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cien seigneur de la paroisse, que quand celui

Le séquestre de leurs biens, l'affectation de ci se tenait simplement à l'écart. Il était plus ces biens à l'indemnité de la nation pour les sûr de son fait en voyant l'avancement du mé-frais de la guerre, la résolution annoncée de rite sans naissance, qu'en voyant seulement les mettre en vente lorsque le mode de vente la retraite et l'obscurité de la naissance sans mérite. L'anéantissement de la noblesse privilégiée lui était aussi mieux démontré par la création d'une noblesse sans privilége et sans hérédité. Enfin l'argument contre les distinctions de naissance était plus complet, à son sens, quand il pouvait dire à l'ancien noble: Vous ne l'êtes plus, et je le serai au premier jour de bataille, que quand il était borné à dire: Vous ne l'êtes plus.

Voilà ce qui fit accueillir cette noblesse qui aurait été une simple notabilité, si, par abus, on n'y eût introduit à la suite un commencement d'hérédité. Mais, telle qu'elle fut dans son principe, elle prouva, par l'accueil qu'elle obtint de l'opinion, à quel point était conforme aux vœux de la nation l'abolition de l'autre.

Les ordres, corporations, décorations, signes extérieurs, qui supposaient des distinctions de naissance, auraient pu être conservés, sous la seule condition de ne plus exiger de preuves de noblesse, et d'admettre le mérite; mais tout ce qui appartenait à la noblesse privilégiée, tout ce qui rappelait son existence devait suivre son sort. Ainsi le voulait l'opinion publique dans un temps de défiance révolutionnaire, qui lui faisait craindre le retour de son ancienne faiblesse durant des temps calmes, où toutes les séductions agissent, et où personne ne se défend. J'ajoute que les hommes les plus distingués de la noblesse ellemême avouaient toutes ces réformes, comme des conséquences des principes de la révolution: telle était particulièrement l'opinion de cette honorable minorité de la noblesse, qui la première eut le mérite de se réunir en 1789 à la chambre des communes, et dont l'exemple en toute occasion aurait épargné bien des maux, s'il eût été suivi.

Tous les décrets que nous venons de voir émanèrent de l'assemblée constituante. C'est avec l'assemblée législative que commencèrent les mesures violentes. La première de ces assemblées n'avait attaqué que les priviléges de la noblesse et ses dépendances; la seconde attaqua les propriétés des nobles et leurs per

sonnes.

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serait décrété, la vente actuelle de leur mobilier, enfin leur bannissement à perpétuité : voilà les actes que présente la période que nous parcourons. Je laisse de côté celui qui déclare otages les femmes et enfants d'émigrés : ce décret injuste et violent n'eut aucune exécution. Les autres ont été l'objet de vives discussions, et les esprits modérés de la révolution se sont longtemps refusés à les approuver. Les émigrés étaient des hommes égarés, mais des Français; leurs familles étaient restées en France: comment voir sans intérêt la ruine des familles et la proscription des chefs? Les jurisconsultes opposaient d'ailleurs à la confiscation des biens et au bannissement les principes de la législation civile, et ces règles d'éternelle justice qui interdisent de punir les innocents pour les coupables: ils réclamaient pour les émigrés le droit commun à tous les citoyens de sortir de leur pays, même de le quitter ; ils alléguaient l'impossibilité de distinguer ceux qui étaient sortis sans desseins hostiles, de ceux qui portaient les armes.

Mais le bon sens populaire repoussait toute application du droit civil à une masse d'hommes émigrés en même temps pour s'armer contre la France, et qui marchaient contre elle en corps d'armée, avec des armées étrangères. Emigrer est-il ou n'est-il pas un crime? Est-il possible de constater l'émigration, de distinguer l'émigration hostile de celle qui ne l'est pas? A toutes ces questions l'instinct populaire répondait : Qu'importe? Les émigrés nous font la guerre, ils se sont établis contre nous dans le droit de la guerre; nous l'avons donc contre eux. Comme, en guerre, on prend à l'étranger des villes, des provinces, des châteaux, des terres; de même, disait-on, on peut prendre à l'émigré qui s'est fait étranger et marche avec les étrangers, ses terres et ses maisons. De quel droit prendra-t-on après la victoire une province à la Prusse, si on ne peut prendre des maisons aux émigrés qui marchent avec les armées prussiennes ? Les scrupules se levaient d'eux-mêmes devant cette idée que le droit de la guerre était le seul à consulter. C'était aux émigrés qui n'avaient

pas voulu prendre les armes à prouver par leur retour qu'ils ne les avaient pas prises, et n'avaient pas voulu rester parmi ceux qui les avaient prises; ils avaient été avertis de rentrer dans un délai déterminé. Seuls, ils étaient coupables de la ruine de leurs familles ; c'était eux qui les sacrifiaient, et non la France qu'ils ruinaient elle-même.

