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mais il devait nécessairement, dans la suite, consommer la ruine du gouvernement féodal.

S XXV.

Philippe-le-Bel (14° siècle).

C'est un des règnes les plus remarquables de notre monarchie. C'est l'époque où l'on voit les élémens épars et confus du gouvernement de France, se réunir, se coordonner jusqu'à un certain point, pour former une constitution dont les principes seront souvent, dans la suite, négligés par l'incurie du peuple, méconnus par l'ineptie des ministres, faussés par le despostime de la cour.

Philippe était né avec un esprit profond, un caractère ferme, un cœur ambitieux. Il voulut, comme ses prédécesseurs, abattre les grands vassaux; mais comme, son plan était de dominer également sur tous ses sujets, sa politique fut moins généreuse.

Ce qui soutenait encore les seigneurs, c'était le droit de battre monnaie. Les altérations fréquentes qu'ils faisaient subir aux espèces leur procuraient de grandes richesses; et, comme c'était un fléau pour le peuple, ils lui vendaient quelquefois la renonciation à cette funeste prérogative. Les sommes annuelles payées pour prévenir les opérations de ce genre, étaient appelées monnéages.

Philippe, après avoir, au commencement de són règne, changé souvent ses monnaies et altéré leur valeur d'une façon ruineuse pour la nation, répara le mal, en faisant faire une nouvelle fabrication, et en déclarant que tous ceux qui rapporteraient d'anciennes espèces recevraient des dédomma. gemens. Il alla plus loin sûr d'être soutenu par la reconnaissance publique, il ordonna d'abord qu'à l'avenir un de ses officiers veillerait à la fabrication de chaque monnaie seigneuriale; puis ensuite il suspendit, sous divers prétextes, toute fabrication d'autres espèces que celles de la couronne; puis il donna cours à celles-ci dans toute l'étendue du royaume, et

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ensuite il porta une défense générale de battre monnaie dans tout autre lieu les hôtels royaux.

que

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Les seigneurs n'étaient plus assez forts pour résister ouvertement; ils se soumirent; ainsi fut tarie la source d'où ils pouvaient encore tirer quelque force. Il ne leur fut plus dès-lors possible de soudoyer des corps un peu redoutables; et, lorsque le monarque leur défendit peu de temps après de troubler la paix publique en guerroyant entre eux, ils furent encore obligés de fléchir.

C'est sous le règne des fils de Philippe-le-Bel, qu'il faut placer la chûte totale du gouvernement féodal; mais le règne de ce prince lui-même doit encore fixer nos regards.

S XXVI.

Du Parlement.

Ce qui caractérise surtout l'histoire de notre Droit public, c'est une suite de faits qui attestent que jamais notre nation ne fut régie par une volonté absolue, et qué, dans tous les temps, l'autorité dut être au moins appuyée de l'accession d'une portion ou d'une classe des sujets. Cette assertion est juste, et il faut l'avoir sans cesse en vue en parcourant l'histoire des derniers siècles. Presque tout apparaît alors sous un autre aspect.

Aucun point historique n'a été autant débattu que celui de l'origine du parlement. Aucun n'a donné lieu à autant de discussions. On a tour-à-tour considéré cette compagnie comme cour de justice, ou comme corps politique, et chacun a eu son système, suivant qu'il a voulu attribuer ou refuser plus ou moins d'importance au parlement; la question s'est trouvée de plus en plus obscure, parce que c'est fort rarement l'impartialité qui s'est chargée de l'examiner.

Suivons fidèlement la marche que nous avons adoptée.

On a vu que Charlemage avait établi deux sortes d'assemblées; 1o le Champ-de-Mai, qui n'était que l'ancien Champ-de-Mars régularisé; 2o le placitum ou parlamentum qui n'était guère que le conseil des leudes de la première race.

La première cessa d'avoir lieu quand le systême féodal s'établit; la seconde continua à exister, et c'est ce que nous avons appelé cour du roi, ou des plaids royaux. Mais ici encore il y a une distinction à faire. Quand Saint-Louis eut aboli la jurisprudence des siècles barbares, il s'introduisit naturellement de nouvelles formes de procédure; il fallut ouïr et confronter des témoins, examiner des actes ou peser des raisonnemens. Ceux qui ne savaient que manier l'épée, devaient dès-lors se trouver au second rang; et il fallait nécessairement que des membres du bas clergé et des communes, les seuls hommes qui fussent alors éclairés, prissent quelque part à l'instruction des affaires; c'est ce qui arriva effectivement, et cela produisit un changement notable. Car les barons s'éloignèrent d'une cour où siégeaient des clercs et des villains, et alors il y eut, en quelque sorte, deux tribunaux dans un seul, composé, comme nous venons de le dire, et présidé par un officier royal, ce fut la cour du palais; elle put connaître de la plupart des affaires; quelques-unes seulement demandaient le concours du roi, et de ses assesseurs ordinaires, ce fut la cour des plaids royaux (1).

