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PREMIÈRE PÉRIODE DE LA CAMPAGNE DE 1793.

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État de l'Europe au commencement de 1793. Jugement et mort de Louis XVI; indignation de tous les cabinets à la nouvelle de cette catastrophe. Déclaration de guerre à l'Angleterre et à la Hollande. Le roi d'Espagne ayant fait de vaines réclamations pour sauver Louis, s'arme pour le venger : la convention lui déclare de même la guerre. Les Prussiens entrent en Pologne sous le maréchal Mollendorf. Préparatifs de tous les partis : Dubois-Crancé propose de porter les armées à 502,000 hommes, en indiquant la direction à donner à ces masses. Singuliers projets des Français sur la Zélande et la Hollande; Dumouriez s'engage contre toutes les règles dans ce pays, prend Breda et assiége Wilhemstadt, au moment où le prince de Cobourg rassemble ses forces vers Juliers. Le duc d'York descend avec les gardes anglaises à Rotterdam. Déroute Miranda bombarde Maestricht. d'Aix-la-Chapelle et de Liége; Dumouriez tarde de voler au secours de sa droite, et an lieu de ramener ses troupes avec lui, les laisse engagées sur le Biesbos; il joint l'armée à Tirlemont, et perd la bataille de Nerwinden.- L'armée française rentre en désordre sur les frontières du Nord. Dumouriez propose aux Autrichiens de marcher sur Paris, pour dissoudre la convention, et rétablir l'ordre; ses conférences avec Mack; la convention envoie le ministre de la guerre et cinq députés pour le mander à la barre; il les livre aux Impériaux, à l'exception de Carnot resté par hasard à Douay; son armée l'abandonne, et le force à se réfugier dans le camp ennemi. Le roi de Prusse passe le Rhin à Bacharach, Custine lai oppose des forces disséminées, se fait battre sur la Nahe, et se retire sous Landau. - Investissement de Mayence. · Congrès d'Anvers où les alliés règlent leurs opérations pour la campagne. Ils bloquent Condé. Les forces Tentatives infructueuses de Dampierre; il est tué. combinées anglaises, hollandaises et hanovriennes étant enfin réunies aux Autrichiens, attaquent le camp de Famars; l'armée française se retire au camp de César, entre Bouchain et Cambray. Troubles dans la Vendée; premiers succès des royalistes; journées de Thouars, Fontenay et Saumur; Angers et Nantes sont menacés. Progrès de l'anarchie dans l'intérieur. - Agitation produite par la défection de Dumouriez, la défaite de Custine, et les désastres de la Vendée. Envoi de commissaires près des armées. Décret pour la levée de 40,000 hommes destinés à couvrir la convention. Les girondins attaqués par Robespierre, succombent. - Journée du 31 mai; elle excite un soulèvement dans toute la France, surtout à Lyon, Bordeaux, Marseille et Caen. Siége de Valenciennes ; cette place et celle de Condé sont prêtes à succomber : Custine appelé du Rhin pour les sauver, tarde à marcher à leur secours; elles tombent, et le général est condamné à mort. Le siége de Mayence est commencé. Le général Beauharnais s'avance avec les armées du Rhin et de la Moselle, au moment où la place vient de capituler; il porte également sa tête sur l'échafaud.— L'armée d'Italie a éprouvé des défaites le 8 février: elle renouvelle au mois de juin des tentatives inutiles contre le camp de Raus et de Lauthion ; ses colonnes sont mises en déroute.

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Aux Pyrénées, les mêmes revers menacent les armées françaises; Bellegarde et le fort des Bains sont pris par Ricardos; Collioure et Port - Vendre sont observés, et Perpignan menacé. Le général Flers repousse heureusement l'ennemi à Maz de-Roz et Niel. La faible armée des Pyrénées occidentales est battue par Caro, à Suré, Andaye et Château-Pignon. Servan arrêté et conduit à Paris. — Kellermann avec la moitié de l'armée des Alpes marche contre Lyon. Les royalistes livrent Toulon aux Anglais et aux Espagnols. Progrès de la Vendée.

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La force déployée par la France fut au contraire

faut convenir aussi qu'il n'est pas de situation produite par la terrible loi qui investit les comités

déplorable et plus funeste pour un grand peuple, que celle d'être constamment en guerre avec les hommes investis du droit honorable mais épineux de le gouverner,

de plus de pouvoir que jamais Mahomet II ou Soliman n'en exercèrent dans leur empire.