Tel était le sentiment du peuple pendant les nombreuses et longues séances où l'on faisait des lois contre les émigrés. L'assemblée prononça la confiscation des biens et le bannissement des personnes à perpétuité, et se fonda sur de prétendus principes de droit civil.

Le système populaire était plus favorable aux émigrés que celui du corps législatif; car la confiscation et le bannissement prononcés par la loi devaient, de leur nature, être définitifs au lieu que les invasions faites par la conquête peuvent être restituées à la paix; et les prohibitions opposées pendant la guerre à l'entrée de toute personne de l'armée ennemie, peuvent être levées quand il n'y a plus d'ennemi. De plus, la loi contre l'émigration condamnait à mort l'émigré qui serait fait prisonnier, tandis que le droit de la guerre oblige de respecter la vie de l'ennemi que l'on peut faire prisonnier.

une partie de leurs capitaux, furent obligés de les employer en acquisitions de domaines confisqués. C'étaient les émigrés qui faisaient la guerre; c'était la guerre qui avait nécessité les assignats, c'étaient les assignats qui ruinaient les capitalistes: ceux-ci trouvaient donc juste de chercher l'indemnité d'une partie de leurs pertes dans les biens de ceux qui les avaient mis si près de leur ruine. Les spéculateurs avides se sont ensuite mêlés aux pères de famille malheureux, mais ces derniers ont été le grand nombre des acquéreurs. Au reste, les doubles et triples reventes, les successions, les échanges ont placé tant d'intermédiaires entre les spéculateurs originaires et les possesseurs actuels, et les prix se sont tellement élevés par les mutations, qu'il serait impossible aujourd'hui de revenir sur ceux-ci et de retrouver les autres.

Cette vente de biens confisqués, comme celle des biens du clergé, forme aujourd'hui un intérêt nouveau dans la révolution : il importe de ne pas le méconnaître. La sûreté des acquisitions de ces biens intéresse peut-être quinze millions de personnes, parce qu'il faut compter toutes les mains par lesquelles ils ont passé, avec celles où ils sont maintenant, et qu'en cas d'atteinte il y aurait lieu à recours de celles-ci contre les premières.

Viennent maintenant les actes qui concernent le roi et la cour.

Durant l'assemblée constituante:

1° Violation du château de Versailles et translation du roi à Paris, les 5 et 6 octobre 1789;

2o Obstacle au départ du roi pour SaintCloud, le 17 avril 1790;

Mais la suite a prouvé que le bannissement des émigrés, de quelque manière qu'il eût été prononcé, ne pouvait être éternel sous le Consulat, il a été révoqué. La France ne tient jamais les promesses faites à sa colère : la révocation aurait eu lieu plus tôt, si l'on n'eût craint que la vente des biens confisqués n'en fût interrompue; et cette vente elle-même n'aurait jamais été consommée, si elle n'eût été commencée dans la légitime irritation de la guerre, et si les circonstances trop peu remarquées qui forçaient le gouvernement à vendre, n'eussent aussi forcé les particuliers d'acheter. Ces circonstances étaient la ruine des finances et le défaut d'argent. Pour satisfaire aux dépenses qu'entraînait la guerre, le gouvernement n'avait d'autre monnaie que les assignats, et ces assignats après quelque temps n'avaient plus d'autre gages que les biens des auteurs de la guerre. Ces assignats étant devenus la seule monnaie de la France, et s'étant dépréciés, presque tous les débiteurs en écrasèrent leurs créanciers; et ceux-ci, pour sauver | juin 1792;

3o Arrestation du roi à Varennes, le 22 juin 1791;

demander la déchéance du roi, le 17 juillet 4o Rassemblements du Champ de Mars pour 1791;

5o Constitution du 3 septembre 1791, acceptée le 13.

Durant le corps législatif :

6o Violation du château des Tuileries, le 20

7° Siége du château des Tuileries, refuge du roi dans la salle du corps législatif, suspension de la royauté, réclusion du roi au Temple, à l'époque du 10 août et jours suivants.

