$178.- 5) L'Eglise juridiction privilégiée des ecclésiastiques. Les actions civiles contre un ecclésiastique pouvaient aussi être portées devant l'évêque, et le défendeur devait, sous des peines ecclésiastiques, se soumettre à cette juridiction (z). Mais pour le demandeur, pour des laïques du moins, il n'y avait nulle obligation de l'y traduire, et ils pouvaient aussi poursuivre les clercs devant les tribunaux séculiers (a). Justinien modifia cet état de choses en disposant que réguliers et clercs devaient être traduits en premier lieu devant l'évêque (6), et les évêques uniquement devant leurs supérieurs ecclésiastiques (c). Cette disposition fut introduite à Rome, et de là dans le reste de l'Occident (d). Pendant un certain temps il y eut aussi, pour des causes de cette nature, des tribunaux mixtes (e). Le privilége dont s'agit, soutenu par l'autorité des empereurs f et du droit canonique (g), continua de subsister pendant le cours du moyen-âge dans tous les pays chrétiens, et cela sans faculté de s'en désister (h), parcequ'il tenait à l'honneur de l'état clérical. Du reste il n'était applicable qu'aux obligations personnelles; l'action contre un clerc à raison de droits réels et féodaux était de la compétence du juge séculier (i). La pratique et les lois des divers pays ont même introduit d'autres exceptions (k). Dans le cas encore où l'ecclésiastique était demandeur, on se tenait, tant dans l'ancien droit (1) que dans celui du moyen âge (m), à la règle qui soumet le demandeur au tribunal du défendeur. Dans les derniers temps le privilége de la juridiction ecclésiastique dans les affaires purement civiles a été presque partout retiré au clergé. (z) C. 43. c. XI. q. 1. (Conc. Carth. III. a. 397). (a) Nov. Valentin. III. de episc. judic. (Novell. Lib. II. Tit. 35), c. 25. 33. C. de episc. (1.3), c. 13. C. de episc. audient. (1.4). (b) Nov. 79. nov. 83. præf. nov. 123. c. 21. (c) Nov. 123. с. 8. 22. (d) Cassiodor. Varior. VIII. 24., с. 15. c. XI. q. 1. (Pelag. II. a. 580), c. 38. eod. (Gregor. I. a. 603), Edict. Cblotar. II. a. 615. c. 4., Capit. Carol. M. ad leg. Langob. с. 99. (e) Capit. Carol. M. a. 794. С. 28. (f) Auth. Statuimus Frider. II. ad. c. 33. C. de episc. (1.3). (5) C. 17. X. de judic. (2. 1), c. I. 2. 9. X.de for. comp. (2. 2). (h) C. 12. 18. X. de for. compet. (2. 2). (i) C. 5. 13. X. de judic. (2. 1), c. 6. 7. X. de for. compet. (2. 2). (*) Beaumanoir cout. de Beauvois chap. XI. indique par exemple les causes commerciales si l'ecclésiastique fait le commerce. (1) Conc. Agath. a. 506. c. 32. (c. 17. 47. c. XI. q. 1.; seulement dans ces textes au lieu de clericum nullus, il faut lire clericus nullum), Conc. Epaon. a. 511. c. II., Conc. Aurel. III. 538. c. 32., Benedicti Levitæ Capitular. lib. II. c. 157. (m) C. 5. 10. 11. X. de for. compet. (2. 2). $ 179.-4) L'Eglise juridiction des faibles. Comme l'Eglise réunissait sous son patronage tous les intérêts de l'humanité, les pauvres, veuves, orphelins et autres indigents étaient confiés à la protection spéciale des evêques (n). Pour atteindre plus sûrement le but, il fut même nommé des défenseurs avec mission de représenter ces diverses personnes devant les tribunaux séculiers (o). Les conciles (p) et diètes (q) ultérieurs furent animés du même esprit, et recommandèrent de la manière la plus expresse à la protection des évêques les veuves, orphelins et autres gens sans appui. Les rois y joignirent leur autorité; ils intimèrent à leurs comtes de seconder activement les évêques dans ce ministèrer), et de vider de préférence à tous autres les procès des veuves et orphelins ainsi que ceux des Eglises (s). Enfin lors de la dégénération des tribunaux