Quelques hommes superficiels confondant l'effet du remède avec celui du mal, pensent encore que

sans le concours des comités, de la terreur et de l'armée révolutionnaire. Ils sont dans l'erreur : Napoléon a prouvé en 1815 que cela était impossible, et cet exemple, aussi récent que mémorable, aurait dû dessiller les yeux de ceux qui ne cherchent dans l'histoire que des subtilités doctrinaires, tout au plus bonnes à séduire la multitude.

Lorsqu'une nation portant sans cesse des regards jaloux et inquiets sur le palais de ses rois, s'aveu-les immenses résultats de 1793, se reproduiraient gle au point de n'y voir que des ennemis : lorsqu'elle oublie qu'ils ont l'auguste mission de la faire respecter au dehors, de lui ménager d'utiles alliances, de diriger des guerres nécessaires, de maintenir l'ordre et la justice au dedans; et que pour remplir dignement leur mandat, ils doivent être revêtus non-seulement de toute la vigueur des institutions, mais encore de toute celle que procure la confiance publique; cette nation, dis-je, sera bien près de sa ruine ou d'une crise semblable à celle de 1793. Privé de pouvoir au dedans, dépouillé de toute considération au dehors, son gouvernement n'inspirant aucune confiance, restera sans alliés. Abandonné des étrangers, envié, humilié et contrarié par les siens, il deviendra bientôt la proie de ses ennemis (1).

Les événements extraordinaires que nous allons esquisser, sont loin de détruire ces assertions. A la vérité, les querelles intestines et l'anarchie au lieu d'affaiblir la France, la rendirent un moment plus redoutable. Mais on ne saurait se méprendre sur la cause de ce résultat inopiné, et l'attribuer à un conflit pernicieux entre les administrés et ceux qui tenaient le timon de l'État.

Lorsque dans son profond discours, sur le droit de guerre et de paix (2), l'éloquent Maury rappelait à l'assemblée constituante le projet formé par le cardinal Mazarin pour introduire la forme républicaine en Angleterre, afin, disait-il, d'atténuer la force politique de cette nation par des lenteurs, des chocs d'intérêts et des dissensions intestines, il était loin sans doute de penser que le cabinet de Saint-James ferait éprouver sitôt à la France les effets de ce même système, et que la révolution qu'il encourageait avec art, serait encore plus féconde en vertus et en crimes, en traits de génies et en fautes que celle tracée en caractères de sang dans les annales de 1643 à 1647.

Les Anglais, plus sages aujourd'hui que sous Charles I, professaient des maximes bien différentes convaincus qu'une réforme parlementaire

des magistrats, dont les principes s'accordent avec le système du ministère. Car, en dernière analyse, une nation ne peut ni prospérer ni se maintenir de nos jours sans un système arrêté et fortement suivi ; et quel moyen de fonder et de suivre un tel système quand tous les fonctionnaires publics appelés à en former les plus puissants rouages, lui opposeront, au contraire, des obstacles invincibles. Le mécanisme de l'administration anglaise qu'on propose si souvent comme modèle, est tout entier dans cette facilité d'obtenir les suffrages nécessaires au gouvernement, pour ne pas voir sa marche sans cesse entravée : les communes ne deviennent alors qu'un conseil national propre à manifester à l'autorité, le vœu et l'intérêt public: si l'Angleterre dépouillait jamais son gouvernement de ce puissant levier, elle aurait tout à craindre d'un bonleversement.

(1) L'opposition au gouvernement est devenue en quel-propres provinces, et qu'on sera hors d'état d'y faire élire que sorte une fausse bannière sous laquelle se sont rangés indistinctement, l'amour de l'indépendance, celui de la patrie et d'une liberté raisonnable, l'orgueil, les prétentions démagogiques, enfin l'esprit d'anarchie et de nivellement; choses qui, malgré leur divergence, se confondent dans la haine commune vouée à l'autorité. Cette ardeur d'opposition a été poussée si loin, qu'on entend tous les jours des hommes aussi respectables qu'éclairés, se lamenter de ce que le ministère exerce la moindre influence dans les élections. Quelque disposé que l'on soit en faveur des doctrines philosophiques, il importe avant d'admettre celle-ci, qu'on nous apprenne le secret de gouverner 30,000,000 d'hommes, de les mettre en rapports avantageux avec 200,000,000 d'Européens ou d'Américains, de lutter au besoin contre des ligues formidables de rivaux jaloux et puissants, quand on n'aura pas même l'ombre de crédit dans les colléges électoraux de ses

(2) Séance du 18 mai 1790.

