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norité bien conduite, que la majorité sans direction; la minorité fidèle au vœu constant de la majorité, que la majorité dans l'indolence des souhaits accomplis. Comment entendre, en effet, ce que serait la souveraineté d'un prince dont le gouvernement et la force non-seulement ne sauraient conduire ni contenir la majorité, mais même passeraient du côté de la majorité contre le prince? La minorité plus la majorité, n'est-ce pas le tout?

Mais revenons au fait. J'ai dit que la force du gouvernement n'était plus en proportion avec celle qu'il fallait combattre, et que tout essai ne pouvait servir qu'à compromettre la royauté. En effet, l'exil du parlement de Paris en 1788, l'enlèvement de plusieurs de ses membres, l'exil du duc d'Orléans, l'emprisonnement des gentilshommes de Bretagne, la distribution d'une multitude de lettres de cachet dans les provinces, la brusque dissolution de la première assemblée des notables, l'établissement d'une cour plénière qui devait réunir, entre des mains sans force et sans vertu, tous les pouvoirs dont le roi dépouillait l'énergie parlementaire, tous ces prétendus actes de vigueur n'avaient servi qu'à provoquer la demande des états généraux, et à la provoquer si vivement et si généralement, que la cour n'avait pu en refuser la convocation.

De mêine, le rassemblement d'une armée à Versailles après la convocation des états généraux, la déclaration du 3 juin que cette armée devait appuyer au besoin, le renvoi de la partie du ministère qui avait la confiance du peuple, furent des actes de vigueur intempestifs qui déterminèrent les événements du 14 juillet jour mémorable où éclata la révolution.

Ce jour vit l'armée de Versailles en défection; le peuple attaquant, renversant la Bastille; la populace furieuse marquant, immolant des victimes. Princes, seigneurs, courtisans, magistrats, tout s'enfuit ou se cache. Les troupes de ligne gagnées à la cause populaire sont éloignées de Versailles; les ministres récemment renvoyés sont rappelés; les ministres appelés à leur place sont renvoyés. La noblesse, le clergé, accourent dans le sein du tiers état, n'y portant plus d'autre crainte que celle de ne pas être assez confondus avec ses membres. Enfin le roi, le roi lui-même se croit obligé de se rendre à Paris, dirai-je, pour com

paraître devant le peuple souverain à l'hôtel de ville, et pour faire un nouveau contrat avec lui, sous la garantie de vingt ou trente députés du parti populaire qui lui servent d'escorte, ou pour essayer de modérer, par une intercession jusqu'alors inouïe, les excès où s'emportait une multitude effrénée? Tandis que le peuple de Paris prouvait sa puissance en l'exercant et par sa manière de l'exercer, le peuple des campagnes refusait le payement des dimes et des droits féodaux; les paysans poursuivaient les seigneurs et brûlaient les châteaux. La nation n'approuvait sans doute ni ces violences, ni celles qui s'étaient commises à Paris dans la chaleur de la victoire ; mais elle ne les arrêtait pas. Attentive à ses avantages, occupée à s'établir sur le terrain qu'elle avait gagné, elle ne jeta sur ces événements que des regards distraits. Mais trois millions de gardes nationaux se levaient; quarante-quatre mille municipalités se formaient par des élections populaires : et ces forces, qui lui assuraient le champ de bataille, lui promettaient aussi la fin des désordres et des excès.

A quels signes reconnaîtra-t-on une volonté générale en France, si on la méconnaît aux grandes circonstances de cette époque, si on la méconnaît à ce qui se passa durant deux mois à Paris et dans les provinces, dans les villes et dans les campagnes, d'une extrémité du royaume à l'autre? A quel signe reconnaîtra-t-on une volonté profondément nationale, intimement française, si on la méconnaît dans cette immense révolte qui n'a pour cause évidente que la fierté blessée; la fierté, brillante distinction du caractère français, blessée par la proclamation solennellement renouvelée des distinctions d'ordres, plus que l'intérêt ne l'était par les priviléges utiles? Le calcul avait souffert patiemment ce que ces priviléges avaient d'onéreux, depuis que l'exercice en était devenu modeste, depuis que la jouissance en était presque désavouée comme prérogative, depuis que l'existence en était dissimulée dans le commerce de la société. La fierté nationale semblait désintéressée par la politesse des grands, par la familiarité de la roture avec la petite noblesse; peut-être même cette fierté avait-elle éloigné le renversement des priviléges, pour ne pas compromettre cette parité

