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contre la nation et ses représentants, et demandait | conduit jusqu'à l'hôtel de ville y est massacré,

la formation des gardes bourgeoises.

Mais, au même instant, des événements plus décisifs se passaient dans la capitale ; il est difficile de se représenter le mouvement impétueux qui soulevait en effet cette grande cité. La foule accourt au Palais-Royal, prend le buste de Necker et celui du duc d'Orléans, les porte en triomphe dans toutes les rues, et voit ainsi grossir progressivement son cortége. En vain des détachements de Royal-allemand opposent une résistance hors de proportion avec les moyens d'attaque, ils sont forcés de se retirer; le prince de Lambesc, assailli de pierres, charge la populace jusque dans les Tuileries; le canon tire, le tocsin sonne, les boutiques d'armuriers sont enfoncées; les scènes tumultueuses se prolongent jusques à la nuit ; des brigands profitent de l'obscurité pour brûler les barrières et s'introduire dans la ville.

Le lendemain (13 juillet), même répétition de désordres; le tocsin sonne de nouveau; la foule faisant armes de tout, se montre encore plus audacieuse que la veille; le Garde-meuble est pillé; on se porte à l'arsenal des Invalides, où trente mille fusils et six canons sont enlevés à la vue d'un camp de dix mille hommes, malgré le simulacre d'opposition de deux régiments. La défense faite aux soldats de tirer, paralyse la force publique; désormais le peuple assuré de l'impunité est en état de tout entreprendre ; et pour achever le bouleversement, un caractère légal est imprimé à ce désordre par le comité des électeurs de Paris, qui s'était déclaré permanent jusqu'à la fin de la session des états généraux.

A l'instant les citoyens armés vont s'inscrire dans leurs districts, et cinquante mille hommes se trouvent organisés en compagnies. Un nouveau refus du roi d'éloigner les troupes vient accroître l'incendie; les rassemblements redoublent le 14. Quelques voix proposent à cette multitude de se diriger sur la Bastille, et de détruire ce boulevard du despotisme où doivent gémir tant de victimes. Aussitôt on se met en marche, on attaque ces tours avec impétuosité; les gardes françaises conduites par leurs sous-officiers se trouvent même à la tête des assaillants: le pont-levis est escaladé; les chaînes en sont brisées; le gouverneur Delaunay

TOME I.

ainsi que plusieurs invalides de sa garnison et le prévôt de Paris; mais au grand étonnement des libérateurs, on ne trouva dans cette fameuse prison d'État, que sept personnes détenues pour délits réels ou pour folie.

A Versailles, l'assemblée était en permanence depuis quarante-huit heures, déclarant qu'elle y resterait jusqu'au renvoi des troupes. La cour était consternée sans connaître pourtant toute l'étendue du péril qui la menaçait.

La révolution a été uniquement attribuée aux progrès de la civilisation et à l'opinion; mais au récit de ces scènes tumultueuses, on se demande naturellement si l'opinion dirigea seule cette levée en masse, ces promenades de bustes, ces attaques du Garde-meuble, des Invalides et de la Bastille, sans opposition de la part des troupes? Était-ce bien l'esprit public qui poussait dans les rangs de la multitude, ces gardes françaises naguères si disciplinées sous le duc de Biron; eût-il opéré seule cette soudaine organisation de milices armées et cette assemblée d'électeurs, ou bien tout ce désordre fut-il réellement l'ouvrage d'un comité conspirateur comme plusieurs écrivains l'ont affirmé ?

Le voile qui couvre ces sombres mystères déjà à moitié déchiré par Bertrand de Molleville, et les détails qu'il donne sur les comités du Palais-Royal et de Mont-Rouge ne laissent guère d'incertitude sur la part que la faction orléaniste, prit à ces révoltes. Sans doute les intérêts du prince, qui lui prêta son nom, ne furent pas le véritable mobile de ces habiles meneurs, et il est bien plus probable qu'ils se servirent de son or et se couvrirent de l'impunité de son rang, pour arriver à leurs fins: s'ils voulurent réellement placer Philippe à la tête du gouvernement, c'était pour en tenir les rênes en son nom; mais il faut convenir que ces conspirateurs manièrent avec une grande habileté l'arme puissante de l'opinion, et qu'en dirigeant adroitement cette nouvelle reine du monde, ils en firent le principal instrument de leurs succès.