Le ministère ne négligea aucun moyen pour entretenir les esprits dans cette disposition, en rappelant sans cesse aux diverses classes de la nation les dangers dont leurs plus chers intérêts seraient menacés, si jamais la licence populaire venait en envahir l'autorité. Il leur présentait les périls de la patrie, associés à ceux de leurs béné

çaient le commerce et l'industrie nationale. Pairs, nobles, marins, négociants, s'empressèrent à l'envi de se rallier au gouvernement, et celui-ci appuyé

serait juste, ils sentaient aussi que les passions sou- | publiques, sentaient d'autant mieux ce qu'on aurait levées par les débats survenus en France, rendraient à redouter de ses succès. très-dangereuse la moindre démarche qu'on ferait pour l'obtenir : l'expérience leur démontrait qu'il valait mieux tolérer quelques abus que de commencer une discussion dont on ne saurait prévoir ni la fin ni les résultats. Ce sont les événements extérieurs qui détruisent les empires disaient leurs orateurs, patriotes plus éclairés que Brissot; et non les imperfections des lois auxquelles les hom-fices ou de leurs charges, comme à ceux qui menames sont habitués. Nos pères ont ainsi vécu et ils furent grands et heureux sous Henri V, sous Elisabeth, sous Anne et sous Guillaume. Nous sommes sûrs de la marche de la loi, quelque dé-sur l'opinion, se voyant en état de tout entreprenfectueuse qu'elle soit, sommes-nous sûrs de celle qui la remplacera ? Laissons faire le temps. Ce n'était pas seulement sous le rapport de ces débats intérieurs que les choses avaient bien changé de face depuis le règne de Charles: si l'anarchie fuyant les rives de la Tamise s'était transportée sur celles de la Seine, en échange la profonde politique de Mazarin s'était réfugiée à Londres. Les hommes d'État veillant aux destinées de l'Angleterre jugeaient bien que dans la situation respective des deux puissances, ils pouvaient, avec l'aide de l'Europe coalisée, faire bien plus de mal à la France, que jamais le cardinal italien n'en avait souhaité aux îles Britanniques.

Tous les vices inhérents au régime républicain se développaient déjà avec d'autant plus de force, que les esprits n'y étaient point préparés ; l'intrigue, l'égoïsme, l'ambition, l'esprit de faction, déchiraient à l'envi les diverses branches du service public. Un patriotisme pur, désintéressé et éclairé, apanage du plus petit nombre était le masque commode sous lequel se cachaient toutes les ambi

tions.

Cet état de choses était doublement avantageux aux vues de l'habile ministre qui dirigeait l'Angleterre, car le désordre dont la France était affligée, ralliait au chancelier de l'échiquier, ceux mêmes qui avaient été les plus ardents admirateurs de la révolution, et qui craignaient maintenant pour leur patrie, tous les excès de la fureur démagogique. Si le parti démocratique en concevait quelques espérances, la masse éclairée de la nation et ceux qui avaient voix dans les affaires

dre, adopta le système auquel l'Angleterre est redevable de sa grandeur actuelle.

Rejeter chaque projet de réforme parlementaire qui diminuerait infailliblement les ressorts de l'administration; se créer peu à peu un pouvoir dictatorial par les lois répressives de la liberté individuelle et de la presse (1); augmenter l'influence du parti aristocratique; réduire au silence celui des whigs et de l'opposition, devenus menaçants depuis la guerre d'Amérique; les dépopulariser en les comparant aux niveleurs, ou en les accusant de projets contraires à la prospérité et à la constitution britanniques. Tel fut en peu de mots le plan profondément médité que Pitt mit à exécu tion dès 1791.

Bientôt toute idée de réforme constitutionnelle dans le mode des élections fut présentée comme un crime; Burke, Windham, le duc de Portland et son parti, quittèrent les bancs de l'opposition pour s'asseoir sur celui du ministère. Les sociétés secrètes, dont le premier de ces orateurs menaçait sans cesse le roi et la nation, comme tramant le bouleversement de l'empire, discréditèrent Fox et le parti de l'opposition, au moment décisif où ils eussent balancé la puissance ministérielle : ces sociétés existèrent, il est vrai; mais le silence du gouvernement pendant plusieurs années, et son embarras lorsqu'il fut question de les traduire sérieusement au banc du roi, contribuèrent de concert avec l'étrange issue de ce procès, à faire croire

(1) Suspension de l'Habeas Corpus, et lois contre les libelles.

qu'elles agirent souvent dans les intérêts du cabinet, bien qu'elles parussent professer tous les principes des jacobins.