Voici le tableau des constitutions:

apparente dont la roture était jalouse. Mais, du moment que les privilégiés voulurent marquer 1o La monarchie, que j'appellerai parlemend'une empreinte nouvelle la distinction des or- taire, de 1789, dissoute par les mouvements dres pour asseoir la différence de condition du 14 juillet, des 5 et 6 octobre de la même réelle, du moment qu'on eût fait ainsi des pri- | année; viléges une offense personnelle pour le tiers état, la nation perdit, au premier sentiment de cet outrage, la patience qui avait résisté si longtemps au sentiment de ses charges.

Le 4 août, la noblesse et le clergé, pressés par tout ce qui se passait sous leurs yeux, par toutes les nouvelles que chaque jour apportait des provinces, par l'intérêt des châteaux qu'on incendiait et des seigneurs que l'on molestait, pressés par leur conscience, firent dans l'assemblée nationale l'abandon de tous les priviléges, au nom de leurs commettants et au leur.

On abolit la qualité de serf et la main-morte, le droit exclusif de chasse, de colombier, de garenne, les juridictions seigneuriales; on déclara rachetables les droits seigneuriaux et la dime; on abolit les priviléges et immunités pécuniaires; on établit l'égalité des impôts; on abolit les priviléges des villes et provinces; on promit la réformation des jurandes. Tous les citoyens furent déclarés admissibles aux emplois civils et militaires. Ainsi finit cette première époque des mouvements de 1789.

CHAPITRE VI.

Moyens de s'assurer si la majorité nationale a persévéré et persiste encore dans sa volonté contre les priviléges. Et d'abord, à quoi distinguera-t-on la volonté nationale de celle du gouvernement ou des factions, contre les prêtres, les nobles, la cour et l'étranger? Deux moyens: 1° L'état des votes quand on les a recueillis: 2o l'état des sacrifices en hommes et en argent qui ont été opposés par la nation aux actes de la révolution.

Du 14 juillet 1789, époque de l'insurrection du peuple, jusqu'au 9 juillet 1815, époque de la dernière restauration de la maison de Bourbon, il s'est écoulé vingt-six années.

Dans cette période de vingt-six années, la France a eu neuf constitutions différentes, entre lesquelles ont passé dix-sept journées fameuses par quelque violence d'un parti contre l'autre, trois abolitions principales, et-trois grandes proscriptions.

2o La monarchie représentative de 1790, altérée par les événements des 21 juin et 17 juillet 1791; dissoute par ceux des 20 juin, 10 août, 2, 3, 4 septembre 1792 et 21 janvier 1793 (1);

3o La république démocratique de 1793, commençant par l'anarchie; se fondant sur la terreur; retombant de la terreur dans l'anarchie au 25 juin 1795 (9 thermidor an 111) 2);

4o La république moins démocratique de 1795 (an 111), qui se concentra le 18 fructidor an v (4 septembre 1797) (3), déclina vers l'anarchie en 1799, et tendit alors de nouveau à la terreur;

5o La république consulaire de 1799 (28 frimaire au vu), ralliant au système monarchique, sous formes républicaines (4;

6o La monarchie impériale des 20 mai et 7 septembre 1804, ou 25 floréal an x11 et 15 brumaire an x11, d'abord monarchie tempérée, ensuite mêlée de despotisme (3);

7° La monarchie royale en avril 1814; tempérée, républicaine, avec une tendance aristocratique;

8° La nouvelle monarchie impériale de 1815; tempérée, républicaine, ayant une fausse tendance à la démocratie (6);

(1) Elle ne fut point soumise à la sanction du peuple, mais elle était conforme aux cahiers; et les assemblées primaires y jurèrent fidélité en faisant les élections pour la première législature.

(2) On ne voit nulle part quel est le nombre des votants. Le rapport de Gossins, du 9 août 1793, dit que toutes les assemblées de district ont accepté. Dans les séances suivantes, on demande quelles seront les peines de la non-acceptation?

(3) 914,853 votes pour; 41,892 contre. On vota dans les assemblées primaires sur cette question : Deux tiers de la convention passeront-ils dans le corps législatif? Il y a eu peu de votants, 167,758 pour, et 95,373 contre.

