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de cette place. Desmeuniers expose des raisons pour n'en pas exclure les députés ; il ajoute, au reste, que le comité n'a pris aucune décision. Buzot, Garat aîné, Lavigne, Foucault, Prieur et Tronchet pensent qu'il y a incompatibilité. Rewbell, Dédelay, Toulongeon et Vernier soutiennent l'opinion contraire. A la suite d'observations de Desmeuniers, Pétion insiste pour l'inéligibilité des députés à la place de gouverneur du dauphin. Elle est décrétée à une grande majorité. Adoption, à la suite, des quatre premiers articles du projet. Loys combat l'article 5, qui met sous les ordres du gouverneur toutes les personnes attachées au même prince; il réclame l'intervention du roi dans la nomination de ces personnes et la surveillance à exercer sur elles. Desmeuniers convient que cette question est d'une grande sagesse, et que le comité l'a laissée indécise jusqu'à ce qu'il s'occupât des bases de l'éducation de l'héritier présomptif. Lavigne appuie l'article du projet. Goupil et Dandré demandent le renvoi au comité. L'assemblée décrète l'ajournement. Noailles annonce une députation de Givet, et rend compte des sacrifices faits par la garnison pour accélérer les travaux de la place. (Nombreux applaudissemens.) — Baudouin dénonce et désavoue un prétendu interrogatoire du roi, circulant avec une fausse indication de l'imprimerie de l'assemblée nationale; il demande l'insertion de son désaveu au procès-verbal. Martineau appuie cette demande et propose de plus de faire informer par l'accusateur-public. Buzot fait ajouter: Attendu qu'il s'agit d'un faux. Ces propositions sont décrétées.

Le garde-des-sceaux fait connaître une lettre de Duveyrier qui a été reçu avec égards par le prince de Condé, et qui le suit à Coblentz pour attendre sa réponse.

SÉANCE DU 28 AU SOIR.

Adresse de la municipalité de Dunkerque annonçant la fuite des officiers de Colonel-Général et de quelques-uns de Viennois. Lettre de Déon au régiment pour l'inviter à rejoindre ses officiers à Furnes. Renvoi au comité des recherches. Adresse du dé

partement du Nord. Serment civique de députations nom

breuses de gendarmes nationaux. - Des députés des communes de Givet et de Charlemont rendent compte des dispositions des citoyens et du patriotisme des soldats; ils prêtent le nouveau

serment.

SÉANCE DU 29 JUIN.

Renvoi au comité des recherches d'une lettre de la municipalité de Quillebœuf, annonçant l'arrestation de huit cent dixsept marcs d'argent. - Dambly annonce la violation de ses propriétés.-Au nom du comité de constitution, Duport propose de décréter une fédération générale pour le 4 août, époque de cette nuit célèbre où tous les abus tombèrent avec le système féodal, afin de consacrer la preuve de l'attachement des Français à la constitution. Buzot pense que ce projet n'est bon à rien; il demande qu'on se borne à lever le décret qui suspend la nomination des députés. Dandré croit qu'il serait très-impolitique de convoquer les électeurs dans un moment où les assemblées sont travaillées afin de revenir sur la constitution; il prétend qu'on ne peut se sauver que par la réunion la plus complète, parce qu'on ignore quelles seront les suites de la fuite du roi, et si l'on n'aura pas à soutenir une guerre étrangère. Camus appuie la proposition de Buzot, et rejette le projet du comité, comme annonçant de l'incertitude et de la défiance. Desmeuniers développe les motifs de ce projet. Pétion le trouve puéril, inutile et dangereux. Chapelier invoque la question préalable sur toutes les propositions. Elles sont successivement rejetées. -Des gardes nationaux, qui ont accompagné, le roi à son retour, sont admis et renouyellent le serment civique.

SÉANCE DU 30 JUIN.

Vernier fait adopter plusieurs articles d'un projet relatif à l'organisation intérieure de la trésorerie nationale. - Décret sur le rapport de Menou, pour que le premier drapeau de chaque régiment, tant d'infanterie que de cavalerie, porte désormais les trois couleurs nationales, ainsi que toutes les cravates des drapeaux, étendards ou guidons.

La séance est terminée par la lecture suivante.

T. X.

26

[M. le président. Je viens de recevoir un paquet contenant deux lettres adressées, l'une au président de l'assemblée nationale, et l'autre à l'assemblée. Elles sont de M, Bouillé. La lettre qui m'est adressée est ainsi conçue M. le président, je vous envoie, ci-joint, une lettre pour l'assemblée nationale; je la crois assez intéressante pour vous engager à la mettre sous ses yeux.› Signé, le marquis de Bouillé.

M. Biauzat.C'est une lettre fort insolente. (Plusieurs voix de la partie gauche : C'est égal, il faut la lire.)

M. le président. Je n'y ai jeté qu'un coup-d'œil, et j'ai vu qu'elle contenait les expressions les plus vives. (Les mêmes voix: Qu'importe, lisez toujours.)

Luxembourg, 26 juin.

