Page images
PDF
EPUB

formateurs sur l'interprétation du texte ne leur paraissait pas possible à raison de sa clarté (6); mais bientôt lorsqu'elle éclata, Luiher même revint à la nécessité d'une autorité décisive en matière de foi (c). Les réformateurs commencèrent par se l'arroger, puis les théologiens, les synodes, le pouvoir séculier (d); et les diverses confessions de foi, rédigées ou reçues par cette voie d'autorité, démontrèrent aussi que la nouvelle Eglise ne pouvait pas plus que l'ancienne se passer de symboles de foi et de points d'appui dans l'interprétation (e). III. Les formes du gouvernement de l'Eglise n'étaient l'objet d'aucune disposition générale; elles se dessinèrent diversement selon les circonstances.

§ 34. - 2. Formes particulières de la constitution ecclésiastique.
a) En Allemagne.

En Allemagne, les premiers changements dans la doctrine et le culte émanèrent du clergé et des communes. Mais bientôt les réformateurs eux-mêmes appelèrent en aide l'autorité séculière, et déjà avant l'apparition de la confession d'Augsbourg, quelques états de l'empire, exploitant la liberté d'action que leur assurait la diète de Spire (1526), prenaient une part active aux innovations. Ils ins

(b) Dans son écrit de servo arbitrio en réponse aux observations incisives d'Erasme (1525), Luther qualifie doctrine du diable l'assertion que l'Ecriture est obscure et comporte une grande diversité d'interprétations. Menzel I. 144.

(c) Dans son épitre contre quelques sectaires, adressée au margrave Albert de Brandebourg en 1532 (édit, de Halle Part. XX. P. 2089), Luther défend ainsi sa doctrine sur la cène: Cet article n'est point une doctrine ou une théorie inventée en dehors de l'Ecriture par les hommes; il est nettement fondé et établi dans l'Evangile par des paroles claires, simples et indubitables du Christ; et depuis l'origine des églises chrétiennes par toute la terre il a été jusqu'à cette heure unanimement cru et observé. Ce témoi gnage de toutes les saintes églises chrétiennes (quand nous n'aurions pas d'autres preuves) devrait seul nous suffire pour nous en tenir à cet article et refuser d'entendre et de souffrir sur ce point aucun sectaire; car il est dangereux et horrible d'entendre et croire quelque chose contre le témoignage, la foi et la doctrine unanimes de toutes les saintes églises chrétiennes, tels que depuis l'origine, actuellement depuis quinze siècles, elleş les ont unanimement maintenus par toute la terre.

(d) Sur ce point Menzel offre de précieuses données I. 262-69. 456-81. 11. 12-16. 402-6. IV. 1-30.

(e) Toute église a besoin d'un symbole, expression de la foi commune, et il ne reste plus de l'Eglise qu'un vain simulacre dès que chacun peut croire ce qu'il veut. Donc tout symbole doit aussi faire à ce point autorité que celui qui ne l'accepte pas n'appartienne pas à l'Eglise. Dans les symboles protestants, il est vrai, on a voulu écarter cette conséquence à l'aide d'une distinction; ces symboles, a-t-on dit, ne sont pas rédigés comme règle de foi, mais seulement comme expression de la conviction commune. Mais cela revient au même; il s'ensuit en effet toujours que celui qui ne peut partager cette conviction s'exclut de la communauté. Or l'Eglise catholique n'en dit pas davantage; elle ne possède pas plus que les protestants des moyens de contrainte pour faire

