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après la déclaration de guerre, à se mettre en marche pour le Rhin; mais, par une lenteur aussi fatale aux succès de leurs armes qu'à la famille royale qu'elles voulaient sauver, ces troupes n'arrivèrent à Coblentz qu'à la fin de juillet. Dès longtemps, et même avant la guerre, on avait débattu à Vienne et à Berlin le plan d'opérations convenable. Le duc de Brunswick, appelé à Potzdam, y avait eu le 11 février des conférences à ce sujet avec le roi et le comte de Schulembourg. Le prince de Hohenlohe-Kirchberg s'y était rendu plus tard, pour stipuler la part que l'armée impériale devait y prendre. Enfin le 19 juillet, l'Empereur, le roi de Prusse et le duc de Brunswick s'étaient réunis à Mayence, où ils arrêtèrent les dispositions sui

vantes :

1o Le prince d'Esterhazi, renforcé de 5,000 émigrés aux ordres du prince de Condé, placé sur la rive droite du Rhin, était chargé de menacer les frontières de France depuis la Suisse jusqu'à Philipsbourg.

2o Le comte d'Erbach devait remplir le même objet sur la rive gauche du fleuve, depuis ce point jusqu'à la Sarre.

:

3 Les Prussiens et les Hessois, renforcés par 12,000 émigrés, réunis à Trèves ou aux environs de Coblentz, sous les ordres des princes frères de Louis XVI, formaient l'armée principale d'invasion elle devait remonter la rive gauche de la Moselle, venir par Luxembourg attaquer Longwy, et au besoin Montmédi; se porter ensuite sur Verdun, place hors d'état de faire une longue résistance; enfin, de là se diriger selon les événements par Châlons sur Paris.

4o Le prince de Hohenlohe - Kirchberg (1), après s'être séparé du comte d'Erbach, était destiné à passer la Moselle entre Thionville et Trèves, pour couvrir la gauche des Prussiens et attaquer successivement Thionville et Metz, où l'on avait des intelligences.

bon dans les Pays-Bas et le Luxembourg, était destiné à couvrir la droite des Prussiens, et devait à cet effet passer la Chiers entre Montmédi et Sedan; laisser quelques troupes devant Sedan et Mézières, pousser l'armée de Lafayette qui couvrait ces deux places, traverser la Meuse entre Verdun et Sedan pour marcher à Reims, et se mettre en mesure de suivre également la route de Paris par Fismes et Soissons, à moins qu'il ne parût plus convenable de se rejeter à droite pour prendre à revers les troupes et les places françaises du Hainaut et de la Flandre.

6° Le corps autrichien des Pays-Bas, aux ordres du duc de Saxe-Teschen, devait faciliter l'invasion de la grande armée au moyen d'une diversion sur ces places, que l'on supposait trouver naturellement dégarnies.

L'emplacement des forces des deux partis à cette époque est indiqué au tableau ci-joint.

On remarquait déjà avec peine que les émigrés, au lieu de former une masse respectable propre à servir de ralliement aux Français, fussent divisés en plusieurs corps. La politique allemande, fermant les yeux sur les inconvénients de ce partage, n'en vit que les avantages: sans doute elle espérait, en montrant les troupes royales sur plusieurs points, étendre l'influence que leurs relations devaient exercer sur le pays.

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Les scènes du 20 juin inspiraient déjà des crain5o Le général comte de Clairfayt, renforcé de tes pour les jours du roi : M. de Calonne et les con4,000 émigrés rassemblés par le duc de Bour-seils pressaient l'expédition de tout leur pouvoir,

(1) Il y avait à cette armée deux généraux du même nom qu'il ne faut pas confondre ; le prince de HohenloheKirchberg, commandait un corps d'armée autrichien; le prince de Hohenlohe-Ingelfingen, commandait l'avant

garde prussienne : ce dernier acquit depuis une funeste célébrité par la bataille de Jéna, et la capitulation de Prenzlow.

L'armée prussienne enfin réunie près de Coblentz, n'attendait que le signal de se mettre en mouvement. L'aspect de ces bataillons instruit, et disciplinés par les vétérans de Potzdam; la tenue martiale des Autrichiens, aguerris dans les campagnes contre les Turcs, semblaient justifier les espérances qu'on plaçait dans cette expédition. Les émigrés disaient sans cesse aux alliés qu'ils n'avaient qu'à se présenter pour vaincre ; ils aimaient à l'entendre dire, et semblaient redoubler d'ardeur et de fierté.

