maintenir chez ses voisins l'état relatif dans lequel on se trouve avec eux, en ayant soin d'empêcher l'élévation qui pourrait être nuisible, et l'abaissement qui pour

qu'elle ne sera pas accompagné de moyens odieux, pourra toujours être considérée comme honorable et utile; elle se trouvera légitime, quelle que soit l'importance des conquêtes qui pourraient en être le résultat.

En retraçant les événements des derniers siècles, il est impossible de ne pas parler de l'agression de Louis XIV contre la Hollande, de la conquête de la Silésie par Frédéric II, du partage de la Pologne, enfin de l'invasion de l'Espagne par Napoléon. Et, sans vouloir s'arrêter aux diverses nuances de légitimité ou de véritable intérêt que chacune de ces entreprises pourrait offrir, on doit avouer que le partage de la Pologne est encore une de celles dont le but serait le plus facile à justifier, au moins pour ce qui concerne la Russie. Une grande nation méditerranée qui, se trouvant séparée de toute l'Europe par une réplique turbulente, cherche à s'ouvrir des relations directes avec les grands États européens aux dépens de cette république, suit l'impulsion naturelle qui lui a été tracée par ses intérêts. En échange, il paraîtra tout aussi simple que cette république s'oppose à ses agresseurs, et que ses alliés viennent à son secours (1). L'historien, en parlant de la lutte qui résultera de cet état de choses, ne pourra se dispenser de se placer dans la situation de la puissance dont il analysera les alliances, dont il tracera les négociations et les entreprises; il ne serait, sans cette noble indépendance, qu'un écrivain à gages, un mercenaire indigne de traiter un sujet aussi important. Quel homme, en effet, pourrait blâmer le zèle et l'éloquence patriotique du célèbre Chatam ou d'un Mokronousky, et louer au contraire l'administration d'un cardinal Dubois ou d'un duc d'Aiguillon.

Je terminerai donc ces réflexions en rappelant à mes lecteurs que, pour apprécier mes observations, il est indispensable qu'ils se dépouillent, comme moi, de toute prévention nationale, et qu'ils se rapportent en outre au temps où les faits se sont passés.

(1) L'agrandissement de la Russie aux dépens de la Po-ché; mais il n'est pas aussi facile de démontrer que, dans logne est trop naturel pour qu'il ne soit pas excusé, en cette occasion décisive, chacun ait agi aussi habilement quelque sorte, par la grandeur de l'intérêt qui y était attaque Catherine.

La première, était de diriger toutes les vues des puissances du continent vers le maintien d'un équi libre politique; je ne crois pas devoir développer ici ce système, qui est assez connu, et dont Ancillon nous a tracé les combinaisons avec un talent si supérieur, qu'il serait témeraire de vouloir traiter cette question après lui.

La seconde alternative, était de considérer l'in fluence d'une puissance sur le continent, comme utile, aussi longtemps qu'elle se renfermerait dans de justes bornes, et qu'elle aurait pour but de rallier tous les intérêts européens pour l'établissement d'un équilibre maritime, colonial et commercial; afin que les sources de richesse, de prospérité, d'industrie, fussent également partagées entre les nations, et ne pussent jamais devenir le patrimoine exclusif d'un seul peuple.