Le roi vient de faire un effort pour briser ses fers; une destinée aveugle à laquelle les empires sont soumis, en a décidé autrement; il est encore votre captif. Ses jours ainsi que ceux de la reine, sont, et j'en frémis, à la disposition d'un peuple que vous avez rendu féroce, et qui est devenu l'objet du mépris de l'univers. Il est intéressant pour le roi, pour vous, pour ce que vous appelez la nation, pour moi, que le grand objet qui devait être le résultat de cette démarche soit conflu; il est important que l'on sache que le roi ne cherchait que de salut d'un peuple injuste et cruel. Dégagé maintenant de tous les liens qui m'atta chaient à vous, je vais vous parler le langage de la vérité que vous n'entendrez pas, sans doute. Le roi était devenu le prisonnier de son peuple attaché à mon souverain, quoique détestant les abus résultant d'une autorité trop étendue, je gémissais de la frénésie du peuple, je blâmais vos opérations; mais j'espérais qu'enfin les méchans seraient confondus, que l'anarchie finirait, et que nous aurions un gouvernement au moins supportable. Mon attachement pour le roi et pour la patrie m'a donné assez de courage pour supporter l'humiliation de communiquer avec vous. J'ai vu que l'esprit de faction dominait, que les uns voulaient la guerre civile, que les autres voulaient une république, et que dans ce dernier parti était M. la Fayette.

Des clubs se sont établis pour détruire l'armée, et la populace n'a plus été dirigée que par la cabale et l'intrigue. Le roi étant sans forces et même sans considération, l'armée sans chefs et sans autorité, ce fut alors que je proposai au roi et à la reine de sortir de Paris, persuadé que cela pouvait opérer un changement utile; ils s'y refusèrent, alléguant la promesse qu'ils avaient faite de ne pas se séparer de l'assemblée nationale. La journée du 28 février me donna lieu de renouveler mes instances; j'éprouvai le même refus. Le roi craignait le désordre et l'effusion dusang; la reine pensait de même.Je savais que toutes les puissances armaient contre la France, que le roi pouvait les arrêter, que les places étaient démantelées, que le papier ne pouvait suppléer à la disette du numéraire, et que le peuple ne tarderait pas à se jeter dans les bras du roi, pour le supplier d'arrêter les malheurs dont il était menacé. Après les obstacles qui furent mis au voyage de Saint-Cloud, le 18 avril, je lui fis envisager qu'il ne lui restait que ce seul parti pour sauver la France; il se décida enfin, et résolut d'aller à Montmédy, concevant le projet d'annoncer aux puissances étrangères le motif de sa démarche, et de faire en sorte de suspendre leur vengeance (on rit dans toute la partie gauche), jusqu'à ce qu'une nouvelle assemblée, qu'il aurait convoquée sur-le-champ, leur eût donné la satisfaction qu'elles devaient attendre. Il devait faire paraître une proclamation pour ordonner la convocation d'une législature avec des cahiers et des mandats impératifs, et devenir ainsi le médiateur entre les puissances étrangères et son peuple. (On entend de nouveaux éclats de rire dans la partie gauche.)

Le peuple, placé entre la crainte de voir le territoire français envahi et le rétablissement de l'ordre, aurait confié ses intérêts à des hommes sages qui auraient enfin réprimé les crimes sortis du despotisme populaire, et auraient rétabli le règne de la raison, à la lueur du flambeau de la liberté; c'est cette belle idée qui a engagé le roi à se soustraire à la vigilance de M. la Fayette et de ses satellites. Croyez-moi, tous les princes de l'univers reconnaissent qu'ils sont menacés par le monstre que vous avez

enfanté, et bientôt ils fondront sur notre malheureuse patrie, car je ne puis m'empêcher de la reconnaître encore. Je connais nos forces: toute espèce d'espoir est chimérique, et bientôt votre châtiment servira d'exemple mémorable à la postérité; c'est ainsi que doit vous parler un homme auquel vous avez d'abord inspiré la pitié. N'accusez personne du complot contre votre infernale constitution; le roi n'a pas fait les ordres qu'il a donnés ; c'est moi seul qui ai tout ordonné; c'est contre moi seul que vous devez aiguiser vos poignards et préparer vos poisons. Vous répondez des jours du roi et de la reine à tous les rois de l'univers: si on leur ôte un cheveu de la tête, il ne restera pas pierre sur pierre à Paris. (On rit.... On rit.... On rit.) Je connais les chemins; je guiderai les armées étrangères. Cette lettre n'est que l'avant-coureur du manifeste des souverains de l'Europe; ils vous avertiront d'une manière plus prononcée de la guerre que vous avez à craindre. Adieu, Messieurs.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.]

Presse et club des Jacobins.. (Du 22 au 30.)

Nous ne savons sur quelle autorité M. Thiers, dans son Histoire de la Révolution, a dit du retour du roi : « Le voyage était lent, parce que la voiture suivait le pas des gardes nationales. Il dura huit jours de Varennes à Paris. › (T. 1, p. 520.) Le roi fut arrêté le 21, à onze heures du soir; le 25, il rentrait aux Tuileries, à six heures et demie du soir. (1)

Nous allons emprunter aux journaux les détails intéressans de ce voyage:

Desmoulins explique ainsi la cause de l'arrestation du roi: A quoi tiennent les grands événemens! A Sainte-Menehould. Ce nom rappelle à notre Sancho-Pança couronné les fameux pieds

(1) Nous aurions beaucoup d'inexactitudes du même genre à relever dans l'histoire de M. Thiers; nous en ferons l'objet d'une préface.

(Note des auteurs.)

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