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jusqu'à présent impunies; j'ai cru dès-lors qu'il n'y avait pas de sûreté, ni même de décence pour moi de rester à Paris.

J'ai désiré en conséquence de quitter cette ville. Ne le pouvant faire publiquement, j'ai résolu de sortir de nuit et sans suite: jamais mon intention n'a été de sortir du royaume ; je n'ai eu aucun concert sur cet objet ni avec les puissances étrangères, ni avec mes parens, ni avec aucun des autres Français sortis da royaume.

Je pourrais donner pour preuve de mon intention, que des lo gemens étaient préparés à Montmédy pour me recevoir, ainsi que ma famille. J'avais choisi cette place, parce qu'étant fortifiée, ma famille y aurait été en sûreté, et qu'étant près de la frontière, j'aurais été plus à portée de m'opposer à toute espèce d'invasion dans la France, si on avait voulu en tenter quelqu'une, et de me porter moi-même partout où j'aurais pu croire qu'il y avait quelque danger. Enfin, j'avais choisi Montmedy comme le premier point de ma retraite, jusqu'au moment où j'aurais trouvé à propos de me rendre dans telle autre partie du royaume qui m'aurait paru convenable.

Un de mes principaux motifs, en quittant Paris, était de faire tomber l'argument qu'on tirait de ma non-liberté; ce qui pouvait fournir une occasion de troubles.

Si j'avais eu intention de sortir du royaume, je n'aurais pas publié mon mémoire le jour même de mon départ, mais j'aurais attendu d'être hors des frontières.

Je conservais toujours le désir de retourner à Paris, et c'est dans ce sens qu'on doit entendre la dernière phrase de mon mémoire dans lequel il est dit : Français, et vous surtout Parisiens, quel plaisir n'aurais-je pas à me trouver au milieu de vous!

Je n'avais dans ma voiture que 13,200 liv. en or, et 56,000 liv. en assignats, contenus dans le portefeuille qui m'a été renvoyé par le département.

Je n'ai prévenu Monsieur de mon départ que peu de temps auparavant ; il n'a passé dans le pays étranger que parce qu'il avait

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été convenu entre lui et moi que nous ne suivrions pas la même route; et il devait revenir en France auprès de moi.

J'avais fait donner des ordres peu de jours avant mon départ aux trois personnes qui m'accompagnaient en courriers, de se faire faire des habits de courriers, parce qu'ils devaient être envoyés porter des dépêches. Ce n'est que la veille que l'un d'eux a reçu verbalement mes ordres..

Le passeport était nécessaire pour faciliter mon voyage; il n'a été indiqué pour un pays étranger que parce qu'on n'en donne pas au bureau des affaires étrangères pour l'intérieur du royaume; et la route indiquée pour Francfort n'a pas même été suivie dans le voyage.

Je n'ai jamais fait aucune autre protestation que dans le mémoire que j'avais laissé à mon départ.

Cette protestation même ne porte pas, ainsi que le contenu au mémoire l'atteste, sur le fond des principes de la constitution, mais sur la forme des sanctions, c'est-à-dire sur le peu de liberté dont je paraissais jouir, et sur ce que les décrets n'ayant pas été présentés en masse, je ne pouvais pas juger de l'ensemble de la constitution : le principal reproche qui est contenu dans ce mémoire, se rapporte aux difficultés dans les moyens d'administration et d'exécution.

J'ai reconnu dans mon voyage que l'opinion publique était décidée en faveur de la constitution. Je n'avais pas cru pouvoir connaître pleinement cette opinion publique à Paris ; mais dans ; les notions que j'ai recueillies personnellement dans ma route, je me suis convaincu combien il était nécessaire, même pour le soutien de la constitution, de donner de la force aux pouvoirs établis pour maintenir l'ordre public.

Aussitôt que j'ai reconnu la volonté générale, je n'ai point hésité, comme je n'ai jamais hésité de faire le sacrifice de ce qui m'est personnel, pour le bonheur de mon peuple, qui a toujours été l'objet de mes désirs.

J'oublierai volontiers tous les désagrémens que je peux avoir essuyés, pour assurer la paix et la félicité de la nation.

Le roi, après avoir fait lecture de la présente déclaration, a observé qu'il avait omis d'ajouter que la gouvernante de son fils, et les femmes de la suite, n'ont été averties que peu de temps avant son départ. Et le roi a signé avec nous.

Signé, LOUIS, TRONCHET, Adrien Duport, Dandré.

Déclaration de la reine.

Cejourd'hui lundi 27 juin 1791, nous, François-Denis Tronchet, Adrien-Jean-François Duport, et Antoine-Balthasar-Joseph Dandré, commissaires nommés par l'assemblée nationale pour l'exécution de son décret d'hier, ledit décret portant que « l'assemblée nationale nommera trois commissaires pris dans son sein pour recevoir par écrit de la bouche du roi sa déclaration, et qu'il en sera usé de même pour la déclaration de la reine.> Nous étant réunis au comité de constitution, nous en sommes partis à dix heures et demie du matin, pour nous rendre au château des Tuileries, où étant, nous avons été introduits dans la chambre de la reine, et seuls avec elle, la reine nous a fait la déclaration suivante :

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Je déclare que le roi désirant partir avec ses enfans, rien dans la nature n'aurait pu m'empêcher de le suivre ; j'ai assez prouvé depuis deux ans, dans plusieurs circonstances, que je ne le quitterais jamais.