S'il faut juger les opérations auxquelles toutes | pour mieux m'exprimer, elle n'offrait que deux les nations ont pris part, d'après les avantages réels alternatives au choix des cabinets. et légitimes qu'elles pouvaient se promettre d'en tirer; si cet intérêt particulier de chacune d'elles doit être le type sur lequel on doit apprécier les entreprises de ses chefs, de ses ministres et de ses négociateurs, il existe néanmoins un petit nombre de problèmes généraux dont la solution appartient à toute l'Europe, qui sont rattachés aux intérêts de tous les gouvernements, et qu'on ne peut envisager que sous un seul point de vue juste. Tels sont, par exemple, les principes sur les droits des neutres, sur un équilibre maritime et sur la balance politique du continent. Chaque homme raisonnable dira volontiers avec les Anglais : Point de monarchie universelle; mais il faut s'écrier aussi avec tous les Européens : Point d'empire absolu sur les mers, point de blocus continental! Si ce vœu des peuples ne pouvait pas être réalisé; si, pour mettre des bornes à l'abus du pouvoir maritime, il faut des flottes, des amiraux, des matelots, ce cri, impuissant dans les circonstances actuelles, n'en doit pas moins être le cri de ralliement de la politique européenne. Il a été une époque aussi où la balance du continent semblait un songe, où ce système était traité de chimère, et où les éloquentes dissertations d'Ancillon étaient mises à côté des rêves de l'abbé de Saint-Pierre sur la paix perpétuelle. Si les éléments de la souveraineté des mers sont différents des éléments de la puissance de Napoléon sur terre, ils ne sont pas plus que celle-ci à l'abri de l'influence du temps : les peuples mêmes, qui semblent aujourd'hui former la pierre fondamentale de cette souveraineté, lui porteront peut-être les premiers coups. En attendant, tout système, toute mesure, toute alliance, qui pourrait accélérer cette révolution, doit être le but constant des cabinets, comme la base des jugements de l'histoire.

Il est temps de passer au tableau que nous avons annoncé, et que nous diviserons en deux sections pour le rendre moins confus.

1o Des puissances méridionales et maritimes.

Depuis la fin du dix-septième siècle la politique des nations devait reposer sur deux bases, ou,

Cette vérité, qui n'a été que trop méconnue par tous les cabinets, ou dont ils ont du moins négligé 'application, démontre, suivant moi, un axiome politique non moius important: C'est que, pour l'intérêt et l'honneur du monde, pour la répartition égale des avantages commerciaux et le libre parcours des mers, il faudrait que la plus grande force maritime appartint à une puissance située sur le continent, afin que, si elle voulait en abuser, on pût la forcer, par une ligue générale sur terre, à revenir à un système de modération, de justice et de véritable équilibre. Aussi longtemps que la suprématie maritime appartiendra à une puissance insulaire, on ne pourra en attendre qu'un monopole et un despotisme outrageants. Cette idée ne sera pas neuve pour bien des hommes d'État, mais je ne crois pas néanmoins qu'elle ait été consignée dans aucun ouvrage publié jusqu'à ce jour; elle a bien moins encore servi de point de vue directeur à la politique des cabinets, qui, à l'exception de celui de Londres, eussent été cependant tous intéressés plus ou moins à la faire prévaloir.

Le célèbre Guillaume d'Orange paraît être le seul qui ait saisi cette double combinaison politique, car il attacha tous ses soins à diriger l'attention des puissances européennes sur l'équilibre continental, qui n'était qu'en seconde ligne dans

les grands intérêts du monde, et qui eût été tou- | de l'Europe; on peut encore concevoir qu'elle alliât jours plus facile à établir qu'un équilibre maritime, si l'un ou l'autre venait à être rompu. Ce prince habile arma toutes les passions contre la France, et s'il faut convenir que Louis XIV lui en fournit plus d'une fois les occasions et les moyens, il faut avouer aussi que les vues étroites de plusieurs gouvernements le secondèrent bien mieux qu'il n'aurait pu l'espérer.

Depuis le célèbre acte de navigation rendu par Cromwell, en 1651, la marine anglaise avait commencé à prendre une supériorité qui ne tarda pas à devenir effrayante. Une nation de douze millions d'habitants, insulaire, et dont tout individu était par conséquent marin né; que son isolement du reste de l'Europe mettait à l'abri de toute querelle de la part de ses voisins; qui pouvait, par là, diriger toutes ses vues vers l'accroissement de ses forces maritimes; à qui cet accroissement permettait à son tour d'entreprendre les expéditions lointaines les plus difficiles, ne devait pas manqner, par une telle accumulation de moyens, d'obtenir tôt ou tard, une suprématie décidée, si on ne l'arrêtait pas à temps.

