mer l'appuya, taxant le système épiscopal d'inconséquence, en ce qu'il admettait tacitement comme légitime l'autorité de la hiérarchie catholique et substituait simplement le souverain au pape et aux évêques (z). Après lui, le fécond publiciste J. J. Moser s'est fait le principal défenseur de la souveraineté comme base de l'autorité spirituelle dans les états évangéliques (a). Cette théorie est en opposition avec la distinction fondamentale du christianisme entre l'Eglise et l'Etat (b), et les lois de l'empire qu'on invoque ne présentent non plus aucune preuve solide à l'appui (c). $ 38. c) Système collégial. A l'encontre du système territorial s'éleva le système collégial. Il considère l'Église comme une réunion contractuelle, distincte de l'Etat, libre et indépendante, qui s'est primitivement régie par le principe de l'égalité, et qui successivement dépouillée de ses droits par la hiérarchie, les a reconquis lors de la réforme et conférés au souverain. Ainsi il distingue dans le souverain deux sortes de droits : les droits de suzeraineté, lesquels émanant essentiellement de la suprême autorité, appartiennent au chef de l'Etat comme tel, et ceux du gouvernement ecclésiastique, anciens droits collégiaux de l'Église par elle conférés ensuite au souverain (d). Cette théorie repose sur une complète méconnaissance de la constitution primitive de l'Eglise; soutenir que l'autorité aurait jamais résidé dans la commune entière c'est, indépendamment des mutilations historiques prodiguées à ce sujet, attaquer de front et le caractère fondamental de l'Eglise chrétienne née de la parole du Christ non du concours de caprices individuels et les actes des apôtres. Il ne reste (2) J. H. Boehmer de jure episcopali principum evangelicorum. Halæ 1712. 4. La dissertation se trouve aussi dans son Jus eccles. Protest. lib. I. tit. XXXI. §. 19-64. (a) Dans ses dissertations sur le droit ecclésiastique allemand Num. I. (6) Boehmer lui-même reconnaît cette distinction, Jus parochiale sect. I. cap. II. §. 46. 47.; et pourtant, chose étonnante, il veut que la suprématie ecclésiastique appartienne au chef de l'état comme tel. (c) Il est vrai que sous le nom de Jus reformandi le traité d'Osnabrück Art. V. §. 30. assure à chaque état de l'empire, en vertu de sa souveraineté, le droit de décider quelle religion, quelle église sera admise dans le pays; mais cela n'emporte aucun pouvoir sur l'intérieur même de l'Eglise. (d) Déjà les réformés de France et les presbytériens d'Angleterre agissaient et écrivaient dans l'esprit de ce système; en Hollande il eut dans Gisb. Voet († 1676) et son cole de zélés partisans; en Allemagne il fut particulièrement développé par Chr. M. Pfaff (+1760) dans ses Origines juris ecclesiastici et ses discours académiques sur le droit ecclésiastique commun et privé des protestants, puis adopté par J. U. de Cramer Diss. de jure circa sucra collegiali et majestatico. Marb. 1736. (in Opusc. T. II.) et Observ. jur. univers. T. I. Obs. 416. 419, J. L. von Mosheim Allgemeines Kirchenrecht der protesJanten. Helmst. 1760., A. J. Schnaubert Beiträge zum deutschen Staats und kirchenrecht. Th. I. Num. II.; et maintenant encore il compte beaucoup de partisans. qu'un refuge où se retranchent en effet quelques-uns; c'est de faire déjà commencer dans les apôtres l'usurpation des droits collégiaux. Mais dans l'hypothèse même d'une usurpation, il faut supposer que lors de la réforme, les droits collégiaux revenus aux communes ont été par elles expressément ou tacitement conférés aux souverains. C'est ce que ne justifient ni l'histoire ni les idées de cette époque. $39.-d) Saine théorie. Voici d'après les faits historiques la saine théorie: I. L'immixtion des souverains dans le gouvernement de l'Eglise se fonde sur les instances réitérées des réformateurs même, conséquemment sur une autorité parfaitement légale pour leurs sectateurs. II. Les souverains recevaient leurs offres comme soutiens et protecteurs de la nouvelle Eglise (e), conséquemment dans la supposition de leur adhésion et de leur concours personnels. L'autorité temporelle était là considérée non comme source mais uniquement comme moyen dicté par l'intérêt de l'Eglise. III. Le système épiscopal a par conséquent raison de distinguer comme reposant sur deux points de vue différents la souveraineté et le gouvernement ecclésiastique y réuni; mais il est impossible de soutenir que cette autorité ecclésiastique dévolue au souverain soit de sa nature l'autorité papale ou épiscopale du catholicisme. Les divers droits qu'elle comprend se laissent uniquement déterminer soit par les lois positives et l'état de possession, soit par la nature du protestantisme. IV. Le système collégial est toutefois dans l'esprit de notre temps, et par une analyse plus précise des pouvoirs a préparé la législation nà concéder peu à peu plus de liberté au régime ecclésiastique. CHAPITRE IV. RAPPORTS DE L'ÉGLISE AVEC L'ÉTAT. $ 40.