Mais avant d'en venir au récit de leurs opérations, il convient de jeter un coup d'œil sur la position respective des deux partis, de décrire leur ligne d'opérations, et d'examiner la manière dont ils l'embrassèrent.

Les frontières qui séparaient alors le nord et l'est de la France des États voisins, peuvent être divisées, en trois lignes : la première est renfermée entre la Suisse et Landau; la deuxième comprend l'intervalle depuis cette place jusqu'à la Meuse à Givet; la troisième part de ce point jusqu'à Dunkerque.

La neutralité de la Suisse et la place de Besançon flanquent l'extrême droite de cette première ligne, dont le front redoutable est couvert par le Rhin et par une double barrière de places fortes, telles que Huningue, Brisach, Schelestadt, FortVauban, Strasbourg, Landau, en première ligne; Béfort, Phalsbourg et Bitsch en deuxième. La chaîne des Vosges, aride et souvent impraticable, forme une troisième barrière non moins avantageuse; l'espace entre le Rhin et cette chaîne est communément d'environ six lieues. Une armée qui voudrait pénétrer en France sur ce point, ne pourrait le faire sans être maîtresse de quelques-unes des places qui s'y trouvent; autrement elle s'exposerait à une ruine totale, si les Français portaient des forces sur les Vosges, et qu'ils prissent en outre, perpendiculairement au Rhin, une bonne position sur l'extrémité de la ligne d'opérations de l'ennemi (1).

(1) Il ne faut pas croire que l'invasion de 1814 détruise cette assertion. On doit se rappeler que nous supposons deux armées en état de se mesurer, et prêtes à agir avec des forces égales. L'invasion de 1814 fut faite par 250,000

La seconde division des frontières quitte le Rhin vers Landau; elle est coupée par la Sarre et la Moselle, qui coulent perpendiculairement à sa direction. Les places qui la couvrent sont à droite, Bitsch, Sarrelouis, Thionville; au centre, Longwy; à gauche, Montmédi, Bouillon et Givet en première ligne. Un peu en arrière se trouvent Metz, Verdun, Sedan et Mézières. Cette ligne offre de très-bons camps, appuyés à la Sarre et à la Moselle; elle est coupée par la chaîne boisée des Ardennes, qui couvre un espace de quinze lieues entre Verdun et Sedan. Cette partie centrale de la frontière était plus ouverte que le reste; car la forêt, bien différente de l'antique Hercinie, est aujourd'hui praticable sur plusieurs points; et Longwy une fois dépassé, tout l'intervalle entre Metz et Sedan se trouvait dénué de défense.

La troisième ligne comprend depuis Givet jusqu'à Dunkerque. C'est ici que Vauban avait multiplié les obstacles contre les agressions de la maison de Bourgogne, qui, depuis Philippe II, partaient ordinairement de la Flandre. On trouvait en première ligne Philippeville, Maubeuge, le Quesnoy, Valenciennes, Condé, Lille et Dunkerque; en seconde ligne, Rocroy, Avesnes, Landrecies, Cambrai, Bouchain, Douai, Béthune, Aire et SaintOmer; enfin, Saint-Quentin, Péronne, Bapaume, Arras et Amiens même, formaient une troisième barrière.

Toutes ces places présentaient de grands avantages pour un système offensif. Elles favorisaient bien plus encore des opérations défensives, en couvrant des communications importantes, et en offrant des camps avantageux sur tout le développement de la ligne. Si l'on s'était exagéré leur importance à l'époque de leur construction, et si d'anciens préjugés avaient consacré quelques erreurs relatives au rôle qu'elles devaient jouer dans la défensive, il n'en est pas moins vrai que ces places fournissaient des dépôts précieux pour les armées actives; qu'elles devaient entraver les progrès de l'ennemi, et affaiblir les corps agissants en les obligeant à

hommes, qui n'avaient devant eux que des débris, et qui étaient encore secondés par des milices, chargées du blocus des places.

détacher des divisions de blocus ou de siége. Le | direction concentrique fort en arrière, afin de couvrir la capitale. L'armée prussienne pouvait alors arriver sur ce point plus promptement que ses ennemis, et s'emparer d'une étendue de terrain immense, qui aurait fourni à son entretien ; et qui, sous l'apparence d'une brillante conquête, aurait maintenu sa supériorité dans l'opinion.

seul inconvénient qu'elles offrissent, à cause de leur grand nombre, était d'obliger les Français à y jeter quantité de troupes pour les garder. A la vérité, cet inconvénient semblait devoir disparaître dans une guerre d'opinion, à laquelle les citoyens inscrits dans la garde nationale étaient disposés à prendre part, en contribuant du moins à la défense de leur cité, et facilitant ainsi les moyens de tenir plus de forces en campagne. Toutefois on verra que ce ne fut pas d'abord le cas, ou du moins que les généraux français ne surent pas tirer de ces dispo sitions tout le parti possible.