Durant la convention :

8 Abolition de la royauté, proclamation de la république, le 21 septembre 1792;

9° Mise en jugement du roi, ordonnée le 3 décembre 1792; jugement prononcé le 17 janvier 1793; exécution le 21.

La violation du château de Versailles aux

5 et 6 octobre, est le fait du peuple de Paris. Le peuple de Paris n'est pas la nation. Mais la nation avait déjà sanctionné le renversement de la Bastille, le 14 juillet. La révolte de ce jour, en s'étendant à toute la France, avait reçu le nom d'insurrection. L'insurrection était réputée le plus saint des devoirs : le renversement de la Bastille était appelé l'initiative de l'insurrection; c'était bien la nation qui avait consacré ces mots jusqu'alors inusités, et les idées qu'ils expriment. Dans les événements des 5 et 6 octobre, la nation ne voulut voir que le résultat: c'était le séjour du roi à Paris, c'était la garantie que sa résidence paraissait donner à la révolution; et elle y applaudit.

Pendant tout le mois d'octobre, les communes et les corps constitués firent des adresses pour en féliciter l'assemblée nationale, s'abstenant néanmoins, par une réserve remarquable, de parler des événements et des journées des 5 et 6 octobre. L'armée renouvelle aussi, dans le même mois, des protestations de fidélité aux décrets de l'assemblée; les différents corps de la garnison de Strasbourg réclament (1) contre un journal qui assurait que les mécontents trouveraient protection dans une armée de cent cinquante mille hommes, commandée par le général de Broglie, qui se croyait assuré des garnisons de Metz et de Strasbourg. La garnison de Strasbourg déclare que cette assurance est injurieuse pour elle. Elle obéira, dit-elle, au roi, pour faire ex. cuter les lois et déployer ses forces contre les ennemis de la nation. Mais, continue-t-elle, nous regarderions comme traitres à la patrie ceux qui seraient assez láches pour enfreindre le serment que vous avez dicté.

(1) 16 octobre 1789.

L'assentiment donné aux résultats des 5 et 6 octobre était la preuve la plus forte que la nation pût donner de l'intérêt qu'elle mettait au décret qui avait anéanti les priviléges. Quelle que soit l'opinion que les ennemis intérieurs de la France ont donnée, du fond de la nation française, aux étrangers, il est certain qu'elle est celle à qui les violences coûtent le plus, à qui elles sont le moins ordinaires, qui est le plus habituellement contenue par le sentiment du respect, qui même connaît le mieux le frein des bienséances. Ses emportements dans la révolution ne prouvent autre chose que l'importance qu'elle a constamment attachée à son succès.

C'est d'après cette vérité qu'il faut encore juger les faits du 17 avril et du 22 juin 1790.

Lorsqu'un rassemblement mit obstacle au départ du roi pour Saint-Cloud (1), ce n'étaient que deux ou trois mille personnes. Le lendemain, le directoire du département fit voter dans les quarante-huit sections sur ces questions: Paris désire-t-il que le roi puisse aller à Saint-Cloud, ou que le roi veuille bien ne pas inquiéter Paris par son absence? La majorité des sections exprima l'appréhension de l'absence; et l'on a vu comment le directoire du département a fait entendre au roi qu'il partageait l'inquiétude générale.

L'arrestation du roi à Varennes (2) est, à la vérité, le fait des habitants de Varennes, d'une petite ville de Champagne: mais qui leur en a inspiré l'audace? ou plutôt comment s'y sontils crus obligés? comment ont-ils été amenés à la crainte d'être criminels en laissant passer le roi? On ne peut méconnaître dans leur conduite la puissante influence de l'esprit national. Et par qui ont-ils été désavoués, inculpés, poursuivis? Quels bras se sont levés ou appesantis sur eux? Un million de Français sont accourus sur le passage du roi à son retour; des relais de garde nationale ont escorté sa voiture de Varennes à Paris: s'est-il fait le plus léger mouvement pour le délivrer? a-t-il entendu un autre cri que celui de Vive la nation? Plus de cent mille personnes étaient aux Champs-Élysées quand il est entré à Paris : il n'y en eut pas une qui ne témoignât du ressentiment par

(1) 17 avril 1790. (2) 22 juin 1791.

son silence, son attitude et ses regards. C'est | chéance du roi, à l'occasion du décret du 15,

ainsi que les habitants de Varennes furent absous de leur témérité.

