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blait que ce fût un blasphème à leurs yeux. Cette répugnance pour le nom d'un état où l'on est, paraît bien singulière aux yeux du philosophe ! Cette singularité n'est que le fruit d'un secret calcul.

Brissot transcrit après cela un article de la Bouche de fer, où le fédéralisme est encore plus explicite que dans l'extrait du Journal des Clubs, cité plus haut. Cet article dit qu'il ne faut ni roi, ni protecteur, ni régent; qu'il est temps d'en finir avec les mangeurs d'hommes de toute espèce. « Que les 83 départemens se confédèrent et déclarent qu'ils ne veulent ni tyrans, ni monarques, ni protecteurs, ni régens, qui sont des ombres de Foi aussi funestes à la chose publique que l'ombre du Bohon Upas, qui est mortelle. Eu nommant un régent, la guerre civile s'allume, et l'on combattra bien plutôt pour un maître de son choix que pour la liberté. › (Patriote français, 25 juin.)

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La bibliographie du mois nous fournit la première mention que nous ayons encore eu à faire d'un jeune homme destiné à de grandes fonctions. Le Moniteur du 23 juin rend compte d'un livre intitulé: Esprit de la révolution, et de la constitution de France, par Louis Léon de Saint-Just, électeur du département de l'Aisne.

Nous terminerons nos extraits de la presse par la lettre suivante que fit insérer dans presque tous les journaux Louis Philippe d'Orléans; elle était adressée au journal l'Assemblée nationale.

‹ Ayant lu, Monsieur, dans votre journal, no DCLXXXIX, votre opinion sur les mesures à prendre, d'après le retour du roi, et tout ce que vous a dicté sur mon compte votre justice et votre impartialité, je dois vous répéter ce que j'ai déclaré publiquement, dès le 21 et le 22 de ce mois, à plusieurs membres de l'assemblée nationale, que je suis prêt à servir ma patrie sur terre, sur mer, dans la carrière diplomatique, en un mot, dans tous les postes qui n'exigeront que du zèle et un dévoûment sans bornes au bien public; mais que s'il est question de régence, je renonce dans ce moment, et pour toujours, aux droits que la cons

titution m'y donne. J'oserai dire qu'après avoir fait tant de sacrifices à l'intérêt du peuple et à la cause de la liberté, il ne m'est plus permis de sortir de la classe de simple citoyen, où je ne me suis placé qu'avec la ferme résolution d'y rester toujours, et que l'ambition serait en moi une inconséquence inexcusable. Ce n'est point pour imposer silence à mes détracteurs que je fais cette déclaration; je sais trop que mon zèle pour la liberté nationale, pour l'égalité qui en est le fondement, alimenterait toujours leur haine contre moi ; je dédaigne leurs calomnies: ma conduite en prouvera constamment la noirceur et l'absurdité; mais j'ai dû déclarer dans cette occasion mes sentimens et mes résolutions irrévocables, afin que l'opinion publique ne s'appuie pas sur une fausse base dans ses calculs et ses combinaisons relativement aux nouvelles-mesures que l'on pourrait être forcé de prendre.

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La séance du 22 fut vivement agitée à l'occasion de l'adresse des Cordeliers à l'assemblée nationale. Voici cette adresse; nous en avons pris le texte dans le tome 6, p. 181, de l'Orateur du peuple.

« Nous étions esclaves en 1789; nous nous étions crus libres en 1790; nous le sommes à la fin de juin 1791. Législateurs, vous aviez distribué les pouvoirs de la nation que vous représentez ; vous aviez investi Louis XVI d'une autorité démesurée; vous aviez consacré la tyrannie en l'instituant roi inamovible, inviolable et héréditaire; vous aviez consacré l'esclavage des Français en déclarant que la France était une monarchie.

› Les bons citoyens ont gémi; les opinions se sont choquées avec véhémence; mais là loi existait, et nous lui avions obéi: nous attendions notre salut du progrès des lumières et de la philosophie.

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› Ce prétendu contrat entre une nation qui donne tout, et un individu qui ne fournit rien, semblait devoir être maintenu; et jusqu'à ce que Louis XVI eût été traître et ingrat, nous croyions ne pouvoir imputer qu'à nous-mêmes d'avoir gâté notre propre

ouvrage.

› Mais les temps sont changés. Elle n'existe plus cette prétendue convention d'un peuple avec son roi; Louis a abdiqué la royauté; désormais Louis n'est plus rien pour nous, à moins qu'il ne devienne notre ennemi.

Nous voilà donc au même état où nous étions après la prise de la Bastille: libres et sans roi. Reste à savoir s'il est avantageux d'en nommer un autre.

› La société des Amis des droits de l'homme pense qu'une nation doit tout faire ou par elle ou par des officiers amovibles et de son choix; elle pense qu'aucun individu dans l'État ne doit raisonnablement posséder assez de richesses, assez de prérogatives pour pouvoir corrompre les agens de l'administration politique; elle pense qu'il ne doit exister aucun emploi dans l'État, qui ne soit accessible à tous les membres de l'État; elle pense enfin que plus un emploi est important, plus sa durée doit être courte et passagère. Pénétrée de la vérité et de la grandeur de ces principes, elle ne peut donc plus se dissimuler que la royauté, que la royauté héréditaire surtout, est incompatible avec la liberté. Telle est son opinion: elle en est comptable à tous les Français.