-I. Du droit abstractivement. L'Eglise chrétienne instituée directement par Dieu et pour la parole divine est par là même obligée de maintenir sa mission contre la résistance des institutions et des mœurs et de les pénétrer de son esprit. En vertu de ce devoir, elle conquiert parmi les peuples (e) C'est ce qui résulte notamment des déclarations du convent de Naumbourg en 1554. (§. 34. note o.). par la force de sa doctrine et le courage de ses martyrs la reconnaissance de son droit à une libre existence. Ce droit, elle le fonde, vis-à-vis de l'autorité publique qui n'adopte pas le point de vue du christianisme, sur la liberté de la vie religieuse dérivant de la nature spirituelle de l'homme, sur la différence des sphères d'activité des deux puissances (f), sur la reconnaissance et l'enseignement formels de l'obéissance due au pouvoir temporel (g), sur la nécessité de la religion pour l'Etat (h), et l'élan qu'elle donne à toutes les vertus civiles. La reconnaissance de ce droit comprend essentiellement la promesse de l'Etat de ne point entraver la foi et l'exercice de la religion en tant qu'il reste dans les limites du domaine intérieur de l'Eglise, de ne rien demander de contraire aux devoirs de conscience qui en découlent, et d'accorder aux personnes, aux institutions et à la propriété de l'Eglise la protection légale. De son côté l'Eglise est obligée d'exposer ouvertement et de bonne volonté sur la demande de l'Etat sa doctrine et sa discipline, de graver en ses membres respect et fidélité envers l'autorité temporelle et d'ordonner des prières pour la prospérité de celle-ci (i). Mais dans cette situation l'Eglise n'a pas droit de prétendre à l'appui positif du bras séculier; elle n'a pour le maintien de ses lois d'autre garantie contre ses membres que leur conscience et la force de sa parole. § 41. II. L'état chrétien (k). La situation ci-dessus décrite ne suffit point à l'Eglise; il est de l'essence du christianisme de pénétrer la vie civile et publique, et de transformer le corps social en un état chrétien où la majesté de la religion est reconnue, honorée et protégée même par l'autorité souveraine. L'Eglise peut donc réclamer d'un souverain chrétien que loin d'accoler aux préceptes de l'Eglise des lois qui les entravent ou les affaiblissent (1), il les soutienne par ses réglements, pu (f) C'est ce que dit aussi la August. Conf. Tit. VII. De potestate ecclesiastica. Cum potestas ecclesiastica concedat res æternas, et tantum exerceatur per ministerium verbi: non impedit politicam administrationem; sicut ars canendi nihil impedit politicam administrationem. Nam politica administratio versatur circa alias res quam evangelium. Magistratus defendit non mentes, sed corpora et res corporales adversus manifestas injurias, et coercet homines gladio et corporalibus pœnis, ut justitiam civilem et pacem retineat. (g) Matth. XXII. 21. Reddite ergo quæ sunt Cæsaris Cæsari, et quæ sunt Dei Deo. (h) Leibnitz epist. censor. contra Puffendorff §. VI. Tolle religionem et non invenies subditum, qui pro patria, pro republica, pro recto et justo, discrimen fortunarum, dignitatum, vitæque ipsins subeat, si eversis aliorum rebus ipse consulere sibi et in honore atque opulentia vitam ducere possit. (i) Rom. XIII. 1. 2., I. Tim. II. I. 2. (k) (Pey) De l'autorité des deux puissances. Strasb. 1781. 3 vol. 8. (7) Il est par exemple contraire au principe d'un état chrétien que dans le droit ma nisse les attaques extérieures contre l'Eglise et la religion, prévienne et étouffe les schismes (m), pourvoie à l'entretien ordinaire du culte et des ministres des autels, honore et reconnaisse par des distinctions civiles les serviteurs de l'Eglise. De son côté l'Eglise doit lui témoigner une confiance proportionnée à cette protection, se prêter à ses justes vœux et réclamations pour les institutions religieuses du pays, fixer, après s'en être entendue avec lui, les lois et mesures tendant à ce but, extirper autant qu'il est en elle les maux et abus qu'on lui signale, empêcher toute anticipation de ses ministres dans la sphère de l'état, veiller avec lui au bien-être général, et dans les temps de crise l'assister même de son avoir. Ainsi les deux pouvoirs travailleront de front et de concert à leur destination, traiteront amiablement les affaires communes, aplaniront par la modération les collisions et concorderont entre eux comme les membres d'un seul corps, celui de la chrétienté. Ainsi l'Eglise sous la protection de l'Etat remplira facilement et joyeusement sa mission; et l'Etat par l'action de l'Eglise sera sanctifié et affermi jusque dans ses derniers fondements (n). $ 42. - III. Droit positif (o). A) Temps anciens. Dans les premiers siècles de l'Eglise, ses disciples, placés entre la loi divine et les voies de contrainte de l'autorité