(4) Elle a eu 304,007 votes pour, et 1,562 contre. (5) Elle a eu 3,521,675 votes pour, et 2,679 contre. (6) Le 1er juin 1815, il n'était arrivé de votes que de soixante-six départements; il en restait vingt en retard, et plusieurs arrondissements n'étaient point la règle. Dans les soixante-six départements il y a eu

So La monarchie royale de 1815, modifiée par l'inamovibilité et l'hérédité de la pairie.

Voici maintenant le tableau des journées signalées par quelques violences contre le pouvoir :

1° 20 juin 1789, séance du jeu de paume. La cour avait fait fermer la salle des états généraux, espérant mettre fin à l'insistance des communes près des deux autres chambres, pour la réunion des trois ordres;

15° Le 9 novembre 1799 (18 brumaire an vii), translation de la majorité à SaintCloud; le général Bonaparte se joint à elle; il est nommé consul;

16o Le 31 mars 1814, abdication de Bonaparte devenu empereur à titre héréditaire; retour de la maison de Bourbon;

17o Le 20 mars 1815, retour de Bonaparte, et nouveau départ de la maison de Bourbon; 18° Le 19 juillet suivant, seconde abdication de Bonaparte, et seconde restauration des

o Le 14 juillet 1789, prise de la Bastille, Bourbons. renvoi de l'armée;

Dans ces dix-huit journées et ces neuf cons

3o Les 5 et 6 octobre suivants, le château de titutions, on peut compter trois grandes aboliVersailles forcé, le roi emmené à Paris;

4o Le 17 avril 1791, rassemblement qui empêche le roi de quitter Paris pour aller à SaintCloud;

5o Le 21 juin, départ ou évasion du roi : son arrestation, son retour;

6o Le 17 juillet, canonnade au Champ de Mars sur un rassemblement qui demande le jugement du roi et sa déchéance;

tions et trois grandes proscriptions.

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Je veux chercher dans ces constitutions, dans ces abolitions, dans ces proscriptions et jusque dans les violences populaires, ce qu'a

7° Le 20 juin 1792, le château des Tuileries voulu constamment la nation, ce qu'elle veut forcé, le roi insulté;

8° Le 10 août 1792, le château des Tuileries assiégé, le roi retiré à l'assemblée nationale, la royauté suspendue, le roi conduit au Temple; 9° Les 2, 3 et 4 septembre, massacre des nobles et prêtres dans les prisons;

10o Le 21 janvier 1793, exécution du roi ; 11o Les 31 mai, 1er et 2 juin suivants, assaut de la commune à la convention, proscription du parti modéré par le parti exagéré, dit la Montagne;

12o Le 25 juin 1795 (10 thermidor an 111), division du parti de la Montagne, et proscription d'une partie par l'autre ;

13° Le 6 octobre suivant (13 vendémiaire an 111), attaque des sections de Paris contre la majorité de la Convention, d'accord avec la minorité;

14° Le 4 septembre 1797 (18 fructidor an v), arrestation de la minorité de la chambre des représentants par le Directoire, d'accord avec la majorité;

1,302,562 votants, 1,298,356 ont voté pour, et 4,206 contre. Si on ajoute seulement 200,000 cinquièmes ou un sixième de votants pour les départements en retard, on aura 1,600,000 votants pour la constitution.

aujourd'hui, et le distinguer de ce qu'ont fait ou voulu des partis, des factions, sans le vœu ou contre le vœu de la nation.

Le vœu national a été clairement manifesté, clairement entendu, clairement satisfait à l'époque du 14 juillet, qui comprend la nuit du 3 au 4 août. Dans cette nuit du 3 au 4 août, les privilégiés ont abdiqué tous les priviléges contestés; cette nuit a été déclarée l'époque de la liberté française. Cette nuit aurait mis fin à toutes querelles, si les engagements qu'elle a vu jurer avaient été remplis avec fidélité. Sachant donc en quoi consistait au 14 juillet le vœu national, il ne s'agit que de voir s'il s'est altéré, s'il s'est étendu, s'il s'est dénaturé en traversant les vingt-six années qui se sont écoulées depuis cette époque.

Pour ne pas confondre la nation française avec ce qui peut n'être pas elle, nous aurons soin de la distinguer de son gouvernement, de son corps législatif, de ses corps administratifs et communaux, de ses orateurs, de ses écrivains, de ses journalistes; en un mot, de ses prétendus organes, qui ne sont pas toujours véridiques ni infaillibles.