tituèrent des visites d'églises (1) pour introduire et propager la nouvelle doctrine, commirent, où il leur parut nécessaire, d'autres hommes à l'enseignement, firent rédiger par les principaux théologiens du parti une règle de doctrine et de discipline (g), nommèrent dans le clergé des surintendants pour y exercer la surveillance, procéder aux examens et aux visites, et en cas de besoin référer à l'autorité temporelle (h). Le droit de conférer l'ordination et d'excommunier fut provisoirement et à raison de la nécessité présente attribué aux pasteurs (i), et les branches de la juridiction épiscopale, qu'on croyait dériver uniquement d'une concession du pouvoir temporel, durent par le même motif retourner au souveraink). Ainsi se forma dans le cours des négociations à fin de réunion à l'Eglise catholique (1) une constitution provisoire, où le pouvoir épiscopal était en grande partie remplacé par l'autorité séculière (m). Celle-ci institua dès lors, sous le nom de consistoires ou conseils ecclésiastiques, des comités spéciaux d'administration (n). Enfin, toute perspective de réunion s'évanouissant, les théologiens érigèrent en principe ce que le fait avait déjà consacré; dans une assemblée tenue à Naumbourg en mai 1554, ils déclarèrent qu'à défaut de l'autorité épiscopal, dont il ne pouvait plus être question, l'autorité territoriale devait à la gloire même de Dieu de faire exercer en tant que de besoin par ses consistoires le gouvernement de l'Eglise (o). Tel était déjà l'état des choses lorsqu'à la diète d'Augsbourg (1555), la loi même de l'empire dépouilla les évêques de toute juridiction et autorité spirituelle sur les adhérents de la confession d'Augsbourg. Gette constitution demeura également dans les territoires où au lieu de cette confession s'était introduite celle des réformés, et le pouvoir de l'autorité temporelle en matière ecclésiastique, même sur la doctrine, ne fit que s'affermir de plus en plus (p).

croire ou retenir dans la foi, et elle aussi ne peut contre l'erreur et l'apostasie que protester en leur opposant son symbole et sa vérité.

(f) La première visite en Saxe eut lien en 1525, une antre sous la direction de Luther suivit en 1527. Seckendorf Commentarius de Lutheranismo. Lib. II. §. 8 et 36.

(g) Le premier réglement est: Reformatio ecclesiarum Hassiæ juxta certissimam sermonum Dei regulam ordinata in venerabili synodo per clementissimum Hessorum principem Philippum anno 1526, die 20 octobr. Hombergi celebrata, cui ipsemet princeps interfuit (Dans Schminke Monumenta Hassiaca, T. I. p. 588). Le second composé par Mélanchton est ainsi intitulé: Unterricht der visitatorn an die Pfarhern im Curfürsten- thum zu Sachsen. Wittenberg 1528. 4. (Réédité par G. Th. Strobel. Altenbourg 1776. 8.) Presque tous les pays protestants l'ont pris pour modèle. Le concours de l'autorité séculière dans ces réglements et dans les autres se démontre par les préfaces et lettres de publication.

(h) Cette organisation s'implanta d'abord en 1527 dans la Saxe électorale d'où elle s'é. tendit aux autres territoires.

(i) Art. Smalc. Tract. de potestate et jurisdictione episcoporum. Una res postea fecit discrimen episcoporum et pastorum, videlicet ordinatio: quia institutum est, ut unus episcopus ordinaret ministros in pluribus ecclesiis. Sed cum jure divino non sint diversi gradus episcopi et pastoris: manifestum est, ordinationem a pastore in sua ecclesia factam, jure divino ratam esse. Itaque cum episcopi ordinarii fiunt hostes ecclesiæ, aut nolunt impertire ordinationem: ecclesiæ retinent jus suum.-Con tat jurisdictionem illam communem excommunicandi reos manifestorum criminum pertinere ad omnes pastores.

(k) August. Conf. Tit. VII. de potestate ecclesiastica. Si quam habent (episcopi) aliam vel potestatem vel jurisdictionem in cognoscendis certis causis, videlicet matrimonii vel decimarum, etc., banc habent humano jure; ubi cessantibus ordinariis coguntur principes vel inviti, suis snbditis jus dicere, ut pax retineatur. C'est aussi ce que disent les Artic. Smalc. Tract. de potestate et jurisdictione episcoporum.

(1) Jusque dans le projet de Réformation de Wittenberg composé en 1545 pour la diète se trouvent encore concédées sous certaines conditions la nécessité de l'épiscopat et la soumission aux évéques. Menzel II. 335-43., Seckendorf Comment. de Lutheranismo Lib. III. §. 119.

(m) Melanchton vint aussi à l'appui de cette théorie dans les éditions ultérieures de la confession d'Augsbourg. August. Conf. variata. Tit. de conjugio sacerdotum. Sed

$ 35.-b) Dans les autres contrées.