Voici ce que M. Barnave, l'un des commissaires de l'assemblée nationale envoyés à la rencontre du roi, et qui est revenu dans sa voiture, a rapporté, le jour de son arrivée (1), à la société des Jacobins : « S'il pouvait vous « rester un seul doute sur la grande question « de savoir si la France sera libre, le problème << est maintenant résolu. Plus de six cent mille << Français ont manifesté leur vou à cet égard, << avec une énergie dont les personnes qui << étaient dans les voitures ont paru profondé<< ment frappées.

« A l'entrée de Paris, les citoyens avaient << sans doute résolu de garder le plus profond << silence; partout ailleurs, nous n'avons été in« terrompus que par les cris de Vive la nation!» M. de Montesquiou rapporte à ce sujet le fait suivant, dans l'ouvrage intitulé Coup d'œil | sur la révolution (2): « Au retour de Varennes, « le roi avoua qu'il avait été fort surpris de <«<l'unanimité des vœux de la France pour la <«< constitution nouvelle. On lui avait toujours << dit le contraire; et il ne cacha point alors que « c'était ce qu'il avait vu qui le décidait à ac«< cepter la constitution (3). »

:

Je le répète, ce que la nation approuvait dans les actes exercés envers le roi, ce n'étaient point les violences, mais le mouvement qu'elles donnaient à la révolution, et le renversement des obstacles opposés à sa marche. A la vérité, plus on avançait, plus le peuple devenait irritable; moins il était contenu par le respect, moins les violences lui coûtaient c'étaient ses coups d'État. La majesté royale n'imposait plus. Le roi était à son départ pri- | sonnier depuis dix-neuf mois: son caractère personnel semblait dégradé par la sincérité qu'il avait feinte pendant ce temps, et que sa fuite avait démentie; son arrestation à Varennes avait achevé de lui enlever toute considération.

Le rassemblement populaire du Champ de Mars (4) pour demander le jugement et la dé

(1) 25 juin 1791.

(2) Page 64.

(3) Constitution du 3 novembre 1791, acceptée le 13. (4) 17 juillet 1791.

qui le déclare inviolable; l'opiniâtreté de la résistance opposée par le peuple à la municipalité, qui avait proclamé la loi martiale; les victimes même qu'entraîna cette résistance, ces faits étaient les avant-coureurs du 20 juin, du 10 août 1792, du 21 janvier 1793. Tout présageait la double catastrophe de la chute du trône, et de la fin du monarque (1).

La violation du château des Tuileries (2), qui eut lieu le 10 août, la réclusion du roi au Temple, la suspension, ensuite l'abolition du pouvoir royal, la proclamation de la république, la mise en jugement de Louis, sa condamnation, son exécution, tous ces faits se réduisent à deux principaux, dont les autres ne sont que les circonstances: la mort du roi, la chute du trône. Le jugement et la condamnation du roi à mort est un de ces actes qui, dans une monarchie, étonnent toujours, et que l'étonnement empêche de juger; la postérité n'a pas plus la faculté de l'apprécier que les contemporains. On dirait même que plus l'événement s'éloigne, plus il se grossit. L'imagination est trop vivement frappée de la grandeur de la catastrophe pour que la raison en pèse les motifs. La victime tombe de si haut, que la chute paraît toujours sans proportion avec la faute; le culte qu'on rend si naturellement au pouvoir, et la religion de l'inviolabilité, contribuent plus que la loi à mettre le prince, dans l'opinion, au-dessus d'une condamnation. L'idée de sacrilége se place toujours entre la justice et l'objet consacré. La grandeur, la puissance, les vertus, la gloire des rois qui ont succédé à la victime, pèsent de tout leur poids sur la raison et l'imagination. L'autorité du roi régnant impose comme s'il s'agissait de lui-même; le respect, l'attachement que lui portent les contemporains au milieu desquels on est placé, semblent accuser la témérité des juges et du peuple qui ont fait périr son prédécesseur. C'est ainsi qu'en Angleterre, l'esprit est encore dominé à la lecture du procès de Charles ler, indépendamment des motifs qui peuvent faire croire à l'innocence ou à la criminalité de ce prince.

(1) Voyez l'extrait imprimé du registre des délibérations du corps municipal, du 17 juillet 1791. (2) 20 juin.