Ce qui m'a encore plus déterminée, c'est l'assurance positive que j'avais que le roi ne voudrait jamais quitter le royaume. S'il en avait eu le désir, toute ma force aurait été employée pour l'en empêcher.

La gouvernante de mon fils, qui était malade depuis cinq semaines, n'a reçu les ordres que dans la journée du départ; elle ignorait absolument la destination du voyage; elle n'a emporté avec elle aucune espèce de hardes; j'ai été obligée moi-même de lui en prêter.

Les trois courriers n'ont pas su la destination, ni le but du voyage. Sur le chemin on leur donnait l'argent pour payer les chevaux, et ils recevaient l'ordre pour la route.

Les deux femmes de chambre ont été averties dans l'instant même du départ ; et l'une d'elles, qui a son mari dans le château, n'a pas pu le voir avant de partir.

Monsieur et Madame devaient venir nous rejoindre en France, et ils n'ont passé dans les pays étrangers que pour ne pas embarrasser et faire manquer de chevaux sur la route.

Nous sommes sortis par l'appartement de M. Villequier, en prenant la précaution de ne sortir que séparément et à diverses reprises.

Et après avoir fait lecture à la reine de la présente déclaration, elle a reconnu qu'elle était conforme à ce qu'elle nous avait dit ; et elle a signé avec nous.

Signé, MARIE-ANTOINETTE, TRONCHET,
Adrien DUPORT, Dandré.]

Les autres séances relatives à la fuite du roi, offrent assez peu d'intérêt pour ne pas être données textuellement. Toutefois, pour l'intégrité du fait parlementaire, nous en donnerons le sommaire.

SÉANCE DU 27 AU SOIR.

Les commissaires des guerres prêtent, à la barre, le serment exigé des fonctionnaires militaires. Députation des élèves en chirurgie; discours de Martin, ch'rurgien-major, orateur. Adresse des sous-officiers et soldats du 12e régiment, ci-devant d'Artois ; ils déclarent qu'ils n'ont aucune confiance en leurs officiers nobles, et envoient le procès-verbal de la démission du capitaine-commandant Bataille et de divers autres officiers nobles. -Adresses des départemens de la Côte-d'Or, du Jura, du BasRhin, de la ville d'Eu, de Villeneuve-l'Archevêque, des municipalités de Bar-sur-Aube, Huningue, Villepreux, Saint-Dizier, des citoyens de Provins, de Lyon, du département de la Manche et du district de Sedan. Cette dernière annonce l'arrestation de trois officiers de Royal-Allemand. Prieùr fait décréter qu'ils seront transférés à Paris, ainsi que Damas, Choiseul et Floriac.Adresses du district de Rennes, des départemens de la Mayenne et d'Eure-et-Loir, de la commune d'Amiens, du district d'Arras,

d'Alençon, de la municipalité de Langres, du département de la Haute-Vienne, des districts de Longwy, d'Amiens et de Joigny. -L'assemblée primaire de Beaugency annonce qu'elle s'est réu nie au cri de vive la nation, la loi et l'assemblée nationale! et qu'elle a supprimé le roi de ses sermens. Le district de Montmédy donne différens détails sur les opérations et préparatifs de Bouillé et de Klinglin. Renvoi au comité des recherches et des rapports des procès-verbaux joints à cette adresse. Sur les observations de Muguet, l'assemblée rapporte le décret qu'elle avait rendu pour la translation à Paris, des officiers arrêtés à Verdun et à Sedan, — Le département de la Moselle annonce que Bouillé avait fait préparer des logemens pour le roi dans l'abbaye d'Orval.

SÉANCE DU 28 JUIN.

Biron, Boullé et Alquier, commissaires dans les départemens du Nord, du Pas-de-Calais et de l'Aisne, rendent compte de leurs opérations; ils demandent que l'assemblée se hâte de prescrire les formalités du serment militaire, et annoncent l'émigration d'un grand nombre d'officiers. - Décret, sur le rapport de Fréteau, pour interdire la sortie du royaunie, sauf les exceptions déterminées. Poulain-Bouttancourt communique une lettre du département des Ardennes et différentes pièces relatives à l'arrestation de Mandin, lieutenant-colonel du régiment de Royal-Allemand, et à celle d'un capitaine et d'un sous-lieutenant. Renvoi aux comités.

Le roi invite, par un billet, les commissaires qui ont reçu sa déclaration, à passer chez lui. Sur la demande de Tronchet, l'assemblée les y autorise.- Décret, sur le rapport de Larochefoucault, pour le paiement des contributions. - Tronchet rend compte de la nouvelle entrevue des commissaires avec le roi ; elle avait pour objet, de la part de celui-ci, de faire connaître les ordres qu'il avait donnés à Bouillé. - Desmeuniers propose un décret pour l'exécution de celui du 25, relatif à la nomination d'un gouverneur pour le dauphin. Defermont demande au rapporteur si les membres de l'assemblée ne doivent point être exclus

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