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se conciliaient ni avec le respect pour les propriétés, ni avec la liberté individuelle, on a décrété (séance du 9 juillet) sur la proposition de Rewbel, que les émigrés, s'ils ne rentraient dans un mois, paieraient le triple de leurs impositions de 1791.

19° Décrets relatifs à la caisse d'amortissement.

› 20° Il a été décrété que les régimens coloniaux seraient à l'avenir sous la direction du département de la guerre.

› 21° Décret relatif à la nouvelle fabrication des monnaies. Les pièces d'argent seront assez mêlées d'alliage, pour qu'il n'y ait aucun intérêt à les fondre pour les exporter.

» 22° Enfin, décret relatif à l'évaluation des bois de futaie ou destinés à le devenir ou des tourbières, relativement à l'assiette de la contribution territoriale. >

L'auteur de cette analyse n'a omis d'essentiel que le décret suivant, sur l'appel nominal, rendu dans la séance du 11;

L'assemblée nationale considérant qu'en exécution de son décret de juin dernier, il doit être fait demain un appel nominal de ses membres, pour connaître les absens, décrète que la séance de demain 12, sera indiquée pour huit heures, pour être ouverte à huit heures et demie; que l'appel nominal commencera à dix heures, et qu'il sera imprimé une liste des membres présens, et une liste des absens, et que cette dernière sera envoyée au comité des finances chargé de délivrer des mandats à MM. les députés.

D

L'appel nominal eut lieu le 12. Le nombre des absens était de 132, parmi lesquels plusieurs avaient envoyé leur démission; de ce nombre étaient MM. de Sérent, de Bonnay, Cazalès.

Comme nous ne pourrions terminer ce volume en suivant le mois de juillet, sans aboutir à une solution de continuité fàcheuse, nous nous arrêterons ici, et nous profiterons de l'espace qui nous reste pour faire connaître à nos lecteurs une brochure de Marat contre les académiciens. Ce sont douze lettres écrites quelques

T. X.

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années avant leur publication, sauf cependant les dernières, car elles parlent de faits qui appartiennent aux années 1789, 1790 et même 1791. Nous donnerons celles-là. On ne sera pas étonné des détails d'intérieur connus par Marat, sur le compte des académiciens, pour peu que l'on réfléchisse qu'il s'occupait beaucoup de travaux scientifiques, et qu'il devait être au courant de tous les scandales de ce petit monde. Nous transcrivons les lettres X, XI et XII.

LETTRE X.

Tu me demandes des renseignemens sur l'académie royale des sciences; parce qu'ayant beaucoup vécu avec ses membres, personne (dis-tu) n'est plus en état que moi de t'en donner d'exacts; mais tu devrais savoir aussi que personne n'aime moins que moi ces sortes de détails, et tu as besoin de toute ma complaisance pour n'être pas refusé.

Ainsi que les autres corps, l'académie des sciences a ses mœurs, ses usages, son régime, ses maximes et sa politique, dont aucun membre ne peut s'écarter sans se rendre suspect à tous les autres : mais laissons là ce qu'elle a de commun avec les autres sociétés savantes, pour ne parler que de ce qui la caractérise.

Elle a pris pour symbole un soleil radieux, et pour devise cette modeste épigraphe: INVENIT ET PERFECIT; non qu'elle ait jamais fait aucune découverte, ou qu'elle ait jamais rien perfectionné; car il n'est sorti de son sein qu'une lourde collection de mémoires avortés (1), qui servent quelquefois à remplir un vide dans les grandes bibliothèques. En revanche, elle s'est assemblée 11,409 fois; elle a publié 380 éloges, et elle a donné 3,956 approbations, tant sur de nouvelles recettes de fard, de pommades pour les cheveux, d'emplâtres pour les cors, d'onguens pour les punaises, que sur la forme la plus avantageuse des faux tou

(1) S'ils ont si peu de valeur pour le fond, ils en ont beaucoup pour la forme; l'impression en est superbe, et la gravure magnifique. Dans le nombre il est tel mémoire sur un simple ou un instrument complétement inutile, mais représenté sur tous les sens, dont les planches ont coûté cent pistoles.

pets, des têtes à perruque, des canules de seringue, et sur mille autres objets de pareille importance: travaux glorieux, bien faits pour nous consoler des sommes immenses qu'elle nous coûte annuellement.

Prise collectivement, elle doit être regardée comme une société d'hommes vains, très-fiers de s'assembler deux fois par semaine, pour bavarder à leur aise sur les fleurs de lys: ou si tu l'aimes mieux, comme une confrérie d'hommes médiocres, sachant peu de choses, et croyant tout savoir, livrés machinalement aux sciences, jugeant sur parole, hors d'état de rien approfondir, attachés par amour-propre aux anciennes opinions, et presque toujours brouillés avec le bon sens.

Elle est divisée en plusieurs classes, dont chacune se met sans façon au-dessus de toutes les autres, et fait bande à part.

Dans leurs séances publiques et particulières, ces classes ne manquent jamais de se donner réciproquement des marques d'ennui et de mépris. Il y a plaisir à voir les géomètres bâiller, tousser, cracher, ricaner, lorsqu'on y lit un mémoire de chimie; et les chimistes ricaner, cracher, tousser, bâiller, lorsqu'on y lit un mémoire de géométrie.