En un mot, une guerre active et d'invasion était commandée :

1° Par la situation politique de la France; 2° Par la position relative de l'armée française; 3° Par le but que les puissances belligérantes s'étaient proposé.

Il ne s'agissait plus que de proportionner les moyens à la grandeur de l'entreprise, et à prendre les mesures convenables pour en assurer la réussite.

Pour juger si le duc de Brunswick fit un bon choix de lignes d'opérations, et si ses manœuvres, répondirent à ce choix, il faut examiner quelle était la nature de la guerre qu'il allait entreprendre. Soit que Frédéric-Guillaume fût réellement assez La ligne d'opérations du centre était la plus généreux pour employer ses armées au rétablisse- avantageuse par ses rapports avec la situation poment de l'ordre en France, soit qu'il eût envie de litique, attendu qu'elle menait directement au but, démembrer ce royaume, il est certain qu'il comptait et sur le point le plus accessible de la frontière. autant sur la désorganisation des armées ennemies En la choisissant, on manœuvrait sur le centre que sur ses propres moyens. Cette désorganisation d'une ligne étendue et affaiblie, dont les extrémiétant complète, à l'époque où les alliés voulaient tés se trouveraient isolées et en danger d'être dépénétrer en France, il n'était pas de leur intérêt truites successivement, dès que les mouvements de faire une guerre méthodique, qui eût laissé aux seraient exécutés avec vivacité. Enfin, les alliés généraux français le temps d'aguerrir leurs troupes, occupaient, sur cette partie faible des frontières, et de recevoir des renforts. La lenteur des opéra- les importantes forteresses de Luxembourg et de tions d'une telle guerre et les siéges qu'elle néces-Mayence, dont la position avantageuse donnait sitait, eussent en effet donné à l'ennemi la mesure une excellente base d'opérations et les meilleures de sa force, en ranimant en lui cette vigueur mo- places d'armes que l'on pût désirer. rale, source des plus grandes actions.

Tous les avantages que les coalisés pouvaient attendre, dépendaient donc du succès des premières affaires. Si elles n'étaient pas décisives, dans un moment où les troupes françaises se méfiaient autant d'elles-mêmes que de leurs généraux, on ne devait rien espérer lorsque ces troupes auraient remporté des victoires, et détruit cette réputation de supériorité dont les armées allemandes étaient en possession depuis près d'un siècle.

A ces puissantes considérations, se réunissaient les avantages militaires. La position des corps d'armée chargés de couvrir les frontières, était trop disséminée ces corps isolés, répandus sur une ligne de cent lieues, étant percés à leur centre, se seraient trouvés dans la nécessité de prendre une

:

Il paraît que le duc de Brunswick avait saisi tous ces avantages. La guerre d'invasion fut résolue, et l'on choisit la ligne d'opérations du centre. Nous allons voir que l'exécution ne répondit pas à la justesse de ces premières combinaisons.

Le roi de Prusse arriva, le 25 juillet, à l'armée, campé près de Rubenach. Le duc de Brunswick fit paraître le même jour l'imprudent manifeste dicté par Calonne, et qui eut trop de part aux événements pour ne pas trouver place dans toutes les histoires de cette guerre (1).

Le 28 juillet, les derniers corps prussiens arrivèrent au camp; et l'armée fut répartie dans l'ordre de bataille ci-contre.

(1) Voyez pièces justificatives des livres II et III, no 5.