Il est facile de se figurer cette nation après

de la constitution de l'an 11 (1795). Ni la force des factions, ni celle du gouvernement, n'ont jamais pu faire marcher de grandes armées contre l'ennemi, ni lever des contributions proportionnées à l'immensité des besoins, ni faire lever la nation en masse, quand un profond sentiment d'intérêt public n'y a pas déterminé. Voyons donc quelles voies ont été prises contre les prêtres, contre les nobles, contre la protection de la cour, contre les entreprises de l'étranger, qui a voulu se constituer le vengeur des uns et des autres.

CHAPITRE VII.

le 4 août 1789, tenant d'une main la reconnais- de deux tiers des conventionnels dans le presance de ses droits, souscrite par les privilé-mier corps législatif qui a été nommé en vertu giés; de l'autre les armes qui l'ont aidée à la conquérir; brillante de joie, de fierté, de courage, et se reposant de sa victoire dans le sentiment de ses forces, avec lesquelles rien ne peut se mesurer. Devant elle sont les nobles, les prêtres, et (il faut bien le dire) la cour, qui croit la noblesse anéantie, parce que la France entière vient de déclarer sa propre noblesse; qui déplore l'égalité, comme si les nobles étaient tombés dans la roture, tandis que c'est la roture qui a fait passer au sceau national ses lettres d'anoblissement; comme s'il y avait plus de grandeur à être roi de quelques centaines de nobles privilégiés, que d'une nation noble, de la plus noble des nations. Devant elle ces privilégiés paraissent terrassés, mais non désarmés; vaincus, mais non sans espérance. Ils se représenteront; ils appelleront à eux l'assistance de leurs affidés: faible et inutile secours. Ils appelleront à eux l'étranger : l'étranger s'avancera, il essayera de porter quelques coups mal assurés. Eux cependant travailleront à détacher de la cause nationale les âmes douces, les esprits modérés; ils tâcheront de les intéresser à leur sort, par les malheurs dont ils seront les victimes. Ils profiteront et de la lassitude où auront jeté de longues agitations, et des craintes qu'aura inspirées l'anarchie. Dans ces circonstances, il sera facile de reconnaître ce que fera la nation, de suivre ses mouvements, de discerner son action et sa volonté, de s'assurer de son changement, ou de sa persévérance dans ses premières intentions contre les priviléges.

Actes de la révolution de 1789 à 1793 inclusivement : 1o concernant les prêtres; 2o concernant les nobles; 3o concernant le roi.

Nous diviserons les actes qu'on peut regarder comme appartenant à la révolution, dans la période que nous allons parcourir, en trois parties.

La première comprendra ceux qui concernent les prêtres;

La seconde, ceux qui concernent les nobles émigrés, et avec eux les armées des puissances coalisées;

Et la troisième, ceux qui regardent le roi.

Les actes dans chaque partie ont été faits par différentes forces ou autorités, telles que le peuple de Paris, la commune et les sections, le directoire, le conseil du département, le corps législatif ou la convention, ou seulement par une partie de ces deux assemblées. La plupart de ces actes ont eu la sanction de la nation, d'autres ne l'ont pas eue; les uns ont eu pour motif l'intérêt de l'égalité, les autres

Sa volonté a eu quatre voies de manifestation qui lui sont propres, et dans lesquelles elle n'a rien d'équivoque : la première est l'émission de ses votes quand elle a été consultée; la seconde est la levée des hommes armés par elle contre ses ennemis ; la troisième est la levée des contributions qu'elle a consacrées à leur pour-l'irritation, la jalousie et la peur. suite; la quatrième, ce sont ses levées spontanées et en masse. La force des factions, celle du gouvernement n'ont jamais pu concilier la majorité des suffrages nationaux à des institutions, à des actes qui n'avaient pas l'assentiment général témoin la terreur même, qui a tout ployé à l'obéissance, et n'a pu faire voter en faveur de ses agents, lorsqu'ils ont voulu la prorogation

De ces mêmes actes, les uns sont encore subsistants, les autres n'ont été que passagers. Le but de ce chapitre est de discerner, entre les actes permanents de la révolution, ceux qui sont conformes à la volonté nationale, ceux qui peuvent y être contraires, ceux qui lui sont étrangers.

Voyons d'abord ce qui regarde le clergé,

I.