Si chaque classe en use de la sorte, les individus ne s'y traitent pas mieux ; et les confrères se prodiguent charitablement cent épithètes gracieuses. Condorcet (1) est appelé le faquin lit

(1) Panégyriste de la confrérie; il mendie pour lui-même, disent ses confrères, les éloges qu'il distribue aux autres. Lorsqu'il a débité quelqu'une de ces petites phrases précieuses dont il brillante ses discours, il fait pause, dans l'attente des applaudissemens.

Mais admirez jusqu'où va la calomnie. Non content de le peindre comme un fat, ils l'accusent d'insolence. Moi je soutiens qu'il n'est rien de si humble. Entre cent traits que je pourrais citer en preuve, en voici un qui dispense de tout autre, et dont on assure l'authenticité. » Jolie ou non, sa patrone plût au marquis de Kers. Comme toute peine mérite salaire, elle en reçut un billet de 30,000 liv. Après le décès du galant, on trouva dans ses papiers de petits renseignemens sur cette créance: les héritiers, de mauvaise humeur, en contestèrent la validité; mais notre académicien en e igea l'acquit. Le mystère allait être dévoilé aux yeux du public, lorsqu'un petit voyage, concerté avec le procureur de la partie adverse, lui fournit les moyens d'obtenir sentence par défaut. Or la dette fut changée en contrat; et aujourd'hui le docte marquis touche par quartier les fruits des la

téraire ; Rochon, le paysan parvenu; la Lande, le chat des gouttières; Lavoisier, le père éternel des petites maisons; Cadet,. le torche-cul des douairières (1). Voilà, cher Camille, quelques échantillons de cette tendre fraternité dont ils font parade.

Toujours divisés entre eux, s'ils se réunissent quelquefois, c'est pour accabler l'auteur de quelque découverte, à laquelle ils n'ont pu atteindre. Ainsi, à la vue des menées qui déshonorent ces oracles privilégiés des sciences, en comparant leurs beaux discours à leurs vilains procédés, leur feint respect pour la vérité, à leur acharnement pour l'erreur, on aurait peine à concilier ces étranges contrariétés, si on ignorait qu'à leur intérêt près, rien ne les touche, que la crainte d'être éclipsés.

Venons à la politique de la compagnie.

Pour se donner du crédit, elle admet dans son sein les hommes en place; et pour se donner du relief, elle y reçoit les étrangers de mérite, et dont la réputation est faite.

Crainte de mourir tout entière, elle a pour principe de se reproduire de ses cendres; car chaque membre est ordinairement remplacé par un élève.

Si quelque nouveau venu se présente, la flagornerie seule peut lui ouvrir les portes; et comme les confrères ne sont pas ennemis de la bonne chère, ils donnent toujours la préférence aux favoris de la fortune.

Pris individuellement, ils se ressemblent tous: faux amans de la vérité, apôtres sincères du mensonge, adorateurs de la fortune, peu appliqués, peu instruits, peu dociles, mais très-dissipés, très-présomptueux, très-entêtés; ils sont curieux de distinctions et passionnés pour l'or; ils ont le même ton, les mêmes principes, la même allure, les mêmes procédés, et rien au

beurs de sa patrone. S'il fût venu au monde un an plus tôt, disent ses confrères, on aurait pu le croire fils de gentilhomme; mais aux goûts de la bonne dame, il pourrait bien descendre de quelque Turcaret. »>

(1) Il a commencé sa fortune en récrépissant le teint des catins de la cour: il l'achève en rapetissant leurs appas secrets.

monde ne ressemble plus à un académicien qu'un autre acadéinicien.

LETTRE XI.

Tu veux donc à toute force des particularités sur chacun de ces messieurs? Depuis vingt ans que je les vois, j'ai eu le temps de les connaître à fond, et je pourrais au besoin les peindre trait pour trait; mais crainte de médire, je me contenterai de te parler de ceux qui se distinguent le plus dans chaque classe.

Mathématiciens. - Au nombre des meilleurs sont La Place, Monge et Cousin: espèces d'automates, habitués à suivre certaines formules et à les appliquer à l'aveugle, comme un cheval de moulin à faire certain nombre de tours avant de s'arrêter.

Monge est célèbre par son bonheur; car c'est être heureux que d'avoir obtenu la place d'examinateur des élèves du génie, pour avoir appris à compter au maréchal de Castries.

Cousin est illustre par son physique de crocheteur et un estomac de fer.

La Place est fameux par sa jolie moitié, et surtout par sa vue de lynx : il a vu, à travers une couche de quinze mille lieues d'épaisseur, que le noyau de la terre est d'une densité moyenne. Chimistes. Les plus vantés sont : Sage, Beaumé, Cornette, infatigables manipulateurs, auxquels le ciel accorda le talent d'humecter, de sécher, de calciner, de dissoudre, de décanter, et auxquels il refusa celui de bien voir et de bien raisonner.

Tu connais Beaumé par son vin de groseilles; Cornette par sa belle expérience d'Essone; Sage par son beau laboratoire, ses petites manipulations, et son babil éternel.

Mais il fallait placer à la tête Lavoisier, le père putatif de toutes les découvertes qui font du bruit (1). Comme il n'a point

(1) Rien de si commode pour l'académicien plagiaire, que les mémoires de la compagnie. A l'instant qu'il a vent d'une découverte qui lui plait, il en accroche ce qu'il peut, sur des relations souvent erronées, et toujours incomplètes : puis il se met à brocher un mémoire; et sans s'inquiéter s'il déraisonne sur le sujet en question, il se contenle d'y consigner les termes qui la caractérisent: ensuite, pour prendre date, il s'empresse de lire dans quelque séance particulière lorsque l'ouvrage original paraît, il refond

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