Dès les premiers jours du rassemblement des | tère et les jacobins, qui avaient l'œil sur lui depuis

ses sorties des 16 et 23 juin, le contrariaient dans toutes ses mesures, et cherchaient tout à la fois à restreindre son commandement, et à détruire son influence dans l'armée; on alla même jusqu'à retenir les troupes en marche de l'intérieur pour le renforcer. Il avait à peine 24,000 hommes disponibles, soustraction faite des garnisons, et avec cette poignée d'hommes, il devait couvrir l'espace entre la Meuse et la Chiers.

troupes, on éprouva quelque peine à leur procurer des subsistances. Par un mélange de parcimonie et de légèreté, on avait négligé de se pourvoir de boulangers en partant de Prusse, soit qu'on comptât en trouver sur le Rhin, soit qu'on s'attendit à être abondamment pourvu de tout, par les nombreux partisans des émigrés. Enfin, le 30 juillet, l'armée se mit en mouvement, et perdit encore plusieurs jours pour franchir méthodiquement les défilés de Martinsthal et d'Isbach: précaution inutile, puisqu'on était à dix marches des forces encore disséminées de l'ennemi. Après avoir passé la Moselle, le 5 août, l'armée prussienne vint camper, le 6, sur les hauteurs de Kons, où elle séjourna jusqu'au 12, au moment même où le canon de l'in-haut Rhin. Au Nord, les généranx Carlen, Beursurrection foudroyait les Tuileries.

Le corps des émigrés, fort de 10 à 12,000 hommes, se trouvait le 8 à Trèves. L'armée prussienne se porta, le 13, à Montfort, où elle séjourna de nouveau jusqu'au 18, dans une position défensive. Il y avait lieu de s'étonner qu'une armée, qui croyait marcher à la conquête de Paris comme à une promenade, choisit des positions défensives à quatre ou cinq marches de l'ennemi qu'elle affectait de traiter avec mépris.

Le général Luckner, avec l'armée du Centre, couvrait la Moselle, par les camps de Fontoi et de Richemont: un corps de 15,000 hommes, sous Custine, campait à Wissembourg: Kellermann était chargé de défendre la Sarre, et Biron le

nonville, Dumouriez et Lanoue commandaient toujours des divisions isolées, réparties dans les camps de Dunkerque, de Lille, de Maulde et de Maubeuge.

Les événements du 10 août tenaient toutes les

armées françaises en suspens; et bien qu'en général elles ne fussent point disposées à soutenir la cour, néanmoins il était possible qu'à la voix des chefs qui avaient capté la confiance des troupes par leur popularité, elles devinssent tout à coup les appuis du trône. Mais alors la plupart des généraux étaient subjugués par les factions désorganisatrices: Dumouriez et Custine affiliés dès longtemps aux jacobins, ne voyant peut-être dans le renversement de la monarchie qu'une occasion d'obtenir un commandement plus considérable, approuvèrent tous les résultats du 10 août et prêtèrent sans ré

Enfin, le 19, après avoir mis vingt jours à faire quarante lieues, l'armée prussienne franchit la frontière de France, et campa à Tiercelet, où elle se réunit à Clairfayt, qui campait à Roman avec 18,000 hommes amenés de Flandre. Les Hessois se portèrent à Niederdouven; l'armée des princes, à Bredimus. L'avant-garde marchant jusqu'à Crune, donna sur les postes du général Desprès-pugnance le serment que l'assemblée exigea d'eux. Crassier, qui campait à Fontoi avec un corps de 4,000 hommes, et se replia à l'approche de l'ennemi.

Pour suivre avec plus d'intérêt la marche des alliés, il faut porter un instant nos regards sur ce qui se passait dans l'armée française.

que

Dillon après s'y être refusé, fit une espèce d'amende honorable, d'une action qui n'avait rien de louable, et eut recours au crédit de Dumouriez, pour conserver son commandement. Le vieux maréchal de Luckner, peu habitué à feindre, refusa, il est vrai, de reconnaître d'autre maître que le roi, mais il avait perdu tout empire sur ses troupes; les autres généraux, à l'exception de Lafayette, attendirent l'événement pour se décider.

On se rappelle qu'à la suite de son inutile course vers Courtray, le maréchal Luckner était revenu sur le Rhin, où il avait répété, sous Landau, les scènes qui avaient prouvé sa médiocrité. Lafayette, tout occupé de ce qui se passait à Paris, et résolu Ce dernier qui avait sondé toute la profondeur trop tard de sauver la monarchie, ne négligeait au- du gouffre où les partisans de la monarchie consticun moyen pour gagner ses soldats ; mais le minis-tutionnelle allaient être jetés, n'hésita point à sc

prononcer contre l'assemblée. Il fit arrêter ses commissaires à Sedan, mais ayant perdu le temps en délibérations, et n'ayant pas su électriser son armée au moment décisif, il fut destitué et mandé à la barre. Ce coup qu'il aurait dû prévoir, lui ayant enlevé une partie de ses partisans dans le camp de Vaux, il sentit dès lors qu'il compromettait inutilement le petit nombre de bataillons qui lui étaient restés fidèles, et crut devoir chercher son salut dans la fuite. Espérant de retourner aux ÉtatsUnis qu'il avait si bien servis, il partit dans la nuit du 18 au 19 avec Latour-Maubourg, Alexandre Lameth et Bureau de Puzy; mais arrêtés d'abord aux avant-postes autrichiens, comme prisonniers de guerre, et jetés ensuite comme criminels d'État dans les cachots d'Olmutz, ces martyrs de la liberté y expièrent d'une manière cruelle leur amour chevaleresque pour les idées libérales.

