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un régent, ayons un roi enfin, puisque pour quelque temps encore nous avons besoin qu'une seule tête, par sa hauteur, abaisse celle des ambitieux.

› Où sont-ils, ces grands hommes qui remplissent les admi nistrations, les comités, qui ont déserté cette tribune, depuis qu'ils ont vu que leurs discours n'étaient plus des oracles, depuis que vous avez senti qu'il vous fallait des choses et non des mots, qui ont reparu un moment lorsqu'ils ont senti qu'il était prudent de chercher un asile dans le sein des Amis de la constitution!> (On applaudit.)

(M. Charles Lameth veut parler pour une motion d'ordre, le tumulte empêche qu'on l'entende, il insiste; le président veut consulter l'assemblée.)

M. Biauzat, «Il y a une règle établie dans toutes les sociétés; le président doit la maintenir : c'est que toutes les fois qu'il se fait une motion d'ordre, le membre qui la fait doit avoir la parole.

M. Charles Lameth. Je n'abuserai pas long-temps de la faveur et de l'indulgence que me témoigne l'assemblée; mais j'observerai qu'il y a dans le discours de M. Antoine des inculpations qui dans ce moment-ci n'ont pas le caractère de franchise qui convient à une société d'amis. (On applaudit.) Ce n'est pas que je me sois reconnu aux inculpations souvent odieuses qui se trouvent dans ce discours. (Brouhaha.)

> › Il y a dans cette opinion un seul objet qui ne peut convenir ni à moi, ni à un ami que j'estime autant que je le chéris. On dit qu'on est venu chercher un abri dans cette société: c'est à la fois calomnier les personnes vers qui cette phrase est dirigée et le peuple. Je prie M. Antoine de vouloir bien nommer les personnes qu'il entend désigner.» (Quelques applaudissemens; marmures excessifs. On invoque de toutes parts l'ordre du jour : la société demande à y passer. M. Lameth sort de l'assemblée : quelques personnes applaudissent).

M. Biauzat. « Ces applaudissemens sont infàmes; je demande la parole pour une motion d'ordre. Il s'agit d'examiner à présent quel parti nous avons à prendre sur la fuite du roi. Je demande

que M. Antoine veuille bien se renfermer dans la discussion de čet objet sans s'adresser aux personnes. Les circonstances qui peuvent avoir éloigné de nous pendant un temps quelques-uns de nos collègues ne sont point l'objet de la discussion.>

(M. Charles Lameth rentre dans l'assemblée ; il est couvert d'applaudissemens. On demande la continuation de l'ordre du

jour.)

M. Biauzat. Et moi aussi, je la demande; mais qu'il ne soit question que de cela.>

M. Antoine. « J'ai cru de mon devoir de vous dénoncer une coalition qui n'est que trop évidente entre les nobles et les militaires; je déclare que personne n'est plus disposé que moi à excepter de cette coalition M. Lameth et le généreux colonel qui, dans votre dernière séance, a déclaré qu'il marcherait à l'ennemi comme simple soldat, si l'on croyait que sa place pût, être mieux remplie.

M. Ræderer. Avant que M. Antoine descende de la tribune, je lui demanderai la permission de lui faire deux questions qui n'auront aucun trait aux personnes.>

M. Antoine. «Je connais aussi le patriotisme du préopinant. » Plusieurs voix. Au fait, la conclusion,

M. Antoine. « Méfiez-vous de la coalition des nobles et des militaires : pourquoi ne viennent-ils pas ici nous échauffer de leur patriotisme, ou plutôt y puiser des lumières et y prendre des leçons d'égalité? Voyez ce qu'ils ont fait ; voyez leur fureur depuis qu'ils ont perdu l'espoir de se faire continuer dans leur législature. Songez que de tous les maux, celui de l'oligarchie est le pire; méprisons qui nous menace de la division, car la division est absolument nécessaire entre les intrigans et les vrais amis de la liberté, et surtout ne désespérons pas de la patrie. » (On applaudit.)

- M. le président annonce que le résultat du scrutin a donné pour président M. Bouche, et pour secrétaires, MM. Antoine, Billecoque, Laclos, Réné neveu et Bourdon.

La séance du 30 fut occupée par la lecture de diverses let

tres. Regnier neveu fut le seul orateur qui parla sur la question à l'ordre du jour (ce qu'il fallait faire). Vers la fin de la séance on annonça que Dubois de Crancé était dangereusement malade de la petite-vérole.

JUILLET 1791,

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Alexandre Beauharnais préside jusqu'au 3; le 3, Charles Lameth est élu président; Defermont, le 19; Alexandre Beauharnais est réélu le 31.

Les événemens du mois de juillet se distinguent de tous ceux que nous avons racontés jusqu'à ce jour, en ce qu'ils mettent dans la plus complète évidence le nombre, le caractère, la volonté des partis qui divisaient la France. Ici ce ne sont plus des discussions vagues, des tendances diverses, mais éloignées, et qu'à cause de cela même un nœud commun peut encore retenir. De part et d'autre les conclusions sont posées, et des actes à l'appui témoignent qu'elles sont irrévocablement résolues.