La première eut lieu, de règne en règne, plus fréquemment; la seconde devint, de jour en jour, plus rare. Les assises de la première furent appelées parlemens, et le nom lui en resta quand les assisses furent devenues permanentes, ou à-peu-près; les séances de la seconde semblent avoir fait naître et amené l'usage des lits de justice.

Philippe-le-Bel porta, en 1302, une ordonnance fameuse, qui rendit la cour sédentaire à Paris, et lui assigna deux assises par an Propter commodum subditorum nostrorum et expeditionem causarum proponimus ordinare; quòd duo PARLAMENTA Parisiis tenebuntur in anno, dit la loi.

Ainsi, le parlement remplaça donc la cour du roi, ou plutôt une section de la cour du roi. C'est à ce titre qu'il devint

(1) Le comte de Buat, Des Origines, tom. 1.

la cour des pairs, quand les pairs y assistèrent. La suite nous présentera les modifications amenées par le temps dans l'existence de ce corps célèbre.

S XXVII.

Des Etats-généraux.

Ceux qui ont voulu que les parlemens fussent les véritables Etats-généraux de la nation, ont accumulé citations sur citations, pour prouver un fait qui ne prouvait rien; c'est que le parlement avait vraiment remplacé l'ancienne cour du roi. Cela est incontestable sans doute; mais ce qu'il s'agissait surtout de démontrer, c'était que la cour du roi pouvait être assimilée aux premières assemblées nationales, et qu'elle n'en offrait qu'une représentation fidèle. Or, tout dément cette supposition.

Tout prouve que la présence de la troisième classe de la nation, fut toujours nécessaire pour constituer l'assemblée nationale. Les premières années de notre histoire, le règne de Charlemagne, et l'époque où nous sommes parvenus l'attestent également. Il est constant que, tant que cette troisième classe n'existapas politiquement, il y eut bien des conseils de leudes ou des barons, des placita ou parlamenta, mais point d'assemblée nationale; et l'existence de ces conseils ne prouve autre chose que ce que nous avons dit plus haut ; c'est que l'assentiment de quelques Français fut toujours nécessaire pour changer en loi l'expression des volontés du souverain.

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Les assemblées nationales avaient disparu avec la liberté de tout ce qui ne pouvait être compté parmi la noblesse ou le ↑ clergé. Elles devaient reparaître avec l'affranchissement des

communes.

Philippe-le-Bel engagé dans une de ces luttes avec le souverain pontife, qui, quelques siècles avant, ébranlaient le trône des rois, crut devoir grouper autour de lui la nation tout entière, pour soutenir l'honneur et les droits de sa couronne, contre l'orgueil de Boniface VII. Il forma donc une

assemblée nationale, en 1301, dans l'église de Notre-Dame, de Paris. On a appelé depuis ces assemblées états-généraux. Les trois ordres composant la nation française, le clergé, la noblesse et le tiers-état, y étaient représentés par des députés. Voilà, sans contredit, l'institution la plus auguste que nous offre l'ancienne constitution de France, et au sein de laquelle on retrouve, par un étrange rapprochement, le berceau et la chûte de la monarchie. On éprouve sans cesse un regret en lisant notre histoire, c'est qu'elle ait été si rarement comprise, et par le gouvernement, et par les états eux-mêmes. S XXVIII.

Des Assemblées des notables.

La formation des Etats demandait le concours du peuple; le gouvernement, en faisant chaque année un pas nouveau vers le pouvoir absolu, craignait aussi, de jour en jour, de l'appeler à l'élection d'assemblées, qui devaient naturellement se ressouvenir qu'elles avaient été souveraines.

On forma alors une image des états-généraux, qui reçut le nom d'assemblée des notables. Les députés en étaient choisis par le monarque.

Il y a de remarquable dans cet établissement, qu'un quatrième ordre, en quelque sorte, y fut introduit ; c'est la magistrature, qui n'avait point fait partie des états-généraux, parce que la noblesse ne voulait pas la recevoir dans ses rangs, et qu'elle ne voulait pas s'associer au tiers-état.

Les assemblées des notables, convoquées en France, n'ont laissé aucun monument remarquable de leur existence. Elles n'ont jamais été utiles, parce qu'elles étaient une altération manifeste de la constitution primitive de la monarchie.

S XXIX.

Des Lits de justice.

Nous en avons déjà indiqué l'origine. Il semble, en effet, qu'on peut la rapporter à cette révolution qui survint vers le

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