La nouvelle de l'attentat du 10 août, produisit aussi sur les chefs de la croisade royale des impressions bien différentes. Le duc de Brunswick en fut effrayé il n'augurait rien de bon d'une course dans un pays, dont la population était exaltée au point d'assaillir le palais du roi, de massacrer ses gardes, et de le tenir dans la captivité. Déjà, dans les conseils de Potzdam, il parut vouloir bannir de ses plans d'opérations, les espérances frivoles conçues par une noblesse présomptueuse. Il avait insisté pour agir avec des moyens proportionnés, en prenant les précautions d'usage pour une guerre longue et difficile.

Instruit à son arrivée à l'armée que le prince de Hohenlohe, au lieu de 50,000 Autrichiens n'en amenait pas plus de 18,000, le duc mesura les dangers qu'il courait dans une entreprise dont les moyens diminuaient à mesure que les obstacles grossissaient, et en conçut de justes alarmes.

Les émigrés, les ministres de Frédéric-Guillaume, et ce monarque lui-même, voyaient dans ces excès du 10 août, un motif de plus d'accélérer la marche, pour secourir la famille royale: la passion les aveuglait; le duc jugeait en chef d'armée. On n'écouta que pour la forme ses observations, que les princes français et les courtisans qualifièrent de conseils pusillanimes, et le roi de Prusse flatté du titre d'Agamemnon qu'on lui donnait, décida de continuer son mouvement.

TOME 1.

Le 20, l'avant-garde se porta à Villers-la-Montagne : l'armée suivit par lignes, et investit Longwy. Le général Clairfayt prit poste à Piermont, sur la droite de la Chiers son aile gauche à Cosne; la droite, au ravin qui s'étend depuis la place jusqu'à Granville.

La forteresse de Longwy est un hexagone bastionné, dont cinq demi-lunes couvrent autant de fronts; le sixième a un ouvrage à corne. La demilune du côté de la ferme de la Colombe, et celle de la porte de France, sont couvertes par des lunettes; la place, d'une petite étendue, a tous ses établissements voùtés à l'épreuve de la bombe. Le mont du Chat, qui en est à deux mille pas, la domine. Si cette hauteur était retranchée, Longwy serait susceptible d'une bien longue résistance.

Le gouverneur ayant répondu négativement à la sommation qui lui fut faite, le colonel d'artillerie Tempelhof (1) eut ordre de bombarder la ville. Le 21, à l'entrée de la nuit, il fit établir une batterie de deux obusiers et quatre mortiers dans le ravin à gauche de la Colombe, et commença le feu qui dura depuis dix heures du soir jusqu'à trois heures du matin : une obscurité profonde empêchait de calculer les distances: les pluies, qui duraient depuis longtemps redoublèrent, le temps était affreux, et il fallut discontinuer. Le 22, à cinq heures, l'attaque recommença; et, à huit, malgré la vivacité du feu de l'assiégé, plus de trois cents bombes étaient tombées dans la place, un magasin était la proie des flammes. Cependant le désordre s'étant introduit dans la garnison composée de deux bataillons de volontaires et d'un de ligne qui ne s'accordaient point entre eux, le commandant, homme faible, désespérant de pouvoir prolonger sa résistance, accepta un peu légèrement la capitulation qu'on venait de lui offrir pour la seconde fois : la garnison sortit le 24, et fut prisonnière.

La facilité de la conquête de Longwy, et la nouvelle de la fuite de Lafayette, ne firent qu'accroître les espérances des alliés. Si la défection commençait à se mettre parmi les chefs mêmes de la révolution, le découragement de l'armée française devait être à son comble; et le succès de l'invasion paraissait infaillible.

Quatre partis s'offraient au duc: 1° se jeter avec (1) L'auteur de l'Histoire de la guerre de sept ans.

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