Dans les royaumes du nord, la marche des innovations religieuses amena pareillement l'Eglise sous la suprématie des rois. En Suède toutefois se maintint la constitution épiscopale; en Danemark au contraire le roi l'abolit, et les surintendants qu'il fit ordonner par Bugenhagen de Wittenberg (1537) ne conservèrent de l'épiscopat à peu près que le nom. Cette constitution fut aussi introduite en Norwége. En Suisse, Zwingle avait déjà délaissé sans réserve le gouvernement de l'Eglise à l'autorité temporelle, et celle-ci ne s'en dessaisit plus. Calvin au contraire voulait que l'Eglise fût libre, tant du pouvoir temporel que de l'épiscopat, et se régît ellemême par ses assemblées presbytérales et synodales; et ce principe reçut son exécution en France et dans les Pays-Pas (q). En Angleterre, Henri VIII, qui avait atteint son principal but par l'a

non ad solos episcopos, verum etiam ad pios principes, ac maxime ad imperatorem pertinet, pure intelligere evangelium, dijudicare dogmata, advigilare ne impiæ opiniones recipiantur aut confirmentur, idololatriam omni studio abolere, - inquirere veram doctrinam, et curare ut boni doctores præficiantur ecclesiis, dare operam, ut rite dijudicentur ecclesiasticæ controversiæ.

(n) Le premier essai de cette institution avait déjà été fait par le chancelier Pontanus à Wittenberg en 1539. Seckendorf Comment. de Lutheran. Lib. III. §. 72. Mais elle ne fut réellement établie que sur la demande des États en 1542. L'année suivante, le duc Maurice de Saxe créa, d'après ce modèle, un consistoire à Leipzig. Seckendorf Comment. Lib. III. §. 110.

(0) Au sujet de ce convent Conf. Menzel III. 530-36. 573.

(p) C'est ainsi que dans le Palatinat le catéchisme d'Heidelberg fut composé et introduit de force par ordre de l'électeur Frédéric III. De même dans la principauté d'Anhalt, en 1596, le souverain prescrivit une doctrine et une liturgie nouvelles, rédigées d'après les principes des réformés.

(9) §. 35. Gallic. Conf. Art. XXIX. XXX., Belg. Conf. Art. XXX. XXXI.

bolition de la suprématie du pape, conserva la constitution épiscopale, et comme les évêques n'apportaient aucun obstacle aux progrès des innovations religieuses, elle continua d'y subsister. Sous le règne d'Elisabeth, il est vrai, se forma un parti de puritains ou non conformistes qui, entre autres réformes, réclamaient la pure constitution presbytérienne. Parmi eux s'élevèrent même des sectes de Brownistes ou Séparatistes, d'Indépendants ou Congréganistes qui ne voulaient aucun gouvernement commun d'évêques ou de synodes, mais l'indépendance individuelle de chaque commune. Pourtant après maintes luttes la constitution épiscopale demeura la constitution légale de l'Angleterre et de l'Irlande. En Ecosse au contraire, où les innovations religieuses émanaient principalement des prédicateurs et des communes, les doctrines de Calvin servirent de règle dans la fixation même de la discipline. De là une lutte longue et opiniâtre entre le pouvoir royal qui redoutait le principe démocratique de cette constitution, et le peuple qui s'y tenait fortement attaché. D'abord le gouvernement tenta (1586) de maintenir l'épiscopat au moins pour la présidence des assemblées presbytérales; mais il dut bientôt l'abolir, et le parlement (1592) accepta le presbytéranisme pur avec ses synodes provinciaux et ses assemblées générales. Jacques 1er (1606) rétablit l'épiscopat; Charles 1tr se vit forcer de le supprimer (1639). Charles II le rétablit de nouveau (1661); mais enfin le presbytéranisme acquit une domination assurée par un acte émané de Guillaume III, immédiatement après la révolution (1690), et fut, lors de la réunion de l'Angleterre et de l'Ecosse sous un seul parlement (1707), affermi à toujours comme loi fondamentale de l'union,

§. 36.-3) Théories modernes. a) Système épiscopal.

La suprématie religieuse une fois conférée dans la plupart des pays à l'autorité temporelle, on songea à justifier scientifiquement cet état de choses. Dans ce but naquirent successivement divers. systèmes. Nous indiquons les trois principaux (r): l'un borné à l'Allemagne est le système épiscopal (s); il part de ce fait histori

(r) D. Nettelbladt de tribus systematibus doctrinæ de jure sacrorum dirigendorum Domini territorialis evangelici quoad ecclesias evangelicas sui territorii (In ejusd. Observ. jur. eccles. Halæ 1783. 8. N° VI.).