A la tête de ce parti figurait Mirabeau, connu par plusieurs écrits polémiques et par sa célèbre réponse au garde des sceaux à la séance du 23 juin. Cet homme extraordinaire semblait réellement né

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pour régir un État. Dédaigné par l'ancien gouver- | de violence; le roi se rendit à l'assemblée et ensuite à Paris pour annoncer le renvoi des troupes, et promettre le rappel de M. Necker. Cette entrée dans la capitale présenta un spectacle aussi imposant que nouveau; plus de cent mille hommes.

de ville attestaient l'ivresse générale que l'espoir de la restauration inspirait. Disons-le à la louange des Français, les partisans d'une liberté raisonnable formaient à cette époque l'immense majorité de la nation.

nement, on attribua son éloignement des affaires aux désordres qui avaient signalé sa jeunesse et fait naître des doutes sur sa moralité; on lui a imputé le projet d'aspirer au ministère et d'avoir voulu placer la cour dans une situation à ne pou-armés, formés en haie depuis Passy jusqu'à l'hôtel voir se passer de ses services, et il faut avouer que si on avait eu recours à lui en 1787, en l'investissant du pouvoir immense conféré à M. de Loménie, il est probable que la révolution n'aurait pas eu lieu. Il serait injuste de dire que Mirabeau n'y ait participé que pour son intérêt particulier; ses principes l'y portaient naturellement. Doué d'un génie vaste et hardi, il voulait de la célébrité; et, considérant l'autorité absolue comme un obstacle au développement des grands talents, il désirait à peu près la constitution anglaise, qui, plus favorable aux discussions publiques, lui assurait une influence proportionnée à son mérite, et semblait satisfaire en même temps l'amour-propre des Français ; l'envie de jouer un rôle s'allia donc à ce qu'il croyait l'intérêt de son pays.

A côté de lui brillait l'abbé Sieyes, d'une éloquence moins ardente, mais homme d'État profond et dissimulé. Attaché au duc d'Orléans, il avait rédigé les fameuses instructions de ce prince aux bailliages; on sait que ce fut lui qui constitua les députés du tiers en assemblée nationale. Le système de ces deux hommes semblait former le point d'appui désiré par Archimède pour ébranler le monde; il n'en fallait pas tant pour renverser l'autorité vacillante d'un prince qui s'abandonnait alternativement à tous les partis, et ne semblait éviter un écueil qu'afin de se précipiter dans un

autre.

Autour d'eux se groupaient Adrien Duport, Latouche, Laclos, tous hommes distingués par leur énergie et leur mérite. L'avocat Target partagea d'abord leur popularité et leur influence; les talents qu'il venait de déployer au barreau avaient enflé sa réputation; on s'aperçut bientôt qu'il est plus facile de déclamer un plaidoyer que de régir un empire.

Le comte d'Artois, ses fils et les princes des maisons de Condé et de Conti, connus pour être les plus chauds partisans des ordres privilégiés et les chefs du parti aristocratique, quittèrent, non sans courir de grands dangers, le territoire français pour chercher dans l'étranger une sûreté sur laquelle ils n'osaient plus compter. Ils furent suivis de M. de Breteuil que le roi chargea de pouvoirs et d'instructions secrètes pour les différents cabinets. Le 16, Bailly fut nommé maire de Paris et Lafayette commandant de la milice parisienne, qui peu de jours après se trouva organisée et habillée à l'instar des régiments de ligne.

A la nouvelle des événements du 14 juillet, les troubles les plus violents se manifestèrent dans les provinces; partout on accusait les nobles de s'opposer à la régénération et à la félicité publique; partout on rappelait les longs griefs qu'on avait contre eux. Plusieurs, à l'imitation des princes du sang, furent contraints à s'expatrier, laissant leurs habitations à la merci d'une population exaspérée.

Un accident grave, arrivé dans un château près de Vesoul, devint peu de temps après le signal de la dévastation. Un grand nombre de châteaux furent livrés aux flammes, et la Franche-Comté surtout se distingua par ses violences envers les gentilshommes. Une disette alarmante venait ajouter à ce sombre tableau.