Il n'est pas sans utilité de s'affranchir un moment de ces illusions, afin de reconnaître la véritable situation des esprits à l'époque où un peuple peut voir tomber sans effroi la tête de son roi sur l'échafaud, et par quelle chaîne d'événements peut s'affaiblir graduellement ce respect, qui est la principale sûreté du pouvor. Les faits dont se compose l'histoire de Louis XVI, depuis le 14 juillet 1789 jusqu'au mois de janvier 1793, nous montrent comment le peuple fut amené à ne plus voir, à cette dernière époque, dans le monarque, qu'un homme ordinaire. Je ne cherche point d'ex-voyait que pour sa conscience. cuse au peuple, ni aux juges. Je recueille une leçon qui s'offre aux princes de tous les temps et de tous les pays.

rience et l'observation ne suppléèrent point à l'étude; faute de mouvement et d'essor, il ne découvrait point ce qu'il aurait dû apprendre.

Élevé dans la malheureuse idée qu'il tenait son pouvoir de Dieu et de ses pères; que tout devait être soumis à ses volontés; que les peuples n'avaient aucun droit sur lui; qu'il ne devait compte qu'à Dieu de leur destinée, il ne voyait dans ses royales obligations que les commandements de la religion; dans ses fautes, que des péchés; et, ne pouvant se figurer le moindre danger pour sa couronne, il n'en

A l'ouverture des états généraux, Louis XVI était aimé et respecté; non qu'on le crût un grand roi, ni peut-être un bon roi pour les circonstances, mais parce qu'il était bien intentionné et honnête homme.

Les circonstances exigeaient davantage. Ce n'aurait pas été trop, alors, d'un esprit supérieur et d'un grand caractère.

Louis XVI était d'une complexion apathique. Il avait l'esprit droit, mais borné par l'impuissance de s'appliquer, par le défaut d'activité et de mouvement, par la passion et l'habitude immodérée de la chasse, par l'asservissement aux préjugés du rang et de la puissance, et surtout aux préjugés religieux.

- Il avait le cœur ouvert aux affections douces. Ses mœurs étaient régulières. Il avait de la bonté. Mais la douceur de ses affections, la régularité de ses mœurs, sa bonté, l'avaient mis dans la dépendance de la reine. Il croyait n'être qu'époux fidèle et tendre; il était un roi asservi.

Son caractère était faible. La crainte le gagnait aisément, et le gouvernait dès qu'elle l'avait atteint. Son calme dans le danger n'était que patience; son courage dans le malheur n'était que résignation. Il était timide, et c'est une autre faiblesse, dont l'effet ordinaire est de faire accuser de dissimulation. Il était réservé, méfiant, comme tous les caractères faibles; et, comme eux, à la fois méfiant et dupe de ceux qui l'aidaient à se défier.

Faute d'application à l'étude, il n'avait point appris ce qu'il aurait fallu savoir pour gouverner; faute d'application aux affaires, l'expé

Il avait été facile aux prêtres de s'emparer d'un prince ainsi prévenu. Leurs intérêts, alors si compromis, leur rendaient plus importante que jamais la captation du monarque. Le clergé ne pouvant espérer son salut que du pouvoir absolu, les prêtres firent au roi une affaire de conscience du maintien de ce pouvoir; de la conservation du clergé, une affaire de conscience; de la haine de la constitution, encore une affaire de conscience. Ils étaient d'accord avec la reine, dont la fierté imposait au roi les mêmes obligations, comme des devoirs d'honneur dont l'infraction le rendrait indigne de sa tendresse.

Ces préjugés, ces influences, non-seulement resserraient l'esprit du roi dans des bornes plus étroites, mais encore lui donnaient de fausses directions.

Sa conscience était toute remplie des scrupules que l'intérêt du clergé y avait jetés; sa raison, son esprit épuisaient leur peu de forces à discuter ces scrupules avec sa conscience. Le roi ne voyait rien au delà de son clergé, de la reine, peut-être de sa famille et de la cour. Il entrevoyait ce grand peuple qui était au loin derrière l'enceinte que sa cour formait autour de lui; il lui voulait du bien, mais il ne savait comment lui en faire, ni ce qui pouvait empêcher que le bien ne se fit de lui-même. Il ne concevait pas plus une oppression qu'une révolte, tant il croyait que ses seules intentions devaient suffire pour en préserver. Sa bonté naturelle l'intéressait aux souffrances qui sautent aux yeux, aux souffrances physiques de la pauvreté, du dénûment; mais cette bonté ne put jamais lui inspirer plus que de bonnes intentions pour son peuple. C'était cette vertu toute chrétienne à qui la religion a donné le

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