païenne, n'avaient qu'à affronter héroïquement les persécutions religieuses; mais en se convertissant au christianisme les empereurs dans l'entraînement de leur zèle se déclarèrent ses protecteurs (p), et par suite se virent maintes fois requis par les papes même de maintenir l'unité et la discipline de l'Eglise à l'ombre du diadème (q). Désormais les trimonial la législation civile se place isolément sur son terrain, sans daigner jeter un seul regard sur l'Église. (m) C'est aussi ce que réclament les Helvet. Conf. II. Art. XXVI., Helvet. Conf. I. Cap. XXX., Belg. Conf. Art. XXXVI., Scotic. Conf. Art. XXIV. (n) Montesquieu Esprit des Lois liv. XXIV. ch. 6. Bayle ose avancer que de véritables chrétiens ne formeraient pas un état qui pût subsister. Pourquoi non ? Ce seraient des citoyens infiniment éclairés sur leurs devoirs, et qui auraient un très grand zèle pour les remplir; - - plus ils croiraient devoir à la religion, plus ils penseraient devoir à la patrie. Les principes du christianisme bien gravés dans le cœur seraient infiniment plus forts que ce faux honneur des monarchies, ces vertus humaines des républiques, et cette crainte servile des états despotiques. (o) C. Riffel Geschichtliche Darstellung des Verhältnisses zwischen Kirche und Staat von der Gründung des Christenthums bis auf die neueste Zeit. Th. I. Mainz 1836. 8. (p) Constantini imper. epist. ad Melchiadem papam (Epist. Roman. pontif. ed. Schænemann p. 201), Maximi imper. epist. ad Siricium papam (Schænemann p. 419), Marcianus imper. in conc. Chalced. act. VI. (c. 2. D. XCVI.) (q) Cœlestini papæ epist. ad Theodos, imper. (Schænemann p. 844), Leonis I. epist. 24. 54. 115. 125. 162, 164. cd. Baller. choses de la religion furent placées au rang des plus importantes affaires de l'empire. Puis se produisit l'idée des deux puissances qui régissent le monde (r) et doivent mutuellement se soutenir pour le salut de l'humanité (s). Egarés par cette idée et surtout par l'avidité de l'esprit de domination, les empereurs d'Orient pénétrèrent toujours plus avant dans la législation et le gouvernement de l'Eglise; et quand la résistance que les papes seuls continuaient toujours à leur opposer pour la défense de la liberté ecclésiastique (t) fut elle-même paralysée par le schisme, l'Eglise de leur empire se perdit comme tout le reste dans les rouages d'un mécanisme politique extrêmement délié, mais sec, et se complaisant dans le vain artifice des formes. L'Occident offre un autre spectacle. Là l'Eglise protège et dirige l'enfance de peuples vigoureux nouvellement convertis, elle travaille à les élever de l'état d'une âpre et rude liberté à l'idéal d'états chrétiens. Le sacerdoce et la royauté leur furent présentés comme les deux membres du corps vaste et sacré de la chrétienté (u), comme deux glaives qui la régissaient et protégeaient en commun (v), comme le soleil et la lune qui éclairaient le firmament de l'Eglise (w), de telle sorte que le spirituel dirigé vers la région plus élevée des choses du ciel devait répandre ses rayons sur le temporel (x), le diriger et l'ennoblir (y). Dans toutes les affaires de la vie, dans les mœurs et les lois, les sciences et les arts, même dans les questions embarrassées du droit public et de la politique (z), le christianisme se trouva par suite adopté comme régulateur et devint le grand intérêt qui dominait tous les autres (a). Imbus de ce sentiment, les papes et évêques regardèrent (r) C. 21. c. XXIII. q. 5. (Leo 1. a. 450.), c. 10. D. XCVI. (Gelasius papa Anastasio imper.) (s) Novella Justin. 6. præf. (1) C. 12. D. XCVI (Gelas. a. 494), с. 15. eod. (Idem a. 495), с. 4-8. eod. (Nicol. I. a. 865.), c. II. eod. (Joann. VIII. c. a. 873). (u) Conc. Paris. VI. a. 829. lib. I. c. 3. Principaliter totius sanctæ Dei ecclesiæ corpus in duas eximias personas, in sacerdotalem videlicet et regalem, sicut a sanctis patribus traditum accepimus, divisum esse novimus. (v) Constit. Frid. II. a. 1220. c. 7. Gladius materialis constitutus est in subsidium gladii spiritualis. - Sachsenspiegel Livre I. Art. I. Dieu a placé deux glaives sur la terre pour la défense de la chrétienté. Au Pape il a remis le glaive spirituel, à l'Empereur le glaive séculier.-Voire est que toutes les fois que l'on fait résistance au pape et que le pape ne peut forcer l'obéissance par la juridiction spirituelle, c'est à l'empereur à y contraindre par la justice laie. De même aussi le pouvoir spirituel doit préter aide à la justice Jaie s'il est besoin. (w) Gregor. VII. epist. VII. 25. VIII. 21. (x) Innocent. III. in c. 6. X. de major. et obedient. (1. 33). (y) Gregor. VII.. epist. VIII. 21. (c. 9. 10. D. XCVI. ). (z) Innocent. III. in c. 13. X. de judiciis (2. 1). (a) Bonifac. VIII. in C. I. extr. comm. de major. et obedient. (1.8). Ce texte ne parle évidemment que de la soumission au pape comme organe du principe chrétien, |