séculiers les personnes susmentionnées furent placées sous la juridiction de l'église (t). Par des motifs semblables ce privilége fut étendu aux pélerins et croisés. Généralement les tribunaux ecclésiastiques étaient le refuge de ceux qui ne pouvaient se soumettre au combat judiciaire, où aboutissait régulièrement la procédure des tribunaux civils et cours féodales. Mais cette juridiction n'a pas tardé à être retirée aux évêques. Du reste l'idée de l'Eglise respire encore dans les dispositions protectrices établies presque partout en faveur de ceux qui ne peuvent payer les frais de justice, et comprises en Allemagne sous le nom de droit des pauvres. $ 180.-B) Des tribunaux ecclésiastiques. Greg. I. 23. De officio archidiaconi, Greg. I. 29. Sext. I. 14. Clem. I. 8. Extr. comm. 1. 6. De officio et potestate judicis delegati, Greg. I. 30. Sext. 1. 15. De officio legati, Greg. I. 31. Sext. I. 16. Clem. I. 9. Extr. comm. I. 7. De officio judicis ordinarii, Sext. 1. 13. De officio vicarii. Les organes de la juridiction ecclésiastique étaient différents en (n) Ambrosius (+387) de offic. II. 29. Egregie hinc vestrum enitescit ministerium, si suscepta impressio potentis, quam vel vidua vel orphana tolerare non queat, ecclesiæ subsidio cohibeatur; si ostendatis, plus apud vos mandatum domini, quam divitis valere gratiam. Meministis ipsi, quoties adversus regales impetus pro viduarum imo pro omnium depositis certamen subierimus. Commune hoc vobiscum mihi. (0) C. I0. c. XXIII. q. 3. (Conc. Carth. V. a. 401). (p) Conc. Turon. II. a. 567. c. 27., Conc. Matisc. II. a. 584. c. 12., Conc. Tolet. IV. a. 633. c. 32. (g) Conc. Francof. a. 794. c. 38., Conc. apud Caris. a. 857. c. 2., Capit. Lothar. I. ad leg. Langob. 102. (r) Conc. Magont. a. 813. c. 8., Capit. I. Ludov. a. 823. c. 6. (s) Conc. Vernens. a. 755. c. 23., Capit. II. Carol. M. a. 805. c. 2., Capit. Carol. M. ad leg. Langob. c. 58. c. 58., Capit. I. Ludov. a. 819. c. 3. (t) Ç. 11. 15. X. de for. compet. (2.2), c. 26. X. de verb. signif. (5. 40). raison de son objet. I. Les affaires ordinaires étaient jugées dans les premiers temps par l'évêque, conjointement avec son presbyterium (u). Dans les pays germaniques, l'administration de la justice fut dévolue à l'archidiacre; les synodes diocésains y prirent aussi quelque part. Dans les lieux où étaient introduits les tribunaux mixtes, l'évêque ou l'archidiacre siégeait avec ses clercs au tribunal du comte ou du centenier (v). Il en résultait que, selon 1 coutume germanique, les laïques assistants étaient consultés sur le droit à appliquer dans les causes ecclésiastiques, du moins dans celles qui présentaient le plus d'affinité avec les causes civiles (w). Mais peu à peu la séparation s'effectua, et alors la juridiction ecclésiastique fut régulièrement administrée par les officiaux des évêques ou le grand vicaire, assisté de clercs versés dans l'étude du droit. Auprès de ces nouveaux instituts, les tribunaux d'archidiacre subsistèrent encore quelque temps; mais ils finirent par tomber entièrement en désuétude. Au moyen âge, la juridiction du pape concourait de telle sorte avec celle de l'évêque, qu'on pouvait indifféremment y recourir en première instance, et que le pape avait même la faculté d'évoquer les causes déjà pendantes devant les tribunaux inférieurs (x). C'était une des attributions des légats qu'il entretenait dans les divers pays (y). Ce concours de juridictions est maintenant supprimé, et toute cause ecclésiastique doit en première instance être portée devant le tribunal de l'évêque (z). Ces diverses délégations, de la part du pape et des évêques, développèrent dans le droit canonique la doctrine de la juridiction