L'armée ne tarda pas à suivre l'exemple des gardes françaises; celles-ci sourdement instiguées avaient déjà prouvé au 14 juillet ce qu'il fallait en attendre. Un grand nombre des leurs demandèrent à Le résultat de leurs premières entreprises ayant passer dans les gardes parisiennes où plusieurs bassurpassé ce qu'ils pouvaient s'en promettre, on de- officiers furent placés avec avantage (même comme vait bien s'attendre qu'ils n'en resteraient pas capitaines), et où les soldats formèrent plusieurs Les événements se pressèrent dès lors avec plus compagnies soldées. Quelque surprise qu'on éprouve

là.

en voyant un corps d'élite comme les gardes du | minorité de leur caste, n'en devenaient que plus roi, changer ce rôle contre celui de soldats de La- ardents ennemis du nouvel ordre de choses, et la fayette, il faut avouer que cet événement aurait eu haine qu'on leur portait s'en accrut. son bon côté en donnant à ce général l'autorité nécessaire sur les autres bataillons de gardes nationales, et le mettant en état de s'opposer aux désordres de la population, si ces compagnies n'avaient pas été elles-mêmes à la disposition des agitateurs. L'exemple qu'elles venaient de donner fut bientôt contagieux ; c'était à qui abandonnerait les drapeaux du roi pour se ranger sous ceux de la nation, comme si ces deux mots ne devaient pas être toujours synonymes. La marine même ne resta pas exempte de la contagion, de nombreux désordres eurent lieu dans tous les ports.

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La révolution aurait dû se terminer là, car la masse de la nation venait d'obtenir tout ce que l'esprit du siècle réclamait impérieusement; des hommes éclairés possédant sa confiance et investis d'une autorité sans bornes pouvaient procéder avec calme et dignité à la rédaction de cette charte constitutionnelle qui faisait l'espoir de tous. Mais l'anarchie s'était déjà introduite dans l'État. Montesquieu a dit : « Qu'il est dangereux pour les >> peuples de changer le principe de leur gouver» nement, parce que le ressort de l'ancien étant brisé, celui du nouveau lui succède avec lenQuelques rayons consolateurs venaient de loin >>teur; il s'établit une crise durant laquelle la mulen loin éclairer cet horizon couvert des plus af- »titude, dégagée des entraves des lois anciennes freux nuages. Le retour de Necker et la séance » par l'approche des lois nouvelles, brise le condu 4 août furent de ces interstices heureux. Ce mi>> trat social, en sorte que la force est substituée à nistre avait reçu à Bâle la nouvelle de son rappel; » la justice. » Cette sentence du plus grand des puson retour fut un véritable triomphe, et l'ivresse blicistes, est en deux mots l'histoire de la révolution. qu'on manifesta lors de son apparition à l'assemblée Outre le comité insurrectionnel dont nous avons nationale et à l'hôtel de ville de Paris, contrastant parlé, il s'élevait en effet, au milieu de l'effervessingulièrement avec la position critique de la cour, cence et de l'agitation des partis, des autorités illéoffre un exemple remarquable des vicissitudes de gales qui devaient un jour porter le dernier coup la fortune. Le citoyen de Genève reprenait pour la à la monarchie, et dominer jusqu'aux travaux de troisième fois le timon de l'État, plus puissant en cette assemblée qui se montrait avec tant d'énerapparence que le roi dont il avait, en quelque gie dans ses débuts. La nomination de Lafayette au sorte, ébranlé l'autorité; mais son illusion fut de commandement d'une milice de cinquante mille courte durée: idole d'une faction que la victoire hommes indépendante de l'autorité royale, venait avait rendue orgueilleuse, il ne pouvait compter de créer une puissance effective bien supérieure à sur son culte qu'en servant ses passions, et sa celle du gouvernement, qui disposait à peine d'un chute fut inévitable dès l'instant où il se trouva en régiment. Un pouvoir civil formidable s'était instiopposition avec elle. tué au milieu de l'agitation. L'assemblée des électeurs de Paris qui aurait dû cesser d'exister après la nomination des députés de la capitale, et dont nous avons signalé l'institution arbitraire, tenait des séances, et délibérant au nom des habitants de cette grande cité, s'était saisie d'une influence décisive.

La population de Paris, divisée en soixante dis

Le 4 août, l'assemblée délibérant sur les propositions de MM. de Noailles et d'Aiguillon, députés de la noblesse, prononça l'abolition de tous les priviléges. Il fut sublime et touchant le tableau de cette nuit célèbre, dans laquelle on vit une noblesse généreuse, se dépouiller de ses droits les plus chers, et un clergé renoncer à des bénéfices devenus l'objet de tant de réclamations! On frappa destricts et en soixante bataillons armés, pouvait recemédailles pour perpétuer la mémoire de cet événement, et le roi fut proclamé le restaurateur de la monarchie. Cependant ces décrets n'atteignirent point leur but; on remarqua même que les nobles de province, mécontents des concessions de cette

voir en quelques heures l'impulsion qu'il plaisait aux meneurs de l'assemblée, au comité électoral, ou au général Lafayettte de lui imprimer. Cet exemple fut incessamment imité dans tout le royaume; trois millions d'hommes armés, habillés et orga

nisés, couvrirent le sol de la France et la transfor- | pour atteindre en quelque sorte les hautes destimèrent en un vaste camp, commandé par mille in-nées auxquelles elle s'était vue appelée : elle perdividus et à la disposition de toutes les autorités, hors celle du roi.