Cette nation était donc menaçante pour le commerce et la prospérité de toutes les puissances européennes, car elle offrait une masse de moyens maritimes, supérieure à tous ceux des autres prises isolément.

Les suites infaillibles que devaient entraîner les fatales journées de la Hogue et de Vigo, auraient dû éveiller l'attention de tous les gouvernements que leurs passions avaient engagés dans une ligue, dont l'ambition de Louis XIV ne fut que le prétexte, et qui devint le premier degré du trône maritime de l'Angleterre (1).

L'Autriche était à cette époque la puissance méditerranée qui marquait le plus dans les affaires

(1) On trouvera dans le cours de ce chapitre une opposition souvent réitérée à la domination des Anglais. Je ne suis guidé dans ces réflexions par aucun sentiment national ou personnel; un Suisse doit estimer la nation anglaise et peut trouver tout simple qu'elle ait cherché à dominer, sur les mers; mais un Européen doit trouver aussi qu'il y aurait plus de bien-être et d'indépendance réelle sur le continent, si l'équilibre maritime existait.

(2) On objectera peut-être que la France, réunissant une grande force maritime à sa puissance continentale,

TONE 1.

ses intérêts à ceux de l'Angleterre pour abaisser la France et pour augmenter l'influence de la maison impériale en Italie et en Allemagne. Cependant il serait possible de démontrer qu'une politique différente n'aurait pas été si éloignée qu'on le croit des vrais intérêts de l'Autriche. Si le cabinet de | Vienne avait protégé les efforts de la France, et aidé l'établissement de sa prépondérance maritime sur les Anglais, il aurait ainsi acquis sa part à la liberté du commerce, à l'augmentation des richesses et de la prospérité des peuples du continent; mais, ce qui était bien plus important encore, il aurait dirigé la moitié de la population de la France, dans les colonies lointaines, ce qui eût diminué son activité dans les guerres continentales (2). Enfin, si le ministère autrichien avait songé que ses bataillons fussent intervenus dans toutes les affaires coloniales des trois parties du monde, dès l'instant où la prépondérance maritime eût été assurée à une puissance continentale, il est probable qu'on aurait pu le décider à vivre en bonne intelligence avec la France, aussi longtemps que celle-ci se fût bornée à diriger ses effort vers la supériorité maritime, sans vouloir asservir le continent.

Mais en admettant même, comme on l'a déjà fait observer, que l'Autriche pût avoir un intérêt plus direct à seconder la cause des Anglais, jamais la Prusse, la Hollande, l'Espagne, l'Italie, le Danemark et la Suède, n'auraient dû se départir du système d'alliance avec la France; et la Russie même, depuis qu'elle a pris une part si active dans les affaires de l'Europe, en donnant des rois et des lois à la Pologne, devait se convaincre de cette vérité : Qu'il fallait aider la France à réduire l'Angleterre à un rôle secondaire; qu'alors seulement l'équilibre maritime, la répartition égale du commerce et des colonies existerait (3), parce que la

aurait été dangereuse pour l'Europe. Je crois que l'exemple de l'Espagne suffira pour prouver que de vastes possessions lointaines et une grande marine énervent les forces sur le continent. La France n'a jamais été plus redoutable pour ses voisins que quand elle a cessé de l'être sur mer et dans l'Inde.

(3) Il paraît que Catherine et son ministre Panin furent guidés par des vues semblables, lorsqu'ils firent l'acte de neutralité armée de 1780, et le traité de commerce de 1787. Les fureurs révolutionnaires vinrent détruire tous les ré

France pourrait être obligée, par une ligue gene- | cherchait qu'à se maintenir et s'estimait heureuse

rale sur terre, à respecter les droits des nations; que par ce moyen seul les colonies appartenant à chaque peuple pouvaient lui être garanties par toutes les puissances, aussi bien que les principes sacrés du respect des neutres et la liberté du commerce dans tous les comptoirs de l'Inde et de l'Amérique.