déléguée (a), que le droit romain avait laissée presque dans son germe. Chez les Grecs, la juridiction est encore en grande partie personnellement administrée par l'évêque; en Russie, elle est dévolue au consistoire épiscopal et aux cantoirs. En Angleterre, chaque diocèse a un consistoire épiscopal présidé par le chancelier ou official, et dans beaucoup de diocèses il s'est en outre conservé des tribu (u) C. 6. c. XV. q. 7. (Statuta eccles. antiq.). (v) Telle était la pratique générale en Angleterre. Guillaume-le-Conquérant a le premier effectué à l'avantage des tribunaux ecclésiastiques leur séparation complète des tribunaux séculiers. Privileg. Eccles. Linc. Dans Wilkins Leg. Anglo-Sax. p. 292. (w) C'est ce que montre très clairement la défense d'Innocent III. dans le c. 3. X. de Consuet. (1.4) et celle d'Urbain V. en un rescrit de 1367 inséré dans Canciani Leg. Barbar. ant. vol. II. col. 348. (x) C. I. X. de off. legat. (I. 30), c. 56. X. de appell. (2. 28). (y) L'immense confiance dont jouissait au moyen åge la justice papale vient de ce que les parties même y reconnaissaient la supériorité scientifique. Il en fut à peu près de même des facultés de droit dans les universités d'Allemagne, que cependant on ne taxera pas d'usurpation. Certes personne n'était tenu de recourir à elles. (z) Conc. Trid. Sess. XXIV. cap. 20. de ref. (a) Les principes sur cette matière sont bien posés dans Eichorn 1. 548. 11. 169-77. naux d'archidiacre. En Suède, la juridiction ecclésiastique est une attribution immédiate du chapitre. Quant aux consistoires en Allemagne, il en a déjà été plusieurs fois question. II. Les actions civiles contre un évêque devaient, d'après les lois civiles et ecclésiastiques de l'empire romain, être portées devant le métropolitain, et celles contre le métropolitain devant l'exarque du diocèse (6). Dans la monarchie des Francs elles étaient soumises au roi (c), et pendant le moyen âge à la cour des pairs. Maintenant encore, dans la plupart des pays, les évêques ne relèvent que des tribunaux supérieurs. III. Les appels des tribunaux épiscopaux se déféraient primitivement à des arbitres, ou au métropolitain et au concile provincial (d); plus tard à l'official archiepiscopal (e), et de là au pape ou à ses légats. Toutefois cet ordre n'était pas toujours suivi; souvent on tournait la juridiction épiscopale ou on en appelait au siége de Rome, même avant le prononcé de la sentence définitive (g). Mais les papes eux-mêmes apportèrent bientôt des bornes à ces abus (h). Au douzième siècle les papes adoptèrent aussi pour la commodité des parties l'usage de ne plus mander à Rome les causes d'appel déférées à leur justice, mais de les faire juger dans la province par des juges délégués, tels qu'autrefois les vicaires apostoliques. Cette innovation fut bientôt réglée par des lois (i). Le concordat de Constance de 1418 et les conciles modernes sont conçus dans le même esprit. Aux termes des derniers il n'y a d'appel possible que d'une sentence définitive; et les appels à un légat ou au siége de Rome doivent être vidés sur place par des juges délégués (judices in partibus), que les conciles provinciaux ou diocésains sont chargés de nommer en se conformant aux dispositions anciennes (k). Il n'est permis de porter en appel que les contestations de droit, non les affaires de pure administration (1). Dans l'Eglise russe, on peut appeler des cantoirs au consistoire, de là à l'évêque, et de l'évêque au synode. En Angleterre, on appelle de l'archidiacre ou de son official à son évêque, et si on a débuté par le tribunal épiscopal, de celui-ci à l'archevêque qui forme alors la dernière instance. Si le débat a commencé devant un