Les districts se composaient de la réunion des citoyens jaloux de discuter sur les affaires publiques; ils avaient leurs présidents qui se trouvaient à la fois magistrats municipaux et présidents d'assemblées tumultueuses; c'étaient autant de forum où le peuple allait s'exalter contre le gouvernement. On avait placé à la tête de ces sections des hommes distingués par leur éloquence populaire, et Mirabeau s'était attaché à y mettre des agents de son choix. Danton que nous aurons occasion de citer trop souvent présida d'abord le district des Cordeliers.

sévérait avec énergie et constance dans ses travaux, dont elle se promettait la restauration du royaume et la rédaction d'une nouvelle constitution qui en assurât le bonheur; elle eût incontestablement atteint ce but si, entraînée par de faux dogmes, elle n'avait cru augmenter la liberté publique de tout ce qu'elle ôterait à la prérogative royale.

Le parti qui voulait conserver à la monarchie un reste de majesté et de vigueur, désirait la constitution anglaise avec ses deux chambres. Mais si le roi, les nobles et le haut clergé voyaient dans l'établissement des pairs, un moyen réel de mettre un frein à l'esprit de nivellement qui se manifestait déjà avec tant de violence, les novateurs, par la même raison, craignaient de perdre leur influence et préféraient une seule chambre, parce qu'assurés de la majorité ils étaient certains de gouverner. Un jeu de mots de Rabaud-St-Étienne décida d'une matière si importante et si grave; l'unité de la législation fut décrétée par comparaison avec celle de la divinité.

Une association qui ne tarda pas à étonner l'Europe par son audace et ses forfaits, prit aussi naissance dès ces premiers temps; nous voulons parler des jacobins. Dans l'origine, cette société se composa d'hommes probes, exaltés peut-être dans leurs idées, mais au moins excusables par la sincérité de leur attachement à la liberté. Des patriotes assemblés pour aviser aux moyens de faire Le parti d'Orléans n'était pas le seul qui saisit triompher les principes auxquels ils rattachaient avec empressement toutes les occasions d'abaisser toute la grandeur et le bonheur de leur pays, en le pouvoir exécutif; la faction américaine, à la furent les fondateurs. Une telle réunion put être tête de laquelle on peut placer Lameth et Lafayette, utile quand les seuls magistrats s'y rendaient, afin comptait des adversaires non moins redoutables de s'éclairer sur la marche des affaires ou d'y con- pour la cour : peut-être plus pure dans ses princerter des mesures utiles à la chose publique; mais cipes de liberté, elle n'était pas moins exagérée des intrigants s'introduisirent insensiblement dans dans l'application qu'elle en faisait. La constituses rangs. Soit qu'ils jugeassent du premier abord tion des États-Unis pour laquelle les chefs de ce toute la puissance qu'une telle arme mettrait in- parti avaient combattu, était à leurs yeux le profailliblement dans leurs mains, soit qu'ils n'en eus-totype de tout contrat social bien ordonné; moins sent acquis l'expérience qu'à mesure de leurs progrès, il est certain que les jacobins, à l'instar de nouveaux sectaires, animés de prosélytisme, couvrirent de leurs ramifications, les parties les plus reculées de la France, et correspondirent régulièrement avec le centre établi à Paris. Une seconde puissance se forma ainsi dans l'État; l'esprit de secte l'emporta sur l'esprit public, et peu à peu l'étranger, l'intrigant, le mécontent et le fougueux anarchiste, dominèrent ces réunions tumultueuses, où les avis les plus violents l'emportaient sur le langage de la raison.

Cependant, l'assemblée faisait tous ses efforts,

on s'en écartait, plus on se croyait près de la per fection. On associait les idées de bonheur que le sénat de Washington faisait naître, aux souvenirs de grandeur que le sénat romain avait transmis ; et bien des hommes de bonne foi crurent un instant, que la nation qui posséderait des institutions calquées sur ce modèle, ferait le bonheur du genre humain, en renouvelant les beaux jours de Rome et d'Athènes: ils ne songeaient pas que le monde a bien changé de face, non-seulement par la différence des mœurs, mais encore par celle qui existe dans les rapports des États entre eux.