Le clergé s'était soumis, dans la nuit du 4 août, à souffrir le rachat des dimes (1). L'assemblée nationale, dans les discussions relatives au mode du rachat, juge à propos de les supprimer sans indemnité (2). C'était un supplément aux sacrifices déjà votés.

Le clergé crie alors à la spoliation du culte : l'assemblée nationale met ses propriétés foncières sous la main de la nation, et déclare le culte dépense nationale.

Le clergé crie au renversement de la religion : l'assemblée nationale met les biens du clergé en vente, non pour renverser la religion, mais peut-être pour renverser le clergé; ces biens sont aussitôt achetés dans toute la France, et le produit en est appliqué aux besoins de l'État.

Le clergé dépouillé de ses biens ne parut pas être assez dépouillé. On voulut lui ôter encore la grandeur, la consistance, l'ascendant dont il jouissait, et dont il usait contre la constitution; on voulut lui faire perdre à la fois son influence, ses souvenirs, et jusqu'aux espérances de réintégration au rang d'ordre et de premier ordre de l'État. C'était en quelque sorte une vue de police publique, relative au temps et aux circonstances. On voulut, de plus, éviter pour la suite l'influence d'un clergé trop nombreux et trop riche. Pour parvenir à ce double but, on avait trois moyens: 1° changer la circonscription des diocèses, ce qui réduisait à l'uniformité les grands évêchés, alors en disproportion avec les autres; 2° régler des traitements modiques et uniformes pour le clergé ; 3° supprimer tous les bénéfices sans charge d'âmes.

On voulut encore autre chose pour l'avenir : ce fut d'ôter au roi son influence sur les évêques, en lui faisant perdre le droit de les nommer. Pour y parvenir, il ne s'agissait que de rétablir les élections, suivant l'usage de la primitive Église, et suivant sa pragmatique.

Pour parvenir à ces fins, les jurisconsultes

(1) Art. 5 de l'arrêté du 4 août 1789.

(2) Art. 5 de l'arrêté du 11 août 1789, promulgué le 3 novembre suivant; voyez, au sujet de l'abolition de la dime, l'avant Moniteur, séance du 11 août.

de l'assemblée firent ce qu'ils appelèrent la constitution civile du clergé (1).

Leur rapport n'annonce aucune autre vue que celle de ramener le clergé aux mœurs primitives de l'Église, d'y rétablir la discipline altérée par les richesses des prélats, par la haute extraction de la plupart d'entre eux, par leur application aux affaires publiques, par la prétention déclarée de quelques-uns à l'administration, et même au gouvernement du royaume. Certainement, leurs habitudes mondaines, leurs distractions de tout genre les avaient détournés des devoirs du pontificat. Les nominations royales et seigneuriales, les résignations, les permutations, les indults, les dévoluts, étaient aussi des moyens bien peu propres à donner au culte des ministres dignes de leurs fonctions. Enfin la disproportion des diocèses, dont les uns ne comprenaient pas plus de vingt, trente ou quarante paroisses, tandis que d'autres en avaient de treize cents à quatorze cents, établissait entre les évêques une inégalité contraire à l'esprit de la constitution, et se refusait à l'organisation d'une hiérarchie uniforme en France. Tels furent les motifs sur lesquels on se fonda pour donner une nouvelle constitution au clergé. On l'établit sur quatre dispositions principales: circonscription uniforme des archevêchés, des évêchés et des paroisses; traitements égaux, sous condition de résidence; élection des archevêques, évêques et curés, par le peuple; institutions canoniques, données par les évêques, sans confirmation du pape, avec qui l'institué se déclarerait simplement en communion, et qu'il reconnaîtrait pour chef de l'Église et centre d'unité.

Les évêques protestèrent contre cette constitution, le 30 octobre 1790: le 27 novembre, l'assemblée décréta que les évêques qui dans le délai fixé n'auraient pas prêté le serment qu'elle prescrivait seraient réputés avoir renoncé à leur bénéfice (2). Plusieurs refusent : ils sont remplacés. Le pape, dépouillé des institutions canoniques, appuie les évêques. Ceux-ci déclarent qu'il y a schisme : ils alarment les con

(1) Constitution civile du clergé, du 12 juillet, sanctionnée le 24 août suivant.

(2) Décret du 27 novembre 1790, accepté le 26 décembre suivant.

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