archidiacre de l'archevêque, l'appel se porte au tribunal archiépiscopal, et de celui-ci à l'archevêque même. Le tribunal de l'archevêque de Cantorbéry est nommé la cour des arches (court of arches). A cette cour est maintenant réunie celle des exempts (court of peculiars). Anciennement la première était présidée par l'official, la seconde par un doyen spécial. Chaque archevêque a en outre une cour privilégiée (prerogative court) pour les affaires testamentaires, lorsque les biens du défunt sont disséminés en divers diocèses de la province. Les appels des arrêts de cette cour et des jugements rendus en première instance par l'archevêque se défèrent au roi en sa chancellerie, et pour en connaître, le roi nomme une commission sous le grand sceau (court of delegates) (m). En Suède, on appelle des consistoires au tribunal aulique et au roi. (6) C. 46. c. XI. q. 1. (Conc. Chalc. a. 451), Nov. Just. 123. cap. 22. (c) Capit. III. Carol. M. a. 812. c. 2. (d) C. 35. c. II. q. 6. (Conc. Milevit. a. 416), c. 15. D. XVIII. (Conc. Bracar. c, a. 572). (e) C. 66. X. de appell. (2. 28), c. I. de off. ordin. in VI. (1. 16), c. 3. de appell. in VI. (215). (f) C. 1. X. de off. legat. (1.30), с. 52. 66. X. de appell. (2.28). (g) С. 5. 7. 66. X. de appellat. (2. 28). (h) C. 59. 66. X. de appellat. (2. 28). (i) C. 28. X. de rescript. (1.3), c. II. X. de rescript. in VI. (1.8). (k) Conc. Basil. Sess. XXXI. Decret. de causis et appellationibus, Cone. Trid. Sess. XXIV. cap. 20. Sess. XXV. cap. 10. de ref. A défaut de ces conciles, la nomina. tion des juges est attribuée aux évêques en réunion de leurs chapitres; Const. Quamvis paternæ vigilantiæ Benedicti XIV. a. 1741. (1) L'importante Const. Ad militandis Benedict XIV. a. 1742 en donne une énumération exacte. $ 181.-C) De la procédure. La procédure devant l'évêque était dans le principe certainement très simple jusqu'à ce que l'extension des affaires et la complication des rapports eussent nécessité des formes plus précises (n). Incontestablement on se régla sur celles du droit romain, et elles continuèrent, bien que sous des modifications nombreuses, à être observées dans les tribunaux ecclésiastiques, même des royaumes germaniques, parceque la loi romaine était toujours la loi personnelle du clergé. L'union avec les tribunaux séculiers donna aussi accès à quelques-unes des formes germaniques. Mais à partir du douzième siècle les rescrits des papes et les universités développèrent d'une manière très complète sur les données du droit romain la procédure canonique (o), et par suite la procédure germanique se trouva successivement écartée même des tribunaux séculiers. Les progrès incessants de la science de la procédure ne permettent pas du reste aux tribunaux ecclésiastiques de s'en tenir à la procédure canonique, et ces tribunaux doivent en cela avoir égard aux lois de leur pays. L'exécution des jugements est garantie par des voies spirituelles de contrainte, et, selon la législation du pays, par le concours du bras séculier. En Angleterre, l'ancienne procé (m) C'est par Henri VIII que les appels ont été ainsi réglés. 24. Henr. VIII. c. 5. ss. 6. 7. 8. 12., 25. Henr. VIII. c. 19. st. 4. (n) C'est ce qu'on voit dans les Constit. Apost. Lib. II. c. 49-51. Là les chrétiens ont un local et par semaine un jour affecté aux ébats de la justice. L'évêque siège entouré de ses prêtres et diacres, les parties se présentent, les témoins sont entendus. Alors les prêtres et diacres mettent en usage les voies de conciliation, et s'ils échouent, l'évêque prononce la sentence. (0) Dans les recueils de décrétales une grande partie du premier livre et le second tout entier s'occupent de la procédure. |