Ces belles illusions, et ces doctrines aussi sédui

santes en apparence que peu solides en réalité, | répandit que le roi voulait partir pour Metz, eurent une influence marquée sur tous les travaux de l'assemblée.

Les premiers pas faits, les réformateurs sentirent bien qu'ils ne pouvaient plus reculer, car s'ils n'enchaînaient l'autorité par de nouvelles institutions, ils resteraient en butte à leurs ennemis comme à la vengeance de la cour et des grands. Une fausse démarche en entraîne toujours une autre, surtout en révolution; plus on sappait l'autorité du prince, plus la réconciliation avec la noblesse, le ministère et la famille royale, devenait illusoire, plus l'anarchie devait augmenter.

Tous les travaux du comité chargé de préparer les décrets constitutionnels, se ressentirent de cet esprit ; si plusieurs de ces actes portent un grand caractère de sagesse et de libéralité, d'autres, et c'étaient malheureusement les plus importants, recevaient l'empreinte des passions et des intérêts particuliers. Réduire le pouvoir exécutif à une nullité presque absolue, renforcer l'autorité législative de toute celle qu'on enlevait au ministère; tels furent les principes des articles adoptés successivement par l'assemblée. Non contents d'enlever à l'administration la force indispensable pour faire marcher les rouages compliqués qui assurent son action, et de resserrer les bornes de l'autorité royale, ces législateurs inquiets s'affranchirent enfin de toute gêne dans leurs opérations, en décrétant le 21 septembre, que la sanction du roi ne serait plus nécessaire pour donner force à leurs lois, et qu'elle ne compterait qu'à dater de la seconde législation; mesure injuste, révolutionnaire, qui portait à son comble l'avilissement du trône et qui acheva d'aliéner tous ses partisans.

afin

de se mettre à la tête d'une armée et de rentrer à Paris pour punir les amis de la révolution. Les esprits fermentaient de nouveau lorsqu'une fète, insignifiante en elle-même, vint donner lieu à la catastrophe du 6 octobre.

Soit pour protéger la personne du roi, soit pour assurer réellement son départ, on avait attiré à Versailles le régiment de Flandre et un de dragons; beaucoup d'officiers étaient accourus des différentes garnisons, et cette ville fourmillait de chevaliers de Saint-Louis. Un banquet donné par les gardes du corps à ces nouveaux venus devint le prétexte d'une conspiration. On publia que la reine, à l'instar de Marie-Thérèse, avait présenté le dauphin à l'issue de ce repas, au moment où l'on introduisait dans les salles une foule de soldats des gardes, et que l'épée nue à la main ceux-ci avaient fait le serment de défendre la famille royale. Après le départ de la cour, le vin échauffant les têtes, de jeunes imprudent escaladèrent les loges du théâtre, et arrachèrent, dit-on, la cocarde nationale à ceux qui la portaient.

Ces bruits semés dans Paris avec affectation par une quantité d'agents subalternes, sont accompagnés de conjectures alarmantes: on veut, disent-ils, enlever le roi, le placer à la tête d'une force considérable, dissoudre l'assemblée et punir le peuple ; déjà on cherche à affamer la capitale pour la réduire; enfin, en avilissant la cocarde nationale, on veut y substituer les couleurs de l'aristocratie; la contre-révolution est certaine, la réaction sera terrible. Bientôt une nuée de femmes du plus bas étage se rassemble devant l'hôtel de ville, criant du pain et Versailles! assemblage de noms bien étrange et qui prouve que ce mouvement fut le résultat d'un complot. Après un long tumulte dont l'intensité augmente à mesure que la foule se rassemble, ces femmes forcent l'hôtel de ville, y prennent des armes, du canon, et partent pour Versailles, sous la conduite d'un nommé Maillard.

Les mois d'août et de septembre se passèrent sans secousse; mais les premiers jours d'octobre furent signalés par un événement sinistre, qui remplit d'effroi les amis de l'ordre, indigna tous les souverains de l'Europe, et dont les suites furent incalculables, puisqu'il servit de prétexte aux ennemis de la France et à ceux de la révolution pour s'ar-les hommes sages sincèrement attachés à la liberté, mer de concert.

La disette n'avait fait que croître depuis le mois de juillet, et comme elle n'était pas naturelle, on l'attribuait universellement aux menées des agents du parti aristocratique. D'un autre côté le bruit se

Cependant si le bruit du départ du roi alarme

on craint avec plus d'anxiété encore les excès de la populace qui s'est rendue à Versailles. La garde nationale excitée sans doute par d'adroites insinuations veut y marcher et amener le roi à Paris pour le mettre en sûreté contre ces deux dangers; La

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