(5) L'idée générale qui lui sert de base apparait déjà vers le commencement du dix septième siècle; mais les premiers qui tentèrent de l'asseoir plus solidement farent M. Stephani († 1646) de jurisdictione. Frf. ad Moen. 1611. 4., Th. Reinkigk († 1664) tractatus de regimine seculari et ecclesiastico. Gies. 1619. 4. Basil. 1623. 8. Ils furent suivis de B. Carpzow († 1666) et autres. Les plus modernes défenseurs du système sont Fr. C. von Moser Vertraute Briefe über das protestantische geistliche Recht. (Frkf. am Main 1761.8.). Elfter Brief, D. Nettelbladt Anmerkungen über die Kirchengewalt der evangelischen Landesherrn (dans ses Abhandlungen, Halle 1783. 8.), Ueber das bischöfliche Recht in der evangelischen Kirche in Deutschland. Berl. 1828.8. (Jahrbücher der preuss. Gesetzgebung Heft. 61.)

que que, par le décret de l'empire de 1555, la juridiction spirituelle des évêques catholiques sur les adhérents de la confession d'Augsbourg a été suspendue jusqu'à l'aplanissement des difficultés religieuses (t); par là, dit-on, elle s'est trouvée provisoirement dévolue aux souverains, lesquels ont ainsi réuni à leur caractère propre celui d'évêques provisoires. Contre cette argumentation s'élève un raisonnement décisif: c'est qu'une suspension n'emporte pas une dévolution (u), et que sous le point de vue du droit canonique catholique, qui après tout ne peut rester étranger à l'interprétation du décret, une telle dévolution n'était pas même possible. Quelques-uns ont présenté leur théorie sous un jour différent: par la suspension la juridiction spirituelle ne serait pas tant dévolue à l'autorité temporelle que retournée à la source d'où elle est originairement émanée (v). Mais d'après les premiers principes du protestantisme même, cette assertion n'est soutenable qu'à l'égard de quelques droits isolés nullement du pouvoir épiscopal (w), et dans cette généralité elle conduirait plutôt au système territorial.

§ 37.- b) Système territorial.

Vers le temps où le système épiscopal s'établissait en Allemagne, les controverses de Gomar et Arminius en Hollande y avaient soulevé la question des droits de l'autorité temporelle en matière de religion. Hugo Grotius entreprit sur ce sujet des recherches étendues, qui le conduisirent à attribuer presque tous les droits de l'autorité ecclésiastique au chef de l'état comme tel (x). Thomas Hobbes et Benoît Spinosa allèrent plus loin encore; dans leur théorie du droit naturel ils incorporèrent l'Eglise à l'Etat, et la lui soumirent sans réserve. Sur les mêmes errements Christian Thomasius esquissa pour l'Allemagne un nouveau système, où les droits des princes évangéliques en matière de religion devenaient comme tous autres droits régaliens un attribut de la souveraineté (y). J. H. Böh

(t) Recès de la diète d'Augsbourg de 1555. 5. 20: Afin aussi que les deux partis religieux sus-énoncés soient et demeurent l'un près de l'autre dans une paix durable et en bonne sécurité, il est décidé que jusqu'à l'entier aplanissement des difficultés religieuses la juridiction ecclésiastique cessera d'être invoquée et exercée, tant pour le passé que pour l'avenir, contre les adhérents de la confession d'Augsbourg en tout ce qui touche la religion, la foi, la nomination des ministres, les rites, réglements et cérémonies.

(u) Nettelbladt de tribus system. §. 5. not. k. dit très bien: Jus suspensum tantum, non est jus extinctum; hinc illud ipsum seu quoad substantiam manet penes eum, qui hactenus illud habuit.

(v) Telle est notamment l'opinion de Reinkingk.

(w) La preuve s'en trouve dans les textes cités sous le 5. 34 note k.

(x) L'ouvragene fut édité qu'après la mort de l'auteur sous le titre: De imperio summarum potestatum circa sacra; Paris 1646 et 1647.

(y) Notamment dans sa dissertation: Vom Rechte evangelischer Fürsten in theolo gischen Streitigkeiten. Halle 1694. 4°.

« PreviousContinue »