Les quatre partis entre lesquels la question de la fuite du roi opéra une réaction définitive étaient les royalistes, les royalistesconstitutionnels, les constitutionnels, les républicains.

Les royalistes de l'assemblée furent les premiers qui donnèrent le mot à leurs partisans. Dès le 29 juin, ils publièrent une protestation contre les décrets qui suspendaient l'exercice de l'autorité royale, déclarant qu'une telle mesure portait atteinte à l'inviolabilité de la personne sacrée du roi. Deux cent soixantedix députés signèrent cette pièce. Dans la séance du 5 juillet au matin, Foucault demanda la parole pour annoncer cette déclaration. Le Moniteur ne renferme là-dessus que les lignes sui

vantes.

[M. Foucault. Nous sommes ici au nombre de trois cents dont je me fais honneur.... (La partie gauche demande à grands cris l'ordre du jour.) Je dis....

L'assemblée consultée passe à l'ordre du jour.
M. Foucault. C'est la déclaration....

M. le président lève la séance à trois heures.]

Voici le texte de la déclaration et le nom des signataires : «Nous députés soussignés. Trois mois se sont à peine écoulés depuis l'époque où nous avons fait connaître à nos commettans nos réclamations sur un décret qui attaquait le principe sacré de l'inviolabilité de la personne du roi. Le zèle avec lequel il fut défendu par plusieurs de nous à l'époque du 28 mars, la persuasion où nous étions qu'il était impossible de porter impunément atteinte à ce principe essentiel à toute monarchie, ne sont que trop justifiés par les événemens qui se passent sous nos yeux, et par le spectacle affligeant dont nous avons la douleur d'être les témoins.

>Le roi et la famille royale conduits prisonniers par l'autorité des décrets de l'assemblée nationale; le monarque gardé dans son palais par des soldats qui ne sont point à ses ordres; la famille royale confiée à une garde sur laquelle le roi n'a aucun pouvoir; le droit de présider à l'éducation de l'héritier présomptif du trône, enlevé à celui qui, en qualité de père et de roi, avait le droit le plus certain et l'obligation la plus étroite de la diriger; enfin le monarque, dont l'inviolabilité était prononcée, même par la nouvelle constitution, suspendu par un décret de l'exercice de son autorité. Voilà le spectacle déchirant sur lequel nous gémissons avec tous les bons Français, et voilà les trop faciles et trop funestes conséquences d'une première atteinte portée à ce principe fondamental et sacré.

>Et, nous devons le dire, puisque nous sommes réduits à rappeler le décret même contre lequel nous avons réclamé et contre lequel nous réclamons encore plus aujourd'hui, il n'est aucune de ces mesures qui ne fût proscrite d'avance par la constitution, au nom de laquelle elles sont prises. La personne sacrée du roi était déclarée inviolable: un seul cas avait été prévu, où, contre tous les principes essentiels à la monarchie, on croyait pouvoir faire cesser cette inviolabilité. Ce cas même n'est pas arrivé, et

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cependant le roi est traîné comme un criminel dans sa capitale, on le constitue prisonnier dans son palais, on le dépouille de sa prérogative. Ainsi, après avoir porté atteinte à l'inviolabilité du roi par les décrets, on les annule pour achever de la détruire.

>Au milieu de ces outrages faits au monarque, à son auguste famille, et dans leur personne à la nation entière, qu'est devenue la monarchie? Les décrets de l'assemblée nationale ont réuni en elle le pouvoir royal tout entier : le sceau de l'État a été déposé sur son bureau; ses décrets sont rendus exécutoires sans avoir besoin de sanction; elle donne des ordres directs à tous les agens du pouvoir exécutif; elle fait prêter en son nom des sermens dans lesquels les Français ne retrouvent plus même le nom de leur roi; des commissaires qui ont reçu leur mission d'elle seule parcourent les provinces pour recevoir les sermens qu'elle exige, et donner des ordres à l'armée: ainsi, du moment où l'inviolabilité de la personne sacrée du monarque a été anéantie, la monarchie a été détruite, l'apparence même de la royauté n'existe plus: un intérim républicain lui est substitué.

>Loin de tous ceux qui connaissent les règles de notre conduite (et nous osons croire qu'il est bien peu de Français qui ne les apprécient) l'idée que nous avons pu concourir à ces décrets. Ils contristent nos âmes autant qu'ils s'éloignent de nos principes. Jamais nous n'avons senti avec plus de douleur la rigueur de nos devoirs, jamais nous n'avons gémi davantage sur les fatales conséquences que l'on tire de la mission dont nous sommes chargés, que lorsqu'il nous a fallu rester les témoins d'actes qui n'étaient à nos yeux que des attentats coupables; que lorsque ceux de nous qui sont le plus souvent notre organe, devenus timides pour la première fois, ont été forcés de se condamner au silence, pour ne pas faire partager à une cause sacrée la défaveur dont on a si bien su nous investir.

>Sans doute, si nous ne consultions que les règles communes ; si nous cédions à l'horreur que nous inspire l'idée de laisser croire que nous approuvons par notre présence des décrets auxquels nous sommes si opposés, nous fuirions sans retour; nous

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