> Elle prévoit qu'une telle proposition va faire lever une légion de contradicteurs; mais la déclaration des droits elle-même n'at-elle pas éprouvé des contradictions? Quoi qu'il en soit, cette question est assez importante pour mériter une discussion sérieuse de la part des législateurs. Déjà ils ont manqué une fois la révolution, par un reste de condescendance pour le fantôme de la royauté ; il a disparu ce fantôme : agissons donc sans crainte et sans terreur, et tâchons de ne pas le faire revivre.

› La société des Amis des droits de l'homme et du citoyen n'aurait peut-être pas de si tôt demandé la suppression de la

T. X.

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royauté, si le roi, fidèle à ses sermens, s'en fût fait un devoir; si les peuples, toujours dupes de cette institution funeste au genre humain, n'eussent enfin ouvert leurs yeux à la lumière ; mais aujourd'hui que le roi, libre de garder la couronne, l'a volontairement abdiquée; aujourd'hui que la voix publique s'est fait entendre, aujourd'hui que tous les citoyens sont désabusés, nous nous faisons un devoir de servir d'organe à leur intention, en demandant instamment et à jamais la destruction de ce fléau de la liberté.

› Législateurs, vous avez une grande leçon devant les yeux; songéz qu'après ce qui vient de se passer, il est impossible que vous parveniez à inspirer au peuple aucun degré de confiance dans un fonctionnaire appelé roi ; et d'après cela, nous vous conjurons, au nom de la patrie, ou de déclarer sur-le-champ que la France n'est plus une monarchie, qu'elle est une république; ou au moins, d'attendre que tous les départemens, que toutes les assemblées primaires aient émis leur vœu sur cette question importante, avant de penser à réplonger une seconde fois le plus bel empire du monde dans les chaînes et dans les entraves du monarchisme (1). »

SEANCE.-M. Robert.

Vous avez envoyé six commissaires à la section de Saint-Roch, où j'étais détenu : je viens, en vous faisant mes remercimens, vous faire part des motifs de ma détention :

« J'étais à quatre heures au club des Cordeliers: je fus envoyé avec deux autres membres du club, pour porter à la société fraternelle une adressé pour demander la destruction de la monarchie. (Des cris d'improbation s'élèvent de toutes parts.)

(1) L'assemblée nationalé avait aussi reçu une lettre de 30 jeunes gens qui, prenant le titre collectif de Mucius-Scévola, demandent la mise en accusation de Louis XVI, l'arrestation de la Fayette et de Bailly, et ils sommaient le président de lire leur pétition à l'assemblée « s'il ne voulait pas être compté lui-même au nombre des tyrans et grossir leur liste d'une victime de plus. » Cette lettre fut communiquée au club des Cordeliers avec un billet d'envoi. Signé, LEBRUN. Le P. S. de ce billet déclare que la société des Mucius-Scévola (tyrannicides) est secrète. (L'Orateur du peuple, tome 6, p. 423.)

M. Boutidoux. Sur le début du préopinant, j'ai l'honneur de vous observer que vous êtes les Amis de la constitution, et que la monarchie est dans la constitution. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.» (L'assemblée, consultée sur l'ordre du jour, se lève tout entière.)

M. Gorguereau. Messieurs, sans nous appesantir sur l'objet de l'adresse des Cordeliers, je déclare, moi, que je la regarde comme une scélératesse. (On applaudit.)

M. Chépy. Je crois devoir, monsieur le préopinant, vous engager à vouloir bien ménager vos expressions. › (Quelques applaudissemens murmures violens. M. Boutidoux demande à parler contre M. le président.)

M. Chépy. M. Boutidoux demande la parole contre moi; je vous prie, Messieurs, de vouloir bien lui prêter le plus grand silence.

M. Boutidoux. S'il était possible qu'au milieu du tumulte qui règne dans cette séance, un président pût conserver entiè rement sa présence d'esprit, je demanderais que M. le président fût rappelé à l'ordre pour avoir émis un sentiment sans avoir préalablement consulté l'assemblée. Je me borne à demander à cette occasion qu'aucune députation de Cordeliers ne soit admise ici qu'ils n'aient rétracté cette adresse.» (On applaudit. M. Gorguereau monte à la tribune.)

M. Danton. « Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur ce que M. Gorguereau peut dire touchant l'objet qui l'amène à la tribune. >

M. Gorguereau. Ce n'est qu'avec un extrême regret que je me suis servi de l'expression dure que je viens d'employer; mais si je voulais exprimer toute l'indignation que m'a inspirée, ainsi qu'elle l'a fait à tout bon citoyen, la pétition des Cordeliers, j'ayoue que je ne saurais laquelle employer qui ne fût au-dessous de la vérité, et je crois que lorsque la société semble adopter pour principe d'accorder la plus grande latitude à des écrits tels que ceux de Marat, il serait bien étonnant qu'elle trouvât quel

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