Assuré ainsi de son triomphe, fort des armes que les dangers de la Hollande lui prêtaient pour rendre la guerre populaire et empêcher qu'on ne l'envisageât comme une guerre de parti, Pitt en poussait les préparatifs avec activité avant d'en retracer les événements, il convient toutefois de revenir sur ce qui se passait dans la république.

Quoique les affaires eussent pris d'abord une tournure à laquelle on ne s'attendait guère, et que la France, sortie victorieuse de la lutte engagée avec les principales puissances de l'Europe, eût déjoué les combinaisons des diplomates les plus profonds, en donnant au monde une grande preuve de la fragilité des calculs humains, il n'est pas moins vrai que ce mécompte dans les combinaisons des cabinets du continent, était loin d'en être un dans celles de l'Angleterre.

Lors même que ces succès inattendus ne fussent pas devenus aussi funestes que des revers, par l'exaltation qu'ils produisirent dans la convention, et l'excès de confiance qu'ils inspirèrent à ses généraux, la supériorité dans les deux Indes et sur toutes les mers n'en eût pas moins été acquise au cabinet de Saint-James, et peu lui importait que la France s'emparât de quelques provinces, quand il lui enlevait toutes ses alliances et jusqu'au moindre espoir de soutenir désormais un équilibre maritime et colonial.

Ces hommes ardents, croyant dicter des lois aux potentats de l'Europe avec autant de facilité qu'au malheureux Louis, n'hésitèrent plus à les provoquer tous, en commençant son procès. Quelque répugnance que nous ayons à retracer cet événement déplorable, la nécessité d'indiquer les causes qui grossirent la coalition, et allumèrent la guerre de la Vendée, nous a déterminé à en faire l'esquisse.

L'assassinat juridique de Louis est un de ces attentats que l'on voit, dans l'immensité des siècles, venir de loin en loin épouvanter les peuples et les rois : les suites en furent incalculables, elles imprimèrent à la politique extérieure un mouvement terrible, et donnèrent à la tyrannie démagogique, qui ne s'était jusqu'alors signalée que par des excès tumultueux, le caractère d'une cruauté froide et réfléchie.

Les détails de ce procès sont tellement célèbres, qu'il serait presqu'aussi superflu que pénible d'en entretenir longuement nos lecteurs. Nous nous contenterons de remarquer que la mise en juge ment de Louis XVI, était une violation de la charte, d'après laquelle le monarque accusé n'était passible que de la déchéance. L'assemblée s'était hâtée de la prononcer après le 10 août, et c'était là que devait s'arrêter sa vengeance; mais nous l'avons déjà dit, une faute en appelle toujours une autre ; la passion égare les hommes, et les porte bientôt aux derniers excès, moins encore pour les délivrer de remords que pour les affranchir de craintes. L'histoire des révolutions de tous les peuples vient à l'appui de cette observation, et ne permet pas d'en contester la justesse.

Indépendamment de ces considérations importantes, rien n'était moins certain que la conservation de ces avantages passagers et de ces provinces nouvellement acquises. Si Dumouriez eût rejeté Les plus déterminés des jacobins, ceux qui pres Clairfayt jusque sur la Lahn, et que le conseil exé-saient avec le plus d'acharnement la mise en jugecutif, envoyant 10,000 hommes de plus à Nice, eût songé à demander à temps les levées nécessaires pour se maintenir sur les deux lignes du Rhin et des Alpes, nul doute que la France n'eût pu défendre ses conquêtes, et braver longtemps les efforts de l'Europe, à l'abri des barrières que la nature semble avoir créées pour elle. Mais ces mesures décisives ayant été négligées, les succès des armées ne furent qu'éphémères, ils irritèrent en pure perte la Prusse et l'Autriche, pour enfler l'orgueil des jacobins.

ment de Louis, ne se dissimulaient pas le vice radical d'une procédure pareille. Aussi, l'un deux se tira de l'embarras où le jetaient quelques arguments de ce genre, en répondant : « Nous ne juge»rons pas Louis; nous le tuerons. » Toute la politique de ce temps est renfermée dans ces mots. La vie du monarque captif se trouvait maintenant dépendre de la solution de deux questions agitées dans l'assemblée: Louis peut-il être jugé, et sera-ce la convention qui le jugera? Ces deux questions cumulées par surprise, furent décidées

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