En admettant donc ces deux vérités politiques comme les bases autour desquelles viennent se rallier tous les intérêts des nations pendant le 18° siècle, il sera facile de s'assurer que, depuis Guillaume III, l'Angleterre seule a marché constamment et par tous les moyens possibles à son but, et qu'elle s'est servie lu système de la balance continentale comme d'une pomme de discorde qui devait déchirer l'Europe et lui faire oublier l'intérêt bien plus grand d'une balance maritime. Tous les autres cabinets au contraire ont varié dans leur marche et dans leurs systèmes, tous ont commis plus ou moins de fautes à des époques différentes. La France elle-même a été loin d'en être exempte; Louis XIV le premier, fournit des armes à la haine de Guillaume, par son invasion de la Hollande, par ses agressions multipliées envers ses voisins; et la France dut paraître d'autant plus redoutable qu'alors l'Angleterre l'était moins. Si Louis et la Hollande s'étaient entendus à cette époque, on aurait pu poser les bases de liens indissolubles entre les deux nations, et la suprématie insulaire n'eût jamais existé; c'était par une ligue franche et sincère de tous les peuples intéressés, et non par un despotisme continental, qu'il fallait éviter le despotisme maritime.

La Hollande commença, par la triple alliance en 1668, ce funeste système de rivalité qui a fondé le pouvoir insulaire, et qui a été la cause première de tous les démêlés impolitiques que la France eut à soutenir ensuite contre les Provinces-Unies. A cette époque, il est vrai que la triple alliance pouvait paraitre excusable, par la situation dans laquelle l'Espagne et la France se trouvaient alors relativement à l'Angleterre ; celle-ci ne songeait pas même au rôle qu'elle devait jouer de nos jours, elle ne

sultats de cet ouvrage. Au reste, je crois devoir rappeler à mes lecteurs qu'il est question ici de la France modérée, entendant ses vrais intérêts, et non de la France

d'atteindre au même rang que ses deux rivales.

Cependant si cette considération peut pallier la faute des Hollandais, elle n'est pas sans réplique. Il me semble au moins qu'une alliance avec la France aurait pu remplir beaucoup mieux le but que cette république de marchands devait se proposer; car elle lui aurait assuré ses colonies, son commerce lointain, et son immense commerce d'entrepôt entre le nord et le midi de l'Europe : l'Angleterre par sa position géographique pouvait seule lui enlever ces avantages, et particulièrement le dernier. L'acquisition de quelques morceaux du Brabant, que l'on contestait à Louis XIV, et la cession de la Franche-Comté, que l'on exigeait de lui, ne devaient pas faire préférer la haine éternelle de ce prince, à des relations d'amitié auxquelles les deux nations ne pouvaient que gagner.

Cette triple union fut le prétexte ou plutôt la cause de l'agression, non moins impolitique, de Louis XIV, qui ne pardonnait pas à la république d'avoir voulu lui imposer des bornes. Les drapeaux français furent arborés jusque sur les digues en vue d'Amsterdam; et si, M. de Pompone était parvenu à rendre Louis raisonnable, et à lui faire accepter la paix que le grand pensionnaire de Witt lui offrait, peut-être que le règne de ce monarque aurait fini par un équilibre maritime, et que jamais armée française n'aurait été appelée à envahir de nouveau une république dont l'existence et la prospérité lui étaient avantageuses.

Cette invasion de 1672 valut à Louis les deux

guerres acharnées que Guillaume lui fit jusqu'en 1713, et la part active que la Hollande y prit. La dernière de ces guerres surtout ne peut être expliquée que par l'examen des passions qui la provoquèrent et l'entretinrent. L'Angleterre seule devait y trouver son intérêt. La paix d'Utrecht vint mettre un terme au bouleversement général de l'Europe; la Hollande n'en retira point un avantage proportionné à ses sacrifices et à l'importance qu'elle avait espéré d'acquérir. Le traité des barrières ne lui en donna pas d'aussi sûres que celles

conquérante, ou voulant tout asservir. Elle a eu quelquefois cette fureur, mais ses ennemis la lui ont supposée trop souvent.

« PreviousContinue »